CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 3 mars 2025, n° 23/01870
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/01870 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I2Z7
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE D'ANNONAY
04 mai 2023
RG:20/00015
[NL] EPOUSE [J]
C/
Association ACTIV EMPLOI
Grosse délivrée le 03 MARS 2025 à :
- Me NINOTTA
- Me JALLIFFIER -VERNE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 03 MARS 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ANNONAY en date du 04 Mai 2023, N°20/00015
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Janvier 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 Mars 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [Z] [NL] EPOUSE [J]
née le 13 Août 1971 à [Localité 5] (42)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Marylène NINOTTA de la SCP DELOCHE, avocat au barreau d'ARDECHE
INTIMÉE :
Association ACTIV EMPLOI association déclarée
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuelle JALLIFFIER-VERNE de la SELEURL EJV AVOCATS, avocat au barreau de LYON
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 03 Mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [Z] [NL] épouse [J] a été engagée à compter du 15 septembre 2008 par l'association intermédiaire Cosa, aux droits de laquelle se trouve désormais l'association Activ Emploi, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel puis à temps complet à compter du 1er janvier 2013.
La convention collective applicable est celle des centres sociaux et culturels.
La salariée occupait initialement les fonctions de chargée d'affaires, puis de coordinateur d'emploi et formation à compter du 1er janvier 2013, et enfin de directrice à compter du 1er décembre 2015.
Affirmant avoir été victime de faits de harcèlement moral au sein de l'association, Mme [Z] [NL] épouse [J] saisissait le conseil de prud'hommes d'Annonay en février 2020, en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes.
À compter du 28 février 2020, la salariée a été placée en arrêt de travail.
Mme [Z] [NL] épouse [J] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 12 mars 2020, l'employeur lui notifiait un avertissement par courrier du 09 avril 2020.
Suivant deux avis en date des 15 et 20 octobre 2021, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste de travail, avec impossibilité de reclassement.
Mme [Z] [NL] épouse [J] a alors été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement le 18 novembre 2021.
Par une seconde requête reçue le 08 avril 2021, la salariée a sollicité l'annulation de l'avertissement du 09 novembre 2020 ainsi que la condamnation de son ancien employeur au paiement de diverses sommes à titre salarial et indemnitaire.
Le conseil de prud'hommes d'Annonay en sa formation départage, par jugement contradictoire du 04 mai 2023, a :
- constaté que Mme [Z] [J] se désiste de sa requête enrolée sous le numéro 22-00025,
- jugé que le conseil est saisi par Mme [Z] [J] de demandes additionnelles dans le cadre de l'affaire enrolée sous le numéro 20-00015, correspondant aux prétentions initialement formées dans le cadre de la procédure enrolée sous le numéro 22-00025,
- condamné l'association Activemploi à payer à Mme [Z] [J] la somme de 4 597 euros à titre de congés payés,
- débouté Mme [Z] [J] de ses demandes au titre de l'annulation de l'avertissement, du harcèlement moral et du licenciement,
- débouté les parties de leurs demamdes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'association Activemploi aux dépens de l'instance
- jugé qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire autre que celle de droit.
Par acte du 05 juin 2023, Mme [Z] [NL] épouse [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 09 mai 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 04 septembre 2023, Mme [Z] [NL] épouse [J] demande à la cour de :
- Recevoir Mme [J] en ses demandes,
- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Annonay en date du 4 mai 2023 en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes relatives à l'annulation de l'avertissement, du harcèlement moral et du licenciement
- Constater que Mme [J] a été victime de faits de harcèlement moral au sein de l'Association Activ Emploi
- Condamner l'Association Activ Emploi à verser à Mme [J] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le harcèlement moral dont elle est victime
- Annuler l'avertissement du 9 novembre 2020 les faits reprochés n'étant pas avérés
- Constater que le licenciement pour inaptitude en date du 18 novembre 2021 est nul, l'inaptitude résultant du harcèlement moral dont Mme [J] a été victime au sein de l'Association Activ Emploi.
- Condamner l'Association Activ Emploi à verser à Mme [J] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le licenciement nul
- Débouter l'association Activ Emploi de toute ses demandes
- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes d'ANNONAY en date du 4 mai 2023 en ce qu'il a condamné l'Association Activ Emploi au titre des congés payés (34,5 jours)
- Condamner l'Association Activ Emploi à la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- elle a été victime de harcèlement moral caractérisé par des dénigrements, le prononcé d'un avertissement injustifié et le contrôle permanent ainsi que les immixtions de M. [W], président de l'association, lequel s'est poursuivi durant son arrêt maladie qui a débuté le 28 février 2020, ce qui justifie la condamnation de l'association à lui verser des dommages et intérêts pour réparer le préjudice qu'elle a subi,
- 1'avertissement en date du 9 avril 2020 n'est pas fondé, de sorte qu'il doit être annulé,
- le licenciement pour inaptitude dont elle a été l'objet n'est que la conséquence du harcèlement moral exercé à son encontre ce qui le rend nul.
En l'état de ses dernières écritures en date du 1er août 2024,la société Activ Emploi demande à la cour de :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions
- Débouter Mme [Z] [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions
- Condamner Mme [Z] [J] à payer à l'Association Activemploi la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner la même aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :
Mme [J] ne verse aux débats aucun élément lui permettant d'alléguer des faits de harcèlement moral, que l'avertissement qui lui a été notifié était parfaitement fondé, ainsi que le licenciement pour inaptitude prononcé.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 13 août 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 09 décembre 2024. L'affaire a été fixée à l'audience du 08 janvier 2025.
MOTIFS
Les dispositions du jugement en ce qu'elles condamnent l'association Activ Emploi à payer à Mme [Z] [J] la somme de 4 597 euros à titre de congés payés ne sont pas frappées d'appel.
Sur l'annulation de l'avertissement du 9 avril 2020
Par courrier du 9 avril 2020 l'association Activ Emploi a adressé à Mme [Z] [NL] épouse [J] un avertissement dans les termes suivants :
«...Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le jeudi 12 mars 2020, auquel vous avez dûment été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mars 2020, et au cours duquel vous étiez assistée de M. [E] [B].
Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les griefs que nous vous reprochons et nous avons recueilli vos explications, conformément aux règles applicables.
Toutefois, les explications que vous nous avez apportées ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits, raison pour laquelle nous vous notifions, par la présente, un avertissement pour les raisons ci-après rappelées.
Vous connaissez pleinement la nature des missions et les responsabilités qui vous sont confiées en qualité de Directrice de notre Association.
A toutes fins utiles, nous vous rappelons que la nature de vos fonctions et votre statut cadre impliquent par essence une attitude exemplaire de votre part, tant vis-à-vis des équipes que vous dirigez qu'envers les membres du Bureau, du Conseil d'Administration et du Président de notre Association.
Or, nous déplorons de votre part un comportement incompatible avec vos fonctions et votre statut, en contradiction avec les valeurs de notre Association.
En effet, la nécessité pour notre Président de reprendre l'intérim de la direction de notre Association durant votre absence a été l'occasion de prendre connaissance de faits que nous ne pouvons pas tolérer.
Il nous a tout d'abord été reporté par vos équipes que vous dénigrez et remettez sans cesse en cause l'autorité et la légitimité de votre Président, et ce, a fortiori auprès du personnel de notre Association.
Vous avez ainsi tenté de liguer l'ensemble des salariés contre notre Association, en incitant certains à se faire prescrire des arrêts de travail dans l'unique but de déstabiliser le fonctionnement et l'organisation de notre petite Association.
Ces faits ne sont d'ailleurs que le prolongement de la manifestation de votre opposition systématique envers le Président de notre Association, dont vous n'acceptez aucune remarque.
C'est effectivement déjà dans cet état d'esprit négatif que, dans une lettre ouverte adressée à notre Président, vous n'avez pas hésité à proférer des propos calomnieux et déplacés à son égard, inadmissible tant sur la forme que sur le fond.
Mais ce n'est pas tout, puisque notre Président a également été alerté par plusieurs salariés placés sous votre direction de vos méthodes déplorables de management et de communication,
n'hésitant pas à user de propos intimidants, rabaissants et agressifs.
Nous avons d'ailleurs été destinataires de nombreux arrêts de travail, ayant débouchés sur des constats d'inaptitude par le médecin du travail, traduisant toute l'ampleur du mal être et du climat délétère de travail générés par vos méthodes.
Au-delà du fait que nous nous interrogeons sur la réalité de vos intentions, nous sommes aujourd'hui réellement inquiets de l'importance du turn over et de l'état de détresse de notre personnel, dont la santé et la sécurité sont manifestement détériorées en raison de vos agissements inacceptables.
Dans le même registre, corroborant ces faits, nous avons eu la désagréable surprise d'apprendre, lors de la réception d'une convocation devant le conseil de prud'hommes, à l'initiative de Monsieur [O] [NK], que vous vous étiez permise de tenir des propos humiliants et rabaissants à l'égard de ce salarié devant des témoins.
Vos agissements sont donc loin d'être isolés, et sont de nature à dégrader de manière importante les conditions de travail de notre personnel, mais aussi de porter atteinte à leur santé et à leur dignité, et surtout susceptible, par ricochet, de mettre en cause la responsabilité de notre Association, ce que nous ne pouvons pas tolérer.
Vous ne semblez d'ailleurs pas prendre toute la mesure des conséquences de votre attitude, à en juger le déni dans lequel vous persistez à vous inscrire, encore au cours de l'entretien préalable, refusant d'accepter l'évidence de la situation alarmante dont vous êtes responsable en dépit du bon sens.
En outre, les membres du Bureau se sont également plaints des rapports particulièrement
difficiles entretenus avec vous, déplorant des problèmes récurrents de communication vous étant imputables.
De manière plus globale, ces faits portés récemment à notre connaissance nous inquiètent réellement sur votre façon de diriger et de gérer notre Association.
C'est pourquoi, dans ce contexte alarmant, nous avons décidé d'initier des investigations complémentaires plus approfondies portant précisément sur la gestion et la direction de notre Association qui vous a été confiée.
