CA Douai, 8e ch. sect. 1, 27 février 2025, n° 23/01977
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Domofinance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Benhamou
Vice-président :
M. Vitse
Conseiller :
Mme Ménegaire
Avocats :
Me Deffrennes, Me Foutry, Me Habib
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Dans le cadre d'un démarchage à domicile, Mme [Z] [X] veuve [S] a conclu avec la société FUTURA INTERNATIONALE selon bon de commande signé le 30 juin 2016 un contrat relatif à la fourniture et la pose d'une centrale photovoltaïque, comportant 12 modules solaires pour un prix de 21.500 euros.
Afin de financer cette installation, Mme [Z] [X] s'est vue consentir par la société DOMOFINANCE selon offre préalable acceptée en date du 30 juin 2016, un crédit d'un montant de 21.500 euros remboursable en 120 mensualités au taux d'intérêt contractuel de 4,83 % l'an.
Par jugement en date du 15 septembre 2021, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société FUTURA INTERNATIONALE, fixant la date de cessation des paiements au 8 juillet 2021 et désignant la SAS [U] es qualité de liquidateur.
Arguant de l'irrégularité du bon de commande, Mme [Z] [X] veuve [S] a, par actes des 25 juin 2021 et 31 janvier 2022, fait assigner en justice la société FUTURA INTERNATIONALE prise en la personne de son liquidateur, Maître [U], et la SA DOMOFINANCE en sollicitant notamment l'annulation des contrats de vente et de crédit affecté.
Par jugement réputé contradictoire en date du 6 avril 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dunkerque, a :
- ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 22/104 et RG 21/579 sous le seul numéro RG21/579,
- prononcé la nullité du contrat de vente signé le 30 juin 2016 entre Mme [Z] [X] veuve [S] et la société FUTURA INTERNATIONALE,
- constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la SA DOMOFINANCE et Mme [Z] [X] veuve [S] en date du 30 juin 2016 ,
- fixé à la somme de 13.000 euros l'indemnisation de la perte de chance due par la SA DOMOFINANCE a Madame [Z] [X] veuve [S],
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de crédit affecté conclu entre Mme [Z] [X] veuve [S] et la SA DOMOFINANCE le 30 juin 2016,
- dit que seule la somme de 8.500 euros sera due par Mme [Z] [X] veuve [S] au titre du remboursement du crédit affecté, déduction faite des intérêts et primes d'assurance, et de la somme d'indemnisation au titre de la perte de chance,
- dit que Mme [Z] [X] veuve [S] devra continuer à régler les mensualités telles que fixées selon contrat de crédit affecté jusqu'a parfait règlement de la somme de 8.500 euros, après déduction des mensualités déjà réglées,
- débouté Mme [Z] [X] de sa demande en paiement de la somme de 23.880,58 euros,
- débouté Mme [Z] [X] veuve [S] de ses demandes d'indemnisation au titre des préjudices financier et économique,
- condamné la SA DOMOFINANCE à payer à Mme [Z] [X] veuve [S] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral,
- condamné in solidum la SA DOMOFINANCE et la société FUTURA INTERNATIONALE, prise en la personne de Me [U], es qualité de mandataire liquidateur, à payer à Mme [Z] [X] veuve [S] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la SA DOMOFINANCE et la société FUTURA INTERNATIONALE, prise en la personne de Me [U], es qualité de mandataire liquidateur, aux dépens de l'instance,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes,
- rappelé le caractère exécutoire de la présente décision.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 25 avril 2023, la SA DOMOFINANCE a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :
' ordonné la jonction des affaires enrôlées sous le numéro RG 22/104 et RG 21/579 sous le seul numéro RG 21/579,
' prononcé la nullité du contrat de vente signé le 30 juin 2016 entre Mme [Z] [X] veuve [S] et la société FUTURA INTERNATIONALE,
' constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la SA DOMOFINANCE et Mme [Z] [X] veuve [S] en date du 30 juin 2016, fixé à la somme de 13 000 euros l'indemnisation de la perte de chance due par la SA DOMOFINANCE à Madame [Z] [X] veuve [S],
' prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de crédit affecté conclu entre Mme [Z] [X] veuve [S] et la SA DOMOFINANCE le 30 juin 2016,
' dit que seule la somme de 8 500 euros sera due par Mme [Z] [X] veuve [S] au titre du remboursement du crédit affecté, déduction faite des intérêts et primes d'assurance, et de la somme d'indemnisation au titre de la perte de chance,
' dit que Mme [Z] [X] veuve [S] devra continuer à régler les mensualités telles que fixées selon contrat de crédit affecté jusqu'à parfait règlement de la somme de 8 500 euros, après déduction des mensualités déjà réglées, condamné la SA DOMOFINANCE à payer à Mme [Z] [X] veuve [S] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral,
' condamné in solidum la SA DOMOFINANCE et la société FUTURA INTERNATIONALE, prise en la personne de Maître [U] es qualité de mandataire liquidateur à payer à Mme [Z] [X] veuve [S] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance,
' et débouté les parties de leur plus amples demandes.
