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Décisions

CA Basse-Terre, 2e ch., 27 février 2025, n° 24/00662

BASSE-TERRE

Arrêt

Autre

CA Basse-Terre n° 24/00662

27 février 2025

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRET N° 122 DU 27 FEVRIER 2025

N° RG 24/00662 -

N° Portalis DBV7-V-B7I-DWP6

Décision déférée à la cour : Ordonnance de référé du président du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre en date du 14 Juin 2024, rendue dans une instance enregistrée sous le n° 2023R00084,

APPELANTES :

Madame [E] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sully LACLUSE de la SELARL LACLUSE & CESAR, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

S.A.S [7]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Sully LACLUSE de la SELARL LACLUSE & CESAR, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMEE :

S.A.S. [4] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Louis-raphaël MORTON de la SELARL SCP (SERVICES CONSEILS PLAIDOIRIES) MORTON & ASSOCIES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Frank Robail, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Frank Robail, Président de Chambre,

Mme Annabelle Clédat, Conseiller,

Mme Aurélia Bryl, Conseiller.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 14 février 2025. Elles ont ensuite été informées de la prorogation du délibéré à ce jour en raison de la surcharge des magistrats.

GREFFIER

Lors des débats : Mme Sonia Vicino, greffier,

Lors du prononcé : Mme Solange Loco, greffier placé.

ARRET :

- contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

- signé par M. Frank Robail, président, et par Mme Solange Loco, greffier placé, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La SAS [4], qui gère une agence immobilière, a été créée en 2020 par Mme [E] [O] épouse [N], nommée initialement présidente, et par Mme [T] [B], nommée initialement directrice générale salariée, qui détenaient chacune 50% des actions.

Un litige les a opposées à compter du mois de septembre 2023, Mme [B] accusant Mme [O], qui avait créé en mai 2023 la SAS [7], également destinée à la gestion d'une agence immobilière, de malversations financières.

A l'issue d'une assemblée générale extraordinaire de la société [4], qui s'est tenue le 25 septembre 2023, Mme [O] a accepté de vendre ses parts sociales à Mme [B] pour la somme d'un euro et de quitter ses fonctions de présidente. Elle a été autorisée à cette occasion à récupérer des fichiers clients relatifs à la gestion immobilière.

Par acte du 10 novembre 2023, la SAS [4] a assigné Mme [O] et la SAS [7] devant le président du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, statuant en référé, à l'audience du 1er décembre 2023, afin de voir :

- ordonner aux défenderesses de lui restituer tous les dossiers, les fichiers clients de gestion locative, tous les mandats de gestion et toute la comptabilité relative à cette gestion au titre de l'année 2023, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir,

- condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme provisionnelle de 25.000 euros, reconnue par Mme [O] dans ses courriels des 25 et 26 septembre 2023, sans préjudice du montant définitif des dommages-intérêts que l'enquête établirait,

- condamner in solidum les mêmes au paiement d'une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'audience du 1er décembre 2023, le juge des référés a ordonné la disjonction de l'instance et dit que la demande de provision serait poursuivie dans le cadre d'une nouvelle instance.

Statuant sur la demande de restitution de pièces par ordonnance du 05 janvier 2024, il a :

- condamné in solidum Mme [O] et la société [7] à restituer à la société [4] 'tous les dossiers, les fichiers clients, de gestion locative, tous les mandats de gestion et toute la comptabilité relatifs à cette gestion au titre de l'année 2023", dans le mois suivant la notification de l'ordonnance et, passé ce délai, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard pendant une durée de six mois,

- condamné in solidum Mme [O] et la société [7] aux dépens, comprenant le coût des sommations délivrées le 21 septembre 2023,

- condamné in solidum Mme [O] et la société [7] à payer à la société [4] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur appel interjeté par Mme [O] et la société [7] à l'encontre de cette décision, la cour d'appel de Basse-Terre, par arrêt du 25 juillet 2024, a réformé l'ordonnance déférée et, statuant à nouveau, a principalement :