Pour autant, compte tenu des faits déjà portés à notre connaissance dès ce stade, nous avons décidé de vous notifier un avertissement circonstancié pour les motifs rappelés dans la présente.
Toutefois, si les investigations que nous allons diligenter venaient à révéler de nouveaux manquements à vos obligations contractuelles et/ou un comportement incompatible avec la nature de vos fonctions et les responsabilités qui vous sont confiées, nous serons amenés à envisager à votre égard une sanction plus grave pouvant aller jusqu'à la notification de votre
licenciement pour faute grave.
En tout état de cause, nous attendons dès maintenant un changement radical et significatif de votre comportement, devant s'inscrire en adéquation totale avec votre statut, vos responsabilités, ainsi qu'avec les valeurs humaines et morales de notre Association, que nous vous demandons strictement de respecter.
Nous comptons donc sur votre prise de conscience réelle et immédiate, à défaut de quoi nous serons dans l'impossibilité de vous maintenir au sein de notre Association.... »
Suite à cet avertissement Mme [Z] [NL] épouse [J] n'a jamais repris son travail.
Au soutien de la mesure critiquée, l'association Activ Emploi verse aux débats des attestations suivantes :
- M. [UM] [G] : « Administrateur d'activemploi, je tiens à témoigner dans l'affaire [J] contre [W]. Ni ami, ni ennemi de Mme [J], je resterai donc factuel. Mr [W] ne pouvait pas exercer son mandat de président, il était harcelé par Mme [J] qui lui interdisait l'accès aux dossiers de l'association sans sa présence, elle avait interdit au personnel de communiquer directement avec lui. Ce harcèlement l'a beaucoup affecté.
Elle a man'uvré sans cesse pour le faire démissionner en trompant par ses accusations à l'encontre de Mr [W], une partie du CA du Conseil d'administration.
Suite à un courrier adressé par les prud'hommes que la directrice a photocopié alors qu'il ne lui était pas destiné la mettait gravement en cause pour harcèlement (dossier [NK]), elle est allée le jour même déposer un dossier aux prud'hommes contre Mr [W] pour tenter d'atténuer sa responsabilité. Par contre je n'ai jamais constaté de harcèlement du président envers Mme [J], c'est le bourreau qui joue les victimes.
Pour appuyer mon propos, le tribunal peut demander le témoignage de l'ensemble des salariés, des institutionnels, de la médecine du travail, et du syndicat CGT. Tous peuvent témoigner que le harcèlement, la méchanceté, la violence étaient érigés en mode de gouvernance à Activemploi par Mme [J]. Mr [W] ne pouvait y échapper, ceci depuis un an. »
- M. [Y] [N] : « Depuis début janvier 2020 : Mme [J] dit du mal de Mr [W], m'interdit de lui parler. Elle me dit qu'il m'accuse de choses qui s'avèreront fausses
(exemple : détournement de marchandises, fausses déclaration d'accident du travail).
Autour du 15/01/2020 Mme [J] me demande d'écrire une motion de censure pour discréditer le Président. Elle m'affirme que c'est indispensable pour régler les problèmes d'Activemploi. Motion de censure donnée en main propre par moi au Vice-Président Mr [V] [C] le 24/01/2020.
A compter du 24/01/2020, Mme [J] me demande de ne plus parler aux salariés permanents qui n'ont pas signé cette motion.
Semaine du 10 février 2020 : demande quotidienne de Mme [J] pour que je me mette en arrêt maladie. Ce que j'ai refusé. Elle m'a précisé qu'il s'agissait de mettre le Président en difficulté.
Autour du 24 février 2020 Mme [J] me demande de faire une attestation de témoin sur ses qualités managériales. Je refuse.
Le 27 février 2020 : Mme [J] m'a demandé de faire une attestation indiquant qu'elle a payé l'achat d'un piano, alors qu'à ma connaissance elle ne l'a pas payé. Je l'ai faite pour protéger la Responsable des ventes qui refusait de la faire. En la faisant, moi-même, j'empêchais une sanction contre ma collègue, conformément à mon sens des Responsabilités. »
- Mme [HM] [P] : « Interdiction de communiquer avec les membres du bureau sur les éléments professionnels et surveillance à ce sujet.
Constater que le paiement des salariés permanents a pu se faire à des dates différentes.
M'obliger à ne pas communiquer des informations essentielles
- saisie sur salaire concernant Mme [J] [Z]
- saisie sur compte bancaire
- DS logistique
Remettre en cause régulièrement mon travail
- DPAE dématérialisée
- Me dire que la trésorière ne peut avoir confiance en moi aux vues de mon comportement
- tenue comptabilité
Mon bureau a été fouillé ainsi que mon ordinateur
- Eléments qui ont disparu
Être témoin d'agressions verbales envers les salariés temporaires jusqu'à rupture de leur contrat de travail.
Se sentir surveiller en permanence sur mes faits et gestes.
Être obligée de mentir pour ne pas subir un harcèlement moral (motion de censure).
Me téléphoner lors de mon arrêt de travail et me demander de prolonger cet arrêt et m'orienter à prévenir mon médecin traitant sur le comportement du Président de la structure.
Être harcelée pour fournir une attestation sur l'honneur indiquant que Mme [J] [Z] a des compétences managériales. »
- Mme [M] [F] : « Mme [J] [Z] m'a demandé de cacher plusieurs informations au président (Depuis conflit déchetterie avec Président (02.2019)).
Elle me reprochait de mettre en place les demandes du président (mettre en place des fichiers ' fiche contrôle, pour débarras, prestations ect' (02.2019).
Elle a demandé à l'équipe et moi-même de faire un courrier contre le président, chose que j'ai refusé (autour du 15.01.20). Elle m'a aussi demandé de lui faire une fausse facture pour l'achat d'un piano que j'ai également refusé de faire (27.02.2020).
Elle m'a dit qu'en ne signant pas la lettre contre le président, je me mettais l'équipe à dos. Elle a demandé à mes collègues de ne m'aider pour aucune tâche et de cesser de me parler (27.02/20).
A la suite de mon refus son comportement envers moi a changé, plus ferme et beaucoup plus sévère.
Par la suite Mme [J] m'a également demandé de lui faire une attestation sur ses compétences managériales que je lui ai faite et remise en main propre (24.02.20). »
- Mme [BN] [R] atteste : « Madame [J] [Z] m'a toujours dit de faire en sorte d'avoir un bon taux de sorties dynamiques, en indiquant des sorties en CDD ou en CDI si je ne savais pas.
Elle m'a fait faire des feuilles d'émargement aux salariés pour des ateliers collectifs qui n'ont jamais eu lieu.
Elle m'a fait cocher les dossiers personnels des salariés permanents dans mon bureau pour que le président n'y ait pas accès.
Elle m'a fait signer une motion de censure contre le président et m'a demandé d'inciter mes collègues à le faire. Nous avons signé ce document le jeudi 23 janvier 2020.
Elle m'a demandé de me mettre en arrêt maladie, arrêt que j'ai pris pour la période du 10 au 17 février 2020.
Madame [J] [Z] m'a demandé le jeudi 27 février 2020 de faire des faux dossiers d'inscription pour les salariés de l'entreprise DS logistique. Elle m'a aussi dit d'indiquer qu'ils étaient domiciliés au CCAS d'[Localité 2] pour la demande d'agrément.
J'ai aussi du leur faire des CV. »
- Mme [HL] [A] atteste : « depuis qu'elle est directrice, [Z] [J] a un contrat de travail sur 4 jours /semaine.
Si elle est présente 5 jours dans la semaine, elle se note huit heures de récupération.
Par contre, si elle s'absente pour diverses raisons (personnelles ou mandat d'élue de la ville d'[Localité 2]), son temps d'absence est rarement décompté. De ce fait, elle dispose d'un grand nombre d'heures de récupération qu'elle utilise à la place de jours de congés. J'avais informé la Trésorière, Mme [H] [UL] de cette situation.
D'autre part, [Z] [J] se décharge régulièrement sur les membres de l'équipe de tâches qui lui incombent en tant que directrice. »
- Mme [I] [T] : « En tant que conseillée du salarié CGT j'ai été amenée à rencontrer lors des entretiens préalables à un licenciement deux salariés de ACTIVEMPLOI, [U] [UJ], [BO] [L].
Harcelées par [Z] [J] directrice se sont vu être en inaptitude à tout poste dû à la conduite de [Z] [J] j'ai pu les amener à la médecine du travail tellement qu'elles pleuraient vu par le Docteur [X].
Par la suite Mr [NK] [O] salarié en contrat avec Activemploi m'a sollicité pour déclarer son mal être et faire un dossier prud'hommes pour harcèlement par [Z] [J] et la demande d'un nouveau contrat Activemploi a été condamné par rapport aux agissements auprès des salariés outrés par ce comportement de [Z] [J].
Etant active depuis 15 ans à l'union local CGT j'au vu d'autres salariés qui ont pu soit partir soit se laisser maltraiter par [Z] [J]. »
- M. [D] [HK] : « Je suis encadrant technique à Activemploi depuis 2013. A cette période [Z] [J] avait entre autre la fonction de CIP ai sein de l'association et nous avons rapidement eu des demandes sur le suivi des personnes que j'encadrais, autant sur le plan de souci professionnel que sur le respect des personnes. A plusieurs reprises j'ai vu des personnes que j'encadrais sortir en pleurs de son bureau, se plaignant d'un manque de respect, de considération et de leurs projets professionnels.
Par la suite [Z] [J] a eu le poste de directrice à Activemploi et très vite le personnel permanent a souffert de ses méthodes de diriger une équipe (diviser pour mieux régner tel a été sa ligne de conduite). Nous n'avons plus eu de réunions de travail en commun, un climat de méfiance s'est installé au sein des salariés (entretenu par les manigances et les mensonges que colportait la directrice) et nous en avons tous énormément souffert.