Vu les dernières conclusions de la société DOMOFINANCE en date du 12 novembre 2024, et tendant à voir :
- Recevoir la S.A. DOMOFINANCE en son appel, la déclarer bien fondée.
- Réformer le jugement intervenu devant le Juge des contentieux de la protection près le Tribunal Judiciaire de DUNKERQUE en date du 06 Avril 2023 en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente signé le 30 juin 2016 entre Madame [Z] [X] veuve [S] et la société FUTURA INTERNATIONALE, en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la SA DOMOFINANCE et Madame [Z] [X] veuve [S] en date du 30 juin 2016, en ce qu'il a fixé à la somme de 13.000 euros l'indemnisation de la perte de chance due par la SA DOMOFINANCE à Madame [Z] [X] veuve [S], en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de crédit affecté conclu entre Madame [Z] [X] veuve [S] et la SA DOMOFINANCE le 30 juin 2016, en ce qu'il a dit que seule la somme de 8.500 euros sera due par Madame [Z] [X] veuve [S] au titre du remboursement du crédit affecté, déduction faite des intérêts et primes d'assurance, et de la somme d'indemnisation au titre de la perte de chance, en ce qu'il a dit que Madame [Z] [X] veuve [S] devra continuer à régler les mensualités telles que fixées selon contrat de crédit affecté jusqu'à parfait règlement de la somme de 8.500 euros, après déduction des mensualités déjà réglées, en ce qu'il a condamné la SA DOMOFINANCE à payer à Madame [Z] [X] veuve [S] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral, en ce qu'il a condamné la SA DOMOFINANCE, in solidum avec la société FUTURA INTERNATIONALE, prise en la personne de Me [U], es qualité de mandataire liquidateur, à payer à Madame [Z] [X] veuve [S] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a condamné la SA DOMOFINANCE, in solidum avec la société FUTURA INTERNATIONALE, prise en la personne de Me [U], es qualité de mandataire liquidateur, aux dépens de l'instance et en ce qu'il a débouté la SA DOMOFINANCE de ses plus amples demandes.
Et statuant à nouveau :
Vu les anciens articles L.311-32 et L.311-33 du Code de la Consommation dans leur version applicable en la cause,
Vu l'ancien article 1134 du Code Civil dans sa rédaction applicable en la cause,
Vu les anciens articles 1108 et suivants du Code Civil dans leur rédaction applicable en la cause,
Vu l'ancien article 1338 du Code Civil dans sa rédaction applicable en l'espèce,
Vu l'article 1315 du Code Civil devenu l'article 1353 dudit Code,
Vu l'article 9 du Code de Procédure Civile,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées aux débats,
A titre principal,
- Dire et juger que le bon de commande régularisé par Madame [Z] [S] le 30 juin 2016 avec la société FUTURA INTERNATIONALE respecte les dispositions des anciens articles L.121-17 et L.121-18-1 du Code de la Consommation (dans leur version applicable en la cause).
