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Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 27 février 2025, n° 20/03233

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Domofinance (SA)

Défendeur :

Evosys (SAS), Groupe DBT (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

M. Bruey, Mme Franco

Avocats :

Me Ramahandriarivelo, Me Chareau, Me Leboucher

TJ Montpellier, du 7 juill. 2020, n° 11-…

7 juillet 2020

FAITS ET PROCÉDURE

1- Dans le cadre d'un démarchage à domicile et selon bon de commande accepté le 28 juillet 2017, Mme [W] [C] a confié à la SARL DBT Pro la pose et la mise en service d'un onduleur de type TL2 sous son installation photovoltaïque.

2- Elle a parallèlement souscrit ce jour par l'intermédiaire du Groupe DBT un contrat de crédit d'un montant de 8 260 € auprès de la SA Domofinance destiné au financement de cette prestation.

3- Le 25 août 2017, l'onduleur a été livré et installé. Sur ce fondement, la société Domofinance a procédé au déblocage des fonds.

4- Le 28 juin 2018, par courrier recommandé avec avis de réception, Mme [C] a informé le Groupe DBT et la société Domofinance de la mise en oeuvre de son droit de rétractation demandant l'annulation de son bon de commande et du crédit, et les a mis en demeure de lui communiquer plusieurs documents.

5- Le 10 juillet 2018, par courrier, la société Domofinance a fait part à Mme [C] de son refus d'annulation du contrat de crédit affecté.

6- C'est dans ce contexte que par actes d'huissier de justice délivrés les 1er et 3 août 2018 Mme [C] a fait assigner la SARL Groupe DBT et la société Domofinance principalement aux fins de voir ordonner la nullité du contrat de vente et de prêt affecté.

Par acte d'huissier du 21 novembre 2018, Mme [C] a fait assigner la SAS Evosys, venant aux droits de la SARL Groupe DBT, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Me [U] [N].

7- Par jugement contradictoire, rendu sous le bénéfice de l'exécution provisoire, en date du 7 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

Prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 28 juillet 2017 entre Mme [C] et la société Groupe DBT dont la SAS Evosys, prise en la personne du mandataire liquidateur, Me [N], vient aux droits ;

Prononcé la nullité consécutive du contrat de prêt conclu le 28 juillet 2017 entre Mme [C] et la SA Domofinance ;

Condamné la SA Domofinance à rembourser à Mme [C] l'ensemble des sommes versées par elle au titre du prêt n°44570035959001 ;

Privé la SA Domofinance de tout droit à remboursement contre Mme [C] au titre du capital, des frais et accessoires du prêt n°44570035959001 et dit que la SA Domofinance devra agir contre la SAS Evosys ;

Rejeté la demande de prise en charge du coût des travaux de remise en l'état par la SA Domofinance et la SAS Evosys, prise en la personne du mandataire liquidateur Me [N], venant aux droits de la société Groupe DBT ;

Condamné solidairement la SAS Evosys, prise en la personne du mandataire liquidateur Me [N], venant aux droit de la société Groupe DBT et la SA Domofinance à payer à Mme [C] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné in solidum la SAS Evosys, prise en la personne du mandataire liquidateur Me [N], venant aux droits de la société Groupe DBT et la SA Domofinance aux entiers dépens ;

Rejeté le surplus des demandes.

8- Le 31 juillet 2020, la société Domofinance a relevé appel de ce jugement.

9- Par arrêt avant dire-droit du 12 septembre 2024, la cour de céans a ordonné la réouverture des débats à une audience ultérieure.

PRÉTENTIONS

10- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 22 novembre 2024, la société Domofinance demande à la cour, au visa des articles 9 du Code de procédure civile, 1315, 1134, 1147, 1184, 1338 du Code civil et L.221-18 et L.312-51 du Code de la consommation, de :

- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de prise en charge du coût des travaux de remise en état par la société Domofinance,

- Débouter Mme [C] de l'intégralité de ses moyens et demandes,

A titre subsidiaire, si la cour confirmait le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'ensemble contractuel,

- Débouter Mme [C] de ses demandes telles que dirigées contre la société Domofinance,

- La condamner à payer à la société Domofinance, au titre des remises en état et restitution du capital mis à disposition, la somme de 8 260 € avec déduction des échéances déjà versées,

Dans l'hypothèse infiniment subsidiaire d'une perte du prêteur de son droit à restitution envers l'emprunteur,

- Fixer au passif de la société Evosys la créance de restitution pour la somme de 8 260 € au bénéfice de la société Domofinance, au titre des remises en état antérieur sur résolution ou annulation des contrats interdépendants,

En toute hypothèse,

- Condamner Mme [C] à payer à la société Domofinance la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

11- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 8 novembre 2024, Mme [C] demande à la cour, au visa des articles L. 111-1 s. et L. 221-1 s. et L. 312-48 s. et L. 242-1 (EV 2016) du Code de la consommation et 1103 (avant 2016) du Code civil, de :