[U] [UJ] et [BO] [L] qui travaillent au poste de secrétariat d'accueil furent les premières à craquer et à démissionner ou arrêter pour des raisons de santé.
Par la suite ce fût le tour de [UG] [NN] occupant le poste de CIP qui a alors donné sa démission. J'ai énormément regretté son départ car elle faisait un excellent travail.
En partant elle m'a confié qu'elle ne pouvait plus supporter le harcèlement moral que lui faisait subir la directrice. Elle m'a aussi avoué que la directrice avait tenté de me décrédibiliser auprès d'elle.
La liste pourrait être plus longue et je ne parle pas de toutes les personnes en immersions qui ont vu leur contrat non renouvelé sans motif valable.
Aimant énormément mon travail et étant donné le fait d'être souvent sur les chantiers et donc de ne pas être en contact permanent avec la directrice j'ai pu tenir mon poste de travail.
Mais en septembre 2019 j'ai craqué car les pressions à mon encontre se sont encore plus amplifiée :
- Critiques de mon travail et de mon encadrement pour avant
- Transmissions au bureau de l'association de résultats erronés de mon travail
- Réduction de mon équipe sans raison et sans que je sois au courant
- Interdiction à la CIP de venir visiter mes chantiers
- Refus de m'inviter aux assemblées générales de l'association
J'ai donc demandé aux membres du bureau de me rencontrer afin de leur faire part de mon mal être, une rencontre qui a eu lieu fin 2019. »
- seconde attestation de M. [D] [HK] : « Je suis encadrant technique à Activemploi depuis 2013. J'encadre une équipe de personnes en insertion professionnelle. A la fin de la journée de travail du 23 mai 2019 moi et mon équipe de retour au bureau de l'association Activemploi, [Adresse 4] à [Localité 2], Mme [J] la directrice est sortie de son bureau, Mr [NK] lui a demandé s'il pouvait être en congé la semaine suivante, en même temps que son encadrant technique.
Un refus immédiat lui a été dit en criant. Mr [NK] lui a précisé que ce n'était pas la peine de crier.
Mme [J] leur a demandé de rentrer dans un bureau sans ma présence. En sortant, Mme [J] a notifié à Mr [NK] qu'il était licencié en lui disant qu'il n'était rien. J'ai précisé à Mme [J] qu'elle avait un être humain en face d'elle.
En voyant Mr [NK] choqué et très éprouvé je lui ai demandé de sortir des locaux avec moi.»
- Mme [S] [UK] : « Mme [J] [Z] m'a demandé le jeudi 27/02/2020 de faire de faux dossiers d'inscriptions pour les salariés de l'entreprise DS logistique.
Elle m'a demandé de mettre l'adresse du CCAS pour les salariés de DS logistique.
Elle m'a demandé de domicilier des salariés au CCAS pour les clauses d'insertion.
Elle m'a demandé de me mettre en arrêt de travail la semaine du 10 au 17 février 2020, chose que je n'ai pas faite.
Elle m'a dit de me méfier de certains de mes collègues.
Elle m'a demandé de noter à chaque fois que le président venait à Activemploi et de cacher ses feuilles dans mon sac.
Elle m'a demandé de me plaindre au président lors de la semaine ou plusieurs permanents étaient en arrêt. Si je ne le faisais pas elle m'a menacé de ne plus m'aider si j'avais des choses importantes que je ne savais pas faire.
Elle m'a demandé de lui faire une attestation de témoin concernant ses qualités managériales.
Elle m'a demandé de faire cette attestation fin février 2020. On a été obligée de faire cette attestation car elle mettait la pression et nous relancer plusieurs fois car on ne lui avait pas encore donné. »
Ces attestations établissent le climat délétère que faisait régner Mme [Z] [NL] épouse [J] au sein de la structure, de tels agissements justifiaient la mesure critiquée.
Mme [Z] [NL] épouse [J] conteste les faits qui lui sont reprochés et verse au soutien de son argumentation des attestations de personnes extérieures à l'association ( ancien Commandant de la Brigade de gendarmerie) qui ne peuvent avoir été témoins de faits relatés par les salariés. Elle conteste vainement être à l'origine d'une motion de censure ce qui vient en contradiction avec les déclarations des salariés sus visés dont Mme [BN] [R].
Elle produit des attestations de certains salariés qui ne parviennent pas à porter la contradiction aux déclarations des témoins de l'employeur. Au demeurant, les agissements de Mme [Z] [NL] épouse [J] auprès de certains salariés tels que décrits dans les témoignages reproduits ci-avant permettent de douter de la sincérité des propos des témoins de l'appelante.
En outre, les éloges tenus par le président en 2018 ne valent pas approbation du comportement de Mme [Z] [NL] épouse [J] en 2020.
Enfin, les simples dénégations de Mme [Z] [NL] épouse [J] et la remise en cause de la probité des témoins de l'employeur ne suffisent pas à oblitérer la pertinence des témoignages fournis par ces derniers.
Il sera par ailleurs constaté que Mme [Z] [NL] épouse [J] n'a pas estimé utile de déposer plainte pour faux contre ces attestants.
C'est à bon droit que le premier juge a débouté Mme [Z] [NL] épouse [J] de sa demande tendant à l'annulation de cet avertissement.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement
au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Mme [Z] [NL] épouse [J] expose qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral de la part du président de l'association, M. [W], qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 27 février 2020 pour dénoncer le harcèlement moral dont elle était victime, que dès le 28 février 2020, elle a été mise à pied et le président de l'association lui a demandé de quitter les locaux, lui a pris les clés et demandé de rendre son ordinateur, qu'à partir de ce jour-là elle n'a plus eu accès à son bureau, que, convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave, elle a fait finalement l'objet d'un avertissement le 12 avril 2020.
Elle ajoute qu'elle a tenté de reprendre son travail début mai 2020 mais que son employeur lui a demandé de quitter les lieux dans l'attente de la convocation devant le médecin du travail, que M. [W] l'a mise dehors de façon humiliante et vexatoire ce qui en l'espèce s'apparente à des violences morales.
Mme [Z] [NL] épouse [J] se plaint de dénigrements depuis avril 2019.
Elle fait état d'une sanction disciplinaire injustifiée le 9 avril 2020.
Mme [Z] [NL] épouse [J] déplore par ailleurs le contrôle permanent et les immixtions de M. [W].
Elle regrette, durant son arrêt de travail, l'absence de mise en place de la prévoyance malgré ses demandes, le non paiement de frais ( de décembre 2019, janvier et février 2020) et le versement de ses salaires en retard. Elle indique que son employeur s'est toujours opposé à la reprise de son travail prétextant l'absence de visite médicale de reprise.
Elle constate que ses jours de congés payés ont disparu de ses bulletins de salaires, qu'ainsi en mai 2020, son bulletin de salaire mentionne CP N-1 : 34,50 CP N : 26,80 et en juin 2020 : N-1 : 27 N : 0 ; 34,50 jours de congés payés ont été supprimés sans explication et contrairement à la
pratique habituelle de l'association en matière de congés payés
Elle observe qu'auparavant le virement pour les salariés permanents est le 28 du mois alors que ses salaires ont été versés aux dates suivantes : juillet 2020 versé le 18/08, août versé le 1/09, septembre versé le 5/10, octobre versé le 30/10, novembre versé le 10/12 et décembre versé le 31/12.
Elle rappelle que malgré plusieurs relances, ses frais professionnels de 2019 et de 2020 ne sont pas payés.
Mme [Z] [NL] épouse [J] verse aux débats les éléments suivants :
- un courrier du 4/05/2020 par lequel l'association Activ Emploi lui demande de quitter son poste en attente de la visite de reprise auprès de la médecine du travail,
- l'attestation Mme [NJ] [NM] décrivant la dégradation de son état de santé ainsi que des certificats médicaux,
- la lettre en date du 10/02/2020 de M. [C], vice-président , M. [NF], secrétaire et Mme [UL], trésorière à M. [W] mentionnant :
« (') nous étions tous fiers de pouvoir réaliser le but de ré-insertion sociale pour environ 250
personnes.
Or cet équilibre a été dégradé progressivement mais fortement depuis avril 2019. La
dégradation a commencé au sein du bureau de l'association. Nous sommes amenés à ton entière
responsabilité ('.)
- Des tentatives répétées de harcèlement moral à l'encontre de la Directrice et de certains membres du personnel salarié dans et hors les murs de l'association :
«nous constatons que la plupart du temps tu attaques en priorité le travail et les décisions de la
directrice
- Des actions de délations à l'encontre du personnel et nommément de la directrice ; nous en avons été témoin lors du dernier bureau de décembre
- une omniprésence sur les actions ne dépendant pas de ta responsabilité et sur des horaires inadéquats après le départ de la Directrice
- Des fouilles systématiques dans les dossiers de la Directrice et du personnel encadrant
- Récemment ont disparu des factures et des documents de travail dont tu as fait état au dernier bureau de décembre 2020 pour accuser la directrice de manière déplacée et inopportune . il s'agit d'état d'en-cours de factures clients fournies par ARTIM
- Au cours du dernier bureau tu as mis en cause la probité de la directrice, de [Y] [N] et de [M] [F] sans pouvoir apporter la moindre preuve devant le bureau
- Tu as affirmé devant le Bureau que Madame la maire d'[Localité 2] t'avait contactée, pour te faire part des soupçons de vols d'argent et de détournement de matériels dans l'association.(')
- Mise en cause devant le bureau de décembre 2019 de la probité de la directrice et de [Y] [N] au regard de l'accident du travail dans ce dernier a été victime le 31/08/2018. »
- la motion de censure des salariés
- l'attestation de M. [C] qui apporte un témoignage sur le harcèlement et les dénigrements subis par Mme [J] de la part de M. [W] à partir de février 2019 et sur les événements de janvier et février 2020.