- A défaut, constater, dire et juger que Madame [Z] [S] a amplement manifesté sa volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des prétendus vices l'affectant sur le fondement des anciens articles L.121-17 et L.121-18-1 du Code de la Consommation et ce, en toute connaissance des dispositions applicables.
- Constater la carence probatoire de Madame [Z] [X] Veuve [S].
- Dire et juger que les conditions d'annulation du contrat principal de vente conclu le 30 juin 2016 avec la société FUTURA INTERNATIONALE sur le fondement d'un prétendu dol ne sont pas réunies et qu'en conséquence le contrat de crédit affecté conclu par Madame [Z] [S] avec la S.A. DOMOFINANCE n'est pas annulé.
- En conséquence, débouter Madame [Z] [X] Veuve [S] de l'intégralité de ses prétentions, demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la S.A. DOMOFINANCE et notamment de sa demande en remboursement des sommes d'ores et déjà versées dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit affecté qui lui a été consenti par la S.A. DOMOFINANCE selon offre préalable acceptée le 30 juin 2016.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente signé le 30 juin 2016 entre Madame [Z] [X] veuve [S] et la société FUTURA INTERNATIONALE et en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la SA DOMOFINANCE et Madame [Z] [X] veuve [S] en date du 30 juin 2016,
- Constater, dire et juger que la S.A. DOMOFINANCE n'a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni aucune faute dans l'octroi du crédit. - Par conséquent, débouter Madame [Z] [X] Veuve [S] de l'intégralité de ses prétentions, demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la S.A. DOMOFINANCE et notamment de sa demande en remboursement des sommes d'ores et déjà versées dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit affecté qui lui a été consenti par la S.A. DOMOFINANCE selon offre préalable acceptée le 30 juin 2016, à l'exception des seules sommes qui auraient pu être versées par Madame [Z] [S] entre les mains du prêteur au-delà du montant du capital prêté.
A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la Cour considérait à l'instar du premier Magistrat que la S.A. DOMOFINANCE a commis une faute dans le déblocage de fonds,
- Dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter les contrats de crédit affecté litigieux ne peut être égal au montant de la créance de la banque.
- Dire et juger que la centrale photovoltaïque commandée par Madame [Z] [S] a bien été livrée et posée au domicile de Madame [S] par la Société FUTURA INTERNATIONALE et que ladite installation photovoltaïque fonctionne parfaitement, à défaut de preuve contraire émanant de la partie adverse.
- Dire et juger que Madame [Z] [X] Veuve [S] conservera l'installation des panneaux solaires photovoltaïques qui ont été livrés et posés à son domicile par la société FUTURA INTERNATIONALE (puisque ladite société est en liquidation judiciaire et qu'elle ne se présentera donc jamais au domicile de Madame [S] pour récupérer le matériel installé à son domicile), que l'installation photovoltaïque fonctionne parfaitement puisque ladite installation a bien été raccordée au réseau ERDF-ENEDIS, puis mise en service et que Madame [Z] [S] perçoit chaque année depuis le mois de février 2018 des revenus énergétiques grâce à l'installation photovoltaïque litigieuse.
- Par conséquent, dire et juger que la S.A. DOMOFINANCE ne saurait être privée de sa créance de restitution, compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour Madame [Z] [X] Veuve [S].
- Par conséquent, débouter Madame [Z] [X] Veuve [S] de l'intégralité de ses prétentions, demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la S.A. DOMOFINANCE et notamment de sa demande en remboursement des sommes d'ores et déjà versées dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit affecté qui lui a été consenti par la S.A. DOMOFINANCE selon offre préalable acceptée le 30 juin 2016, à l'exception des seules sommes qui auraient pu être versées par Madame [Z]
[S] entre les mains du prêteur au-delà du montant du capital prêté.
- A défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi par Madame [S] et dire et juger que Madame [Z] [X] Veuve [S] devait à tout le moins restituer à la S.A. DOMOFINANCE une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté.