- ordonné la mise hors de cause de la société [7],

- ordonné à Mme [O] de restituer à la société [4] toute la comptabilité de cette société relative à la gestion locative au titre de l'année 2023, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, et ce pendant une durée de six mois,

- condamné Mme [O] à payer à la société [4] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'aux entiers dépens, comprenant le coût des sommations délivrées le 21 septembre 2023,

- débouté la société [4] du surplus de ses demandes,

- condamné Mme [O] à payer à la société [4] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Dans le cadre de l'instance relative à la demande de provision, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a, par ordonnance du 14 juin 2024 :

- condamné in solidum Mme [O] et la société [7] à payer à la société [4] la somme de 25.000 euros à titre de provision,

- débouté Mme [O] et la société [7] de leurs demandes,

- condamné in solidum Mme [O] et la société [7] à payer à la société [4] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [O] et la société [7] aux dépens, comprenant le coût des sommations délivrées le 21 septembre 2023.

Mme [O] et la société [7] ont interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 3 juillet 2024, en indiquant expressément que leur appel portait sur chacun des chefs de jugement.

La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 25 novembre 2024.

Le 18 septembre 2024, en réponse à l'avis du 12 septembre 2024 donné par le greffe, les appelantes ont fait signifier la déclaration d'appel à la société [4], qui a remis au greffe sa constitution d'intimée par voie électronique le 25 septembre 2024.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 25 novembre 2024, à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 14 février 2025. Les parties ont ensuite été avisées de la prorogation du délibéré au 27 février 2025, en raison de la surcharge des magistrats.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ Mme [E] [O] et la SAS [7], appelantes :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 novembre 2024, par lesquelles les appelantes demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondées en leur appel,

- infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau :

- juger n'y avoir lieu à référé,

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond,

- débouter 'Mme [B]' de toutes ses demandes, fins et conclusions, 'et subsidiairement, limiter l'obligation de paiement déduction faite du montant [de] 8.577,70 euros correspondant à la créance détenue par Mme [O] sur [4], assortie d'un moratoire de paiement d'une durée de 24 mois',

- ordonner à la SAS [4] de cesser immédiatement tout acte de dénigrement commercial à l'encontre de Mme [E] [O] et de la SASU [7],

- condamner la SAS [4] à payer à Mme [E] [O] et à la SASU [7], à titre provisionnel, les sommes de :

- 8.577,70 euros au titre de la rémunération restant due,

- 10.000 euros à valoir sur les dommages-intérêts,

- condamner la SAS [4], outre les dépens, à verser à Mme [E] [O] et à la SASU [7] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

2/ La SAS [4], intimée :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 octobre 2024, par lesquelles l'intimée demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 14 juin 2024 en toutes ses dispositions,

- y ajoutant :

- débouter Mme [O] et la société [7] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum Mme [O] et la société [7] au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la recevabilité de l'appel :

Conformément aux dispositions de l'article 490 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé peut être frappée d'appel à moins qu'elle n'émane du premier président de la cour d'appel ou qu'elle n'ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l'objet de la demande. Le délai d'appel est de quinze jours.

En l'espèce, Mme [O] et la société [7] ont interjeté appel le 3 juillet 2024 de l'ordonnance rendue le 14 juin 2024, sans qu'aucun élément ne permette d'établir que cette décision leur aurait été préalablement notifiée.

Leur appel doit en conséquence être déclaré recevable.

Sur la condamnation provisionnelle prononcée à l'encontre de Mme [O] et de la société [7]:

Conformément aux dispositions de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 873 précise que le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En outre, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l'espèce, la société [4] a demandé en référé la condamnation de Mme [O] et de la société [7] à lui payer la somme provisionnelle de 25.000 euros en réparation du préjudice découlant, selon elle, des détournements commis à son préjudice par Mme [O], en indiquant que cette obligation avait été reconnue par Mme [O] dans ses courriels des 25 et 26 septembre 2023.