- un courriel de M. [C] à M. [NF] expliquant le motif de sa démission à savoir 'la probable promotion d'une personne qui n'a pas le profil de directeur'
- des échanges de SMS en février 2019 entre M. [Y] [N] , Mme [R], Mme [F] mais dont l'appelante n'extrait aucun passage exploitable,
- des comptes rendus d'entretiens d'évaluations de fin d'année 2019 dans lesquels certains salariés s'interrogent sur les compétences respectives du président et de la directrice,
- ses bulletins de salaires 2020.
Ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Il incombe à l'association Activ Emploi de démontrer que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement
L'association Activ Emploi rappelle qu'elle a convoqué Mme [Z] [NL] épouse [J] à un entretien préalable par courrier du 12 février 2020, que le 27 février 2020 à 11h00 Mme [Z] [NL] épouse [J] a pris connaissance de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes à l'initiative de M. [NK] qui la mettait en cause dans son management, que Mme [Z] [NL] épouse [J] s'est rendue au conseil de prud'hommes pour déposer la requête sentant vraisemblablement que l'association allait initier à son encontre une procédure, que le 28 février 2020 Mme [Z] [NL] épouse [J] s'est trouvée en arrêt de travail.
L'avertissement du 9 avril 2020 a été validé comme cela a été jugé précédemment.
L'association Activ Emploi fait valoir que M. [K] [NF], secrétaire, a adressé au président une lettre d'excuses le 28 avril 2020 en ces termes :
' Nous avons enfin une réunion de bureau le 28 février 2020, Nous la commençons sans la Directrice; C'est alors que les cinq salariés permanents présents (le sixième est en maladie et la Directrice n 'est pas présente) entrent dans notre bureau pour nous dire qu 'ils ont été manipulés et nous expliquer toutes les pressions et manipulations que Mme [J] a réalisées pour les amener à mentir et à présenter la situation à son avantage exclusif. C'était, et ils l'ont cru pour la plupart, le seul moyen de sauver leurs postes et la continuité d 'Activemploi. Ce fut un moment de sincérité et de très forte émotion'. Toutefois il n'est produit aucune attestation de ces cinq salariés.
Elle ajoute que le 3 mars 2020 M. [C], vice-président alors de l'association, a démissionné en indiquant avoir perdu confiance, notamment en la directrice de l'association ' J'ai constaté une perte de confiance entre les membres du bureau qui a conduit à sa dislocation et à un début de cécité collectif qui a été préjudiciable au bon fonctionnement de l'Association.
La confiance que j'avais en la directrice, certains membres du bureau et le personnel encadrant a disparu.
Je n'aurai désormais aucun plaisir à continuer à vos côtés.'
Or dans un courrier du daté du 3 mars 2020 adressé à M. [NF], M. [C] relate qu'en réalité c'est M. [W] qui colportait des rumeurs sur le compte de Mme [Z] [NL] épouse [J] qu'il soupçonnait de vols et de détournements.
L'association Activ Emploi verse une attestation de M. [Y] [N] qui déclare : « Madame [J] m'a pendant des mois, rabâché que Monsieur [W] était mauvais qu'il nous descend en réunion de bureau, que c'était elle qui nous soutenait.
Un jour dans le bureau du secrétariat, elle nous dit qu'elle a fait tout ce qu'elle pouvait et que maintenant c'était aux salariés de réagir, sinon elle et la structure allaient être en danger.
Ce jour-là, Madame [J] m'a incité à appeler Monsieur [NF] et je me suis rendu pour l'inciter à signer le courrier rédiger par des membres du bureau contre Monsieur [W] (rendez-vous avec Monsieur [NF] à son domicile fin janvier). Par la suite, elle nous demandera de réaliser une motion de censure contre Monsieur [W]. Ce courrier est à l'initiative de Madame [J] (Monsieur [C] et Madame [UL] sont au courant également).
Nous devions cacher tous nos documents dans le bureau de [BN] [R] pour que Monsieur [W] ne les voit pas, nous ne devions rien dire à Monsieur [W], nous devions transmettre à Madame [J] tout mouvement de Monsieur [W].
Si nous nous opposions à ses directives, nous étions des parias, exemple : Mme [F] n'était pas d'accord avec Madame [J] pour la motion de censure.
Par conséquent, l'équipe devait plus parler à Madame [F] et nous devions faire attention à elle qu'elle ne divulgue aucune info à Monsieur [W] et nous ne devions plus approcher Madame [F].
Madame [P] comptable était particulièrement dépressive suite à l'action de Madame [J] car elle aurait transmis des informations d'un dossier sensible (DS LOGISTIC).
Pour mettre en difficulté Monsieur [W], Madame [J] se met en arrêt maladie et demande à tous les salariés permanents de se mettre en arrêt également 'si tout le monde se met en arrêt, [BP] devra partir » (sic), arrêt que je refusais de prendre ainsi que la secrétaire.
Toutes ces demandes sont le travail d'une manipulation de longue haleine. Madame [J] a toujours eu un management pour faire croire que vous aviez eu l'idée, alors que c'était elle qui amenait à l'avoir.
Elle a aussi joué sur la peur en parlant de ses relations avec les politiques et tout le monde qu'elle connait.
Elle a réussi à me manipuler car ma jeunesse, ma naïveté et le fait d'esseulé le personnel, sans réunion d'équipe et le manque de personnel
Elle nous coupe nos relations entre personnel, pour pouvoir garder toutes les informations pour elle et faire ce qu'elle veut.
A partir de là, elle pouvait diaboliser n'importe qui et faire suivre l'équipe permanente.
Le conflit entre le bureau et madame [J] ne regardait qu'eux. Monsieur [W] ne nous en a pas parlé pour nous protéger, ce que j'ai compris plus tard.
Madame [J] nous rabâchait ce conflit tous les jours et nous a volontairement mis dedans alors que ce n'est pas notre rôle.
Madame [J] a créé des troubles sur ma personne tel que dépression, et la prise de médicaments (Xanax). Suite à ce conflit et une hypertension maintenant irréversible.
Aujourd'hui sans Madame [J], je suis plus serein dans mon travail. Nous avons des réunions d'équipe, l'information circule et je ne suis plus surmené, ni stressé. »
Si l'association Activ Emploi produit des éléments pour critiquer le comportement de Mme [Z] [NL] épouse [J], force est de constater qu'elle ne s'explique pas sur les faits de harcèlement dénoncés par cette dernière exposés plus avant.
Au contraire, dans ses écritures l'association Activ Emploi indiquait « en Août 2019 L'Association constate la disparition de classeurs des fiches de débarras, et ce pendant les congés annuels de deux salariées, Madame [S] [UK] et Madame [M] [F], alors même que Madame [J] assurait l'accueil.
A cette date-là, le bureau de l'Association déplorait une certaine mauvaise volonté de sa Directrice d'exécuter les décisions du bureau de l'Association, notamment pour tout ce qui concernait le contrôle des flux. », Mme [Z] [NL] épouse [J] relève qu'outre le fait que ce grief ne lui a pas été reproché dans la lettre d'avertissement, l'employeur ne produit aucun élément au soutien de ses soupçons reconnaissant ainsi que cette suspicion à l'égard de la salariée ne reposait sur rien de concret.
L'association Activ Emploi ne fournit aucune explication sur les empiétements de M. [W] sur les prérogatives de la directrice ce qui était dénoncés par les salariés ( cf. plus haut), notamment en décidant d'ouvrir la ressourcerie ce à quoi Mme [Z] [NL] épouse [J] s'était opposée pour des raisons d'encadrement.
L'association Activ Emploi ne répond pas aux agissements que dénonce Mme [Z] [NL] épouse [J] et qui sont étayés par les pièces produites comme :
- l'interdiction opposée à Mme [Z] [NL] épouse [J] de revenir travailler dans l'attente de la convocation devant le médecin du travail alors qu'il n'est pas démontré que l'employeur a pris l'initiative d'une visite de reprise alors que la salariée l'informait de la fin de son arrêt de travail,
- l'absence de mise en place de la prévoyance malgré ses demandes,
- le non paiement de frais ( de décembre 2019, janvier et février 2020),
- le versement de ses salaires en retard,
- la disparition de ses jours de congés payés de ses bulletins de salaires,
- les retards pris pour procéder au virement de sa paie.
Il en résulte que Mme [Z] [NL] épouse [J] a été victime de harcèlement moral. Son préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme que la cour arbitre à 5.000,00 euros.
Sur la rupture du contrat de travail
Mme [Z] [NL] épouse [J] a été licenciée pour inaptitude en date du 18 novembre 2021. Elle impute l'origine de son inaptitude au comportement de son employeur.
Au visa des articles L 1152-2 et L. 1252-3 du code du travail elle demande que soit prononcée la nullité de son licenciement et sollicite le paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de ce licenciement nul.
L'association Activ Emploi ne formule aucune observation sur ce point.
Il résulte de la chronologie des événements telle que rappelée ci-avant que Mme [Z] [NL] épouse [J] a été placée en arrêt de travail dès le 28 février 2020 alors qu'il a été envisagé d'initier une procédure disciplinaire et qu'elle n'a plus repris son travail par la suite.
Le licenciement intervenant dans un contexte de harcèlement moral est entaché de nullité.