En tout état de cause,
- Débouter Madame [Z] [X] Veuve [S] de l'intégralité de ses demandes en paiement de dommages et intérêts complémentaires telles que formulées à l'encontre de la S.A. DOMOFINANCE en l'absence de faute imputable à l'établissement financier prêteur et à défaut de justifier de la réalité et du sérieux d'un quelconque préjudice qui serait directement lié à la prétendue faute que Madame [Z] [S] tente de mettre à la charge du prêteur.
- Débouter Madame [Z] [X] Veuve [S] de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre de la désinstallation des panneaux et de la remise en état de l'immeuble telle que formulée à l'encontre de la S.A. DOMOFINANCE.
- Condamner Madame [Z] [X] Veuve [S] à payer à la S.A. DOMOFINANCE la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamner Madame [Z] [X] Veuve [S] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel dont distraction au profit de Maître Francis DEFFRENNES, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Vu les dernières conclusions de Mme [Z] [X] veuve [S] en date du 29 octobre 2024, et dont le dispositif est ainsi spécifié :
Il est demande à Ia Cour d'appeI de DOUAI :
- de confirmer la décision du Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de DUNKERQUE, en date du 6 avril 2023, en ce qu'il a :
- prononcé la nullité du contrat de vente signé le 30 juin 2016 entre Madame [Z] [X] veuve [S] et la société FUTURA INTERNATIONALE,
- constaté Ia nullité du contrat de crédit affecte conclu entre Ia SA DOMOFINANCE et Madame [Z] [X] veuve [S] en date du 30 juin 2016,
- condamné la SA DOMOFINANCE 6 payer 6 Madame [Z] [X] veuve [S] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral,
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de crédit affecte conclu entre Madame [Z] [X] veuve [S] et la SA DOMOFINANCE le 30 juin 2015,
- condamné la SA DOMOFINANCE, in solidum avec la société FUTURA INTERNATIONALE, prise en la personne de Me [U], es qualité de mandataire liquidateur, à payer à Madame [Z] [X] veuve [S] Ia somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA DOMOFINANCE, in solidum avec la société FUTURA INTERNATIONALE, prise en la personne de Me [U], es qualité de mandataire liquidateur, aux dépens de l'instance.
- d'infirmer la décision du Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de DUNKERQUE, en date du 6 avril 2023, en ce qu'il a :
- fixé à la somme de 13.000 euros l'indemnisation de la perte de chance due par la SA DOMOFINANCE à Madame [Z] [X] veuve [S],
- dit que seule la somme de 8.500 euros sera due par Madame [Z] [X] veuve [S] au titre du remboursement du crédit affecté, déduction faite des intérêts et primes d'assurance, et de Ia somme d'indemnisation au titre de la perte de chance,
- dit que Madame [Z] [X] veuve [S] devra continuer à régler les mensualités telles que fixées selon contrat de crédit affecté jusqu'à parfait règlement de la somme de 8.500 euros, après déduction des mensualités déjà réglées,
- Débouté Madame [Z] [X] veuve [S] du surplus de ses demandes.
Et statuant à nouveau
A titre liminaire
' Déclarer recevables les actions engagées par Madame [S] ;
' Débouter Ia banque DOMOFINANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A titre principal
' Prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 30 juin 2016 entre Madame [S] et la société FUTURA INTERNATIONALE;
' Prononcer la nullité subséquente du contrat crédit affecté conclu le 30 juin 2016 entre Madame [S] et la société DOMOFINANCE;
En tout état de cause
' Condamner la société DOMOFINANCE, à rembourser à Madame [S], l'ensemble des échéances versées jusqu'au jour de l'arrêt a intervenir, assorties des intérêts au taux légal;
A titre subsidiaire
' Condamner la Banque DOMOFINANCE a verser a Madame [S], la somme de 23.880,58 euros, du fait de Ia négligence fautive de Ia banque.
A titre infiniment subsidiaire
' Prononcer la déchéance du droit de la Banque DOMOFINANCE aux intérêts du crédit affecté et la condamner à restituer à Madame [S] les sommes perçues en sus du capital emprunté.