Il convient à ce titre de rappeler que, par courriel du 25 septembre 2023 à 20h37, Mme [O] a écrit à Mme [B], présidente de la société [4] :

'Bonsoir Mme [B],

Suite à notre entretien de ce jour, je m'engage à rembourser le solde des cautions des propriétaires en matière de gestion locative, ainsi que la dette envers [4] à hauteur de 21.000 euros.

Je vous propose pour celle-ci un échéancier à hauteur de 1.000 euros mensuels versé à [4], que je compte augmenter afin de régulariser la situation au plus vite.

Je reste à votre disposition pour toute discussion à ce sujet.

Cordialement,

[E] [O]'.

Par courriel du 26 septembre 2023 à 11h31, mentionnant comme objet : 'Rép.: Proposition remboursement', Mme [O] a encore écrit à Mme [B] :

'Bonjour Mme [B],

J'accepte votre proposition et engage la société [7] à reverser à la société [4] les frais de gestion liés à sa gestion locative à hauteur de 2.500 euros mensuels pendant 10 mois.

Je m'engage aussi à régulariser le compte caution lié à la gestion locative.

Cordialement,

[E] [O]'.

Les appelantes reprochent au premier juge d'avoir fait droit à la demande de la société [4] alors que, selon elles, l'obligation en paiement revendiquée par cette dernière se heurtait à une contestation sérieuse découlant de la nullité des engagements pris par Mme [O] les 25 et 26 septembre 2023 ou, à tout le moins, de leur absence de valeur probante. En effet, elles soutiennent que le consentement de Mme [O] a été vicié puisqu'elle n'a rédigé ces courriers qu'en raison de la menace d'un dépôt de plainte proférée à son encontre.

Cependant, ainsi que le relèvent les appelantes elles-mêmes, les courriels rédigés par Mme [O] les 25 et 26 septembre 2023 ne constituent pas des reconnaissances de dette au sens de l'article 1376 du code civil, qui suffiraient à rapporter la preuve l'obligation de paiement à hauteur de 25.000 euros, puisqu'ils n'en revêtent pas les conditions de forme, notamment en raison de l'absence de signature de l'auteur de l'engagement et de mention, en toutes lettres, de la somme due.

En conséquence, le moyen tiré de leur prétendue nullité pour vice du consentement n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une contestation sérieuse justifiant la réformation de l'ordonnance de référé.

En revanche, ces courriers, dont Mme [O] ne conteste pas être l'auteur, constituent des commencements de preuve par écrit de l'obligation de remboursement de la somme de 25.000 euros qu'elle avait contractée à l'égard de la société [4], qui permettent de rapporter la preuve de cette obligation s'ils sont corroborés par d'autres moyens de preuve et, notamment, par des présomptions, conformément à l'article 1361 du code civil.

Or, il convient de rappeler que le 11 septembre 2023, alors qu'elle était déjà associée de la société [4] depuis 2020, Mme [O] a créé, seule, la société [7].

Le 15 septembre 2023, la société [7] a établi une facture de 1.963 euros à Mme [J] au titre de la caution et des honoraires d'agence liés à la location d'un bien situé au [Localité 5], alors que ce contrat de location avait été signé le 10 septembre 2023 par Mme [J] avec la société [4] et que la locataire avait réglé la somme de 1.936 euros directement à Mme [O] épouse [N] par virement le 11 septembre 2023 (968 euros) et par chèque, pour le solde, le 14 septembre 2023.

Le 21 septembre 2023, la société [4] a fait délivrer une sommation interpellative à Mme [M], avec laquelle elle avait signé un contrat de bail début septembre 2023, dont il ressort que la locataire avait réglé le montant des frais, des honoraires et de la caution le 8 septembre 2023, pour un montant total de 3.369,94 euros, par virement sur un compte ouvert au nom de Mme [O].

Le 25 septembre 2023, à 14 heures, s'est tenue une assemblée générale extraordinaire au cours de laquelle Mme [O] a démissionné brusquement de ses fonctions de présidente.