Il sera alloué la somme de 25.000,00 euros à ce titre.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'association Activ Emploi à payer à Mme [Z] [NL] épouse [J] la somme de 1.500,00 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
Statuant dans les limites de l'appel,
Réforme le jugement déféré en ce qu'il déboute Mme [Z] [NL] épouse [J] de ses demandes au titre du harcèlement moral et du licenciement,
Statuant à nouveau de ces chefs réformés,
Juge que Mme [Z] [NL] épouse [J] a été victime de harcèlement moral et juge son licenciement nul,
Condamne l'association Activ Emploi à payer à Mme [Z] [NL] épouse [J] les sommes de :
- 5.000,00 euros pour harcèlement moral
- 25.000,00 euros pour nullité du licenciement
Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail,
Confirme le jugement pour le surplus,
Condamne l'association Activ Emploi à payer à Mme [Z] [NL] épouse [J] la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'association Activ Emploi aux dépens d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/01870 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I2Z7
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE D'ANNONAY
04 mai 2023
RG:20/00015
[NL] EPOUSE [J]
C/
Association ACTIV EMPLOI
Grosse délivrée le 03 MARS 2025 à :
- Me NINOTTA
- Me JALLIFFIER -VERNE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 03 MARS 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ANNONAY en date du 04 Mai 2023, N°20/00015
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Janvier 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 Mars 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [Z] [NL] EPOUSE [J]
née le 13 Août 1971 à [Localité 5] (42)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Marylène NINOTTA de la SCP DELOCHE, avocat au barreau d'ARDECHE
INTIMÉE :
Association ACTIV EMPLOI association déclarée
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuelle JALLIFFIER-VERNE de la SELEURL EJV AVOCATS, avocat au barreau de LYON
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 03 Mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [Z] [NL] épouse [J] a été engagée à compter du 15 septembre 2008 par l'association intermédiaire Cosa, aux droits de laquelle se trouve désormais l'association Activ Emploi, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel puis à temps complet à compter du 1er janvier 2013.
La convention collective applicable est celle des centres sociaux et culturels.
La salariée occupait initialement les fonctions de chargée d'affaires, puis de coordinateur d'emploi et formation à compter du 1er janvier 2013, et enfin de directrice à compter du 1er décembre 2015.
Affirmant avoir été victime de faits de harcèlement moral au sein de l'association, Mme [Z] [NL] épouse [J] saisissait le conseil de prud'hommes d'Annonay en février 2020, en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes.
À compter du 28 février 2020, la salariée a été placée en arrêt de travail.
Mme [Z] [NL] épouse [J] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 12 mars 2020, l'employeur lui notifiait un avertissement par courrier du 09 avril 2020.
Suivant deux avis en date des 15 et 20 octobre 2021, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste de travail, avec impossibilité de reclassement.
Mme [Z] [NL] épouse [J] a alors été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement le 18 novembre 2021.
Par une seconde requête reçue le 08 avril 2021, la salariée a sollicité l'annulation de l'avertissement du 09 novembre 2020 ainsi que la condamnation de son ancien employeur au paiement de diverses sommes à titre salarial et indemnitaire.
Le conseil de prud'hommes d'Annonay en sa formation départage, par jugement contradictoire du 04 mai 2023, a :
- constaté que Mme [Z] [J] se désiste de sa requête enrolée sous le numéro 22-00025,
- jugé que le conseil est saisi par Mme [Z] [J] de demandes additionnelles dans le cadre de l'affaire enrolée sous le numéro 20-00015, correspondant aux prétentions initialement formées dans le cadre de la procédure enrolée sous le numéro 22-00025,
- condamné l'association Activemploi à payer à Mme [Z] [J] la somme de 4 597 euros à titre de congés payés,
- débouté Mme [Z] [J] de ses demandes au titre de l'annulation de l'avertissement, du harcèlement moral et du licenciement,
- débouté les parties de leurs demamdes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'association Activemploi aux dépens de l'instance
- jugé qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire autre que celle de droit.
Par acte du 05 juin 2023, Mme [Z] [NL] épouse [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 09 mai 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 04 septembre 2023, Mme [Z] [NL] épouse [J] demande à la cour de :
- Recevoir Mme [J] en ses demandes,
- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Annonay en date du 4 mai 2023 en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes relatives à l'annulation de l'avertissement, du harcèlement moral et du licenciement
- Constater que Mme [J] a été victime de faits de harcèlement moral au sein de l'Association Activ Emploi
- Condamner l'Association Activ Emploi à verser à Mme [J] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le harcèlement moral dont elle est victime
- Annuler l'avertissement du 9 novembre 2020 les faits reprochés n'étant pas avérés
- Constater que le licenciement pour inaptitude en date du 18 novembre 2021 est nul, l'inaptitude résultant du harcèlement moral dont Mme [J] a été victime au sein de l'Association Activ Emploi.
- Condamner l'Association Activ Emploi à verser à Mme [J] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le licenciement nul
- Débouter l'association Activ Emploi de toute ses demandes
- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes d'ANNONAY en date du 4 mai 2023 en ce qu'il a condamné l'Association Activ Emploi au titre des congés payés (34,5 jours)
- Condamner l'Association Activ Emploi à la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- elle a été victime de harcèlement moral caractérisé par des dénigrements, le prononcé d'un avertissement injustifié et le contrôle permanent ainsi que les immixtions de M. [W], président de l'association, lequel s'est poursuivi durant son arrêt maladie qui a débuté le 28 février 2020, ce qui justifie la condamnation de l'association à lui verser des dommages et intérêts pour réparer le préjudice qu'elle a subi,
- 1'avertissement en date du 9 avril 2020 n'est pas fondé, de sorte qu'il doit être annulé,
- le licenciement pour inaptitude dont elle a été l'objet n'est que la conséquence du harcèlement moral exercé à son encontre ce qui le rend nul.
En l'état de ses dernières écritures en date du 1er août 2024,la société Activ Emploi demande à la cour de :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions
- Débouter Mme [Z] [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions
- Condamner Mme [Z] [J] à payer à l'Association Activemploi la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner la même aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :
Mme [J] ne verse aux débats aucun élément lui permettant d'alléguer des faits de harcèlement moral, que l'avertissement qui lui a été notifié était parfaitement fondé, ainsi que le licenciement pour inaptitude prononcé.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 13 août 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 09 décembre 2024. L'affaire a été fixée à l'audience du 08 janvier 2025.
MOTIFS
Les dispositions du jugement en ce qu'elles condamnent l'association Activ Emploi à payer à Mme [Z] [J] la somme de 4 597 euros à titre de congés payés ne sont pas frappées d'appel.
Sur l'annulation de l'avertissement du 9 avril 2020
Par courrier du 9 avril 2020 l'association Activ Emploi a adressé à Mme [Z] [NL] épouse [J] un avertissement dans les termes suivants :
«...Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le jeudi 12 mars 2020, auquel vous avez dûment été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mars 2020, et au cours duquel vous étiez assistée de M. [E] [B].
Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les griefs que nous vous reprochons et nous avons recueilli vos explications, conformément aux règles applicables.
Toutefois, les explications que vous nous avez apportées ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits, raison pour laquelle nous vous notifions, par la présente, un avertissement pour les raisons ci-après rappelées.
Vous connaissez pleinement la nature des missions et les responsabilités qui vous sont confiées en qualité de Directrice de notre Association.
A toutes fins utiles, nous vous rappelons que la nature de vos fonctions et votre statut cadre impliquent par essence une attitude exemplaire de votre part, tant vis-à-vis des équipes que vous dirigez qu'envers les membres du Bureau, du Conseil d'Administration et du Président de notre Association.
Or, nous déplorons de votre part un comportement incompatible avec vos fonctions et votre statut, en contradiction avec les valeurs de notre Association.
En effet, la nécessité pour notre Président de reprendre l'intérim de la direction de notre Association durant votre absence a été l'occasion de prendre connaissance de faits que nous ne pouvons pas tolérer.
Il nous a tout d'abord été reporté par vos équipes que vous dénigrez et remettez sans cesse en cause l'autorité et la légitimité de votre Président, et ce, a fortiori auprès du personnel de notre Association.
Vous avez ainsi tenté de liguer l'ensemble des salariés contre notre Association, en incitant certains à se faire prescrire des arrêts de travail dans l'unique but de déstabiliser le fonctionnement et l'organisation de notre petite Association.
Ces faits ne sont d'ailleurs que le prolongement de la manifestation de votre opposition systématique envers le Président de notre Association, dont vous n'acceptez aucune remarque.
C'est effectivement déjà dans cet état d'esprit négatif que, dans une lettre ouverte adressée à notre Président, vous n'avez pas hésité à proférer des propos calomnieux et déplacés à son égard, inadmissible tant sur la forme que sur le fond.
Mais ce n'est pas tout, puisque notre Président a également été alerté par plusieurs salariés placés sous votre direction de vos méthodes déplorables de management et de communication,
n'hésitant pas à user de propos intimidants, rabaissants et agressifs.
Nous avons d'ailleurs été destinataires de nombreux arrêts de travail, ayant débouchés sur des constats d'inaptitude par le médecin du travail, traduisant toute l'ampleur du mal être et du climat délétère de travail générés par vos méthodes.
Au-delà du fait que nous nous interrogeons sur la réalité de vos intentions, nous sommes aujourd'hui réellement inquiets de l'importance du turn over et de l'état de détresse de notre personnel, dont la santé et la sécurité sont manifestement détériorées en raison de vos agissements inacceptables.
Dans le même registre, corroborant ces faits, nous avons eu la désagréable surprise d'apprendre, lors de la réception d'une convocation devant le conseil de prud'hommes, à l'initiative de Monsieur [O] [NK], que vous vous étiez permise de tenir des propos humiliants et rabaissants à l'égard de ce salarié devant des témoins.
Vos agissements sont donc loin d'être isolés, et sont de nature à dégrader de manière importante les conditions de travail de notre personnel, mais aussi de porter atteinte à leur santé et à leur dignité, et surtout susceptible, par ricochet, de mettre en cause la responsabilité de notre Association, ce que nous ne pouvons pas tolérer.
Vous ne semblez d'ailleurs pas prendre toute la mesure des conséquences de votre attitude, à en juger le déni dans lequel vous persistez à vous inscrire, encore au cours de l'entretien préalable, refusant d'accepter l'évidence de la situation alarmante dont vous êtes responsable en dépit du bon sens.
En outre, les membres du Bureau se sont également plaints des rapports particulièrement
difficiles entretenus avec vous, déplorant des problèmes récurrents de communication vous étant imputables.
De manière plus globale, ces faits portés récemment à notre connaissance nous inquiètent réellement sur votre façon de diriger et de gérer notre Association.
C'est pourquoi, dans ce contexte alarmant, nous avons décidé d'initier des investigations complémentaires plus approfondies portant précisément sur la gestion et la direction de notre Association qui vous a été confiée.