à titre principal :

- Confirmer le jugement du 7 juillet 2020 rendu par le Juge des Contentieux de la Protection près le Tribunal Judiciaire de Montpellier en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire :

- Ordonner la résolution du contrat de vente et de l'avenant conclus entre Groupe DBT et Mme [C] au titre de l'inexécution contractuelle imputable à Groupe DBT,

- Ordonner la résolution consécutive du contrat de prêt affecté conclu entre Mme [C] et la société Domofinance,

En conséquence,

- Condamner la société Domofinance à restituer toutes sommes d'ores et déjà versées par Mme [C] au titre de l'emprunt souscrit,

- Priver la société Domofinance de fait de tout droit à remboursement contre Mme [C] s'agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société Groupe DBT du fait des fautes commises par l'organisme de crédit,

- Condamner solidairement Me [N], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe DBT, et la société Domofinance à prendre en charge le coût des travaux remise en état, soit la somme de 495,00 € TTC,

- Si par extraordinaire la faute du prêteur n'était pas retenue, fixer la créance de Mme [C] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Evosys à la somme de 8 260 €, outre le coût du dépôt et de la remise en état et de la condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et priver rétroactivement la société Domofinance de son droit aux intérêts,

- Condamner solidairement Me [N], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe DBT, et la société Domofinance à payer à Mme [C] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre le paiement des entiers dépens,

très subsidiairement :

- Constater l'exercice du droit de rétractation de Mme [C] au titre du bon de commande signé avec Groupe DBT, affirmé dans une lettre recommandée adressée le 28 juin 2018 à la société requise,

- Dire et juger que le bon de commande n°14785 signé avec Groupe DBT est caduc,

- Dire et juger que le contrat de crédit affecté signé avec la société Domofinance est également de nul effet.

En conséquence,

- Condamner la société Domofinance à restituer toutes sommes d'ores et déjà versées par Mme [C] au titre de l'emprunt souscrit,

- Priver la société Domofinance de fait de tout droit à remboursement contre Mme [C] s'agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société Groupe DBT du fait des fautes commises par l'organisme de crédit,

- Condamner solidairement Me [N], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe DBT, et la société Domofinance à prendre en charge le coût des travaux remise en état, soit la somme de 495 € TTC,

- Si par extraordinaire la faute du prêteur n'était pas retenue, fixer la créance de Mme [C] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Evosys à la somme de 8 260 €, outre le coût du dépôt et de la remise en état et de la condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et priver rétroactivement la société Domofinance de son droit aux intérêts,

- Condamner solidairement Me [N], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe DBT, et la société Domofinance à payer à Mme [C] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.

12- Vu l'ordonnance du clôture du 26 novembre 2024.

13- La SARL Groupe DBT n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel a été signifiée suivant acte délivré le 24 septembre 2020 à Me [V], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL Groupe DBT, à personne habilitée.

La société Evosys n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel a été signifiée suivant acte délivré le 18 septembre 2020 à Me [N], es qualité de mandataire liquidateur de la société Evosys, à domicile. Les conclusions de la société Domofinance lui ont été signifiées suivant acte délivré le 3 novembre 2020, et le 29 janvier 2021 pour les conclusions de Mme [C].

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

14- Il n'est pas contesté que la réglementation relative aux contrats conclus hors établissement trouve à s'appliquer, le bon de commande ayant été signé au domicile de Mme [C] en présence du commercial de la société DBT Pro.

15- Au visa des articles L.221-5, L .111-1 et L. 111-2, L .221-9 et L. 242-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable, le bon de commande comprend, à peine de nullité, de nombreuses mentions, parmi lesquelles notamment les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix du bien ou du service, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

Il doit en outre comporter un bordereau de rétractation conforme aux prescriptions réglementaires, qui doit être facilement détachable et ne pas porter atteinte à l'intégrité physique du contrat.

16- La particularité du dossier réside dans la production aux débats de deux exemplaires du même bon de commande n°14785 qui ne comportent pas les mêmes mentions.

17- L'exemplaire original en liasse carbonée produit par Mme [C] révèle plusieurs cas de nullité flagrante, facilement décelables :

. absence de mention de la puissance de l'onduleur ;

. absence de mention du prix ;

. absence de délai de livraison ;

. un double formulaire de rétractation, l'un en bas du recto de la page 2, dont l'usage ampute le contrat de ses éléments fondamentaux que sont les signatures, l'autre en bas de page 3, dont l'usage est sans incidence sur l'intégrité physique du contrat puisque ne figure au verso que l'attestation simplifiée pour la détermination du taux de TVA.