Aux termes d'une convention du même jour, Mme [O] a cédé les 50 actions qu'elle détenait dans la société [4] à Mme [B] moyennant la somme symbolique d'un euro.

Le soir même, Mme [O] s'est engagée par courriel à rembourser à la société [4] le solde des cautions des propriétaires en matière de gestion locative, ainsi que la dette envers [4] à hauteur de 21.000 euros.

Puis, le lendemain, elle a réitéré cet engagement de remboursement en proposant que la société [7] règle la somme de 2.500 euros par mois durant 10 mois, soit 25.000 euros au total.

Enfin, en octobre 2023, la société [7] et Mme [O] ont procédé à des paiements en faveur de M. [Z], client de la société [4], afin de lui rembourser une somme globale de 2.865 euros.

Ces éléments permettent de caractériser les détournements commis par Mme [O] au préjudice de la société [4] et, dès lors, de constituer une présomption de l'obligation de remboursement qui pesait sur elle, corroborant ainsi le commencement de preuve par écrit découlant de ses courriels.

Contrairement à ce que soutient Mme [O], les engagements de remboursement qu'elle a pris à l'égard de la société [4] ne découlent donc pas de prétendues menaces de dépôt de plainte, qui ne ressortent d'aucun élément de preuve. Ils ne sont que la conséquence de l'obligation dans laquelle elle se trouvait de tenter de réparer les préjudices causés par les fautes qu'elle avait commises.

Par ailleurs, elle ne saurait valablement soutenir que le courrier du 3 octobre 2023 aux termes duquel son avocat a mis en demeure la société [4] de lui régler la somme de 8.577,70 euros qu'elle revendiquait au titre du solde de sa rémunération, serait de nature à caractériser une contestation sérieuse de l'obligation de remboursement des détournements à hauteur de 25.000 euros, ces deux obligations étant totalement distinctes.

En conséquence, aucune contestation sérieuse ne s'oppose à la demande de provision formée par la société [4] à l'encontre de Mme [O].

En ce qui concerne la demande formée à ce titre par la société [4] à l'encontre de la société [7], force est de constater qu'aucun élément ne permet de considérer que cette société aurait personnellement bénéficié des détournements opérés par sa présidente, et qu'elle aurait donc commis la moindre faute pouvant fonder une obligation de remboursement.

Le fait que Mme [O] ait pu se servir des fonds de sa nouvelle société, ou prendre des engagements en son nom, pour lui faire assumer ses propres dettes, n'est pas de nature à faire naître une obligation à la charge de la société [7], en faveur de la société [4].

En conséquence, cette contestation sérieuse s'oppose à ce qu'une condamnation soit prononcée à son encontre.

Dès lors, l'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a condamné in solidum Mme [O] et la société [7] à payer à la société [4] la somme de 25.000 euros à titre de provision et, statuant à nouveau, la cour condamnera Mme [O] à payer seule cette somme à titre provisionnel à la société [4].

Sur la demande de provision formée par Mme [O] au titre du solde de ses rémunérations :

Le premier juge a débouté Mme [O] de sa demande à ce titre, considérant qu'elle se heurtait à l'existence d'une contestation sérieuse, eu égard notamment au contexte de mésentente ayant conduit à la séparation des associées.

Les appelantes réfutent toute contestation sérieuse et maintiennent leur demande en produisant le courrier de mise en demeure envoyé le 3 octobre 2023 par leur avocat à la société [4] afin d'obtenir le règlement d'un solde de rémunérations de 8.577,70 euros, qui précisait, de manière détaillée, les sommes qui lui étaient dues et les versements dont elle avait déjà bénéficié.

En réponse, la société [4] ne conteste pas formellement devoir cette somme à Mme [O], et se contente de dire que les relevés de compte versés aux débats montrent que, lorsque Mme [O] procédait à un virement au profit de Mme [B], elle en faisait également un à son profit.

Cependant, cette argumentation n'est pas de nature à démontrer que Mme [O] aurait effectivement perçu l'ensemble des commissions auxquelles elle pouvait prétendre au titre des prestations réalisées avant son départ, puisqu'elle a quitté précipitamment la société le 25 septembre 2023.