Pour autant, compte tenu des faits déjà portés à notre connaissance dès ce stade, nous avons décidé de vous notifier un avertissement circonstancié pour les motifs rappelés dans la présente.
Toutefois, si les investigations que nous allons diligenter venaient à révéler de nouveaux manquements à vos obligations contractuelles et/ou un comportement incompatible avec la nature de vos fonctions et les responsabilités qui vous sont confiées, nous serons amenés à envisager à votre égard une sanction plus grave pouvant aller jusqu'à la notification de votre
licenciement pour faute grave.
En tout état de cause, nous attendons dès maintenant un changement radical et significatif de votre comportement, devant s'inscrire en adéquation totale avec votre statut, vos responsabilités, ainsi qu'avec les valeurs humaines et morales de notre Association, que nous vous demandons strictement de respecter.
Nous comptons donc sur votre prise de conscience réelle et immédiate, à défaut de quoi nous serons dans l'impossibilité de vous maintenir au sein de notre Association.... »
Suite à cet avertissement Mme [Z] [NL] épouse [J] n'a jamais repris son travail.
Au soutien de la mesure critiquée, l'association Activ Emploi verse aux débats des attestations suivantes :
- M. [UM] [G] : « Administrateur d'activemploi, je tiens à témoigner dans l'affaire [J] contre [W]. Ni ami, ni ennemi de Mme [J], je resterai donc factuel. Mr [W] ne pouvait pas exercer son mandat de président, il était harcelé par Mme [J] qui lui interdisait l'accès aux dossiers de l'association sans sa présence, elle avait interdit au personnel de communiquer directement avec lui. Ce harcèlement l'a beaucoup affecté.
Elle a man'uvré sans cesse pour le faire démissionner en trompant par ses accusations à l'encontre de Mr [W], une partie du CA du Conseil d'administration.
Suite à un courrier adressé par les prud'hommes que la directrice a photocopié alors qu'il ne lui était pas destiné la mettait gravement en cause pour harcèlement (dossier [NK]), elle est allée le jour même déposer un dossier aux prud'hommes contre Mr [W] pour tenter d'atténuer sa responsabilité. Par contre je n'ai jamais constaté de harcèlement du président envers Mme [J], c'est le bourreau qui joue les victimes.
Pour appuyer mon propos, le tribunal peut demander le témoignage de l'ensemble des salariés, des institutionnels, de la médecine du travail, et du syndicat CGT. Tous peuvent témoigner que le harcèlement, la méchanceté, la violence étaient érigés en mode de gouvernance à Activemploi par Mme [J]. Mr [W] ne pouvait y échapper, ceci depuis un an. »
- M. [Y] [N] : « Depuis début janvier 2020 : Mme [J] dit du mal de Mr [W], m'interdit de lui parler. Elle me dit qu'il m'accuse de choses qui s'avèreront fausses
(exemple : détournement de marchandises, fausses déclaration d'accident du travail).
Autour du 15/01/2020 Mme [J] me demande d'écrire une motion de censure pour discréditer le Président. Elle m'affirme que c'est indispensable pour régler les problèmes d'Activemploi. Motion de censure donnée en main propre par moi au Vice-Président Mr [V] [C] le 24/01/2020.
A compter du 24/01/2020, Mme [J] me demande de ne plus parler aux salariés permanents qui n'ont pas signé cette motion.
Semaine du 10 février 2020 : demande quotidienne de Mme [J] pour que je me mette en arrêt maladie. Ce que j'ai refusé. Elle m'a précisé qu'il s'agissait de mettre le Président en difficulté.
Autour du 24 février 2020 Mme [J] me demande de faire une attestation de témoin sur ses qualités managériales. Je refuse.
Le 27 février 2020 : Mme [J] m'a demandé de faire une attestation indiquant qu'elle a payé l'achat d'un piano, alors qu'à ma connaissance elle ne l'a pas payé. Je l'ai faite pour protéger la Responsable des ventes qui refusait de la faire. En la faisant, moi-même, j'empêchais une sanction contre ma collègue, conformément à mon sens des Responsabilités. »
- Mme [HM] [P] : « Interdiction de communiquer avec les membres du bureau sur les éléments professionnels et surveillance à ce sujet.
Constater que le paiement des salariés permanents a pu se faire à des dates différentes.
M'obliger à ne pas communiquer des informations essentielles
- saisie sur salaire concernant Mme [J] [Z]
- saisie sur compte bancaire
- DS logistique
Remettre en cause régulièrement mon travail
- DPAE dématérialisée
- Me dire que la trésorière ne peut avoir confiance en moi aux vues de mon comportement
- tenue comptabilité
Mon bureau a été fouillé ainsi que mon ordinateur
- Eléments qui ont disparu
Être témoin d'agressions verbales envers les salariés temporaires jusqu'à rupture de leur contrat de travail.
Se sentir surveiller en permanence sur mes faits et gestes.
Être obligée de mentir pour ne pas subir un harcèlement moral (motion de censure).
Me téléphoner lors de mon arrêt de travail et me demander de prolonger cet arrêt et m'orienter à prévenir mon médecin traitant sur le comportement du Président de la structure.
Être harcelée pour fournir une attestation sur l'honneur indiquant que Mme [J] [Z] a des compétences managériales. »
- Mme [M] [F] : « Mme [J] [Z] m'a demandé de cacher plusieurs informations au président (Depuis conflit déchetterie avec Président (02.2019)).
Elle me reprochait de mettre en place les demandes du président (mettre en place des fichiers ' fiche contrôle, pour débarras, prestations ect' (02.2019).
Elle a demandé à l'équipe et moi-même de faire un courrier contre le président, chose que j'ai refusé (autour du 15.01.20). Elle m'a aussi demandé de lui faire une fausse facture pour l'achat d'un piano que j'ai également refusé de faire (27.02.2020).
Elle m'a dit qu'en ne signant pas la lettre contre le président, je me mettais l'équipe à dos. Elle a demandé à mes collègues de ne m'aider pour aucune tâche et de cesser de me parler (27.02/20).
A la suite de mon refus son comportement envers moi a changé, plus ferme et beaucoup plus sévère.
Par la suite Mme [J] m'a également demandé de lui faire une attestation sur ses compétences managériales que je lui ai faite et remise en main propre (24.02.20). »
- Mme [BN] [R] atteste : « Madame [J] [Z] m'a toujours dit de faire en sorte d'avoir un bon taux de sorties dynamiques, en indiquant des sorties en CDD ou en CDI si je ne savais pas.
Elle m'a fait faire des feuilles d'émargement aux salariés pour des ateliers collectifs qui n'ont jamais eu lieu.
Elle m'a fait cocher les dossiers personnels des salariés permanents dans mon bureau pour que le président n'y ait pas accès.
Elle m'a fait signer une motion de censure contre le président et m'a demandé d'inciter mes collègues à le faire. Nous avons signé ce document le jeudi 23 janvier 2020.
Elle m'a demandé de me mettre en arrêt maladie, arrêt que j'ai pris pour la période du 10 au 17 février 2020.
Madame [J] [Z] m'a demandé le jeudi 27 février 2020 de faire des faux dossiers d'inscription pour les salariés de l'entreprise DS logistique. Elle m'a aussi dit d'indiquer qu'ils étaient domiciliés au CCAS d'[Localité 2] pour la demande d'agrément.
J'ai aussi du leur faire des CV. »
- Mme [HL] [A] atteste : « depuis qu'elle est directrice, [Z] [J] a un contrat de travail sur 4 jours /semaine.
Si elle est présente 5 jours dans la semaine, elle se note huit heures de récupération.
Par contre, si elle s'absente pour diverses raisons (personnelles ou mandat d'élue de la ville d'[Localité 2]), son temps d'absence est rarement décompté. De ce fait, elle dispose d'un grand nombre d'heures de récupération qu'elle utilise à la place de jours de congés. J'avais informé la Trésorière, Mme [H] [UL] de cette situation.
D'autre part, [Z] [J] se décharge régulièrement sur les membres de l'équipe de tâches qui lui incombent en tant que directrice. »
- Mme [I] [T] : « En tant que conseillée du salarié CGT j'ai été amenée à rencontrer lors des entretiens préalables à un licenciement deux salariés de ACTIVEMPLOI, [U] [UJ], [BO] [L].
Harcelées par [Z] [J] directrice se sont vu être en inaptitude à tout poste dû à la conduite de [Z] [J] j'ai pu les amener à la médecine du travail tellement qu'elles pleuraient vu par le Docteur [X].
Par la suite Mr [NK] [O] salarié en contrat avec Activemploi m'a sollicité pour déclarer son mal être et faire un dossier prud'hommes pour harcèlement par [Z] [J] et la demande d'un nouveau contrat Activemploi a été condamné par rapport aux agissements auprès des salariés outrés par ce comportement de [Z] [J].
Etant active depuis 15 ans à l'union local CGT j'au vu d'autres salariés qui ont pu soit partir soit se laisser maltraiter par [Z] [J]. »
- M. [D] [HK] : « Je suis encadrant technique à Activemploi depuis 2013. A cette période [Z] [J] avait entre autre la fonction de CIP ai sein de l'association et nous avons rapidement eu des demandes sur le suivi des personnes que j'encadrais, autant sur le plan de souci professionnel que sur le respect des personnes. A plusieurs reprises j'ai vu des personnes que j'encadrais sortir en pleurs de son bureau, se plaignant d'un manque de respect, de considération et de leurs projets professionnels.
Par la suite [Z] [J] a eu le poste de directrice à Activemploi et très vite le personnel permanent a souffert de ses méthodes de diriger une équipe (diviser pour mieux régner tel a été sa ligne de conduite). Nous n'avons plus eu de réunions de travail en commun, un climat de méfiance s'est installé au sein des salariés (entretenu par les manigances et les mensonges que colportait la directrice) et nous en avons tous énormément souffert.