18- La copie de l'exemplaire produit par Domofinance comporte pour sa part le délai de livraison, fixé au 28 septembre 2017, le montant HT, le taux de TVA applicable et le total TTC du prix de vente et le verso de la page 3 sur lequel figure le formulaire de rétractation. Il ne précise pas la puissance de l'onduleur et les mentions du contrat à cet égard ne peuvent être supplées par une documentation annexe que Mme [C] aurait reconnu avoir reçue.

19- Dans les relations vendeur/consommateur, la nullité du bon de commande est indiscutablement encourue au regard des causes multiples de nullité.

Cette nullité affecte la validité du contrat de crédit par voie susbéquente en application des dispositions de l'article L. 312-55 du code de la consommation.

20- Les parties au contrat de crédit sont alors rétablies dans leur état antérieur ; ainsi, la résolution du prêt consécutive à celle de la vente entraîne la restitution des prestations réciproques effectuées.

21- Il est de jurisprudence constante que l'emprunteur peut toutefois échapper à une telle restitution s'il parvient à démontrer

que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds, ou en s'abstenant de vérifier la régularité formelle du bon de commande, laquelle lui permet d'obtenir des dommages et intérêts venant se compenser avec le capital emprunté, le plus souvent exprimée sous la forme d'une privation du prêteur à son droit à restitution du capital.

22- Pour caractériser la faute du prêteur, Mme [C] soutient de première part que Domofinance a remis les fonds sur le vu d'un bon de commande comportant des irrégularités flagrantes qu'un organisme de financement spécialisé ne pouvait ignorer.

Quand bien même l'exemplaire produit par Domofinance diffère de celui produit par Mme [C], aucune cohérence du dossier ne permettant de soupçonner que Domofinance puisse être à l'origine des ajouts figurant sur l'exemplaire qui lui a été transmis, il n'en demeure pas moins qu'au moins une cause de nullité flagrante figurant sur l'exemplaire en sa possession était parfaitement décelable par Domofinance qui ne peut se réfugier derrière une documentation technique, au demeurant non produite, pour suppléer l'absence de mention de la puissance de l'onduleur qui influence directement le fonctionnement, la performance et la rentabilité de l'installation.

La faute de Domofinance est caractérisée en ce qu'elle n'a pas suffisamment vérifié la régularité formelle du bon de commande.

23- De seconde part, Mme [C] soutient la faute de Domofinance dans le déblocage des fonds, libérés de façon prématurée avant l'expiration du délai de rétractation qui ne courait qu'au jour de la livraison effectuée le 25 août 2017.

Le premier juge a justement caractérisé cette seconde faute puisque les fonds ont été libérés par Domofinance, selon les termes de son courrier du 10 juillet 2018, sur réception de la facture et de la fiche de réception des travaux émargée par Mme [C] le 25 août 2017.

En libérant 'sur réception' de ces documents, soit immédiatement, le prêteur a privé Mme [C] de la faculté d'exercer son droit de rétractation dans le délai de 14 jours qui en matière de contrat mixte de vente et de prestation de service court à compter de la réception du bien. C'est sans confusion avec le délai de rétractation de l'offre de crédit que le premier juge a pu statuer ainsi puisqu'il appartient au prêteur d'être particulièrement vigilant sur les modalités d'exercice de la faculté de rétractation par le consommateur dans le contrat principal, sa précipitation dans le déblocage des fonds privant le consommateur de la faculté d'en obtenir la restitution, particulièrement, comme en l'espèce, quand le fournisseur est placé en liquidation judiciaire.

24- La société Evosys, venant aux droits de la société DBT Pro ayant été placée en liquidation judiciaire, Mme [C], qui en droit n'est plus propriétaire de l'onduleur et ne pourra obtenir la restitution de la contrepartie de ce bien, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente annulé en lien de causalité avec la faute de la banque, qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal et a libéré les fonds entre les mains du vendeur de manière anticipée avant l'expiration du délai de rétractation.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a privé la société Domofinance de sa créance de restitution, ce dans son intégralité puisque Mme [C] n'est plus propriétaire du bien vendu, peu important qu'il soit ou non en état de fonctionnement et que le mandataire liquidateur le récupère ou non.

25- Il sera fait droit à la demande du prêteur de fixer à la procédure collective de la société Evosys la créance de restitution au titre des remises en état, soit la somme de 8 260 €, la nullité du contrat principal étant source de toutes les obligations de restitution.

26- Il n'y a pas lieu de condamner la société Domofinance à la remise en état mais de fixer au passif de la liquidation judiciaire le coût de 495€ TTC correspondant au devis du 22 mai 2018.

27- Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Domofinance supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par défaut,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Fixe au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Evosys la somme de 8 260 € au titre de la créance de la société Domofinance et celle de 495 € au titre de la créance de dépose et de remise en état de Mme [C].

Condamne la société Domofinance aux dépens d'appel.

Condamne la société Domofinance à payer à Mme [W] [C] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

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