En conséquence, en l'absence de toute contestation sérieuse, l'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a débouté Mme [O] de sa demande à ce titre et, statuant à nouveau, la cour condamnera la société [4] à lui verser à titre provisionnel la somme de 8.577,70 euros au titre du solde de ses rémunérations.

Sur les demandes formées par Mme [O] et par la société [7] au titre du dénigrement commercial :

Conformément aux dispositions de l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal mixte de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l'espèce, Mme [O] et la société [7] demandent à la cour d'enjoindre à la société [4] de cesser immédiatement tout acte de dénigrement commercial à leur encontre et de leur allouer une provision de 10.000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice découlant de ces agissements fautifs.

Cependant, si des courriers ont effectivement pu être adressés par la société [4] à ses clients dans les suites immédiates du départ de Mme [O], dans lesquels étaient évoquées les malversations reprochées à cette dernière, les appelantes échouent à démontrer que ces pratiques auraient continué postérieurement au mois de novembre 2023 et qu'elles seraient toujours d'actualité.

En conséquence, en l'absence de preuve d'un trouble manifestement illicite auquel il conviendrait de mettre fin, ou d'un dommage imminent qu'il conviendrait de prévenir, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande d'injonction.

Par ailleurs, il convient de rappeler que Mme [O] a reconnu être redevable de sommes à l'égard de la société [4] par suite de ses agissements fautifs.

En conséquence, il existe une contestation sérieuse concernant la caractérisation du dénigrement commercial reproché à la société [4], qui s'oppose à l'indemnisation à titre provisionnel d'un quelconque préjudice.

La demande formée à ce titre par les appelantes sera donc rejetée.

Sur la demande de report de paiement :

Conformément aux dispositions de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En se fondant implicitement, mais nécessairement, sur ce texte, les appelantes sollicitent à titre subsidiaire un 'moratoire de 24 mois' afin de s'acquitter du solde restant dû après compensation entre la provision due à la société [4] et la somme, également provisionnelle, due par cette société au titre des rémunérations de Mme [O].

Cependant, elles ne motivent pas cette demande et ne précisent pas les circonstances qui devraient conduire à reporter le paiement des sommes dues à la société [4] pour une durée de deux ans, alors que Mme [O] avait pris l'engagement, en septembre 2023, de procéder à leur remboursement en dix mensualités et qu'elle ne justifie pas avoir procédé au moindre versement, près de dix-huit mois plus tard.

En conséquence, cette demande sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [O], qui succombe principalement à l'instance, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel. L'ordonnance déférée sera réformée en ce sens.

En outre, si l'équité commande de condamner Mme [O] à payer à la société [4] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, cette condamnation ne sera prononcée qu'à son encontre, et non à l'encontre de la société [7]. L'ordonnance déférée sera donc réformée en ce sens.

Enfin, l'équité commande de condamner Mme [O] à payer à la société [4] la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel et de la débouter, ainsi que la société [7], de leur propre demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'appel formé par Mme [E] [O] et par la SAS [7],

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [E] [O] à payer à la SAS [4] la somme de 25.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

Condamne la SAS [4] à payer à Mme [E] [O] la somme de 8.577,70 euros à titre de provision à valoir sur le solde de ses rémunérations,

Déboute Mme [E] [O] et la SASU [7] de leurs demandes au titre du dénigrement commercial,

Déboute la SAS [4] de ses demandes à l'encontre de la SASU [7],

Condamne Mme [E] [O] à payer à la SAS [4] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'aux entiers dépens,

Y ajoutant,

Déboute Mme [E] [O] de sa demande de report de paiement pour une durée de 24 mois,

Condamne Mme [E] [O] à payer à la SAS [4] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel,

La déboute, ainsi que la SASU [7], de leur propre demande à ce titre,

Condamne Mme [E] [O] aux entiers dépens de l'instance d'appel.

La greffière, Le président,

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