[U] [UJ] et [BO] [L] qui travaillent au poste de secrétariat d'accueil furent les premières à craquer et à démissionner ou arrêter pour des raisons de santé.
Par la suite ce fût le tour de [UG] [NN] occupant le poste de CIP qui a alors donné sa démission. J'ai énormément regretté son départ car elle faisait un excellent travail.
En partant elle m'a confié qu'elle ne pouvait plus supporter le harcèlement moral que lui faisait subir la directrice. Elle m'a aussi avoué que la directrice avait tenté de me décrédibiliser auprès d'elle.
La liste pourrait être plus longue et je ne parle pas de toutes les personnes en immersions qui ont vu leur contrat non renouvelé sans motif valable.
Aimant énormément mon travail et étant donné le fait d'être souvent sur les chantiers et donc de ne pas être en contact permanent avec la directrice j'ai pu tenir mon poste de travail.
Mais en septembre 2019 j'ai craqué car les pressions à mon encontre se sont encore plus amplifiée :
- Critiques de mon travail et de mon encadrement pour avant
- Transmissions au bureau de l'association de résultats erronés de mon travail
- Réduction de mon équipe sans raison et sans que je sois au courant
- Interdiction à la CIP de venir visiter mes chantiers
- Refus de m'inviter aux assemblées générales de l'association
J'ai donc demandé aux membres du bureau de me rencontrer afin de leur faire part de mon mal être, une rencontre qui a eu lieu fin 2019. »
- seconde attestation de M. [D] [HK] : « Je suis encadrant technique à Activemploi depuis 2013. J'encadre une équipe de personnes en insertion professionnelle. A la fin de la journée de travail du 23 mai 2019 moi et mon équipe de retour au bureau de l'association Activemploi, [Adresse 4] à [Localité 2], Mme [J] la directrice est sortie de son bureau, Mr [NK] lui a demandé s'il pouvait être en congé la semaine suivante, en même temps que son encadrant technique.
Un refus immédiat lui a été dit en criant. Mr [NK] lui a précisé que ce n'était pas la peine de crier.
Mme [J] leur a demandé de rentrer dans un bureau sans ma présence. En sortant, Mme [J] a notifié à Mr [NK] qu'il était licencié en lui disant qu'il n'était rien. J'ai précisé à Mme [J] qu'elle avait un être humain en face d'elle.
En voyant Mr [NK] choqué et très éprouvé je lui ai demandé de sortir des locaux avec moi.»
- Mme [S] [UK] : « Mme [J] [Z] m'a demandé le jeudi 27/02/2020 de faire de faux dossiers d'inscriptions pour les salariés de l'entreprise DS logistique.
Elle m'a demandé de mettre l'adresse du CCAS pour les salariés de DS logistique.
Elle m'a demandé de domicilier des salariés au CCAS pour les clauses d'insertion.
Elle m'a demandé de me mettre en arrêt de travail la semaine du 10 au 17 février 2020, chose que je n'ai pas faite.
Elle m'a dit de me méfier de certains de mes collègues.
Elle m'a demandé de noter à chaque fois que le président venait à Activemploi et de cacher ses feuilles dans mon sac.
Elle m'a demandé de me plaindre au président lors de la semaine ou plusieurs permanents étaient en arrêt. Si je ne le faisais pas elle m'a menacé de ne plus m'aider si j'avais des choses importantes que je ne savais pas faire.
Elle m'a demandé de lui faire une attestation de témoin concernant ses qualités managériales.
Elle m'a demandé de faire cette attestation fin février 2020. On a été obligée de faire cette attestation car elle mettait la pression et nous relancer plusieurs fois car on ne lui avait pas encore donné. »
Ces attestations établissent le climat délétère que faisait régner Mme [Z] [NL] épouse [J] au sein de la structure, de tels agissements justifiaient la mesure critiquée.
Mme [Z] [NL] épouse [J] conteste les faits qui lui sont reprochés et verse au soutien de son argumentation des attestations de personnes extérieures à l'association ( ancien Commandant de la Brigade de gendarmerie) qui ne peuvent avoir été témoins de faits relatés par les salariés. Elle conteste vainement être à l'origine d'une motion de censure ce qui vient en contradiction avec les déclarations des salariés sus visés dont Mme [BN] [R].
Elle produit des attestations de certains salariés qui ne parviennent pas à porter la contradiction aux déclarations des témoins de l'employeur. Au demeurant, les agissements de Mme [Z] [NL] épouse [J] auprès de certains salariés tels que décrits dans les témoignages reproduits ci-avant permettent de douter de la sincérité des propos des témoins de l'appelante.
En outre, les éloges tenus par le président en 2018 ne valent pas approbation du comportement de Mme [Z] [NL] épouse [J] en 2020.
Enfin, les simples dénégations de Mme [Z] [NL] épouse [J] et la remise en cause de la probité des témoins de l'employeur ne suffisent pas à oblitérer la pertinence des témoignages fournis par ces derniers.
Il sera par ailleurs constaté que Mme [Z] [NL] épouse [J] n'a pas estimé utile de déposer plainte pour faux contre ces attestants.
C'est à bon droit que le premier juge a débouté Mme [Z] [NL] épouse [J] de sa demande tendant à l'annulation de cet avertissement.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement
au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Mme [Z] [NL] épouse [J] expose qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral de la part du président de l'association, M. [W], qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 27 février 2020 pour dénoncer le harcèlement moral dont elle était victime, que dès le 28 février 2020, elle a été mise à pied et le président de l'association lui a demandé de quitter les locaux, lui a pris les clés et demandé de rendre son ordinateur, qu'à partir de ce jour-là elle n'a plus eu accès à son bureau, que, convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave, elle a fait finalement l'objet d'un avertissement le 12 avril 2020.
Elle ajoute qu'elle a tenté de reprendre son travail début mai 2020 mais que son employeur lui a demandé de quitter les lieux dans l'attente de la convocation devant le médecin du travail, que M. [W] l'a mise dehors de façon humiliante et vexatoire ce qui en l'espèce s'apparente à des violences morales.
Mme [Z] [NL] épouse [J] se plaint de dénigrements depuis avril 2019.
Elle fait état d'une sanction disciplinaire injustifiée le 9 avril 2020.
Mme [Z] [NL] épouse [J] déplore par ailleurs le contrôle permanent et les immixtions de M. [W].
Elle regrette, durant son arrêt de travail, l'absence de mise en place de la prévoyance malgré ses demandes, le non paiement de frais ( de décembre 2019, janvier et février 2020) et le versement de ses salaires en retard. Elle indique que son employeur s'est toujours opposé à la reprise de son travail prétextant l'absence de visite médicale de reprise.
Elle constate que ses jours de congés payés ont disparu de ses bulletins de salaires, qu'ainsi en mai 2020, son bulletin de salaire mentionne CP N-1 : 34,50 CP N : 26,80 et en juin 2020 : N-1 : 27 N : 0 ; 34,50 jours de congés payés ont été supprimés sans explication et contrairement à la
pratique habituelle de l'association en matière de congés payés
Elle observe qu'auparavant le virement pour les salariés permanents est le 28 du mois alors que ses salaires ont été versés aux dates suivantes : juillet 2020 versé le 18/08, août versé le 1/09, septembre versé le 5/10, octobre versé le 30/10, novembre versé le 10/12 et décembre versé le 31/12.
Elle rappelle que malgré plusieurs relances, ses frais professionnels de 2019 et de 2020 ne sont pas payés.
Mme [Z] [NL] épouse [J] verse aux débats les éléments suivants :
- un courrier du 4/05/2020 par lequel l'association Activ Emploi lui demande de quitter son poste en attente de la visite de reprise auprès de la médecine du travail,
- l'attestation Mme [NJ] [NM] décrivant la dégradation de son état de santé ainsi que des certificats médicaux,
- la lettre en date du 10/02/2020 de M. [C], vice-président , M. [NF], secrétaire et Mme [UL], trésorière à M. [W] mentionnant :
« (') nous étions tous fiers de pouvoir réaliser le but de ré-insertion sociale pour environ 250
personnes.
Or cet équilibre a été dégradé progressivement mais fortement depuis avril 2019. La
dégradation a commencé au sein du bureau de l'association. Nous sommes amenés à ton entière
responsabilité ('.)
- Des tentatives répétées de harcèlement moral à l'encontre de la Directrice et de certains membres du personnel salarié dans et hors les murs de l'association :
«nous constatons que la plupart du temps tu attaques en priorité le travail et les décisions de la
directrice
- Des actions de délations à l'encontre du personnel et nommément de la directrice ; nous en avons été témoin lors du dernier bureau de décembre
- une omniprésence sur les actions ne dépendant pas de ta responsabilité et sur des horaires inadéquats après le départ de la Directrice
- Des fouilles systématiques dans les dossiers de la Directrice et du personnel encadrant
- Récemment ont disparu des factures et des documents de travail dont tu as fait état au dernier bureau de décembre 2020 pour accuser la directrice de manière déplacée et inopportune . il s'agit d'état d'en-cours de factures clients fournies par ARTIM
- Au cours du dernier bureau tu as mis en cause la probité de la directrice, de [Y] [N] et de [M] [F] sans pouvoir apporter la moindre preuve devant le bureau
- Tu as affirmé devant le Bureau que Madame la maire d'[Localité 2] t'avait contactée, pour te faire part des soupçons de vols d'argent et de détournement de matériels dans l'association.(')
- Mise en cause devant le bureau de décembre 2019 de la probité de la directrice et de [Y] [N] au regard de l'accident du travail dans ce dernier a été victime le 31/08/2018. »
- la motion de censure des salariés
- l'attestation de M. [C] qui apporte un témoignage sur le harcèlement et les dénigrements subis par Mme [J] de la part de M. [W] à partir de février 2019 et sur les événements de janvier et février 2020.