En tout état de cause
' Condamner Ia société DOMOFINANCE, a verser à Madame [S] la somme de:
- 1.710,50 euros, au titre de son préjudice financier,
- 3.000 euros au titre de son préjudice économique,
- 1.000 euros au titre de son préjudice moral,
En tout état de cause,
' Condamner la société DOMOFINANCE, à payer à Madame [S] la somme de3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
' Condamner la société DOMOFINANCE aux entiers dépens.
Pour sa part la SAS [U] prise en la personne de Maître [P] [U] es qualité de mandataire liquidateur de la SASU FUTURA INTERNATIONALE a été assigné devant la cour par la SA DOMOFINANCE par acte de commissaire de justice en date du 12 juillet 2023 signifié à personne morale, l'acte extrajudiciaire ayant été réceptionné par une personne habilitée à le recevoir. Toutefois subséquemment cette intimée n'a pas constitué avocat ni donc conclu en cause d'appel.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2024.
- MOTIFS DE LA COUR:
- Sur la nullité du contrat de vente:
L'article L111-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 et applicable au présent litige au regard de la date bon de commande, dispose en substance:
'Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.'
De plus l'ancien article L121-17 du même code dans sa version résultant de la loi du 17 mars 2014 applicable au présent litige dispose:
'I.-Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 121-21-5 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 121-21-8, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ; 6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
II.-Si le professionnel n'a pas respecté ses obligations d'information concernant les frais supplémentaires mentionnés au I de l'article L. 113-3-1 et au 3° du I du présent article, le consommateur n'est pas tenu au paiement de ces frais.
III.-La charge de la preuve concernant le respect des obligations d'information mentionnées à la présente sous-section pèse sur le professionnel.'
Par ailleurs l'ancien article L 121-18-1 alinéa 1er du même code dans sa version résultant de la loi n°2014-1545 du 20 décembre 2014 quant à lui dispose:
« Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17.»
Au cas particulier la nature complexe de l'opération contractuelle en question implique impérativement que soit précisées certaines caractéristiques essentielles. Faute de telles précisions le consommateur ne sera pas en mesure de procéder - comme il peut légitimement en ressentir la nécessité - à une comparaison pertinente entre diverses offres de même nature proposées sur le marché afin d' opérer le choix qui lui paraît le plus judicieux.
En l'espèce le bon de commande n'indique pas la marque des panneaux photovoltaïques. En effet en page 2 de ce bon de commande il est mentionné '12 modules solaires photovoltaïques de type Monocristallin ' sans aucune mention relative à leur marque. Or la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 24 janvier 2024 a considéré que la marque constituait une caractéristique essentielle de l'installation de panneaux photovoltaïques ( Cass, 1ère civ. 24 janvier 2024, n° du pourvoi 21-20.691).
De plus s'agissant de la date de livraison le bon de commande en question comporte des mentions particulièrement sommaires. En effet il est indiqué de manière très vague 'DATE DE LIVRAISON: 2 à 6 semaines'. Force est ainsi de constater qu'un tel bon de commande rédigé de manière elliptique, ne spécifie nullement s'agissant d'une opération complexe la date exacte de livraison et le calendrier précis des travaux concernant la prestation fournie avec notamment la date des démarches administratives visant à obtenir l'autorisation de la mairie et la date du raccordement ERDF qui conditionne le fonctionnement effectif de l'installation.
Il ressort ainsi des observations qui précédent, que le consommateur en question n'a pas été suffisamment informé sur la prestation qu'il entendait obtenir dans le cadre du contrat en cause - étant bien entendu que la marque des panneaux photovoltaïques et le calendrier des travaux apparaissent comme des caractéristiques essentielles et même primordiales de la prestation en cause. Il est ainsi incontestable que le bon de commande en question ne satisfait pas aux exigences protectrices du consommateur résultant des dispositions précitées du code de la consommation sans qu'il soit besoin d'apprécier si ces éléments ont été déterminants du consentement s'agissant d'une nullité d'ordre public.
En outre il ne résulte d'aucun élément objectif du dossier que Mme [Z] [X] même si elle avait connaissance des irrégularités du bon de commande, ait manifesté la volonté non équivoque de renoncer à la nullité qui en découle, étant entendu que son acceptation de la livraison n'a pu avoir pour effet de couvrir ces irrégularités ainsi que la nullité qui a vocation à les sanctionner. Au regard de sa qualité de simple profane elle devait de toute évidence ignorer que le défaut des mentions obligatoires entachant le bon de commande était sanctionné par la nullité de cet acte juridique s'agissant d'une nullité relative dans le cadre protecteur du droit de la consommation. Il ne ressort par ailleurs d'aucun élément objectif du dossier que l'acquéreuse ait confirmé cet acte nul en renonçant à la nullité qui en découle notamment en envoyant au vendeur un courrier explicite à ce sujet de renonciation à la nullité du contrat en cause.
Il convient dès lors de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente signé le 30 juin 2016 entre Mme [Z] [X] veuve [S] et la société FUTURA INTERNATIONALE.
- Sur la nullité du contrat de crédit affecté:
En application des dispositions de l'ancien article L 311-32 du code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu, est lui même judiciairement résolu ou annulé.
Il convient dès lors de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la SA DOMOFINANCE et Mme [Z] [X] veuve [S] le 30 juin 2016.
- Sur les conséquences de la nullité du contrat principal de vente et du contrat de crédit:
Dans le cas présent l'annulation du contrat principal de vente et du contrat de crédit qui certes anéantit ces deux conventions ne saurait toutefois conduire au rétablissement mécanique du statu quo ante. En effet il faudra tenir compte aussi le cas échéant, des conséquences de l'éventuelle privation de la banque de sa créance de restitution.
' Sur les conséquences de l'annulation du contrat principal de vente:
Dans les rapports entre le vendeur et son cocontractant consommateur, l'annulation de la vente commande à la SAS [U] prise en la personne de Maître [P] [U] es qualité de liquidateur judiciaire de la société FUTURA INTERNATIONALE de restituer le prix de vente. Par ailleurs Mme [Z] [X] veuve [S] ne pourra conserver le matériel installé qui devra être restitué au mandataire liquidateur précité es qualité.
' Sur les conséquences de l'annulation du contrat de crédit affecté:
Il résulte d'une jurisprudence bien établie que commet une faute la banque qui verse les fonds prêtés au vendeur de panneaux photovoltaïques sans avoir dûment et préalablement vérifié la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation. La banque commet également une faute en ne s'assurant pas au moyen de toutes démarches utiles, de la bonne exécution des travaux par le vendeur des panneaux photovoltaïques conformément à ses engagements contractuels avant de débloquer les fonds prêtés.
Au cas particulier l'objectivité commande de constater que la SA DOMOFINANCE a commis une faute en ne vérifiant pas la conformité du bon de commande litigieux aux dispositions d'ordre public du code de la consommation lorsqu'elle a débloqué les fonds du crédit affecté.
La banque est ainsi privée de sa créance de restitution quand l'emprunteur justifie d'un préjudice en lien de causalité avec cette faute.
Au cas particulier force est de constater que la faillite du vendeur survenue peu avant de le début de la présente procédure contentieuse doit être considérée comme générant un préjudice suffisant pour priver le prêteur de sa créance de restitution. En effet du fait de cette déconfiture Mme [Z] [X] veuve [S] se verra incontestablement dans l'impossibilité de récupérer le prix de vente auprès de la société FUTURA INTERNATIONALE placée en liquidation judiciaire - alors même que cette restitution du prix aurait été la conséquence juridique normale et automatique résultant de l'annulation du contrat de vente. Il convient de souligner que cette liquidation judiciaire de la société FUTURA INTERNATIONALE rend absolument certaine et non pas seulement probable la non restitution du prix par cette société.
Les fautes de la SA DOMOFINANCE en l'espèce ont causé à Mme [Z] [X] veuve [S] un préjudice incontestable qui doit être justement et exactement arbitré à hauteur du montant intégral de la créance de restitution. Il y a lieu en effet en l'espèce de faire application du principe fondamental dans la sphère de la responsabilité civile de la réparation intégrale du préjudice qui commande de réparer tout le préjudice mais rien que le préjudice.
Dans un arrêt de principe en date du 10 juillet 2024 la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (Cass. Civ, 1ère 10 juillet 2024, n° du pourvoi 23-15.802).
La Cour suprême estime ainsi qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque a manqué à ses obligations, et que d'autre part, l'emprunteur avait subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente du matériel. Elle en déduit que la banque dans ce cas doit être condamnée à restituer à l'emprunteur à titre de dommages et intérêts une somme correspondant au capital emprunté.
Il est donc logique au regard des observations qui précédent, que la SA DOMOFINANCE soit privée totalement de sa créance de restitution à hauteur de 21.500 euros.
Il convient dès lors d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a:
' fixé à la somme de 13.000 euros l'indemnisation de la perte de chance due par la SA DOMOFINANCE a Madame [Z] [X] veuve [S],
' dit que seule la somme de 8.500 euros sera due par Mme [Z] [X] veuve [S] au titre du remboursement du crédit affecte, déduction faite des intérêts et primes d'assurance, et de Ia somme d'indemnisation au titre de la perte de chance,
' dit que Mme [Z] [X] veuve [S] devra continuer à régler les mensualités telles que fixées selon contrat de crédit affecté jusqu'a parfait règlement de la somme de 8.500 euros, après déduction des mensualités déjà réglées,
' débouté Mme [Z] [X] de sa demande en paiement de la somme de 23.880,58 euros,
' condamné la SA DOMOFINANCE à payer à Mme [Z] [X] veuve [S] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral.
Il y a lieu, par suite, statuant à nouveau, en faisant partiellement droit aux demandes indemnitaires de Mme [Z] [X] veuve [S] , de condamner la société DOMOFINANCE à lui payer la somme de 21.500 euros correspondant au montant exact du capital emprunté.
S'agissant des autres points du jugement querellé qui ont été déférés à la cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, le premier juge ayant par des motifs pertinents que la cour adopte, opéré une exacte application du droit aux faits, il y a lieu les concernant d'entrer en voie de confirmation.
- Sur le surplus des demandes:
Au regard des considérations qui précédent, il y a lieu de débouter les parties du surplus de leurs demandes.
- Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel:
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [Z] [X] veuve [S] les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.
Il convient dès lors de condamner la SA DOMOFINANCE à payer à de Mme [Z] [X] veuve [S] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
En revanche il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SA DOMOFINANCE les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.
Il y a lieu dès lors de débouter la SA DOMOFINANCE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
- Sur les dépens d'appel:
Il convient de condamner la SA DOMOFINANCE qui succombe, aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,
- INFIRME le jugement querellé en ce qu'il a:
' fixé à la somme de 13.000 euros l'indemnisation de la perte de chance due par la SA DOMOFINANCE a Madame [Z] [X] veuve [S],
' dit que seule la somme de 8.500 euros sera due par Mme [Z] [X] veuve [S] au titre du remboursement du crédit affecte, déduction faite des intérêts et primes d'assurance, et de Ia somme d'indemnisation au titre de la perte de chance,
' dit que Mme [Z] [X] veuve [S] devra continuer à régler les mensualités telles que fixées selon contrat de crédit affecté jusqu'a parfait règlement de la somme de 8.500 euros, après déduction des mensualités déjà réglées,
' débouté Mme [Z] [X] de sa demande en paiement de la somme de 23.880,58 euros,
' condamné la SA DOMOFINANCE à payer à Mme [Z] [X] veuve [S] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral,
- CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
- CONDAMNE la société DOMOFINANCE à payer à Mme [Z] [X] veuve [S] la somme de 21.500 euros correspondant au montant exact du capital emprunté,
- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
- CONDAMNE la SA DOMOFINANCE à payer à de Mme [Z] [X] veuve [S] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- LA DEBOUTE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- LA CONDAMNE aux entiers dépens d'appel.