- un courriel de M. [C] à M. [NF] expliquant le motif de sa démission à savoir 'la probable promotion d'une personne qui n'a pas le profil de directeur'
- des échanges de SMS en février 2019 entre M. [Y] [N] , Mme [R], Mme [F] mais dont l'appelante n'extrait aucun passage exploitable,
- des comptes rendus d'entretiens d'évaluations de fin d'année 2019 dans lesquels certains salariés s'interrogent sur les compétences respectives du président et de la directrice,
- ses bulletins de salaires 2020.
Ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Il incombe à l'association Activ Emploi de démontrer que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement
L'association Activ Emploi rappelle qu'elle a convoqué Mme [Z] [NL] épouse [J] à un entretien préalable par courrier du 12 février 2020, que le 27 février 2020 à 11h00 Mme [Z] [NL] épouse [J] a pris connaissance de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes à l'initiative de M. [NK] qui la mettait en cause dans son management, que Mme [Z] [NL] épouse [J] s'est rendue au conseil de prud'hommes pour déposer la requête sentant vraisemblablement que l'association allait initier à son encontre une procédure, que le 28 février 2020 Mme [Z] [NL] épouse [J] s'est trouvée en arrêt de travail.
L'avertissement du 9 avril 2020 a été validé comme cela a été jugé précédemment.
L'association Activ Emploi fait valoir que M. [K] [NF], secrétaire, a adressé au président une lettre d'excuses le 28 avril 2020 en ces termes :
' Nous avons enfin une réunion de bureau le 28 février 2020, Nous la commençons sans la Directrice; C'est alors que les cinq salariés permanents présents (le sixième est en maladie et la Directrice n 'est pas présente) entrent dans notre bureau pour nous dire qu 'ils ont été manipulés et nous expliquer toutes les pressions et manipulations que Mme [J] a réalisées pour les amener à mentir et à présenter la situation à son avantage exclusif. C'était, et ils l'ont cru pour la plupart, le seul moyen de sauver leurs postes et la continuité d 'Activemploi. Ce fut un moment de sincérité et de très forte émotion'. Toutefois il n'est produit aucune attestation de ces cinq salariés.
Elle ajoute que le 3 mars 2020 M. [C], vice-président alors de l'association, a démissionné en indiquant avoir perdu confiance, notamment en la directrice de l'association ' J'ai constaté une perte de confiance entre les membres du bureau qui a conduit à sa dislocation et à un début de cécité collectif qui a été préjudiciable au bon fonctionnement de l'Association.
La confiance que j'avais en la directrice, certains membres du bureau et le personnel encadrant a disparu.
Je n'aurai désormais aucun plaisir à continuer à vos côtés.'
Or dans un courrier du daté du 3 mars 2020 adressé à M. [NF], M. [C] relate qu'en réalité c'est M. [W] qui colportait des rumeurs sur le compte de Mme [Z] [NL] épouse [J] qu'il soupçonnait de vols et de détournements.
L'association Activ Emploi verse une attestation de M. [Y] [N] qui déclare : « Madame [J] m'a pendant des mois, rabâché que Monsieur [W] était mauvais qu'il nous descend en réunion de bureau, que c'était elle qui nous soutenait.
Un jour dans le bureau du secrétariat, elle nous dit qu'elle a fait tout ce qu'elle pouvait et que maintenant c'était aux salariés de réagir, sinon elle et la structure allaient être en danger.
Ce jour-là, Madame [J] m'a incité à appeler Monsieur [NF] et je me suis rendu pour l'inciter à signer le courrier rédiger par des membres du bureau contre Monsieur [W] (rendez-vous avec Monsieur [NF] à son domicile fin janvier). Par la suite, elle nous demandera de réaliser une motion de censure contre Monsieur [W]. Ce courrier est à l'initiative de Madame [J] (Monsieur [C] et Madame [UL] sont au courant également).
Nous devions cacher tous nos documents dans le bureau de [BN] [R] pour que Monsieur [W] ne les voit pas, nous ne devions rien dire à Monsieur [W], nous devions transmettre à Madame [J] tout mouvement de Monsieur [W].
Si nous nous opposions à ses directives, nous étions des parias, exemple : Mme [F] n'était pas d'accord avec Madame [J] pour la motion de censure.
Par conséquent, l'équipe devait plus parler à Madame [F] et nous devions faire attention à elle qu'elle ne divulgue aucune info à Monsieur [W] et nous ne devions plus approcher Madame [F].
Madame [P] comptable était particulièrement dépressive suite à l'action de Madame [J] car elle aurait transmis des informations d'un dossier sensible (DS LOGISTIC).
Pour mettre en difficulté Monsieur [W], Madame [J] se met en arrêt maladie et demande à tous les salariés permanents de se mettre en arrêt également 'si tout le monde se met en arrêt, [BP] devra partir » (sic), arrêt que je refusais de prendre ainsi que la secrétaire.
Toutes ces demandes sont le travail d'une manipulation de longue haleine. Madame [J] a toujours eu un management pour faire croire que vous aviez eu l'idée, alors que c'était elle qui amenait à l'avoir.
Elle a aussi joué sur la peur en parlant de ses relations avec les politiques et tout le monde qu'elle connait.
Elle a réussi à me manipuler car ma jeunesse, ma naïveté et le fait d'esseulé le personnel, sans réunion d'équipe et le manque de personnel
Elle nous coupe nos relations entre personnel, pour pouvoir garder toutes les informations pour elle et faire ce qu'elle veut.
A partir de là, elle pouvait diaboliser n'importe qui et faire suivre l'équipe permanente.
Le conflit entre le bureau et madame [J] ne regardait qu'eux. Monsieur [W] ne nous en a pas parlé pour nous protéger, ce que j'ai compris plus tard.
Madame [J] nous rabâchait ce conflit tous les jours et nous a volontairement mis dedans alors que ce n'est pas notre rôle.
Madame [J] a créé des troubles sur ma personne tel que dépression, et la prise de médicaments (Xanax). Suite à ce conflit et une hypertension maintenant irréversible.
Aujourd'hui sans Madame [J], je suis plus serein dans mon travail. Nous avons des réunions d'équipe, l'information circule et je ne suis plus surmené, ni stressé. »
Si l'association Activ Emploi produit des éléments pour critiquer le comportement de Mme [Z] [NL] épouse [J], force est de constater qu'elle ne s'explique pas sur les faits de harcèlement dénoncés par cette dernière exposés plus avant.
Au contraire, dans ses écritures l'association Activ Emploi indiquait « en Août 2019 L'Association constate la disparition de classeurs des fiches de débarras, et ce pendant les congés annuels de deux salariées, Madame [S] [UK] et Madame [M] [F], alors même que Madame [J] assurait l'accueil.
A cette date-là, le bureau de l'Association déplorait une certaine mauvaise volonté de sa Directrice d'exécuter les décisions du bureau de l'Association, notamment pour tout ce qui concernait le contrôle des flux. », Mme [Z] [NL] épouse [J] relève qu'outre le fait que ce grief ne lui a pas été reproché dans la lettre d'avertissement, l'employeur ne produit aucun élément au soutien de ses soupçons reconnaissant ainsi que cette suspicion à l'égard de la salariée ne reposait sur rien de concret.
L'association Activ Emploi ne fournit aucune explication sur les empiétements de M. [W] sur les prérogatives de la directrice ce qui était dénoncés par les salariés ( cf. plus haut), notamment en décidant d'ouvrir la ressourcerie ce à quoi Mme [Z] [NL] épouse [J] s'était opposée pour des raisons d'encadrement.
L'association Activ Emploi ne répond pas aux agissements que dénonce Mme [Z] [NL] épouse [J] et qui sont étayés par les pièces produites comme :
- l'interdiction opposée à Mme [Z] [NL] épouse [J] de revenir travailler dans l'attente de la convocation devant le médecin du travail alors qu'il n'est pas démontré que l'employeur a pris l'initiative d'une visite de reprise alors que la salariée l'informait de la fin de son arrêt de travail,
- l'absence de mise en place de la prévoyance malgré ses demandes,
- le non paiement de frais ( de décembre 2019, janvier et février 2020),
- le versement de ses salaires en retard,
- la disparition de ses jours de congés payés de ses bulletins de salaires,
- les retards pris pour procéder au virement de sa paie.
Il en résulte que Mme [Z] [NL] épouse [J] a été victime de harcèlement moral. Son préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme que la cour arbitre à 5.000,00 euros.
Sur la rupture du contrat de travail
Mme [Z] [NL] épouse [J] a été licenciée pour inaptitude en date du 18 novembre 2021. Elle impute l'origine de son inaptitude au comportement de son employeur.
Au visa des articles L 1152-2 et L. 1252-3 du code du travail elle demande que soit prononcée la nullité de son licenciement et sollicite le paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de ce licenciement nul.
L'association Activ Emploi ne formule aucune observation sur ce point.
Il résulte de la chronologie des événements telle que rappelée ci-avant que Mme [Z] [NL] épouse [J] a été placée en arrêt de travail dès le 28 février 2020 alors qu'il a été envisagé d'initier une procédure disciplinaire et qu'elle n'a plus repris son travail par la suite.
Le licenciement intervenant dans un contexte de harcèlement moral est entaché de nullité.
Il sera alloué la somme de 25.000,00 euros à ce titre.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'association Activ Emploi à payer à Mme [Z] [NL] épouse [J] la somme de 1.500,00 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
Statuant dans les limites de l'appel,
Réforme le jugement déféré en ce qu'il déboute Mme [Z] [NL] épouse [J] de ses demandes au titre du harcèlement moral et du licenciement,
Statuant à nouveau de ces chefs réformés,
Juge que Mme [Z] [NL] épouse [J] a été victime de harcèlement moral et juge son licenciement nul,
Condamne l'association Activ Emploi à payer à Mme [Z] [NL] épouse [J] les sommes de :
- 5.000,00 euros pour harcèlement moral
- 25.000,00 euros pour nullité du licenciement
Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail,
Confirme le jugement pour le surplus,
Condamne l'association Activ Emploi à payer à Mme [Z] [NL] épouse [J] la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'association Activ Emploi aux dépens d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT