CA Rennes, 1re ch., 4 mars 2025, n° 21/06730
RENNES
Arrêt
Autre
1ère chambre B
ARRÊT N°
N° RG 21/06730
N° Portalis DBVL-V-B7F-SEXL
(Réf 1ère instance : 20/01046)
Melle [J] [A] [C] [S]
C/
M. [N] [B] [G] [S]
Mme [T] [V] épouse [S]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 4 MARS 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Président : Madame Véronique VEILLARD, présidente de chambre
Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, président de chambre
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, conseillère
GREFFIER
Madame Morgane LIZEE lors des débats et Madame Elise BEZIER lors du prononcé
DÉBATS
A l'audience publique du 3 septembre 2024
ARRÊT
Contradictoire, prononcé publiquement le 4 mars 2025 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré initialement prévu le 12 novembre 2024
****
APPELANTE
Mademoiselle [J] [A] [C] [S]
née le [Date naissance 6] 1998 à [Localité 27]
[Adresse 15]
[Localité 18]
Représentée par Me Nathalie TROMEUR de la SCP LARMIER - TROMEUR-DUSSUD, Postulant, avocat au barreau de QUIMPER et par Me Martine BLANCK DAP de la SELAS LPA Law, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
Monsieur [N] [B] [G] [S]
né le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 19]
[Adresse 20]
[Adresse 20]
[Localité 9]
Madame [T] [V] épouse [S]
née le [Date naissance 14] 1972 à [Localité 30]
[Adresse 17]
[Localité 10]
Représenté par Me Elisabeth LAVAUD de la SELARL SIAM CONSEIL, Plaidant, avocat au barreau de BREST et par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. [C] [F] et [N] [S] se sont mariés à [Localité 21] le [Date mariage 7] 1968 sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, à défaut de contrat de mariage.
2. De leur union sont nés deux enfants :
- [M] [S] le [Date naissance 11] 1968,
- [T] [S] épouse [V] le [Date naissance 14] 1972.
3. [M] [S] est décédé à [Localité 31] le [Date décès 8] 2004 laissant pour lui succéder [J] [S], sa fille unique, née le [Date naissance 6] 1998.
4. [C] [F] est décédée à [Localité 37] le [Date décès 5] 2017 laissant pour lui succéder son conjoint [N] [S], sa fille [T] [S] épouse [V] et sa petite-fille [J] [S], en représentation de son père [M] [S].
* 5. Aux termes d'un acte reçu par maître [AI], notaire à [Localité 19], le 23 septembre 1988, [C] [F] a fait donation à son époux M. [N] [S] de l'universalité des biens meubles et immeubles composant sa succession. L'acte précisait qu'en cas d'existence lors du décès de la donatrice d'enfants ou de descendants et si la réduction en était demandée, la donation porterait sur la plus forte quotité disponible entre époux en vigueur au jour du décès, soit en pleine propriété seulement, soit en pleine propriété et en usufruit, soit en usufruit seulement au choix du donataire.
6. Aux termes d'un acte reçu par maître [H], notaire à [Localité 9], les 29 juin et 6 juillet 2002, il a été fait donation entre vifs à titre de partage anticipé par M. et Mme [S] à leurs deux enfants de sommes en numéraire et de l'usufruit temporaire d'un bien immobilier, chaque enfant recevant l'équivalent en valeur de la somme de 91.470 €.
7. Le 28 novembre 2008, M. et Mme [S] souscrivaient un contrat d'assurance vie Himalia auprès de la compagnie [26], dont les bénéficiaires étaient M. [N] [S] en usufruit et leur fille Mme [T] [S] en nue-propriété. Ce contrat a reçu un seul versement lors de la souscription à hauteur de 788.396,56 €.
8. Par déclaration du 25 juin 2011 enregistrée le 5 juillet 2011, M. [N] [S] et [C] [F] consentaient à leur fille un don manuel d'un montant de 300.000 €. Cette somme était investie dans la création de la selarl Pharmacie [V] à [Localité 35].
9. Par déclaration du 17 décembre 2013 enregistrée le 2 janvier 2014, ils consentaient de nouveau un don manuel à leur fille d'un montant de 300.000 € qui était investie dans l'acquisition des murs de la pharmacie et d'un logement situé au-dessus.
10. Suivant testament olographe en date du 17 décembre 2013, [C] [F] décidait que les dons de sommes d'argent consentis à sa fille les 25 juin 2011 et 17 décembre 2013 en avance de part successorale étaient dorénavant stipulés par préciput et hors part successorale.
11. Le 15 septembre 2016, [C] [F] rédigeait un nouveau testament olographe aux termes duquel [J] [S], venant par représentation de son père prédécédé le [Date décès 8] 2004, avait vocation à ne recueillir dans la succession de sa grand-mère que ses seuls droits réservataires (à concurrence d'un tiers de la succession) sous l'usufruit de son grand-père M. [N] [S] et en valeur seulement par l'effet du legs universel stipulé au profit de sa tante Mme [T] [S].
12. Le 20 janvier 2017, M. et Mme [S] souscrivaient chacun un contrat d'assurance-vie Génération Vie / Fipavie Ingénierie, l'un par [C] [F] (contrat n° ED07082434) et l'autre par M. [N] [S] (contrat n° ED07082435) en procédant chacun à un premier versement de 150.000 € puis chacun à un versement complémentaire de 1.500.000 € le 24 janvier 2017, empruntant pour ce faire à cette même date une somme de 3.000.000 € auprès de la banque [29] remboursable sur une durée de deux ans.
13. M. [N] [S] avait en effet souscrit le 1er octobre 2010 auprès du [23] un contrat d'assurance-vie Patrimoine Option/Suravenir d'une valeur de rachat au 1er janvier 2017 d'un montant de 3.843.463 € et souhaitait racheter ce contrat pour affecter la moitié de cette somme sur un contrat au nom de son épouse afin de rééquilibrer les masses successorales au sein du couple. Son gestionnaire le lui avait toutefois déconseillé avant le 8ème anniversaire du contrat en raison de la plus-value exigible (422.500 € environ) et avait plutôt préconisé son utilisation en garantie d'un prêt 'crédit Lombard' dont les capitaux seraient versés sur deux nouveaux contrats aux noms de M. [S] et Mme [S] avant leurs 70 ans. A son 8ème anniversaire, le contrat Suravenir serait racheté pour rembourser ce prêt.
14. La clause bénéficiaire du contrat souscrit par [C] [F] conférait le bénéfice de celui-ci en usufruit à son époux et en nue-propriété à sa fille.
15. [C] [F] décédait le [Date décès 5] 2017 à [Localité 37] des suites d'un lymphome diagnostiqué 6 semaines auparavant.
16. M. [N] [S] confiait à son notaire maître [H] le règlement de la succession de son épouse tandis que, découvrant les dispositions testamentaires de sa grand-mère, Mme [J] [S] prenait conseil auprès d'un notaire parisien maître [O].
17. Les capitaux du contrat Fipavie ouvert au nom de la défunte et ceux du contrat Himalia étaient versés par les compagnies d'assurances à M. [N] [S], usufruitier. Celui-ci et sa fille [T] [S] enregistraient le 30 juin 2017 une reconnaissance de quasi-usufruit constatant une créance de restitution de 2.352.357,37 € en faveur de Mme [T] [S].
18. En dépit de nombreux échanges, les parties ne parvenaient pas à se mettre d'accord sur le règlement de la succession de [C] [F].
19. M. [N] [S] et Mme [T] [S] épouse [V] confiaient à maître [U], notaire à [Localité 21], le soin de poursuivre le règlement de la succession en lieu et place de maître [H] ayant fait valoir ses droits à la retraite.
20. Les échanges se poursuivaient encore, sans succès toutefois, Mme [J] [S] refusant de signer les projets de partage établis par les notaires en considérant qu'elle n'était pas remplie de l'entièreté de ses droits.
* 21. Par actes d'huissier de justice du 2 juillet 2020, Mme [J] [S] a fait citer devant le tribunal judiciaire de Quimper M. [N] [S] son grand-père et Mme [T] [S] épouse [V] sa tante paternelle aux fins de partage judiciaire de la succession de [C] [F] sa grand-mère paternelle, outre le rapport de diverses sommes dont les contrats d'assurance-vie dénoués ou non.
22. Par jugement du 31 août 2021 (suivi d'un jugement en rectification d'erreurs matérielles du 1er février 2022), le tribunal judiciaire de Quimper a :
- ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [N] [S] et [C] [F] ainsi que celles de la succession de [C] [F], décédée à [Localité 37] le [Date décès 5] 2017,
- désigné maître [Y], notaire associé à [Localité 38], pour y procéder, lequel disposera d'un délai d'un an à compter de sa désignation pour terminer ses opérations,
- dit que le notaire commis devra procéder au calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible afin de déterminer si une indemnité de réduction est due,
- dit que le notaire commis devra faire figurer dans la liquidation de la communauté la valeur de rachat des contrats d'assurance-vie souscrits par M. [N] [S] non dénoués au jour du décès de Mme [F] à la date du [Date décès 5] 2017,
- désigné Mme Aurore Poitevin, vice-présidente ou tout magistrat de la chambre civile 1, pour la surveillance des opérations de partage,
- dit que le versement de 20.000 € effectué par les époux [S] à l'occasion d'une acquisition immobilière par Mme [T] [S] le 17 décembre 2013, à titre de dépôt de garantie devait être rapporté par celle-ci à la succession de [C] [F] à hauteur de 10.000 €,
- dit que le versement de 28.195 € effectué par [C] [F] au titre des droits auxquels avait été assujetti le don manuel fait à sa fille en 2013 devait être rapporté par Mme [T] [S] à la succession de [C] [F] à hauteur de 14.097,50 €,
- dit que les sommes à retenir au titre du don manuel fait par [C] [F] à Mme [T] [S] le 25 juin 2011 (150.000 €), pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible devaient être fixées à 10.000 €, 25.000 € et 98.100 €,
- dit que la somme à retenir au titre du don manuel reçu de [C] [F] par Mme [T] [S] le 17 décembre 2013 (150.000 €) pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible devait être fixée à la somme de 160.000 €,
- rejeté la demande de rapport à la succession de [C] [F] des primes des contrats d'assurance-vie Himalia et Fipavie souscrits le 28 novembre 2008 et le 20 janvier 2017 auprès de la société [26],
- rejeté la demande de fixation de caution,
- rejeté toutes autres demandes,
- laissé à chaque partie la charge de ses frais d'instance,
- dit les dépens employés en frais privilégiés de partage,
- rappelé l'exécution provisoire de droit.
23. Pour statuer ainsi, le tribunal judiciaire a considéré d'une part que s'agissant des apports au capital social d'une société, ils ne constituaient pas une acquisition au sens de l'article 860-1 du code civil de sorte que le rapport devait s'effectuer au nominal, que l'évaluation du fonds de commerce de la pharmacie de [Localité 35] (1.090.000 €) permettait de fixer le rapport à la somme de 98.100 €, que l'évaluation des murs de la pharmacie et du logement situé au-dessus s'établissait à 320.000 € au jour du décès et permettait de fixer le rapport à la somme de 160.000 €, qu'enfin, le montant des primes des deux contrats d'assurance-vie n'était pas manifestement exagéré dès lors que [C] [F] n'avait pas conscience de l'imminence de son décès, que M. et Mme [S] disposaient par ailleurs d'un patrimoine très conséquent et que la souscription était utile et avantageuse avant le 70ème anniversaire de [C] [F].
24. Par déclaration du 25 octobre 2021, Mme [J] [S] a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- dit que les sommes à retenir au titre du don manuel reçu de [C] [F] par Mme [T] [S] le 25 juin 2011 (150.000 €) pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible devaient être fixées à 10.000 €, 25.000 € et 98.100 €,
- dit que la somme à retenir au titre du don manuel reçu de [C] [F] par Mme [T] [S] le 17 décembre 2013 (150.000 €) pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible devaient être fixée à 160.000 €,
- rejeté la demande de rapport à la succession de [C] [F] des primes des contrats d'assurance-vie Himalia et Fipavie souscrits les 28 novembre 2008 et 20 janvier 2017 auprès de la société [26],
- rejeté la demande de fixation de caution,
- rejeté toutes autres demandes,
- laissé à chaque partie la charge de ses frais d'instance.
25. Les consorts [S] ont interjeté appel incident en ce que le jugement n'a pas statué sur les accords intervenus entre les parties et pour voir modifier les montants des rapports des dons manuels de 2011 et de 2013.
26. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 juin 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
27. Mme [J] [S] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 17 juin 2024 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Quimper le 31 août 2021 en ce qu'il a :
* dit que les sommes à retenir au titre du don manuel du 25 juin 2011 (150.000 €) doivent être fixées à 10.000 €, 25.000 € et 98.100 €,
* dit que la somme à retenir au titre du don manuel du 17 décembre 2013 (150.000 €) doit être fixée à la somme de 160.000 €,
* rejeté la demande de réintégration des primes des contrats d'assurance-vie Himalia et Fipavie souscrits le 28 novembre 2008 et le 20 janvier 2017,
* rejeté la demande de fixation de caution,
* rejeté toutes autres demandes,
* laissé à chaque partie la charge de ses frais d'instance,
- et statuant à nouveau des chefs du jugement critiqués,
- juger que les sommes à retenir au titre du don manuel du 25 juin 2011 doivent être fixées à :
* 10.000 € conservés par Mme [T] [S],
* la valeur de la moitié des parts sociales composant le capital de la selarl Pharmacie [V] à la date du décès de [C] [F],
* la quote-part, à concurrence de 8,85 %, de la valeur de l'officine pharmaceutique acquise grâce à l'apport en compte courant de 100.000 €, selon sa valeur à la date du décès de [C] [F], subsidiairement, dire que cette quote-part s'élève à concurrence de 135.000 €,
* 15.000 € pour lesquels Mme [T] [S] ne donne aucune justification,
- juger que la somme à retenir au titre du don manuel du 17 décembre 2013 (150.000 €) sera fixée par le notaire, au besoin avec l'aide d'un sapiteur, selon la valeur des biens immobiliers acquis grâce aux deniers donnés,
- juger que les primes versées sur les contrats Himalia et Fipavie sont manifestement exagérées,
- en conséquence,
- ordonner le rapport et la réintégration fictive à la masse de calcul de la succession de [C] [F] :
* des primes versées au titre du contrat Fipavie, soit la somme de 1.650.000 €,
* de la prime versée au titre du contrat Himalia pour la somme de 788.396 €,
- juger qu'il appartiendra au notaire commis de chiffrer le montant de l'indemnité de réduction due par Mme [T] [S] à Mme [J] [S],
- condamner M. [N] [S] sous astreinte de 5.000 € par jour de retard commençant à courir à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir à lui délivrer une caution d'un montant de 1.724.406 €, sauf à parfaire,
- condamner solidairement M. [N] [S] et Mme [T] [S] à lui payer une somme de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. [N] [S] et Mme [T] [S] en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,
- condamner solidairement M. [N] [S] et Mme [T] [S] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de la SCP Larmier Tromeur Dussud conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
28. M. [N] [S] et Mme [T] [S] épouse [V] (ci-après les consorts [S]) exposent leurs prétentions et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 14 juin 2024 aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Quimper le 31 août 2021 et rectifié (erreurs matérielles) le 1er février 2022 en ce qu'il a :
* ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [N] [S] et [C] [F] ainsi que celle de la succession de [C] [F] décédée à [Localité 37] le [Date décès 5] 2017,
* désigné Me [Y], notaire associé à [Localité 38], pour y procéder, lequel disposera d'un délai d'un an à compter de sa désignation pour terminer ses opérations,
* dit que le notaire commis devra procéder au calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible afin de déterminer si une indemnité de réduction est due,
* dit que le notaire commis devra faire figurer dans la liquidation de la communauté la valeur de rachat des contrats d'assurance-vie souscrits par M. [N] [S] non dénoués au jour du décès de [C] [F] à la date du [Date décès 5] 2017,
* désigné Mme Aurore Poitevin vice-présidente ou tout magistrat de la chambre civile 1 pour la surveillance des opérations de partage,
* dit que le versement de 20.000 € effectué par les époux [S] à l'occasion d'une acquisition immobilière par Mme [T] [S] le 17 décembre 2013 à titre de dépôt de garantie doit être rapporté par celle-ci à la succession de [C] [F] à hauteur de 10.000 €,
* dit que le versement de 28.195 € effectué par [C] [F] au titre des droits auxquels a été assujetti le don manuel fait à sa fille en 2013 doit être rapporté par Mme [T] [S] à la succession de [C] [F] à hauteur de 14.097,50 €,
* dit que la somme à retenir au titre du don manuel reçu de [C] [F] par [C] [S] le 25 juin 2011 (150.000 €) pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible doit être fixée à 10.000 €,
* rejeté la demande de rapport à la succession de [C] [F] des primes des contrats d'assurance-vie Himalia et Fipavie souscrits les 28 novembre 2008 et 20 janvier 2017 auprès de la société [26],
* rejeté la demande de fixation de caution,
- et statuant à nouveau,
- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas statué sur les prétentions relatives aux accords intervenus en première instance,
- en conséquence, additer ce qui suit :
- dire et juger que les époux [S] n'étaient plus titulaires d'un compte courant dans les livres de la SCI [33] au jour du décès de [C] [F] et, en conséquence, débouter Mme [J] [S] de sa demande à ce titre,
- dire et juger que les sociétés [40] avaient été liquidées au décès de [C] [S] et débouter Mme [J] [S] de sa demande d'inscription des parts sociales de ces sociétés à l'actif de communauté,
- dire et juger que le notaire commis devra faire figurer la valeur de rachat des contrats d'assurance vie Patrimoine Option/Suravenir n° 064729898301 et Prévi Retraite/Suravenir n° 046442 souscrits par M. [N] [S] et non dénoués au jour du décès à la date du [Date décès 5] 2017 pour les valeurs respectives de 3.843.463 € et de 85.259 €,
- dire et juger que le notaire commis devra faire figurer la valeur de rachat du contrat d'assurance vie Ingénierie-ED n° 07082435 souscrit par M. [N] [S] et non dénoué au jour du décès pour sa valeur de rachat au [Date décès 5] 2017 de 1.660.604,16 €,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Quimper le 31 août 2021 et rectifié (erreurs matérielles) le 1er février 2022 et statuant à nouveau des chefs de jugement critiqués,
- dire et juger que la somme de 50.000 € reçue le 25 juin 2011 par Mme [T] [V] de M. et Mme [N] et [C] [S], ses deux parents, soit 25.000 € du chef de [C] [F] décédée et affectée à la création de la selarl Pharmacie [V] ne constitue pas une dépense d'acquisition,
- ordonner en conséquence que cette somme soit rapportée au titre de la donation reçue en 2011 pour son montant nominal de 25.000 €,
- si par extraordinaire, la somme de 25.000 € était qualifiée de dépense d'acquisition :
* dire et juger que le rapport est nul (valeur 0), la société étant en cours de constitution,
* très subsidiairement, dire et juger que le rapport sera au nominal soit 25.000 € dès lors que l'indemnité de rapport ne peut pas tenir compte de la plus-value résultant du fait du gratifié,
- débouter Mme [J] [S] de toute demande plus ample ou contraire,
- dire et juger que les fonds reçus de [C] [F] à hauteur de 100.000 € par Mme [T] [V] le 25 juin 2011 ont été fait en compte courant d'associé et qu'en conséquence, le rapport est au nominal, soit 100.000 €,
- subsidiairement, dire et juger que la somme à retenir est de 84.957,50 € et très subsidiairement de 88.700,71 € pour les causes sus exposées,
- infiniment subsidiairement, dire et juger que la somme à retenir est de 120.185,86 €,
- débouter Mme [J] [S] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,
- dans l'hypothèse où une expertise serait ordonnée mettant en évidence une plus-value qui ne serait pas en lien avec la conjoncture immobilière mais avec l'industrie personnelle de Mme [V], dire et juger que le montant du rapport serait alors égal à la valeur brute à l'époque du partage diminuée de la plus-value,
- dire et juger que la somme à retenir au titre du don manuel reçu de [C] [F] par Mme [T] [V] le 17 décembre 2013 (150.000 €), pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible, est de 174.500 €,
- dans l'hypothèse où une expertise serait ordonnée mettant en évidence une plus-value qui ne serait pas en lien avec la conjoncture immobilière mais avec l'industrie personnelle de Mme [V], dire et juger que le montant du rapport serait alors égal à la valeur brute à l'époque du partage diminuée de la plus-value,
- débouter Mme [J] [S] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,
- débouter Mme [J] [S] de sa demande en réduction des libéralités ainsi qu'à sa demande de faire fixer par le notaire le montant de l'indemnité de réduction,
- débouter Mme [J] [S] de sa demande de rapport à la succession de [C] [F] des primes des contrats d'assurance-vie Himalia et Fipavie Ingénierie souscrits respectivement le 28 novembre 2008 et le 20 Janvier 2017 auprès de la société [26],
- débouter Mme [J] [S] de sa demande de fixer une caution et de sa demande de condamnation sous astreinte y inhérente,
- débouter Mme [J] [S] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires,
- débouter Mme [J] [S] de sa demande au titre des frais irrépétibles, et aux dépens,
- dire n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner Mme [J] [S] à leur verser la somme de 20.000 € (frais irrépétibles de première instance et en appel) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.
29. Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIVATION
30. À titre liminaire, il convient de rappeler que l'office de la cour d'appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de 'constater', 'dire' ou 'dire et juger' qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu'elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.
31. De même, il n'y a pas lieu à prononcer une confirmation des chefs de jugement qui n'ont pas fait l'objet d'un appel principal ou incident, la cour n'en étant pas saisie.
1) Sur les points d'accord
32. Les consorts [S] demandent à la cour d'appel d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas, contrairement à leur demande formée en première instance, statué sur les prétentions relatives aux accords intervenus entre les parties.
33. Ils demandent à ce titre que la cour d'appel de leur donner acte de :
- que M. et Mme [N] [S] n'étaient plus titulaires d'un compte courant dans les livres de la SCI [33] au jour du décès de [C] [F],
- que les sociétés [40] avaient été liquidées en 2016 et n'existaient plus au décès de [C] [S],
- que le notaire commis devra faire figurer la valeur de rachat des contrats d'assurance vie Patrimoine Option/Suravenir n° 064729898301 et Prévi Retraite / Suravenir n° 046442 souscrits par M. [N] [S] et non dénoués au jour du décès à la date du [Date décès 5] 2017 pour les valeurs respectives de 3.843.463 € et de 85.259 €,
- que le notaire commis devra faire figurer la valeur de rachat du contrat d'assurance vie Ingénierie-ED n° 07082435 souscrit par M. [N] [S] et non dénoué au jour du décès pour sa valeur de rachat au 13.03.2017 de 1.660.604,16 €.
34. Mme [J] [S] ne fait valoir aucun moyen opposant, reprenant ces valeurs dans ses écritures au titre des points d'accord.
35. Il sera fait droit à la demande de 'donné acte' de ces accords, étant encore ajouté que les parties se sont accordées sur les chiffres et mentions de réserve suivants, qu'il convient de reprendre dans le présent arrêt :
Actif brut de communauté
Mobilier prisé suivant inventaire du 26 août 2017.....................52 640,00 €
Véhicules automobiles
- Renault Scénic AE 850 JT........................................................1.000,00 €
- Audi A 3 DP 077 JE.................................................................18.000,00 €
- Range Rover...............................................................................8.000,00 €
Actifs bancaires et financiers au [25]
- compte sur livret n°[XXXXXXXXXX02] au nom de [C] [S]..22 964,34 €
- part sociale n°0730511101 souscrite par [C] [S]..................15,00 €
- compte chèque joint n°[XXXXXXXXXX03] au nom de M. et Mme [S]...........................................................................................124.588,09 €
- part sociale n°0807 souscrite par [N] [S].................................15,00 €
- compte sur livret n°[XXXXXXXXXX01] au nom de [N] [S].....2.968,23 €
Biens et droits immobiliers
- à [Localité 9], [Adresse 20], une propriété consistant en deux maisons d'habitation et terrain cadastrée Section CA n° [Cadastre 16] évaluée sauf à parfaire.......................................................................1.400.000,00 €
- à [Localité 37], [Adresse 12], lots de copropriété n° 36 et 4, un appartement de type 3 et un parking évalués sauf à parfaire......150.000,00 €
Valeur de rachat des contrats d'assurance-vie souscrits par M. [N] [S] et non dénoués qui devra être retenue à la date du décès du [Date décès 5] 2017
- Patrimoine Option/Suravenir n°064729898301 souscrit le 1er octobre 2001 valeur de rachat au 1er janvier 2017 sauf à parfaire.................3.843.463,00 €
- Prévi Retraite/Suravenir n°046442, valeur de rachat au 1er janvier 2017 sauf à parfaire ..............................................................................85.259,00 € - Générali contrat Xaelidia n°22772035 du 30 octobre 2002, valeur de rachat au [Date décès 5] 2017 sauf à parfaire ..............................................1.059.674,80 €
- Fipavie Ingénierie-ED n°070882435 - valeur de rachat au [Date décès 5] 2017 sauf à parfaire..........................................................................1.660.604,16 €
Total de l'actif brut de communauté sauf à parfaire................8.449.191.62 €
Passif de communauté (sur lequel les parties sont pour l'essentiel d'accord)
- solde de l'impôt sur le revenu de l'année 2016...........................13.221,00 €
- impôt sur la fortune 2017 évalué par provision..........................53.444,00 €
- rappel d'impôt sur la fortune 2014..............................................34.310,00 €
- taxe foncière 2017 du bien de [Localité 9] évaluée par provision...2.500,00 €
- taxe foncière 2017 du bien de [Localité 37] évaluée par provision........800,00 € - taxe d'hab° 2017 du bien de [Localité 9] évaluée par provision.....3.700,00 €
- sommes restant dues au décès sur le prêt souscrit par M. et Mme [S] auprès de la banque [29] pour le montant en capital et prorata d'intérêts liquidés......................................................................................3.004.339,72 €
Total du passif de communauté................................................3.112.314,72 €
Ainsi, sauf à parfaire compte tenu des incidences de la présente décision, le montant de l'actif net de communauté ressort dans les écritures des parties à 5.336.876,90 € relevant pour moitié de la succession de [C] [F], soit........................................................................................... 2.668.438,45 €
Passif de succession (sous réserve des montants réels)
- facture des frais d'obsèques pour..................................................7.705,24 € - frais et provisions sur frais d'actes et de règlement de succession :
- enregistrement donation entre époux............................................... 125,00 € - procès-verbal de dépôt et description de testament......................... 512,46 €
inventaire............................................................................................248,26 € - facture de maître [DN] [Z], commissaire-priseur.....1.475,60 € - acte de notoriété................................................................................165,28 € - provision pour la déclaration de succession................................11.500,00 € - provision pour l'attestation immobilière.....................................12.600,00 € - provision pour la clôture d'inventaire..............................................350,00 €
Soit un total sauf à parfaire de.......................................................34.681,84 €
D'où un actif net de succession sauf à parfaire de....................2.633.756,61 €
36. Pour mémoire, compte tenu des dispositions prises :
- M. [N] [S] est usufruitier de la succession,
- Mme [T] [S] est légataire universelle sous l'usufruit de son père M. [N] [S],
- Mme [J] [S], en représentation de son père, est réservataire à concurrence d'un tiers sous l'usufruit de son grand-père.
37. Les points restants de désaccord portent donc d'une part sur l'évaluation des rapports dus par Mme [T] [S] pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible à raison de deux dons manuels d'un montant de 300.000 € chacun en date respective des 25 juin 2011 et 17 décembre 2013, d'autre part, sur le sort à réserver aux contrats d'assurance-vie dénoués par le décès de [C] [F] et, enfin, sur la demande de caution.
2) Sur le don manuel du 25 juin 2011
38. Par déclaration du 25 juin 2011 enregistrée le 5 juillet 2011, M. et Mme [N] [S] ont consenti à leur fille [T] [S] épouse [V] un don manuel d'un montant de 300.000 €.
39. Avec cette somme, Mme [T] [S] a souscrit le 30 juin 2011 un contrat d'assurance-vie sur lequel elle a placé un montant de 280.000 €, conservant pour elle-même la somme de 20.000 €. Elle a partiellement procédé à un rachat le 11 décembre 2013 à hauteur de 50.000 € puis a racheté la totalité du contrat le 4 février 2014 pour un montant de 253.866,18 €.
2.1) Sur le rapport de la somme de 20.000 € non remployée
40. Il n'est pas contesté par les parties que le montant du rapport à la succession de [C] [F] doit être fixé au nominal à la somme de 10.000 € du chef de cette somme de 20.000 € qui a été conservée par devers Mme [T] [S].
41. Il leur en sera donné acte et le jugement sera confirmé sur ce point.
2.2) Sur le rapport au titre du premier rachat d'un montant de 50.000 €
2.2.1) Sur le régime du rapport : au nominal ou en valeur
42. Mme [J] [S] demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement ayant fixé le rapport au nominal à 25.000 € au titre de ce 1er rachat d'un montant de 50.000 € et de le fixer à la valeur de la moitié des parts sociales composant le capital de la selarl Pharmacie [V] à la date du décès de [C] [F].
43. Elle fait valoir que Mme [T] [S] a reçu en contrepartie de son apport de 50.000 € la propriété de 5.000 parts sociales de la Selarl Pharmacie [V] d'une valeur nominale de dix € chacune, qu'il s'en est suivi une subrogation de parts sociales aux deniers donnés et rachetés, qu'il n'y a pas lieu à distinguer le rapport d'une acquisition de parts sociales au moyen de deniers donnés par le défunt et le rapport de la souscription de parts sociales dans le cadre d'un apport en société au moyen de deniers donnés alors que dans les deux cas, le donataire acquiert la propriété des parts sociales lui conférant la qualité d'associé.
44. Les consorts [S] rappellent que Mme [T] [S] a effectué le 11 décembre 2013 un rachat partiel de ce contrat d'assurance-vie à hauteur de 50.000 € pour le déposer sur un compte ouvert au [24] au nom de la Selarl Pharmacie [V] en cours de formation et qu'elle a affecté cette somme à la constitution de ladite Selarl, ce qui ne constitue pas selon eux une dépense d'acquisition au sens des articles 860 et 860-1 du code civil de sorte qu'ils n'ont, là encore, pas contesté en première instance en devoir le rapport à la succession de [C] [F] mais pour son montant au nominal limité à la part résultant de la donation reçue, soit 50.000 € / 2 = 25.000 €.
45. Ils soutiennent que :
- l'apport de fonds aux fins de création d'une société (soit une personne morale distincte) ne constitue pas une acquisition, notion appréciée très strictement par la Cour de cassation, mais est le fait par un associé de mettre à disposition de la société des biens (sommes d'argent) en vue d'une exploitation commune ; la réunion des apports forme le capital de la société et les fonds sont bloqués ; la contrepartie pour l'apporteur est la réception (sic) de titres (parts ou actions) soumis aux aléas de la société, en l'espèce 5000 parts reçues par Mme [T] [S] en contrepartie de cet apport de 50.000 €,
- la 'subrogation' de parts sociales aux deniers invoquée par l'appelante n'est pas applicable au cas particulier d'un rapport d'une somme d'argent,
- dès lors, la somme de 50.000 € ne peut être au mieux rapportée que pour son montant au nominal et limitée à la part résultant de la donation de sa mère, soit 25.000 € (50.000 € /2),
Réponse de la cour
46. L'article 843 du code civil dispose que 'Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donation entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale. Les legs, faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.'
47. L'article 860 du code civil dispose quant à lui que 'Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation.'
48. L'article 860-1 du code civil dispose que 'Le rapport d'une somme d'argent est égal à son montant. Toutefois, si elle a servi à acquérir un bien, le rapport est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l'article 860.'
49. Il se déduit de ces textes que lorsque la somme donnée n'a pas été affectée à l'acquisition d'un bien, elle est rapportable pour son montant conformément au principe du nominalisme monétaire.
50. A l'inverse, lorsqu'elle a servi à l'acquisition d'un bien, le rapport s'effectue à concurrence de la valeur de ce bien à l'époque du partage d'après son état à l'époque de la donation.
51. Dans une affaire concernant des travaux de construction, la Cour de cassation a retenu une interprétation stricte de la notion d'acquisition visée à l'article 860-1 du code civil (Cass. 1re civ., 21 mai 1997, n° 95-19.121 rendu sous l'empire de l'article 869 devenu 860-1 du code civil), excluant que ces travaux, qui n'étaient qu'une amélioration du bien immobilier, constituent une acquisition au sens de l'article 869 du code civil.
52. Cette interprétation stricte des textes est conforme au principe selon lequel on ne peut déroger au nominalisme des dettes de sommes d'argent en dehors d'un texte légal ou d'une convention lui attribuant le caractère d'une dette de valeur.
53. La doctrine a pu écrire qu'une interprétation large, 'plus économique que juridique de l'acquisition au sens de l'article 869 du code civil' aurait rendu les liquidations successorales 'encore plus complexes qu'elles ne le sont et auraient imposé une comptabilité minutieuse, source de contentieux', tandis que l'interprétation étroite du texte évite 'les difficultés de preuve, mais plus encore les injustices que son application risque de susciter, contrairement au dessein égalitaire qui avait inspiré ses rédacteurs' ([W] dans Defrénois 1997. art. 36650, [D] 1140).
54. Ceci étant, la jurisprudence ne paraît pas faire une distinction selon que l'acquisition, lorsqu'elle est caractérisée, est de nature immobilière ou mobilière de sorte que c'est bien toute nature d'acquisition qui est susceptible de conduire à l'application de l'article 860-1 du code civil.
55. En l'espèce, il résulte des pièces produites que Mme [T] [S] épouse [V] a reçu 5000 parts en contrepartie de son apport d'un montant de 50.000 € au capital de la Selarl Pharmacie [V], lequel apport est issu du don manuel du 25 juin 2011. Elle ne le conteste du reste pas.
56. Ayant certes 'versé les fonds au capital social' de la Selarl Pharmacie [V], elle n'en a pas moins fait l'acquisition de 5000 parts sociales en contrepartie de ce versement, ce dont il s'évince que ce versement s'est bien traduit par une acquisition de biens mobiliers, soit 5000 parts sociales, dont le régime du rapport relève du rapport en valeur des articles 860 et 860-1 alinéa 2 du code civil et non du rapport au nominal de l'article 860-1 alinéa 1 du même code.
57. En conséquence, le jugement qui a retenu que l'interprétation stricte de la notion d'acquisition d'un bien telle qu'elle prévue à l'article 860-1 du code civil 'exclut de considérer que le versement de fonds au capital social d'une société puisse être considéré comme une acquisition de bien', sans du reste se prononcer sur l'acquisition des parts sociales, sera infirmé sur ce point.
58. Le rapport doit en conséquence s'effectuer à concurrence de la valeur desdites parts sociales composant le capital social de la société d'après leur état à l'époque de la donation, et ce à hauteur de la moitié desdites parts du chef des sommes données par [C] [F].
2.2.2) Sur le montant du rapport
59. Mme [J] [S] demande à la cour d'appel de fixer le montant du rapport à la valeur prise pour moitié des parts sociales composant le capital de la selarl Pharmacie [V] à la date du décès de [C] [F]. Elle ne chiffre pas le montant desdites parts sociales, renvoyant à la nécessité d'une expertise.
60. Elle soutient que la constitution de la Selarl Pharmacie [V] n'avait pas d'autre objet que d'acquérir le fonds de commerce vendu par la Selarl [32], lequel objet sera concrétisé concomitamment à la création et suivant compromis de vente du 16 décembre 2013 et que la Selarl Pharmacie [V] est ainsi devenue propriétaire du fonds de commerce d'officine de pharmacie conduisant à évaluer le rapport en fonction de la valeur de la moitié des parts composant le capital social de cette société à la date du décès de [C] [F].
61. Les consorts [S] répliquent :
- que si la somme de 25.000 € était qualifiée de dépense d'acquisition, le montant du rapport est nul (valeur 0) car la société était en cours de constitution et n'avait pas à cette date d'activité ni de valeur, étant par ailleurs nouvellement créée,
- que très subsidiairement, l'indemnité de rapport ne peut pas tenir compte de la plus-value résultant du fait du gratifié puisque si les parts sociales de la pharmacie ont pris de la valeur depuis la constitution de la société, c'est uniquement en raison du travail et de l'activité fournis par la gratifiée, Mme [T] [V], que dans ce cas, le rapport doit s'effectuer au nominal soit 25.000 €,
- que si par extraordinaire, une expertise devait être ordonnée par le notaire commis, les consorts [S] formulent une réserve selon laquelle si une plus-value est intervenue qui ne serait pas en lien avec la conjoncture mais avec l'industrie personnelle de Mme [V], le montant du rapport doit alors être égal à la valeur brute à l'époque du partage diminuée de la plus-value.
Réponse de la cour
62. L'article 860 du code civil dispose que 'Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation.'
63. Il est de jurisprudence établie que lorsqu'il a été fait don d'une somme d'argent ayant servi à acquérir un bien, le rapport dû à la succession du donateur est de la valeur du bien ainsi acquis à l'époque du partage d'après son état à l'époque de l'acquisition en tenant compte, à concurrence du profit subsistant, des améliorations qui lui ont été apportées, depuis la donation, pour une cause étrangère au fait du gratifié (Civ. 1ère, 30 juin 1992, n° 90-20.699). Le donataire doit rapporter la valeur du bien subrogé estimée à l'époque du partage et, par application analogique de l'article 860, d'après son état à l'époque de son acquisition. La Cour de cassation précise que les améliorations apportées par le de cujus doivent être incluses dans la valeur rapportable à la seule concurrence du profit subsistant.
64. L'évaluation du montant du rapport implique donc de rechercher la valeur du bien à l'époque du partage sur la base de son état à l'époque de la donation et les travaux réalisés par le donataire ou son industrie, s'ils ont augmenté la valeur du bien, n'ont pas d'incidence sur le rapport, ce qui oblige à rechercher la valeur au moment du partage que le bien aurait eu s'il était dans son état antérieur aux travaux ou améliorations du fait du gratifié (en l'espèce celui au jour de son acquisition).
65. Ces règles visent à faire en sorte que les cohéritiers du donataire puissent participer aux plus-values des biens donnés qui ne sont pas dues au fait du donataire. Ainsi, la plus-value économique résultant d'un changement dans la situation matérielle ou juridique du bien donné depuis l'époque de la donation devant 'figurer dans le rapport [...] chaque fois que l'amélioration provient d'une cause étrangère au gratifié' ([D] [X], La réforme des liquidations successorales, n° 32).
66. En l'espèce, ainsi que cela résulte de l'article 6 des statuts (non datés) de la Selarl Pharmacie [V], l'associée unique Mme [V] a apporté à la société une somme en numéraire de 50.000 € libérée à hauteur d'un cinquième, soit la somme de 10.000 €, déposée sur un compte ouvert au nom de la société en formation au [24], agence de [Localité 39], le 13 décembre 2013, tandis que la libération du surplus représentant le solde des apports devait intervenir au plus tard le jour de la prise de possession de l'officine de pharmacie que devait exploiter la Selarl Pharmacie [V].
67. Il est encore précisé à l'article 7 desdits statuts que le capital social fixé à 50.000 € est divisé en 5.000 parts sociales de 10 € chacune, entièrement libérées, numérotées de 1 à 5000 et intégralement attribuées à l'associée unique Mme [T] [V].
68. Ainsi, l'acquisition par Mme [T] [V] a bien porté sur les parts sociales à concurrence de 5000 parts, dont elle est d'unique propriétaire en qualité d'associée unique et pour le prix de 50.000 €.
69. A la date de la création de la société, au plus tard le 13 décembre 2013, date de dépôt des fonds au [24], le fonds de commerce n'était pas acquis contrairement à ce que soutient Mme [J] [S], puisqu'il le sera suivant un compromis du 16 décembre 2013 au moyen d'un prêt d'1.0750.000 € financé notamment à hauteur d'une somme de 100.000 € provenant du second rachat de l'assurance-vie.
70. La valeur des parts sociales à l'époque du partage d'après leur état à l'époque de la donation est donc bien celle de 50.000 €, soit un rapport à la succession pour la moitié, à savoir 25.000 €.
71. C'est cette somme qu'il convient de retenir, sans qu'il y ait lieu à ordonner une quelconque expertise qui n'est pas nécessaire et dont l'utilité n'est du reste pas étayée par l'appelante.
72. Le jugement sera, par substitution de motifs, confirmé en ce qu'il a retenu ce montant de 25.000 € pour le rapport à la succession de [C] [F] de ce chef.
2.3) Sur le rapport au titre du second rachat d'un montant de 200.000 €
2.3.1) Sur le régime du rapport : au nominal ou en valeur
73. Mme [J] [S] soutient que la somme donnée par [C] [F] à [T] [V] a permis à celle-ci de procéder à l'acquisition du fonds de commerce de pharmacie, que le transfert de propriété est intervenu au profit de la Sarl Pharmacie [V] par l'effet rétroactif des conditions suspensives stipulées au compromis signé le 16 décembre 2013 par Mme [T] [V], qu'il s'agit d'une dépense d'acquisition au sens de l'article 860-1 du code civil et que la cour d'appel doit confirmer le jugement sur ce point.
74. Les consorts [S] rappellent que le 4 février 2014, Mme [T] [S] a réalisé un rachat total de son contrat d'assurance-vie à hauteur de 253.866,18 €, fonds qu'elle a placés sur son compte personnel le 7 février 2014 pour ensuite effectuer un virement de 200.000 € en faveur de la Selarl Pharmacie [V], constituant un apport personnel en vue de l'obtention d'un prêt de 1.075.000 € contracté pour l'achat par la Serlarl de la pharmacie au prix de 1.130.000 €, soit un prix d'acquisition total de 1.228.850 € tous frais inclus.
75. Ils soutiennent que les fonds d'un montant de 100.000 € pour la part correspondant à la donation du chef de [C] [F] ont été versés en compte courant d'associé, que cet apport s'analyse en une forme particulière de prêt au terme duquel l'associé apporteur est titulaire d'une créance sur la société d'un montant égal aux sommes mises ou laissées à la disposition de celle-ci, qu'il n'existe donc pas de dépense d'acquisition au sens de l'article 860-1 du code civil et qu'en conséquence, le rapport ne peut être qu'au nominal, soit 100.000 €.
Réponse de la cour
76. Pour faire face au besoin de trésorerie d'une société, les associés, dirigeants ou salariés peuvent mettre à sa disposition des fonds appelés avances en comptes courants.
Ces avances sont considérées comme des prêts donnant lieu au versement d'intérêts. Les intérêts versés aux associés sont déductibles des bénéfices de l'entreprise à condition de respecter certains critères. Le compte courant d'associé est donc un prêt consenti par un associé, un dirigeant ou un salarié à la société. Ses modalités de fonctionnement (rémunération, durée, remboursement, etc.) sont précisées par les statuts ou dans une convention de compte courant conclue entre la société et l'associé.
77. Les apports en compte courant d'associé ne concourent pas à la formation du capital social et peuvent donc être repris à tout moment sous réserve de laisser à la société un délai raisonnable pour qu'elle puisse les rembourser.
78. En l'espèce, il résulte de l'acte d'acquisition du fonds d'officine de pharmacie du 28 février 2014, établi au rapport de maître [IX], notaire à [Localité 28], que celui-ci a été acquis au prix de 1.130.000 € par la Selarl Pharmacie [V] représentée par sa gérante et unique associée Mme [T] [V].
79. L'acquisition du fonds de commerce n'a donc pas été faite par Mme [T] [V] à titre personnel contrairement à ce que soutient Mme [J] [S] qui reconnaît du reste tout en même temps que le transfert de propriété est intervenu au profit de la Selarl Pharmacie [V].
80. Par ailleurs, les fonds (soit 200.000 € dont 100.000 € du chef de [C] [F]) ont été versés en compte courant d'associé et ont constitué un apport permettant à la Selarl Pharmacie [V] d'emprunter la somme de 1.075.000 € pour financer l'acquisition du fonds de commerce.
81. L'emprunt n'a donc pas non plus été souscrit par Mme [T] [V] en son nom personnel.
82. Il s'en déduit que l'apport effectué par celle-ci en compte courant d'associée de la Selarl Pharmacie [V] ne peut pas être considéré comme une acquisition au sens des dispositions des articles 860 et 860-1 du code civil susvisés, encore moins réalisée par la donataire Mme [T] [V].
83. Le rapport du don manuel doit en conséquence s'effectuer en application du principe du nominalisme monétaire et non en valeur.
84. Le jugement sera infirmé sur ce point.
2.3.2) Sur le montant du rapport
85. Compte tenu de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu à ordonner une quelconque expertise, le rapport à la succession de [C] [F] ne peut donc s'effectuer qu'au nominal, soit à concurrence de la somme de 100.000 €.
86. Le jugement sera infirmé sur ce point.
87. A ce stade du raisonnement, c'est une somme de 135.000 € (10.000 € + 25.000 € + 100.000 €) qui doit être rapportée par Mme [T] [V] au titre du don manuel de 150.000 € du 25 juin 2011 du chef de [C] [F].
2.4) Sur le rapport au titre du solde du rachat
88. Mme [J] [S] demande le rapport au nominal de la somme de 15.000 €, constituant le solde de la somme donnée du chef de [C] [F] (30.000 € du chef des deux parents) et pour laquelle Mme [T] [S] n'a pas donné de justification de son emploi.
89. Mme [T] [V] ne s'explique pas sur le sort réservé par elle au rachat du solde du contrat d'assurance-vie s'élevant à 30.000 €, soit 15.000 € du chef de sa mère.
90. Il sera en conséquence fait droit à la demande de Mme [J] [S] de voir le rapport fixé à hauteur d'un montant de 15.000 €.
91. Sous le bénéfice de ces observations, le montant total du rapport dû par Mme [T] [V] à la succession de sa mère [C] [F] au titre du don manuel du 25 juin 2011 s'élève à la somme de 10.000 € + 25.000 € + 100.000 € + 15.000 € = 150.000 €.
2) Sur le don manuel du 17 décembre 2023
92. Par déclaration du 17 décembre 2013 enregistrée le 2 janvier 2014, M. et Mme [S] ont consenti un don manuel à leur fille [T] [V] d'un montant de 300.000 €.
93. Ainsi que cela résulte de l'acte de vente, ce second montant de 300.000 € a été affecté à l'acquisition par Mme [T] [V] le 12 février 2014 en pleine propriété de l'immeuble abritant la pharmacie de [Localité 35] et du logement situé à l'étage, le tout moyennant un prix en principal de 300.000 € (292.000 € pour l'immeuble et 8.000 € pour les biens mobiliers), les vendeurs étant M. [I] [K], pharmacien, et son épouse Mme [R], infirmière.
94. Ce bien est constitué, selon sa désignation figurant à l'acte de vente, d'une maison à usage d'habitation et de commerce comprenant :
- au rez-de-chaussée, un local à usage d'officine de pharmacie, bureau, laboratoire, toilettes, deux réserves, une chaufferie et un garage double,
- au 1er étage, une cuisine, un salon-salle à manger, un bureau, un vestiaire, une buanderies et toilettes,
- au 2ème étage, trois chambres avec deux salles de bains, toilettes et grenier, incluant une terrasse à l'est (au 1er étage) et jardins avec murs et talus privatifs, le tout implantée sur une parcelle de 11 ares et 75 centiares, soit 1.175 m².
95. Mme [J] [S] demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement ayant fixé le montant du rapport à la somme de 160.000 € et de juger que ce montant sera fixé par le notaire, au besoin avec l'aide d'un sapiteur, selon la valeur des biens immobiliers acquis grâce aux deniers donnés.
96. Elle soutient que l'évaluation effectuée par le notaire de Mme [T] [V] ne peut être retenue dès lors qu'elle n'est corroborée par aucun autre élément, qu'il ne saurait, de son côté, lui être reproché de n'avoir pas transmis d'autres évaluations alors qu'elle n'a pas accès au domicile et au lieu de travail de sa tante, que la nouvelle évaluation produite en cause d'appel par les intimés proposant de fixer le montant du rapport à la somme de 174.500 € encourt les mêmes griefs pour procéder d'un même processus non contradictoire, que les travaux allégués par Mme [T] [V] ne sont que des travaux de réfection habituels de l'intérieur de l'habitation et, que l'aménagement du jardin en juillet 2017, l'aménagement et l'étanchéité de la terrasse en 2019 et les travaux de la pharmacie sont tous des travaux réalisés postérieurement au décès de [C] [F]. Elle ajoute que la valeur locative du local commercial a été sous-évaluée à 10.975,92 € par an alors qu'avec la revalorisation annuelle, il devait atteindre un montant de 17.974 € par an au 1er décembre 2016, d'où une valeur de la partie commerciale s'établissant à 167.981,40 €, que la valeur de l'habitation tant de cession que locative a également été sous-évaluée, qu'enfin, l'ensemble de la propriété doit être évalué à une somme située entre 410.000 € et 440.200 € compte tenu du prix des biens comparables et non à 320.000 € comme retenu à tort.
97. Elle conclut que le montant à rapporter à la succession de [C] [F] doit être déterminé par le notaire commis après évaluation contradictoire de l'ensemble immobilier par un sapiteur.
98. Les consorts [S] répliquent que le juge ne peut refuser de prendre en considération une pièce dès lors que celle-ci a été régulièrement versée aux débats, soumise à la discussion contradictoire des parties et est corroborée par d'autres éléments de preuve, qu'ils ont fourni plusieurs évaluations soumises au contradictoire dont le rapport de maître [YZ], notaire, qui est très circonstancié et est du reste amplement discuté par Mme [J] [S] dans ses dernières conclusions, ce qui confirme qu'il n'est pas nécessaire de renvoyer au notaire la charge de fixer le montant du rapport, que pour des raisons fiscales, le loyer de la parte commerciale n'a pas été sous-évalué, que les travaux amélioratifs relèvent du seul fait de Mme [T] [S] et ne doivent pas être pas pris en considération au titre du rapport, qu'ils produisent une nouvelle évaluation en cause d'appel faisant état d'une valeur actualisée pour l'ensemble située entre 340.000 € et 360.000 €, soit, compte tenu des superficies respectives des locaux, une valeur médiane de tout l'immeuble de 349.000 € d'où il résulte que le montant du rapport doit être fixé à 150.000 €/300.000 € x 349.000 € = 174.500 €.
Réponse de la cour
99. Les trois évaluations produites aux débats font ressortir les valeurs suivantes, dont il est précisé qu'elles ont été établies en application des articles 860 et 860-1 du code civil, à savoir d'après l'état à l'époque de la donation :
- un premier avis est établi le 16 mars 2021 par l'étude [36] située à [Localité 21] qui estime l'ensemble immobilier (habitation et partie commerciale) à 320.000 €,
- un second avis est établi le 7 avril 2022 par la même étude [36] qui estime l'ensemble immobilier (habitation et partie commerciale) à la somme de 348.000 €, soit une évolution de 28.000 € à la hausse,
- un avis a également été établi le 12 avril 2022 par maître [YZ], notaire à [Localité 34], qui évalue de manière circonstanciée l'ensemble immobilier (parties habitation et commerciale) à un montant situé entre 340.000 € et 360.000 € à l'époque de la donation, soit un plafond de 12.000 € supplémentaire par rapport à la précédente évaluation.
100. Ces trois évaluations, si elles diffèrent quelque peu dans les montants proposés, sont cohérentes entre elles en ce qu'elles ne montrent pas de différences flagrantes qui seraient autrement expliquées que par une légère hausse du secteur de l'immobilier chaque année, la tendance s'étant toutefois inversée depuis quelques temps.
101. Il est justifié de ce que d'importants travaux ont été réalisés par Mme [T] [V] tant dans la partie commerciale que dans la partie habitation qui se sont élevés à 254.847,90 € pour la partie commerciale (officine) et à 164.021,38 € pour la partie habitation, dont il est justifié par la production des factures témoignant d'une remise à neuf des sols, murs, plafonds, menuiseries, terrasses, murs extérieurs, etc...
102. Ces travaux ne peuvent pas être pris en considération dans l'évaluation du montant du rapport dès lors qu'ils sont du seul fait de la donataire.
103. En revanche, rien ne s'oppose à ce que le montant le plus favorable de l'évaluation, à savoir 360.000 € tel qu'il a été estimé par maître [YZ], puisse être retenu comme correspondant à la valeur de l'ensemble immobilier au jour du partage d'après son état à l'époque de la donation.
104. Le montant du rapport sera en conséquence fixé à la somme de 180.000 € du chef de la somme donnée par [P] [F], sans qu'il y ait lieu à ordonner une quelconque expertise qui n'est pas nécessaire.
105. Le jugement sera infirmé sur ce point.
3) Sur les contrats d'assurance-vie
106. Ainsi que ci-dessus rappelé, M. et Mme [S] ont souscrit le 28 novembre 2008 un contrat d'assurance vie Himalia auprès de la compagnie [26] dont les bénéficiaires étaient M. [N] [S] en usufruit et leur fille Mme [T] [S] en nue-propriété. Ce contrat a reçu un seul et unique versement lors de la souscription à hauteur de 788.396,56 €. Il n'y a pas eu de rachat et il a été dénoué par le décès de Mme [S] pour une valeur de 911.339,49 € au jour du décès de [C] [F] et versée à M. [S].
107. Le 1er octobre 2010, M. [N] [S] a souscrit auprès du [23] un contrat d'assurance-vie Patrimoine Option/Suravenir d'une valeur de rachat au 1er janvier 2017 d'un montant de 3.843.463 €.
108. Puis le 20 janvier 2017, M. et Mme [S] ont souscrit chacun un contrat d'assurance-vie Génération Vie / Fipavie Ingénierie, l'un par [C] [F] et l'autre par M. [N] [S] en procédant chacun à un premier versement de 150.000 € puis le 24 janvier 2017 chacun à un versement complémentaire de 1.500.000 €, empruntant pour ce faire à cette même date une somme de 3.000.000 € auprès de la banque [29] remboursable sur une durée de deux ans.
109. M. [N] [S] souhaitait en effet racheter le contrat Suravenir souscrit à son seul nom pour financer le contrat Fipavie souscrit au nom des deux conjoints. Ce contrat Suravenir n'étant toutefois pas arrivé à la maturité fiscale des 8 ans tandis que Mme [S] allait fêter ses 70 ans le [Date naissance 13] 2017 comme étant née le [Date naissance 13] 1947, il était opté pour une souscription immédiate financée par un emprunt remboursable sous 2 ans et garanti par ledit contrat Suravenir.
110. Mme [J] [S] demande le rapport et la réintégration fictive à la masse de calcul de la succession de [C] [F] des primes :
- versées au titre du contrat Fipavie, soit la somme de 1.650.000 €,
- versées au titre du contrat Himalia, soit la somme de 788.396 €,
arguant de leur caractère manifestement exagéré considérant que le tribunal n'a pas pris en considération l'ensemble de la situation patrimoniale et familiale de [C] [F], ni le fait que le contrat Fipavie a été financé par un emprunt qui, in fine, aggrave le passif de communauté et réduit par conséquent la réserve héréditaire, qu'il n'est pas démontré que les contrats Himalia et Fipavie étaient utiles pour sa souscriptrice et qu'en réalité, le but poursuivi était de soustraire l'essentiel de la succession au profit d'un seul des deux héritiers réservataires, à savoir Mme [T] [S] épouse [V] au détriment de [M] [S] aux droits duquel elle vient en représentation.
111. Elle ajoute que la modification des dispositions testamentaires et les souscriptions de contrat se sont inscrites dans un contexte né en 2016, année au cours de laquelle M. [N] [S] a appris qu'il était frappé d'un cancer agressif et a passé l'été à subir des traitements lourds et à envisager de procéder à un 'rééquilibrage des masses successorales au sein du couple', suivi en cela par une modification des dispositions testamentaires de [C] [F] du 15 septembre 2016 visant à confirmer la donation entre époux en usufruit, la désignation de [T] [S] en qualité de légataire universelle sous l'usufruit de M. [N] [S] et à limiter à la réserve (1/3) en nue-propriété sous l'usufruit de M. [N] [S] la part revenant à [J] [S].
112. Elle précise encore que le caractère manifestement exagéré du montant des primes découle du fait que le patrimoine commun est composé à près de 80 % de placements en assurance-vie, que les revenus imposables du couple [S] s'élevaient pour l'année 2016 à concurrence de 93.449 €, constitués pour près de moitié par les revenus fonciers provenant de la SCI [33] liquidée au 31 décembre 2016 et dont ils ne disposaient donc plus à compter du 1er janvier 2017, que le patrimoine de [C] [F] constitué de la moitié du boni net de communauté est ramené au chiffre de 2.633.757 € compte tenu du passif substantiel de communauté intégrant la charge de l'emprunt, que les primes versées sur le contrat Fipavie à hauteur de 1.650.000 € représentent en conséquence près de 65 % du patrimoine de [C] [F], déjà majoritairement constitué de placements sous forme d'assurance-vie, que le contrat Fipavie n'était pas utile dès lors que les biens immobiliers et les placements étaient susceptibles de procurer les revenus nécessaires, qu'enfin, les intimés ont reconnu ce caractère manifestement excessif en élaborant un projet en août 2017 - certes non signé - de quasi-usufruit l'intégrant aux côté de Mme [T] [V] en qualité de bénéficiaire pour la rétablir dans ses droits.
113. Les consorts [S] contestent le contexte de maladie tel que relaté par l'appelante, indiquant que M. [N] [S] a été diagnostiqué d'un cancer de la prostate le 1er mars 2016, qu'il a été opéré le 29 mars 2016 puis a été traité par radiothérapie et hormonothérapie et est en rémission complète depuis plus de 5 ans.
114. Ils ajoutent que le fait de privilégier certains enfants au détriment d'autres en les désignant comme bénéficiaires des contrats d'assurance-vie ne constitue pas un critère d'appréciation du caractère exagéré des primes, qu'un contrat d'assurance vie représente un placement sûr et rentable, qui permet des remboursements partiels avant son terme, et a une utilité certaine, ce qui est le cas d'espèce, que la requalification en donation indirecte achoppe en présence de caractère soudain du décès de [C] [F] qui ne pouvait avoir conscience de l'imminence de celui-ci, ce que confirment les pièces médicales, qu'il n'y a pas eu d'intention libérale qui conduirait à requalifier ces contrats en donation indirecte puisque [C] [F] ne s'est pas dépouillée irrévocablement - moyen qu'[J] [S] n'a du reste pas reconduit en cause d'appel -, ni non plus d'aveu d'un caractère manifestement exagéré mais seulement une perspective de transaction globale et forfaitaire ayant échoué par suite du refus de l'appelante de le signer, que le courrier de maître [H] du 11 août 2017 n'a pas été porté à leur connaissance et qu'il s'inscrivait en tout état de cause dans un échange de correspondances entre notaires tenus à la confidentialité et sans qu'il puisse en être extrait un quelconque aveu.
Réponse de la cour
115. Selon l'article L. 132-13 du code des assurances, les primes versées par le souscripteur d'un contrat d'assurance sur la vie ne sont rapportables à la succession que si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur.
116. Cet article pose donc le principe selon lequel les primes d'une assurance-vie ne sont soumises 'ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant' à moins que ces primes 'n'aient été manifestement exagérées'.
117. Il est de jurisprudence établie que le caractère manifestement exagéré s'apprécie au regard des facultés du souscripteur au moment du versement, de son âge, de sa situation patrimoniale et familiale et de l'utilité du contrat pour celui-ci (Civ. 1ère, 3 mars 2021, n° 19-21.420, 6 nov. 2019, n° 18-16.153, 7 nov. 2018, n° 17-26.566). Il s'en infère que plus l'actif net de succession est important, moins l'excès manifeste est susceptible d'être retenu.
118. En revanche, l'atteinte à la réserve est un critère étranger à l'appréciation du caractère manifestement exagéré des primes versées, d'où il s'évince qu'une telle atteinte n'est pas de nature à fonder le rapport à la succession.
119. En l'espèce, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé que, s'agissant du contrat d'assurance-vie Himalia souscrit le souscrit le 28 novembre 2008 :
- la concomitance de la modification par [C] [F] de la clause bénéficiaire intervenue le 13 septembre 2016 pour attribuer la nue-propriété des capitaux décès à Mme [T] [V] seulement à l'exclusion de Mme [J] [S], avec son deuxième testament olographe signé le 15 septembre 2016 est insuffisante à caractériser une donation indirecte, le souscripteur étant libre dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie de désigner les personnes de son choix comme bénéficiaires,
- l'utilité de ce contrat résidait dans le fait pour [C] [F] de pouvoir le racheter pour financer ses dépenses, éventuellement en cas de dépendance,
- l'âge de [C] [F] en 2008 (61 ans) et son bon état de santé confirmaient que l'aléa était total et qu'en revanche les rachats étaient envisagés comme une source de revenus complémentaires.
120. Il sera ajouté que ce contrat d'assurance-vie était, au moment de sa souscription en 2008 par Mme [S], compatible avec son niveau important de patrimoine tant immobilier que mobilier.
121. S'agissant du contrat d'assurance-vie Fipavie souscrit le 20 janvier 2017 :
- il s'inscrivait dans une logique fiscale pour avoir été signé quelques jours avant l'âge de 70 ans de [C] [F] le 4 février 2017, alors qu'elle était par ailleurs en bon état de santé, confirmé par les éléments médicaux produits (par exemple son médecin traitant confirmait qu'elle ne l'avait pas consulté durant toute l'année 2016), sans présager de sa maladie soudaine survenue début février 2017,
- son financement par un emprunt de 3.000.000 € procédait d'une stratégie fiscale utile dans la mesure où il permettait de ne pas dénouer immédiatement l'ancien contrat Suravenir, parvenant seulement 18 mois plus tard à maturité fiscale des 8 ans, et d'éviter le paiement d'une plus-value estimée à 422.500 € tout en érigeant ce contrat Suravenir en garantie de l'emprunt (sa valeur de rachat était d'un montant de de 3.843.463 € au 1er janvier 2017) remboursable sur une durée de 24 mois, couvrant la période manquante de l'ancien contrat, dont le dénouement en assurait le remboursement en totalité, et ce dans un délai qui peut être considéré comme très bref délai rapporté au montant emprunté,
- compte tenu de l'âge de [C] [F] et de son bon état de santé l'aléa était donc total puisque le décès survenu le [Date décès 5] 2017 des suites d'un lymphome foudroyant développé pendant moins de 6 semaines à partir de début février 2017 n'était pas du tout prévisible,
- ainsi que l'ont exactement retenu les premiers juges, il n'y a pas eu de volonté de faire peser sur la succession un passif important puisque cet emprunt devait donc, en l'absence du décès de Mme [F], être remboursé comme prévu par le dénouement 18 mois plus tard du contrat Suravenir de M. [S] si le décès de Mme [F] n'était pas survenu prématurément.
122. Il sera ajouté que l'utilité de ce placement Fipavie était renforcée par le fait que les rachats étaient possibles de manière régulière sans subir aucune fiscalité pendant les 8 premières années ainsi qu'en atteste dans sa correspondance du 17 juillet 2020 M. [E] [L], conseiller dans la société [22], outre que les droits d'entrée étaient de 0 % ainsi que prévu au contrat.
123. De même, l'approche des 70 ans concernait aussi M. [S] pour être né le [Date naissance 4] 1947, ce qui a contribué à accélérer la décision de M. et [S] de recourir à la solution de l'emprunt sans attendre les 8 ans d'âge du contrat Suravenir puisqu'ils souhaitaient que leurs souscriptions bénéficient de la fiscalité successorale avantageuse des versements réalisés avant leur âge de 70 ans respectif.
124. Il sera encore ajouté que l'importance du patrimoine de [C] [S], tel qu'il a été ci-dessus rappelé, s'oppose à conclure que par la souscription de ces assurances-vie, elle se serait irrévocablement dépouillée au profit d'un héritier et au détriment d'un autre, les fonds hors assurance-vie lui restant appartenir et les biens immobiliers dont elle était propriétaire lui permettant aisément de subvenir à ses besoins jusqu'à la fin de ses jours.
125. Enfin, s'il est mathématiquement évident que par le jeu de ces contrats, la réserve héréditaire de Mme [J] [S] a été atteinte, cette atteinte n'est pas un critère d'appréciation du caractère manifestement exagéré des primes lequel n'est pas établi au regard des facultés de [C] [F] au moment des versements, de son âge, de sa situation patrimoniale et familiale et de l'utilité des contrats pour elle ainsi qu'il l'a été retenu.
126. A cet égard, la réintégration au cours des négociations entre les héritiers du montant de ces assurances-vie dans l'actif de succession est indifférente puisque l'appréciation du caractère manifestement excessif repose sur des critères patrimoniaux et situationnels objectifs, alors que la recherche d'un compromis peut procéder d'accords subjectifs.
127. C'est en ce sens que par courrier du 11 août 2017, maître [H], alors notaire des intimés, a proposé à maître [O], notaire de l'appelante, la signature d'une déclaration conjointe rectificative intégrant ces contrats, reconnaissant le 'caractère excessif' de la 'libéralité' octroyée à Mme [T] [S] et accordant à Mme [J] [S] un tiers de ces sommes pour la rétablir dans ses droits. Il n'a pas été donné suite à cette transaction de sorte qu'aucune de ses composantes ne peut être reprochée à l'une ou l'autre des parties.
128. Sous le bénéfice de ces observations, le jugement qui a rejeté les demandes de Mme [J] [S] tendant au rapport des deux contrats d'assurance-vie Himalia et Fipavie sera confirmé.
4) Sur la caution
129. Mme [J] [S] demande à la cour d'appel de condamner M. [N] [S] sous astreinte de 5.000 € par jour de retard, à lui délivrer une caution d'un montant de 1.724.406 €, sauf à parfaire, arguant de ce que cette caution est de droit pour le nu-propriétaire en application de l'article 601 du code civil, que ses droits au titre de son indemnité de réduction ne sauraient être suffisamment garantis par le privilège du copartageant sur les immeubles, qui ne dépendent que pour moitié de la succession de [C] [F], soit à hauteur de 775.000 € (seulement), toutes réserves faites quant à la valeur (basse) des biens immobiliers retenus dans le projet s'agissant notamment du bien immobilier de Beg-Meil valorisé en dernier lieu à 1.400.000 € (contre 1.530.000 € au cours de l'année 2017), alors que la réintégration fictive des dons manuels et des primes d'assurance-vie manifestement exagérées porte ses droits réservataires a minima à plus de 1.700.000 €.
130. Les consort [S] répliquent que l'article 601 concerne l'usufruitier et non le nu-propriétaire, que les demande de rapport à la succession des contrats d'assurance-vie étant rejetées, la demande de caution excède très largement celui des droits au surplus indéterminés à ce jour, que l'assiette de privilège du copartageant porte sur les immeubles de la succession évalués à 1.550.000 €, soit un montant quasi équivalent à la caution qu'elle sollicite, qu'enfin, M. [S] dispose des liquidités nécessaires pour garantir le paiement de ses droits à sa petite-fille.
Réponse de la cour
131. L'article 601 du code civil dispose que l'usufruitier 'donne caution de jouir raisonnablement, s'il n'en est dispensé par l'acte constitutif de l'usufruit, cependant les père et mère ayant l'usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d'usufruit, ne sont pas tenus de donner caution.'
132. En l'espèce, compte tenu de l'absence de réintégration des primes d'assurances-vie dans l'actif de succession, le montant des droits réservataires de Mme [J] [S] ne sera pas de 1.700.000 € comme elle le soutient.
133. Ces droits restent à calculer et il n'est pas démontré, faute de connaissance du montant exact de l'indemnité de réduction qui pourrait être due par Mme [T] [S] et qui sera calculée par le notaire commis, que cette indemnité ne sera pas suffisamment garantie par les immeubles dépendant de la succession évalués à 775.000 €.
134. Le jugement qui a rejeté la demande de caution sera confirmé sur ce point.
5) Sur les dépens et les frais irrépétibles
135. Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage. Le jugement sera confirmé sur ce point.
136. Enfin, ainsi que retenu par les premiers juges, au vu de la nature familiale du litige, et en application de l'article 700 du code de procédure civile, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et qui ne sont pas compris dans les dépens. Le jugement sera confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Donne acte aux parties de leur accord sur les points suivants tels qu'ils sont repris au dispositif de leurs conclusions respectives :
1- M. et Mme [N] [S] ne sont plus, au jour du décès de [C] [F], titulaires d'un compte courant dans les livres de la SCI [33],
2- les sociétés [40] ont été liquidées le 29 juillet 2016 et n'existaient plus au décès de [C] [S],
3- le notaire commis devra faire figurer la valeur de rachat des contrats d'assurance vie Patrimoine Option/Suravenir n° 064729898301 et Prévi Retraite/Suravenir n° 046442 souscrits par M. [N] [S] et non dénoués au jour du décès le [Date décès 5] 2017 de [C] [F] pour les valeurs respectives de 3.843.463 € et de 85.259 €,
4- le notaire commis devra faire figurer la valeur de rachat du contrat d'assurance vie Ingénierie-ED n° 07082435 souscrit par M. [N] [S] et non dénoué au jour du décès de [C] [F] pour sa valeur de rachat au [Date décès 5] 2017 de 1.660.604,16 €,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Quimper du 31 août 2021 rectifié le 1er février 2022 en ce qu'il a :
- fixé à 133.100 € (10.000 € + 25.000 € + 98.100 €) le montant du rapport au titre du don manuel reçu par Mme [T] [V] de [C] [F] le 25 juin 2011 (150.000 €),
- fixé à 160.000 € le montant du rapport au titre du don manuel reçu par Mme [T] [V] de [C] [F] 17 décembre 2013 (150.000 €),
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Fixe à 150.000 € le montant du rapport dû par Mme [T] [V] à la succession de [C] [F] au titre du don manuel du 25 juin 2011 (soit 10.000 € + 25.000 € + 100.000 € + 15.000 €),
Fixe à 180.000 € le montant du rapport dû par Mme [T] [V] à la succession de [C] [F] au titre du don manuel du 17 décembre 2013,
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage,
Laisse à chaque partie la charge de ses frais d'instance d'appel,
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
ARRÊT N°
N° RG 21/06730
N° Portalis DBVL-V-B7F-SEXL
(Réf 1ère instance : 20/01046)
Melle [J] [A] [C] [S]
C/
M. [N] [B] [G] [S]
Mme [T] [V] épouse [S]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 4 MARS 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Président : Madame Véronique VEILLARD, présidente de chambre
Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, président de chambre
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, conseillère
GREFFIER
Madame Morgane LIZEE lors des débats et Madame Elise BEZIER lors du prononcé
DÉBATS
A l'audience publique du 3 septembre 2024
ARRÊT
Contradictoire, prononcé publiquement le 4 mars 2025 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré initialement prévu le 12 novembre 2024
****
APPELANTE
Mademoiselle [J] [A] [C] [S]
née le [Date naissance 6] 1998 à [Localité 27]
[Adresse 15]
[Localité 18]
Représentée par Me Nathalie TROMEUR de la SCP LARMIER - TROMEUR-DUSSUD, Postulant, avocat au barreau de QUIMPER et par Me Martine BLANCK DAP de la SELAS LPA Law, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
Monsieur [N] [B] [G] [S]
né le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 19]
[Adresse 20]
[Adresse 20]
[Localité 9]
Madame [T] [V] épouse [S]
née le [Date naissance 14] 1972 à [Localité 30]
[Adresse 17]
[Localité 10]
Représenté par Me Elisabeth LAVAUD de la SELARL SIAM CONSEIL, Plaidant, avocat au barreau de BREST et par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. [C] [F] et [N] [S] se sont mariés à [Localité 21] le [Date mariage 7] 1968 sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, à défaut de contrat de mariage.
2. De leur union sont nés deux enfants :
- [M] [S] le [Date naissance 11] 1968,
- [T] [S] épouse [V] le [Date naissance 14] 1972.
3. [M] [S] est décédé à [Localité 31] le [Date décès 8] 2004 laissant pour lui succéder [J] [S], sa fille unique, née le [Date naissance 6] 1998.
4. [C] [F] est décédée à [Localité 37] le [Date décès 5] 2017 laissant pour lui succéder son conjoint [N] [S], sa fille [T] [S] épouse [V] et sa petite-fille [J] [S], en représentation de son père [M] [S].
* 5. Aux termes d'un acte reçu par maître [AI], notaire à [Localité 19], le 23 septembre 1988, [C] [F] a fait donation à son époux M. [N] [S] de l'universalité des biens meubles et immeubles composant sa succession. L'acte précisait qu'en cas d'existence lors du décès de la donatrice d'enfants ou de descendants et si la réduction en était demandée, la donation porterait sur la plus forte quotité disponible entre époux en vigueur au jour du décès, soit en pleine propriété seulement, soit en pleine propriété et en usufruit, soit en usufruit seulement au choix du donataire.
6. Aux termes d'un acte reçu par maître [H], notaire à [Localité 9], les 29 juin et 6 juillet 2002, il a été fait donation entre vifs à titre de partage anticipé par M. et Mme [S] à leurs deux enfants de sommes en numéraire et de l'usufruit temporaire d'un bien immobilier, chaque enfant recevant l'équivalent en valeur de la somme de 91.470 €.
7. Le 28 novembre 2008, M. et Mme [S] souscrivaient un contrat d'assurance vie Himalia auprès de la compagnie [26], dont les bénéficiaires étaient M. [N] [S] en usufruit et leur fille Mme [T] [S] en nue-propriété. Ce contrat a reçu un seul versement lors de la souscription à hauteur de 788.396,56 €.
8. Par déclaration du 25 juin 2011 enregistrée le 5 juillet 2011, M. [N] [S] et [C] [F] consentaient à leur fille un don manuel d'un montant de 300.000 €. Cette somme était investie dans la création de la selarl Pharmacie [V] à [Localité 35].
9. Par déclaration du 17 décembre 2013 enregistrée le 2 janvier 2014, ils consentaient de nouveau un don manuel à leur fille d'un montant de 300.000 € qui était investie dans l'acquisition des murs de la pharmacie et d'un logement situé au-dessus.
10. Suivant testament olographe en date du 17 décembre 2013, [C] [F] décidait que les dons de sommes d'argent consentis à sa fille les 25 juin 2011 et 17 décembre 2013 en avance de part successorale étaient dorénavant stipulés par préciput et hors part successorale.
11. Le 15 septembre 2016, [C] [F] rédigeait un nouveau testament olographe aux termes duquel [J] [S], venant par représentation de son père prédécédé le [Date décès 8] 2004, avait vocation à ne recueillir dans la succession de sa grand-mère que ses seuls droits réservataires (à concurrence d'un tiers de la succession) sous l'usufruit de son grand-père M. [N] [S] et en valeur seulement par l'effet du legs universel stipulé au profit de sa tante Mme [T] [S].
12. Le 20 janvier 2017, M. et Mme [S] souscrivaient chacun un contrat d'assurance-vie Génération Vie / Fipavie Ingénierie, l'un par [C] [F] (contrat n° ED07082434) et l'autre par M. [N] [S] (contrat n° ED07082435) en procédant chacun à un premier versement de 150.000 € puis chacun à un versement complémentaire de 1.500.000 € le 24 janvier 2017, empruntant pour ce faire à cette même date une somme de 3.000.000 € auprès de la banque [29] remboursable sur une durée de deux ans.
13. M. [N] [S] avait en effet souscrit le 1er octobre 2010 auprès du [23] un contrat d'assurance-vie Patrimoine Option/Suravenir d'une valeur de rachat au 1er janvier 2017 d'un montant de 3.843.463 € et souhaitait racheter ce contrat pour affecter la moitié de cette somme sur un contrat au nom de son épouse afin de rééquilibrer les masses successorales au sein du couple. Son gestionnaire le lui avait toutefois déconseillé avant le 8ème anniversaire du contrat en raison de la plus-value exigible (422.500 € environ) et avait plutôt préconisé son utilisation en garantie d'un prêt 'crédit Lombard' dont les capitaux seraient versés sur deux nouveaux contrats aux noms de M. [S] et Mme [S] avant leurs 70 ans. A son 8ème anniversaire, le contrat Suravenir serait racheté pour rembourser ce prêt.
14. La clause bénéficiaire du contrat souscrit par [C] [F] conférait le bénéfice de celui-ci en usufruit à son époux et en nue-propriété à sa fille.
15. [C] [F] décédait le [Date décès 5] 2017 à [Localité 37] des suites d'un lymphome diagnostiqué 6 semaines auparavant.
16. M. [N] [S] confiait à son notaire maître [H] le règlement de la succession de son épouse tandis que, découvrant les dispositions testamentaires de sa grand-mère, Mme [J] [S] prenait conseil auprès d'un notaire parisien maître [O].
17. Les capitaux du contrat Fipavie ouvert au nom de la défunte et ceux du contrat Himalia étaient versés par les compagnies d'assurances à M. [N] [S], usufruitier. Celui-ci et sa fille [T] [S] enregistraient le 30 juin 2017 une reconnaissance de quasi-usufruit constatant une créance de restitution de 2.352.357,37 € en faveur de Mme [T] [S].
18. En dépit de nombreux échanges, les parties ne parvenaient pas à se mettre d'accord sur le règlement de la succession de [C] [F].
19. M. [N] [S] et Mme [T] [S] épouse [V] confiaient à maître [U], notaire à [Localité 21], le soin de poursuivre le règlement de la succession en lieu et place de maître [H] ayant fait valoir ses droits à la retraite.
20. Les échanges se poursuivaient encore, sans succès toutefois, Mme [J] [S] refusant de signer les projets de partage établis par les notaires en considérant qu'elle n'était pas remplie de l'entièreté de ses droits.
* 21. Par actes d'huissier de justice du 2 juillet 2020, Mme [J] [S] a fait citer devant le tribunal judiciaire de Quimper M. [N] [S] son grand-père et Mme [T] [S] épouse [V] sa tante paternelle aux fins de partage judiciaire de la succession de [C] [F] sa grand-mère paternelle, outre le rapport de diverses sommes dont les contrats d'assurance-vie dénoués ou non.
22. Par jugement du 31 août 2021 (suivi d'un jugement en rectification d'erreurs matérielles du 1er février 2022), le tribunal judiciaire de Quimper a :
- ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [N] [S] et [C] [F] ainsi que celles de la succession de [C] [F], décédée à [Localité 37] le [Date décès 5] 2017,
- désigné maître [Y], notaire associé à [Localité 38], pour y procéder, lequel disposera d'un délai d'un an à compter de sa désignation pour terminer ses opérations,
- dit que le notaire commis devra procéder au calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible afin de déterminer si une indemnité de réduction est due,
- dit que le notaire commis devra faire figurer dans la liquidation de la communauté la valeur de rachat des contrats d'assurance-vie souscrits par M. [N] [S] non dénoués au jour du décès de Mme [F] à la date du [Date décès 5] 2017,
- désigné Mme Aurore Poitevin, vice-présidente ou tout magistrat de la chambre civile 1, pour la surveillance des opérations de partage,
- dit que le versement de 20.000 € effectué par les époux [S] à l'occasion d'une acquisition immobilière par Mme [T] [S] le 17 décembre 2013, à titre de dépôt de garantie devait être rapporté par celle-ci à la succession de [C] [F] à hauteur de 10.000 €,
- dit que le versement de 28.195 € effectué par [C] [F] au titre des droits auxquels avait été assujetti le don manuel fait à sa fille en 2013 devait être rapporté par Mme [T] [S] à la succession de [C] [F] à hauteur de 14.097,50 €,
- dit que les sommes à retenir au titre du don manuel fait par [C] [F] à Mme [T] [S] le 25 juin 2011 (150.000 €), pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible devaient être fixées à 10.000 €, 25.000 € et 98.100 €,
- dit que la somme à retenir au titre du don manuel reçu de [C] [F] par Mme [T] [S] le 17 décembre 2013 (150.000 €) pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible devait être fixée à la somme de 160.000 €,
- rejeté la demande de rapport à la succession de [C] [F] des primes des contrats d'assurance-vie Himalia et Fipavie souscrits le 28 novembre 2008 et le 20 janvier 2017 auprès de la société [26],
- rejeté la demande de fixation de caution,
- rejeté toutes autres demandes,
- laissé à chaque partie la charge de ses frais d'instance,
- dit les dépens employés en frais privilégiés de partage,
- rappelé l'exécution provisoire de droit.
23. Pour statuer ainsi, le tribunal judiciaire a considéré d'une part que s'agissant des apports au capital social d'une société, ils ne constituaient pas une acquisition au sens de l'article 860-1 du code civil de sorte que le rapport devait s'effectuer au nominal, que l'évaluation du fonds de commerce de la pharmacie de [Localité 35] (1.090.000 €) permettait de fixer le rapport à la somme de 98.100 €, que l'évaluation des murs de la pharmacie et du logement situé au-dessus s'établissait à 320.000 € au jour du décès et permettait de fixer le rapport à la somme de 160.000 €, qu'enfin, le montant des primes des deux contrats d'assurance-vie n'était pas manifestement exagéré dès lors que [C] [F] n'avait pas conscience de l'imminence de son décès, que M. et Mme [S] disposaient par ailleurs d'un patrimoine très conséquent et que la souscription était utile et avantageuse avant le 70ème anniversaire de [C] [F].
24. Par déclaration du 25 octobre 2021, Mme [J] [S] a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- dit que les sommes à retenir au titre du don manuel reçu de [C] [F] par Mme [T] [S] le 25 juin 2011 (150.000 €) pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible devaient être fixées à 10.000 €, 25.000 € et 98.100 €,
- dit que la somme à retenir au titre du don manuel reçu de [C] [F] par Mme [T] [S] le 17 décembre 2013 (150.000 €) pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible devaient être fixée à 160.000 €,
- rejeté la demande de rapport à la succession de [C] [F] des primes des contrats d'assurance-vie Himalia et Fipavie souscrits les 28 novembre 2008 et 20 janvier 2017 auprès de la société [26],
- rejeté la demande de fixation de caution,
- rejeté toutes autres demandes,
- laissé à chaque partie la charge de ses frais d'instance.
25. Les consorts [S] ont interjeté appel incident en ce que le jugement n'a pas statué sur les accords intervenus entre les parties et pour voir modifier les montants des rapports des dons manuels de 2011 et de 2013.
26. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 juin 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
27. Mme [J] [S] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 17 juin 2024 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Quimper le 31 août 2021 en ce qu'il a :
* dit que les sommes à retenir au titre du don manuel du 25 juin 2011 (150.000 €) doivent être fixées à 10.000 €, 25.000 € et 98.100 €,
* dit que la somme à retenir au titre du don manuel du 17 décembre 2013 (150.000 €) doit être fixée à la somme de 160.000 €,
* rejeté la demande de réintégration des primes des contrats d'assurance-vie Himalia et Fipavie souscrits le 28 novembre 2008 et le 20 janvier 2017,
* rejeté la demande de fixation de caution,
* rejeté toutes autres demandes,
* laissé à chaque partie la charge de ses frais d'instance,
- et statuant à nouveau des chefs du jugement critiqués,
- juger que les sommes à retenir au titre du don manuel du 25 juin 2011 doivent être fixées à :
* 10.000 € conservés par Mme [T] [S],
* la valeur de la moitié des parts sociales composant le capital de la selarl Pharmacie [V] à la date du décès de [C] [F],
* la quote-part, à concurrence de 8,85 %, de la valeur de l'officine pharmaceutique acquise grâce à l'apport en compte courant de 100.000 €, selon sa valeur à la date du décès de [C] [F], subsidiairement, dire que cette quote-part s'élève à concurrence de 135.000 €,
* 15.000 € pour lesquels Mme [T] [S] ne donne aucune justification,
- juger que la somme à retenir au titre du don manuel du 17 décembre 2013 (150.000 €) sera fixée par le notaire, au besoin avec l'aide d'un sapiteur, selon la valeur des biens immobiliers acquis grâce aux deniers donnés,
- juger que les primes versées sur les contrats Himalia et Fipavie sont manifestement exagérées,
- en conséquence,
- ordonner le rapport et la réintégration fictive à la masse de calcul de la succession de [C] [F] :
* des primes versées au titre du contrat Fipavie, soit la somme de 1.650.000 €,
* de la prime versée au titre du contrat Himalia pour la somme de 788.396 €,
- juger qu'il appartiendra au notaire commis de chiffrer le montant de l'indemnité de réduction due par Mme [T] [S] à Mme [J] [S],
- condamner M. [N] [S] sous astreinte de 5.000 € par jour de retard commençant à courir à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir à lui délivrer une caution d'un montant de 1.724.406 €, sauf à parfaire,
- condamner solidairement M. [N] [S] et Mme [T] [S] à lui payer une somme de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. [N] [S] et Mme [T] [S] en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,
- condamner solidairement M. [N] [S] et Mme [T] [S] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de la SCP Larmier Tromeur Dussud conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
28. M. [N] [S] et Mme [T] [S] épouse [V] (ci-après les consorts [S]) exposent leurs prétentions et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 14 juin 2024 aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Quimper le 31 août 2021 et rectifié (erreurs matérielles) le 1er février 2022 en ce qu'il a :
* ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [N] [S] et [C] [F] ainsi que celle de la succession de [C] [F] décédée à [Localité 37] le [Date décès 5] 2017,
* désigné Me [Y], notaire associé à [Localité 38], pour y procéder, lequel disposera d'un délai d'un an à compter de sa désignation pour terminer ses opérations,
* dit que le notaire commis devra procéder au calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible afin de déterminer si une indemnité de réduction est due,
* dit que le notaire commis devra faire figurer dans la liquidation de la communauté la valeur de rachat des contrats d'assurance-vie souscrits par M. [N] [S] non dénoués au jour du décès de [C] [F] à la date du [Date décès 5] 2017,
* désigné Mme Aurore Poitevin vice-présidente ou tout magistrat de la chambre civile 1 pour la surveillance des opérations de partage,
* dit que le versement de 20.000 € effectué par les époux [S] à l'occasion d'une acquisition immobilière par Mme [T] [S] le 17 décembre 2013 à titre de dépôt de garantie doit être rapporté par celle-ci à la succession de [C] [F] à hauteur de 10.000 €,
* dit que le versement de 28.195 € effectué par [C] [F] au titre des droits auxquels a été assujetti le don manuel fait à sa fille en 2013 doit être rapporté par Mme [T] [S] à la succession de [C] [F] à hauteur de 14.097,50 €,
* dit que la somme à retenir au titre du don manuel reçu de [C] [F] par [C] [S] le 25 juin 2011 (150.000 €) pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible doit être fixée à 10.000 €,
* rejeté la demande de rapport à la succession de [C] [F] des primes des contrats d'assurance-vie Himalia et Fipavie souscrits les 28 novembre 2008 et 20 janvier 2017 auprès de la société [26],
* rejeté la demande de fixation de caution,
- et statuant à nouveau,
- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas statué sur les prétentions relatives aux accords intervenus en première instance,
- en conséquence, additer ce qui suit :
- dire et juger que les époux [S] n'étaient plus titulaires d'un compte courant dans les livres de la SCI [33] au jour du décès de [C] [F] et, en conséquence, débouter Mme [J] [S] de sa demande à ce titre,
- dire et juger que les sociétés [40] avaient été liquidées au décès de [C] [S] et débouter Mme [J] [S] de sa demande d'inscription des parts sociales de ces sociétés à l'actif de communauté,
- dire et juger que le notaire commis devra faire figurer la valeur de rachat des contrats d'assurance vie Patrimoine Option/Suravenir n° 064729898301 et Prévi Retraite/Suravenir n° 046442 souscrits par M. [N] [S] et non dénoués au jour du décès à la date du [Date décès 5] 2017 pour les valeurs respectives de 3.843.463 € et de 85.259 €,
- dire et juger que le notaire commis devra faire figurer la valeur de rachat du contrat d'assurance vie Ingénierie-ED n° 07082435 souscrit par M. [N] [S] et non dénoué au jour du décès pour sa valeur de rachat au [Date décès 5] 2017 de 1.660.604,16 €,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Quimper le 31 août 2021 et rectifié (erreurs matérielles) le 1er février 2022 et statuant à nouveau des chefs de jugement critiqués,
- dire et juger que la somme de 50.000 € reçue le 25 juin 2011 par Mme [T] [V] de M. et Mme [N] et [C] [S], ses deux parents, soit 25.000 € du chef de [C] [F] décédée et affectée à la création de la selarl Pharmacie [V] ne constitue pas une dépense d'acquisition,
- ordonner en conséquence que cette somme soit rapportée au titre de la donation reçue en 2011 pour son montant nominal de 25.000 €,
- si par extraordinaire, la somme de 25.000 € était qualifiée de dépense d'acquisition :
* dire et juger que le rapport est nul (valeur 0), la société étant en cours de constitution,
* très subsidiairement, dire et juger que le rapport sera au nominal soit 25.000 € dès lors que l'indemnité de rapport ne peut pas tenir compte de la plus-value résultant du fait du gratifié,
- débouter Mme [J] [S] de toute demande plus ample ou contraire,
- dire et juger que les fonds reçus de [C] [F] à hauteur de 100.000 € par Mme [T] [V] le 25 juin 2011 ont été fait en compte courant d'associé et qu'en conséquence, le rapport est au nominal, soit 100.000 €,
- subsidiairement, dire et juger que la somme à retenir est de 84.957,50 € et très subsidiairement de 88.700,71 € pour les causes sus exposées,
- infiniment subsidiairement, dire et juger que la somme à retenir est de 120.185,86 €,
- débouter Mme [J] [S] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,
- dans l'hypothèse où une expertise serait ordonnée mettant en évidence une plus-value qui ne serait pas en lien avec la conjoncture immobilière mais avec l'industrie personnelle de Mme [V], dire et juger que le montant du rapport serait alors égal à la valeur brute à l'époque du partage diminuée de la plus-value,
- dire et juger que la somme à retenir au titre du don manuel reçu de [C] [F] par Mme [T] [V] le 17 décembre 2013 (150.000 €), pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible, est de 174.500 €,
- dans l'hypothèse où une expertise serait ordonnée mettant en évidence une plus-value qui ne serait pas en lien avec la conjoncture immobilière mais avec l'industrie personnelle de Mme [V], dire et juger que le montant du rapport serait alors égal à la valeur brute à l'époque du partage diminuée de la plus-value,
- débouter Mme [J] [S] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,
- débouter Mme [J] [S] de sa demande en réduction des libéralités ainsi qu'à sa demande de faire fixer par le notaire le montant de l'indemnité de réduction,
- débouter Mme [J] [S] de sa demande de rapport à la succession de [C] [F] des primes des contrats d'assurance-vie Himalia et Fipavie Ingénierie souscrits respectivement le 28 novembre 2008 et le 20 Janvier 2017 auprès de la société [26],
- débouter Mme [J] [S] de sa demande de fixer une caution et de sa demande de condamnation sous astreinte y inhérente,
- débouter Mme [J] [S] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires,
- débouter Mme [J] [S] de sa demande au titre des frais irrépétibles, et aux dépens,
- dire n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner Mme [J] [S] à leur verser la somme de 20.000 € (frais irrépétibles de première instance et en appel) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.
29. Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIVATION
30. À titre liminaire, il convient de rappeler que l'office de la cour d'appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de 'constater', 'dire' ou 'dire et juger' qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu'elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.
31. De même, il n'y a pas lieu à prononcer une confirmation des chefs de jugement qui n'ont pas fait l'objet d'un appel principal ou incident, la cour n'en étant pas saisie.
1) Sur les points d'accord
32. Les consorts [S] demandent à la cour d'appel d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas, contrairement à leur demande formée en première instance, statué sur les prétentions relatives aux accords intervenus entre les parties.
33. Ils demandent à ce titre que la cour d'appel de leur donner acte de :
- que M. et Mme [N] [S] n'étaient plus titulaires d'un compte courant dans les livres de la SCI [33] au jour du décès de [C] [F],
- que les sociétés [40] avaient été liquidées en 2016 et n'existaient plus au décès de [C] [S],
- que le notaire commis devra faire figurer la valeur de rachat des contrats d'assurance vie Patrimoine Option/Suravenir n° 064729898301 et Prévi Retraite / Suravenir n° 046442 souscrits par M. [N] [S] et non dénoués au jour du décès à la date du [Date décès 5] 2017 pour les valeurs respectives de 3.843.463 € et de 85.259 €,
- que le notaire commis devra faire figurer la valeur de rachat du contrat d'assurance vie Ingénierie-ED n° 07082435 souscrit par M. [N] [S] et non dénoué au jour du décès pour sa valeur de rachat au 13.03.2017 de 1.660.604,16 €.
34. Mme [J] [S] ne fait valoir aucun moyen opposant, reprenant ces valeurs dans ses écritures au titre des points d'accord.
35. Il sera fait droit à la demande de 'donné acte' de ces accords, étant encore ajouté que les parties se sont accordées sur les chiffres et mentions de réserve suivants, qu'il convient de reprendre dans le présent arrêt :
Actif brut de communauté
Mobilier prisé suivant inventaire du 26 août 2017.....................52 640,00 €
Véhicules automobiles
- Renault Scénic AE 850 JT........................................................1.000,00 €
- Audi A 3 DP 077 JE.................................................................18.000,00 €
- Range Rover...............................................................................8.000,00 €
Actifs bancaires et financiers au [25]
- compte sur livret n°[XXXXXXXXXX02] au nom de [C] [S]..22 964,34 €
- part sociale n°0730511101 souscrite par [C] [S]..................15,00 €
- compte chèque joint n°[XXXXXXXXXX03] au nom de M. et Mme [S]...........................................................................................124.588,09 €
- part sociale n°0807 souscrite par [N] [S].................................15,00 €
- compte sur livret n°[XXXXXXXXXX01] au nom de [N] [S].....2.968,23 €
Biens et droits immobiliers
- à [Localité 9], [Adresse 20], une propriété consistant en deux maisons d'habitation et terrain cadastrée Section CA n° [Cadastre 16] évaluée sauf à parfaire.......................................................................1.400.000,00 €
- à [Localité 37], [Adresse 12], lots de copropriété n° 36 et 4, un appartement de type 3 et un parking évalués sauf à parfaire......150.000,00 €
Valeur de rachat des contrats d'assurance-vie souscrits par M. [N] [S] et non dénoués qui devra être retenue à la date du décès du [Date décès 5] 2017
- Patrimoine Option/Suravenir n°064729898301 souscrit le 1er octobre 2001 valeur de rachat au 1er janvier 2017 sauf à parfaire.................3.843.463,00 €
- Prévi Retraite/Suravenir n°046442, valeur de rachat au 1er janvier 2017 sauf à parfaire ..............................................................................85.259,00 € - Générali contrat Xaelidia n°22772035 du 30 octobre 2002, valeur de rachat au [Date décès 5] 2017 sauf à parfaire ..............................................1.059.674,80 €
- Fipavie Ingénierie-ED n°070882435 - valeur de rachat au [Date décès 5] 2017 sauf à parfaire..........................................................................1.660.604,16 €
Total de l'actif brut de communauté sauf à parfaire................8.449.191.62 €
Passif de communauté (sur lequel les parties sont pour l'essentiel d'accord)
- solde de l'impôt sur le revenu de l'année 2016...........................13.221,00 €
- impôt sur la fortune 2017 évalué par provision..........................53.444,00 €
- rappel d'impôt sur la fortune 2014..............................................34.310,00 €
- taxe foncière 2017 du bien de [Localité 9] évaluée par provision...2.500,00 €
- taxe foncière 2017 du bien de [Localité 37] évaluée par provision........800,00 € - taxe d'hab° 2017 du bien de [Localité 9] évaluée par provision.....3.700,00 €
- sommes restant dues au décès sur le prêt souscrit par M. et Mme [S] auprès de la banque [29] pour le montant en capital et prorata d'intérêts liquidés......................................................................................3.004.339,72 €
Total du passif de communauté................................................3.112.314,72 €
Ainsi, sauf à parfaire compte tenu des incidences de la présente décision, le montant de l'actif net de communauté ressort dans les écritures des parties à 5.336.876,90 € relevant pour moitié de la succession de [C] [F], soit........................................................................................... 2.668.438,45 €
Passif de succession (sous réserve des montants réels)
- facture des frais d'obsèques pour..................................................7.705,24 € - frais et provisions sur frais d'actes et de règlement de succession :
- enregistrement donation entre époux............................................... 125,00 € - procès-verbal de dépôt et description de testament......................... 512,46 €
inventaire............................................................................................248,26 € - facture de maître [DN] [Z], commissaire-priseur.....1.475,60 € - acte de notoriété................................................................................165,28 € - provision pour la déclaration de succession................................11.500,00 € - provision pour l'attestation immobilière.....................................12.600,00 € - provision pour la clôture d'inventaire..............................................350,00 €
Soit un total sauf à parfaire de.......................................................34.681,84 €
D'où un actif net de succession sauf à parfaire de....................2.633.756,61 €
36. Pour mémoire, compte tenu des dispositions prises :
- M. [N] [S] est usufruitier de la succession,
- Mme [T] [S] est légataire universelle sous l'usufruit de son père M. [N] [S],
- Mme [J] [S], en représentation de son père, est réservataire à concurrence d'un tiers sous l'usufruit de son grand-père.
37. Les points restants de désaccord portent donc d'une part sur l'évaluation des rapports dus par Mme [T] [S] pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible à raison de deux dons manuels d'un montant de 300.000 € chacun en date respective des 25 juin 2011 et 17 décembre 2013, d'autre part, sur le sort à réserver aux contrats d'assurance-vie dénoués par le décès de [C] [F] et, enfin, sur la demande de caution.
2) Sur le don manuel du 25 juin 2011
38. Par déclaration du 25 juin 2011 enregistrée le 5 juillet 2011, M. et Mme [N] [S] ont consenti à leur fille [T] [S] épouse [V] un don manuel d'un montant de 300.000 €.
39. Avec cette somme, Mme [T] [S] a souscrit le 30 juin 2011 un contrat d'assurance-vie sur lequel elle a placé un montant de 280.000 €, conservant pour elle-même la somme de 20.000 €. Elle a partiellement procédé à un rachat le 11 décembre 2013 à hauteur de 50.000 € puis a racheté la totalité du contrat le 4 février 2014 pour un montant de 253.866,18 €.
2.1) Sur le rapport de la somme de 20.000 € non remployée
40. Il n'est pas contesté par les parties que le montant du rapport à la succession de [C] [F] doit être fixé au nominal à la somme de 10.000 € du chef de cette somme de 20.000 € qui a été conservée par devers Mme [T] [S].
41. Il leur en sera donné acte et le jugement sera confirmé sur ce point.
2.2) Sur le rapport au titre du premier rachat d'un montant de 50.000 €
2.2.1) Sur le régime du rapport : au nominal ou en valeur
42. Mme [J] [S] demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement ayant fixé le rapport au nominal à 25.000 € au titre de ce 1er rachat d'un montant de 50.000 € et de le fixer à la valeur de la moitié des parts sociales composant le capital de la selarl Pharmacie [V] à la date du décès de [C] [F].
43. Elle fait valoir que Mme [T] [S] a reçu en contrepartie de son apport de 50.000 € la propriété de 5.000 parts sociales de la Selarl Pharmacie [V] d'une valeur nominale de dix € chacune, qu'il s'en est suivi une subrogation de parts sociales aux deniers donnés et rachetés, qu'il n'y a pas lieu à distinguer le rapport d'une acquisition de parts sociales au moyen de deniers donnés par le défunt et le rapport de la souscription de parts sociales dans le cadre d'un apport en société au moyen de deniers donnés alors que dans les deux cas, le donataire acquiert la propriété des parts sociales lui conférant la qualité d'associé.
44. Les consorts [S] rappellent que Mme [T] [S] a effectué le 11 décembre 2013 un rachat partiel de ce contrat d'assurance-vie à hauteur de 50.000 € pour le déposer sur un compte ouvert au [24] au nom de la Selarl Pharmacie [V] en cours de formation et qu'elle a affecté cette somme à la constitution de ladite Selarl, ce qui ne constitue pas selon eux une dépense d'acquisition au sens des articles 860 et 860-1 du code civil de sorte qu'ils n'ont, là encore, pas contesté en première instance en devoir le rapport à la succession de [C] [F] mais pour son montant au nominal limité à la part résultant de la donation reçue, soit 50.000 € / 2 = 25.000 €.
45. Ils soutiennent que :
- l'apport de fonds aux fins de création d'une société (soit une personne morale distincte) ne constitue pas une acquisition, notion appréciée très strictement par la Cour de cassation, mais est le fait par un associé de mettre à disposition de la société des biens (sommes d'argent) en vue d'une exploitation commune ; la réunion des apports forme le capital de la société et les fonds sont bloqués ; la contrepartie pour l'apporteur est la réception (sic) de titres (parts ou actions) soumis aux aléas de la société, en l'espèce 5000 parts reçues par Mme [T] [S] en contrepartie de cet apport de 50.000 €,
- la 'subrogation' de parts sociales aux deniers invoquée par l'appelante n'est pas applicable au cas particulier d'un rapport d'une somme d'argent,
- dès lors, la somme de 50.000 € ne peut être au mieux rapportée que pour son montant au nominal et limitée à la part résultant de la donation de sa mère, soit 25.000 € (50.000 € /2),
Réponse de la cour
46. L'article 843 du code civil dispose que 'Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donation entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale. Les legs, faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.'
47. L'article 860 du code civil dispose quant à lui que 'Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation.'
48. L'article 860-1 du code civil dispose que 'Le rapport d'une somme d'argent est égal à son montant. Toutefois, si elle a servi à acquérir un bien, le rapport est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l'article 860.'
49. Il se déduit de ces textes que lorsque la somme donnée n'a pas été affectée à l'acquisition d'un bien, elle est rapportable pour son montant conformément au principe du nominalisme monétaire.
50. A l'inverse, lorsqu'elle a servi à l'acquisition d'un bien, le rapport s'effectue à concurrence de la valeur de ce bien à l'époque du partage d'après son état à l'époque de la donation.
51. Dans une affaire concernant des travaux de construction, la Cour de cassation a retenu une interprétation stricte de la notion d'acquisition visée à l'article 860-1 du code civil (Cass. 1re civ., 21 mai 1997, n° 95-19.121 rendu sous l'empire de l'article 869 devenu 860-1 du code civil), excluant que ces travaux, qui n'étaient qu'une amélioration du bien immobilier, constituent une acquisition au sens de l'article 869 du code civil.
52. Cette interprétation stricte des textes est conforme au principe selon lequel on ne peut déroger au nominalisme des dettes de sommes d'argent en dehors d'un texte légal ou d'une convention lui attribuant le caractère d'une dette de valeur.
53. La doctrine a pu écrire qu'une interprétation large, 'plus économique que juridique de l'acquisition au sens de l'article 869 du code civil' aurait rendu les liquidations successorales 'encore plus complexes qu'elles ne le sont et auraient imposé une comptabilité minutieuse, source de contentieux', tandis que l'interprétation étroite du texte évite 'les difficultés de preuve, mais plus encore les injustices que son application risque de susciter, contrairement au dessein égalitaire qui avait inspiré ses rédacteurs' ([W] dans Defrénois 1997. art. 36650, [D] 1140).
54. Ceci étant, la jurisprudence ne paraît pas faire une distinction selon que l'acquisition, lorsqu'elle est caractérisée, est de nature immobilière ou mobilière de sorte que c'est bien toute nature d'acquisition qui est susceptible de conduire à l'application de l'article 860-1 du code civil.
55. En l'espèce, il résulte des pièces produites que Mme [T] [S] épouse [V] a reçu 5000 parts en contrepartie de son apport d'un montant de 50.000 € au capital de la Selarl Pharmacie [V], lequel apport est issu du don manuel du 25 juin 2011. Elle ne le conteste du reste pas.
56. Ayant certes 'versé les fonds au capital social' de la Selarl Pharmacie [V], elle n'en a pas moins fait l'acquisition de 5000 parts sociales en contrepartie de ce versement, ce dont il s'évince que ce versement s'est bien traduit par une acquisition de biens mobiliers, soit 5000 parts sociales, dont le régime du rapport relève du rapport en valeur des articles 860 et 860-1 alinéa 2 du code civil et non du rapport au nominal de l'article 860-1 alinéa 1 du même code.
57. En conséquence, le jugement qui a retenu que l'interprétation stricte de la notion d'acquisition d'un bien telle qu'elle prévue à l'article 860-1 du code civil 'exclut de considérer que le versement de fonds au capital social d'une société puisse être considéré comme une acquisition de bien', sans du reste se prononcer sur l'acquisition des parts sociales, sera infirmé sur ce point.
58. Le rapport doit en conséquence s'effectuer à concurrence de la valeur desdites parts sociales composant le capital social de la société d'après leur état à l'époque de la donation, et ce à hauteur de la moitié desdites parts du chef des sommes données par [C] [F].
2.2.2) Sur le montant du rapport
59. Mme [J] [S] demande à la cour d'appel de fixer le montant du rapport à la valeur prise pour moitié des parts sociales composant le capital de la selarl Pharmacie [V] à la date du décès de [C] [F]. Elle ne chiffre pas le montant desdites parts sociales, renvoyant à la nécessité d'une expertise.
60. Elle soutient que la constitution de la Selarl Pharmacie [V] n'avait pas d'autre objet que d'acquérir le fonds de commerce vendu par la Selarl [32], lequel objet sera concrétisé concomitamment à la création et suivant compromis de vente du 16 décembre 2013 et que la Selarl Pharmacie [V] est ainsi devenue propriétaire du fonds de commerce d'officine de pharmacie conduisant à évaluer le rapport en fonction de la valeur de la moitié des parts composant le capital social de cette société à la date du décès de [C] [F].
61. Les consorts [S] répliquent :
- que si la somme de 25.000 € était qualifiée de dépense d'acquisition, le montant du rapport est nul (valeur 0) car la société était en cours de constitution et n'avait pas à cette date d'activité ni de valeur, étant par ailleurs nouvellement créée,
- que très subsidiairement, l'indemnité de rapport ne peut pas tenir compte de la plus-value résultant du fait du gratifié puisque si les parts sociales de la pharmacie ont pris de la valeur depuis la constitution de la société, c'est uniquement en raison du travail et de l'activité fournis par la gratifiée, Mme [T] [V], que dans ce cas, le rapport doit s'effectuer au nominal soit 25.000 €,
- que si par extraordinaire, une expertise devait être ordonnée par le notaire commis, les consorts [S] formulent une réserve selon laquelle si une plus-value est intervenue qui ne serait pas en lien avec la conjoncture mais avec l'industrie personnelle de Mme [V], le montant du rapport doit alors être égal à la valeur brute à l'époque du partage diminuée de la plus-value.
Réponse de la cour
62. L'article 860 du code civil dispose que 'Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation.'
63. Il est de jurisprudence établie que lorsqu'il a été fait don d'une somme d'argent ayant servi à acquérir un bien, le rapport dû à la succession du donateur est de la valeur du bien ainsi acquis à l'époque du partage d'après son état à l'époque de l'acquisition en tenant compte, à concurrence du profit subsistant, des améliorations qui lui ont été apportées, depuis la donation, pour une cause étrangère au fait du gratifié (Civ. 1ère, 30 juin 1992, n° 90-20.699). Le donataire doit rapporter la valeur du bien subrogé estimée à l'époque du partage et, par application analogique de l'article 860, d'après son état à l'époque de son acquisition. La Cour de cassation précise que les améliorations apportées par le de cujus doivent être incluses dans la valeur rapportable à la seule concurrence du profit subsistant.
64. L'évaluation du montant du rapport implique donc de rechercher la valeur du bien à l'époque du partage sur la base de son état à l'époque de la donation et les travaux réalisés par le donataire ou son industrie, s'ils ont augmenté la valeur du bien, n'ont pas d'incidence sur le rapport, ce qui oblige à rechercher la valeur au moment du partage que le bien aurait eu s'il était dans son état antérieur aux travaux ou améliorations du fait du gratifié (en l'espèce celui au jour de son acquisition).
65. Ces règles visent à faire en sorte que les cohéritiers du donataire puissent participer aux plus-values des biens donnés qui ne sont pas dues au fait du donataire. Ainsi, la plus-value économique résultant d'un changement dans la situation matérielle ou juridique du bien donné depuis l'époque de la donation devant 'figurer dans le rapport [...] chaque fois que l'amélioration provient d'une cause étrangère au gratifié' ([D] [X], La réforme des liquidations successorales, n° 32).
66. En l'espèce, ainsi que cela résulte de l'article 6 des statuts (non datés) de la Selarl Pharmacie [V], l'associée unique Mme [V] a apporté à la société une somme en numéraire de 50.000 € libérée à hauteur d'un cinquième, soit la somme de 10.000 €, déposée sur un compte ouvert au nom de la société en formation au [24], agence de [Localité 39], le 13 décembre 2013, tandis que la libération du surplus représentant le solde des apports devait intervenir au plus tard le jour de la prise de possession de l'officine de pharmacie que devait exploiter la Selarl Pharmacie [V].
67. Il est encore précisé à l'article 7 desdits statuts que le capital social fixé à 50.000 € est divisé en 5.000 parts sociales de 10 € chacune, entièrement libérées, numérotées de 1 à 5000 et intégralement attribuées à l'associée unique Mme [T] [V].
68. Ainsi, l'acquisition par Mme [T] [V] a bien porté sur les parts sociales à concurrence de 5000 parts, dont elle est d'unique propriétaire en qualité d'associée unique et pour le prix de 50.000 €.
69. A la date de la création de la société, au plus tard le 13 décembre 2013, date de dépôt des fonds au [24], le fonds de commerce n'était pas acquis contrairement à ce que soutient Mme [J] [S], puisqu'il le sera suivant un compromis du 16 décembre 2013 au moyen d'un prêt d'1.0750.000 € financé notamment à hauteur d'une somme de 100.000 € provenant du second rachat de l'assurance-vie.
70. La valeur des parts sociales à l'époque du partage d'après leur état à l'époque de la donation est donc bien celle de 50.000 €, soit un rapport à la succession pour la moitié, à savoir 25.000 €.
71. C'est cette somme qu'il convient de retenir, sans qu'il y ait lieu à ordonner une quelconque expertise qui n'est pas nécessaire et dont l'utilité n'est du reste pas étayée par l'appelante.
72. Le jugement sera, par substitution de motifs, confirmé en ce qu'il a retenu ce montant de 25.000 € pour le rapport à la succession de [C] [F] de ce chef.
2.3) Sur le rapport au titre du second rachat d'un montant de 200.000 €
2.3.1) Sur le régime du rapport : au nominal ou en valeur
73. Mme [J] [S] soutient que la somme donnée par [C] [F] à [T] [V] a permis à celle-ci de procéder à l'acquisition du fonds de commerce de pharmacie, que le transfert de propriété est intervenu au profit de la Sarl Pharmacie [V] par l'effet rétroactif des conditions suspensives stipulées au compromis signé le 16 décembre 2013 par Mme [T] [V], qu'il s'agit d'une dépense d'acquisition au sens de l'article 860-1 du code civil et que la cour d'appel doit confirmer le jugement sur ce point.
74. Les consorts [S] rappellent que le 4 février 2014, Mme [T] [S] a réalisé un rachat total de son contrat d'assurance-vie à hauteur de 253.866,18 €, fonds qu'elle a placés sur son compte personnel le 7 février 2014 pour ensuite effectuer un virement de 200.000 € en faveur de la Selarl Pharmacie [V], constituant un apport personnel en vue de l'obtention d'un prêt de 1.075.000 € contracté pour l'achat par la Serlarl de la pharmacie au prix de 1.130.000 €, soit un prix d'acquisition total de 1.228.850 € tous frais inclus.
75. Ils soutiennent que les fonds d'un montant de 100.000 € pour la part correspondant à la donation du chef de [C] [F] ont été versés en compte courant d'associé, que cet apport s'analyse en une forme particulière de prêt au terme duquel l'associé apporteur est titulaire d'une créance sur la société d'un montant égal aux sommes mises ou laissées à la disposition de celle-ci, qu'il n'existe donc pas de dépense d'acquisition au sens de l'article 860-1 du code civil et qu'en conséquence, le rapport ne peut être qu'au nominal, soit 100.000 €.
Réponse de la cour
76. Pour faire face au besoin de trésorerie d'une société, les associés, dirigeants ou salariés peuvent mettre à sa disposition des fonds appelés avances en comptes courants.
Ces avances sont considérées comme des prêts donnant lieu au versement d'intérêts. Les intérêts versés aux associés sont déductibles des bénéfices de l'entreprise à condition de respecter certains critères. Le compte courant d'associé est donc un prêt consenti par un associé, un dirigeant ou un salarié à la société. Ses modalités de fonctionnement (rémunération, durée, remboursement, etc.) sont précisées par les statuts ou dans une convention de compte courant conclue entre la société et l'associé.
77. Les apports en compte courant d'associé ne concourent pas à la formation du capital social et peuvent donc être repris à tout moment sous réserve de laisser à la société un délai raisonnable pour qu'elle puisse les rembourser.
78. En l'espèce, il résulte de l'acte d'acquisition du fonds d'officine de pharmacie du 28 février 2014, établi au rapport de maître [IX], notaire à [Localité 28], que celui-ci a été acquis au prix de 1.130.000 € par la Selarl Pharmacie [V] représentée par sa gérante et unique associée Mme [T] [V].
79. L'acquisition du fonds de commerce n'a donc pas été faite par Mme [T] [V] à titre personnel contrairement à ce que soutient Mme [J] [S] qui reconnaît du reste tout en même temps que le transfert de propriété est intervenu au profit de la Selarl Pharmacie [V].
80. Par ailleurs, les fonds (soit 200.000 € dont 100.000 € du chef de [C] [F]) ont été versés en compte courant d'associé et ont constitué un apport permettant à la Selarl Pharmacie [V] d'emprunter la somme de 1.075.000 € pour financer l'acquisition du fonds de commerce.
81. L'emprunt n'a donc pas non plus été souscrit par Mme [T] [V] en son nom personnel.
82. Il s'en déduit que l'apport effectué par celle-ci en compte courant d'associée de la Selarl Pharmacie [V] ne peut pas être considéré comme une acquisition au sens des dispositions des articles 860 et 860-1 du code civil susvisés, encore moins réalisée par la donataire Mme [T] [V].
83. Le rapport du don manuel doit en conséquence s'effectuer en application du principe du nominalisme monétaire et non en valeur.
84. Le jugement sera infirmé sur ce point.
2.3.2) Sur le montant du rapport
85. Compte tenu de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu à ordonner une quelconque expertise, le rapport à la succession de [C] [F] ne peut donc s'effectuer qu'au nominal, soit à concurrence de la somme de 100.000 €.
86. Le jugement sera infirmé sur ce point.
87. A ce stade du raisonnement, c'est une somme de 135.000 € (10.000 € + 25.000 € + 100.000 €) qui doit être rapportée par Mme [T] [V] au titre du don manuel de 150.000 € du 25 juin 2011 du chef de [C] [F].
2.4) Sur le rapport au titre du solde du rachat
88. Mme [J] [S] demande le rapport au nominal de la somme de 15.000 €, constituant le solde de la somme donnée du chef de [C] [F] (30.000 € du chef des deux parents) et pour laquelle Mme [T] [S] n'a pas donné de justification de son emploi.
89. Mme [T] [V] ne s'explique pas sur le sort réservé par elle au rachat du solde du contrat d'assurance-vie s'élevant à 30.000 €, soit 15.000 € du chef de sa mère.
90. Il sera en conséquence fait droit à la demande de Mme [J] [S] de voir le rapport fixé à hauteur d'un montant de 15.000 €.
91. Sous le bénéfice de ces observations, le montant total du rapport dû par Mme [T] [V] à la succession de sa mère [C] [F] au titre du don manuel du 25 juin 2011 s'élève à la somme de 10.000 € + 25.000 € + 100.000 € + 15.000 € = 150.000 €.
2) Sur le don manuel du 17 décembre 2023
92. Par déclaration du 17 décembre 2013 enregistrée le 2 janvier 2014, M. et Mme [S] ont consenti un don manuel à leur fille [T] [V] d'un montant de 300.000 €.
93. Ainsi que cela résulte de l'acte de vente, ce second montant de 300.000 € a été affecté à l'acquisition par Mme [T] [V] le 12 février 2014 en pleine propriété de l'immeuble abritant la pharmacie de [Localité 35] et du logement situé à l'étage, le tout moyennant un prix en principal de 300.000 € (292.000 € pour l'immeuble et 8.000 € pour les biens mobiliers), les vendeurs étant M. [I] [K], pharmacien, et son épouse Mme [R], infirmière.
94. Ce bien est constitué, selon sa désignation figurant à l'acte de vente, d'une maison à usage d'habitation et de commerce comprenant :
- au rez-de-chaussée, un local à usage d'officine de pharmacie, bureau, laboratoire, toilettes, deux réserves, une chaufferie et un garage double,
- au 1er étage, une cuisine, un salon-salle à manger, un bureau, un vestiaire, une buanderies et toilettes,
- au 2ème étage, trois chambres avec deux salles de bains, toilettes et grenier, incluant une terrasse à l'est (au 1er étage) et jardins avec murs et talus privatifs, le tout implantée sur une parcelle de 11 ares et 75 centiares, soit 1.175 m².
95. Mme [J] [S] demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement ayant fixé le montant du rapport à la somme de 160.000 € et de juger que ce montant sera fixé par le notaire, au besoin avec l'aide d'un sapiteur, selon la valeur des biens immobiliers acquis grâce aux deniers donnés.
96. Elle soutient que l'évaluation effectuée par le notaire de Mme [T] [V] ne peut être retenue dès lors qu'elle n'est corroborée par aucun autre élément, qu'il ne saurait, de son côté, lui être reproché de n'avoir pas transmis d'autres évaluations alors qu'elle n'a pas accès au domicile et au lieu de travail de sa tante, que la nouvelle évaluation produite en cause d'appel par les intimés proposant de fixer le montant du rapport à la somme de 174.500 € encourt les mêmes griefs pour procéder d'un même processus non contradictoire, que les travaux allégués par Mme [T] [V] ne sont que des travaux de réfection habituels de l'intérieur de l'habitation et, que l'aménagement du jardin en juillet 2017, l'aménagement et l'étanchéité de la terrasse en 2019 et les travaux de la pharmacie sont tous des travaux réalisés postérieurement au décès de [C] [F]. Elle ajoute que la valeur locative du local commercial a été sous-évaluée à 10.975,92 € par an alors qu'avec la revalorisation annuelle, il devait atteindre un montant de 17.974 € par an au 1er décembre 2016, d'où une valeur de la partie commerciale s'établissant à 167.981,40 €, que la valeur de l'habitation tant de cession que locative a également été sous-évaluée, qu'enfin, l'ensemble de la propriété doit être évalué à une somme située entre 410.000 € et 440.200 € compte tenu du prix des biens comparables et non à 320.000 € comme retenu à tort.
97. Elle conclut que le montant à rapporter à la succession de [C] [F] doit être déterminé par le notaire commis après évaluation contradictoire de l'ensemble immobilier par un sapiteur.
98. Les consorts [S] répliquent que le juge ne peut refuser de prendre en considération une pièce dès lors que celle-ci a été régulièrement versée aux débats, soumise à la discussion contradictoire des parties et est corroborée par d'autres éléments de preuve, qu'ils ont fourni plusieurs évaluations soumises au contradictoire dont le rapport de maître [YZ], notaire, qui est très circonstancié et est du reste amplement discuté par Mme [J] [S] dans ses dernières conclusions, ce qui confirme qu'il n'est pas nécessaire de renvoyer au notaire la charge de fixer le montant du rapport, que pour des raisons fiscales, le loyer de la parte commerciale n'a pas été sous-évalué, que les travaux amélioratifs relèvent du seul fait de Mme [T] [S] et ne doivent pas être pas pris en considération au titre du rapport, qu'ils produisent une nouvelle évaluation en cause d'appel faisant état d'une valeur actualisée pour l'ensemble située entre 340.000 € et 360.000 €, soit, compte tenu des superficies respectives des locaux, une valeur médiane de tout l'immeuble de 349.000 € d'où il résulte que le montant du rapport doit être fixé à 150.000 €/300.000 € x 349.000 € = 174.500 €.
Réponse de la cour
99. Les trois évaluations produites aux débats font ressortir les valeurs suivantes, dont il est précisé qu'elles ont été établies en application des articles 860 et 860-1 du code civil, à savoir d'après l'état à l'époque de la donation :
- un premier avis est établi le 16 mars 2021 par l'étude [36] située à [Localité 21] qui estime l'ensemble immobilier (habitation et partie commerciale) à 320.000 €,
- un second avis est établi le 7 avril 2022 par la même étude [36] qui estime l'ensemble immobilier (habitation et partie commerciale) à la somme de 348.000 €, soit une évolution de 28.000 € à la hausse,
- un avis a également été établi le 12 avril 2022 par maître [YZ], notaire à [Localité 34], qui évalue de manière circonstanciée l'ensemble immobilier (parties habitation et commerciale) à un montant situé entre 340.000 € et 360.000 € à l'époque de la donation, soit un plafond de 12.000 € supplémentaire par rapport à la précédente évaluation.
100. Ces trois évaluations, si elles diffèrent quelque peu dans les montants proposés, sont cohérentes entre elles en ce qu'elles ne montrent pas de différences flagrantes qui seraient autrement expliquées que par une légère hausse du secteur de l'immobilier chaque année, la tendance s'étant toutefois inversée depuis quelques temps.
101. Il est justifié de ce que d'importants travaux ont été réalisés par Mme [T] [V] tant dans la partie commerciale que dans la partie habitation qui se sont élevés à 254.847,90 € pour la partie commerciale (officine) et à 164.021,38 € pour la partie habitation, dont il est justifié par la production des factures témoignant d'une remise à neuf des sols, murs, plafonds, menuiseries, terrasses, murs extérieurs, etc...
102. Ces travaux ne peuvent pas être pris en considération dans l'évaluation du montant du rapport dès lors qu'ils sont du seul fait de la donataire.
103. En revanche, rien ne s'oppose à ce que le montant le plus favorable de l'évaluation, à savoir 360.000 € tel qu'il a été estimé par maître [YZ], puisse être retenu comme correspondant à la valeur de l'ensemble immobilier au jour du partage d'après son état à l'époque de la donation.
104. Le montant du rapport sera en conséquence fixé à la somme de 180.000 € du chef de la somme donnée par [P] [F], sans qu'il y ait lieu à ordonner une quelconque expertise qui n'est pas nécessaire.
105. Le jugement sera infirmé sur ce point.
3) Sur les contrats d'assurance-vie
106. Ainsi que ci-dessus rappelé, M. et Mme [S] ont souscrit le 28 novembre 2008 un contrat d'assurance vie Himalia auprès de la compagnie [26] dont les bénéficiaires étaient M. [N] [S] en usufruit et leur fille Mme [T] [S] en nue-propriété. Ce contrat a reçu un seul et unique versement lors de la souscription à hauteur de 788.396,56 €. Il n'y a pas eu de rachat et il a été dénoué par le décès de Mme [S] pour une valeur de 911.339,49 € au jour du décès de [C] [F] et versée à M. [S].
107. Le 1er octobre 2010, M. [N] [S] a souscrit auprès du [23] un contrat d'assurance-vie Patrimoine Option/Suravenir d'une valeur de rachat au 1er janvier 2017 d'un montant de 3.843.463 €.
108. Puis le 20 janvier 2017, M. et Mme [S] ont souscrit chacun un contrat d'assurance-vie Génération Vie / Fipavie Ingénierie, l'un par [C] [F] et l'autre par M. [N] [S] en procédant chacun à un premier versement de 150.000 € puis le 24 janvier 2017 chacun à un versement complémentaire de 1.500.000 €, empruntant pour ce faire à cette même date une somme de 3.000.000 € auprès de la banque [29] remboursable sur une durée de deux ans.
109. M. [N] [S] souhaitait en effet racheter le contrat Suravenir souscrit à son seul nom pour financer le contrat Fipavie souscrit au nom des deux conjoints. Ce contrat Suravenir n'étant toutefois pas arrivé à la maturité fiscale des 8 ans tandis que Mme [S] allait fêter ses 70 ans le [Date naissance 13] 2017 comme étant née le [Date naissance 13] 1947, il était opté pour une souscription immédiate financée par un emprunt remboursable sous 2 ans et garanti par ledit contrat Suravenir.
110. Mme [J] [S] demande le rapport et la réintégration fictive à la masse de calcul de la succession de [C] [F] des primes :
- versées au titre du contrat Fipavie, soit la somme de 1.650.000 €,
- versées au titre du contrat Himalia, soit la somme de 788.396 €,
arguant de leur caractère manifestement exagéré considérant que le tribunal n'a pas pris en considération l'ensemble de la situation patrimoniale et familiale de [C] [F], ni le fait que le contrat Fipavie a été financé par un emprunt qui, in fine, aggrave le passif de communauté et réduit par conséquent la réserve héréditaire, qu'il n'est pas démontré que les contrats Himalia et Fipavie étaient utiles pour sa souscriptrice et qu'en réalité, le but poursuivi était de soustraire l'essentiel de la succession au profit d'un seul des deux héritiers réservataires, à savoir Mme [T] [S] épouse [V] au détriment de [M] [S] aux droits duquel elle vient en représentation.
111. Elle ajoute que la modification des dispositions testamentaires et les souscriptions de contrat se sont inscrites dans un contexte né en 2016, année au cours de laquelle M. [N] [S] a appris qu'il était frappé d'un cancer agressif et a passé l'été à subir des traitements lourds et à envisager de procéder à un 'rééquilibrage des masses successorales au sein du couple', suivi en cela par une modification des dispositions testamentaires de [C] [F] du 15 septembre 2016 visant à confirmer la donation entre époux en usufruit, la désignation de [T] [S] en qualité de légataire universelle sous l'usufruit de M. [N] [S] et à limiter à la réserve (1/3) en nue-propriété sous l'usufruit de M. [N] [S] la part revenant à [J] [S].
112. Elle précise encore que le caractère manifestement exagéré du montant des primes découle du fait que le patrimoine commun est composé à près de 80 % de placements en assurance-vie, que les revenus imposables du couple [S] s'élevaient pour l'année 2016 à concurrence de 93.449 €, constitués pour près de moitié par les revenus fonciers provenant de la SCI [33] liquidée au 31 décembre 2016 et dont ils ne disposaient donc plus à compter du 1er janvier 2017, que le patrimoine de [C] [F] constitué de la moitié du boni net de communauté est ramené au chiffre de 2.633.757 € compte tenu du passif substantiel de communauté intégrant la charge de l'emprunt, que les primes versées sur le contrat Fipavie à hauteur de 1.650.000 € représentent en conséquence près de 65 % du patrimoine de [C] [F], déjà majoritairement constitué de placements sous forme d'assurance-vie, que le contrat Fipavie n'était pas utile dès lors que les biens immobiliers et les placements étaient susceptibles de procurer les revenus nécessaires, qu'enfin, les intimés ont reconnu ce caractère manifestement excessif en élaborant un projet en août 2017 - certes non signé - de quasi-usufruit l'intégrant aux côté de Mme [T] [V] en qualité de bénéficiaire pour la rétablir dans ses droits.
113. Les consorts [S] contestent le contexte de maladie tel que relaté par l'appelante, indiquant que M. [N] [S] a été diagnostiqué d'un cancer de la prostate le 1er mars 2016, qu'il a été opéré le 29 mars 2016 puis a été traité par radiothérapie et hormonothérapie et est en rémission complète depuis plus de 5 ans.
114. Ils ajoutent que le fait de privilégier certains enfants au détriment d'autres en les désignant comme bénéficiaires des contrats d'assurance-vie ne constitue pas un critère d'appréciation du caractère exagéré des primes, qu'un contrat d'assurance vie représente un placement sûr et rentable, qui permet des remboursements partiels avant son terme, et a une utilité certaine, ce qui est le cas d'espèce, que la requalification en donation indirecte achoppe en présence de caractère soudain du décès de [C] [F] qui ne pouvait avoir conscience de l'imminence de celui-ci, ce que confirment les pièces médicales, qu'il n'y a pas eu d'intention libérale qui conduirait à requalifier ces contrats en donation indirecte puisque [C] [F] ne s'est pas dépouillée irrévocablement - moyen qu'[J] [S] n'a du reste pas reconduit en cause d'appel -, ni non plus d'aveu d'un caractère manifestement exagéré mais seulement une perspective de transaction globale et forfaitaire ayant échoué par suite du refus de l'appelante de le signer, que le courrier de maître [H] du 11 août 2017 n'a pas été porté à leur connaissance et qu'il s'inscrivait en tout état de cause dans un échange de correspondances entre notaires tenus à la confidentialité et sans qu'il puisse en être extrait un quelconque aveu.
Réponse de la cour
115. Selon l'article L. 132-13 du code des assurances, les primes versées par le souscripteur d'un contrat d'assurance sur la vie ne sont rapportables à la succession que si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur.
116. Cet article pose donc le principe selon lequel les primes d'une assurance-vie ne sont soumises 'ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant' à moins que ces primes 'n'aient été manifestement exagérées'.
117. Il est de jurisprudence établie que le caractère manifestement exagéré s'apprécie au regard des facultés du souscripteur au moment du versement, de son âge, de sa situation patrimoniale et familiale et de l'utilité du contrat pour celui-ci (Civ. 1ère, 3 mars 2021, n° 19-21.420, 6 nov. 2019, n° 18-16.153, 7 nov. 2018, n° 17-26.566). Il s'en infère que plus l'actif net de succession est important, moins l'excès manifeste est susceptible d'être retenu.
118. En revanche, l'atteinte à la réserve est un critère étranger à l'appréciation du caractère manifestement exagéré des primes versées, d'où il s'évince qu'une telle atteinte n'est pas de nature à fonder le rapport à la succession.
119. En l'espèce, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé que, s'agissant du contrat d'assurance-vie Himalia souscrit le souscrit le 28 novembre 2008 :
- la concomitance de la modification par [C] [F] de la clause bénéficiaire intervenue le 13 septembre 2016 pour attribuer la nue-propriété des capitaux décès à Mme [T] [V] seulement à l'exclusion de Mme [J] [S], avec son deuxième testament olographe signé le 15 septembre 2016 est insuffisante à caractériser une donation indirecte, le souscripteur étant libre dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie de désigner les personnes de son choix comme bénéficiaires,
- l'utilité de ce contrat résidait dans le fait pour [C] [F] de pouvoir le racheter pour financer ses dépenses, éventuellement en cas de dépendance,
- l'âge de [C] [F] en 2008 (61 ans) et son bon état de santé confirmaient que l'aléa était total et qu'en revanche les rachats étaient envisagés comme une source de revenus complémentaires.
120. Il sera ajouté que ce contrat d'assurance-vie était, au moment de sa souscription en 2008 par Mme [S], compatible avec son niveau important de patrimoine tant immobilier que mobilier.
121. S'agissant du contrat d'assurance-vie Fipavie souscrit le 20 janvier 2017 :
- il s'inscrivait dans une logique fiscale pour avoir été signé quelques jours avant l'âge de 70 ans de [C] [F] le 4 février 2017, alors qu'elle était par ailleurs en bon état de santé, confirmé par les éléments médicaux produits (par exemple son médecin traitant confirmait qu'elle ne l'avait pas consulté durant toute l'année 2016), sans présager de sa maladie soudaine survenue début février 2017,
- son financement par un emprunt de 3.000.000 € procédait d'une stratégie fiscale utile dans la mesure où il permettait de ne pas dénouer immédiatement l'ancien contrat Suravenir, parvenant seulement 18 mois plus tard à maturité fiscale des 8 ans, et d'éviter le paiement d'une plus-value estimée à 422.500 € tout en érigeant ce contrat Suravenir en garantie de l'emprunt (sa valeur de rachat était d'un montant de de 3.843.463 € au 1er janvier 2017) remboursable sur une durée de 24 mois, couvrant la période manquante de l'ancien contrat, dont le dénouement en assurait le remboursement en totalité, et ce dans un délai qui peut être considéré comme très bref délai rapporté au montant emprunté,
- compte tenu de l'âge de [C] [F] et de son bon état de santé l'aléa était donc total puisque le décès survenu le [Date décès 5] 2017 des suites d'un lymphome foudroyant développé pendant moins de 6 semaines à partir de début février 2017 n'était pas du tout prévisible,
- ainsi que l'ont exactement retenu les premiers juges, il n'y a pas eu de volonté de faire peser sur la succession un passif important puisque cet emprunt devait donc, en l'absence du décès de Mme [F], être remboursé comme prévu par le dénouement 18 mois plus tard du contrat Suravenir de M. [S] si le décès de Mme [F] n'était pas survenu prématurément.
122. Il sera ajouté que l'utilité de ce placement Fipavie était renforcée par le fait que les rachats étaient possibles de manière régulière sans subir aucune fiscalité pendant les 8 premières années ainsi qu'en atteste dans sa correspondance du 17 juillet 2020 M. [E] [L], conseiller dans la société [22], outre que les droits d'entrée étaient de 0 % ainsi que prévu au contrat.
123. De même, l'approche des 70 ans concernait aussi M. [S] pour être né le [Date naissance 4] 1947, ce qui a contribué à accélérer la décision de M. et [S] de recourir à la solution de l'emprunt sans attendre les 8 ans d'âge du contrat Suravenir puisqu'ils souhaitaient que leurs souscriptions bénéficient de la fiscalité successorale avantageuse des versements réalisés avant leur âge de 70 ans respectif.
124. Il sera encore ajouté que l'importance du patrimoine de [C] [S], tel qu'il a été ci-dessus rappelé, s'oppose à conclure que par la souscription de ces assurances-vie, elle se serait irrévocablement dépouillée au profit d'un héritier et au détriment d'un autre, les fonds hors assurance-vie lui restant appartenir et les biens immobiliers dont elle était propriétaire lui permettant aisément de subvenir à ses besoins jusqu'à la fin de ses jours.
125. Enfin, s'il est mathématiquement évident que par le jeu de ces contrats, la réserve héréditaire de Mme [J] [S] a été atteinte, cette atteinte n'est pas un critère d'appréciation du caractère manifestement exagéré des primes lequel n'est pas établi au regard des facultés de [C] [F] au moment des versements, de son âge, de sa situation patrimoniale et familiale et de l'utilité des contrats pour elle ainsi qu'il l'a été retenu.
126. A cet égard, la réintégration au cours des négociations entre les héritiers du montant de ces assurances-vie dans l'actif de succession est indifférente puisque l'appréciation du caractère manifestement excessif repose sur des critères patrimoniaux et situationnels objectifs, alors que la recherche d'un compromis peut procéder d'accords subjectifs.
127. C'est en ce sens que par courrier du 11 août 2017, maître [H], alors notaire des intimés, a proposé à maître [O], notaire de l'appelante, la signature d'une déclaration conjointe rectificative intégrant ces contrats, reconnaissant le 'caractère excessif' de la 'libéralité' octroyée à Mme [T] [S] et accordant à Mme [J] [S] un tiers de ces sommes pour la rétablir dans ses droits. Il n'a pas été donné suite à cette transaction de sorte qu'aucune de ses composantes ne peut être reprochée à l'une ou l'autre des parties.
128. Sous le bénéfice de ces observations, le jugement qui a rejeté les demandes de Mme [J] [S] tendant au rapport des deux contrats d'assurance-vie Himalia et Fipavie sera confirmé.
4) Sur la caution
129. Mme [J] [S] demande à la cour d'appel de condamner M. [N] [S] sous astreinte de 5.000 € par jour de retard, à lui délivrer une caution d'un montant de 1.724.406 €, sauf à parfaire, arguant de ce que cette caution est de droit pour le nu-propriétaire en application de l'article 601 du code civil, que ses droits au titre de son indemnité de réduction ne sauraient être suffisamment garantis par le privilège du copartageant sur les immeubles, qui ne dépendent que pour moitié de la succession de [C] [F], soit à hauteur de 775.000 € (seulement), toutes réserves faites quant à la valeur (basse) des biens immobiliers retenus dans le projet s'agissant notamment du bien immobilier de Beg-Meil valorisé en dernier lieu à 1.400.000 € (contre 1.530.000 € au cours de l'année 2017), alors que la réintégration fictive des dons manuels et des primes d'assurance-vie manifestement exagérées porte ses droits réservataires a minima à plus de 1.700.000 €.
130. Les consort [S] répliquent que l'article 601 concerne l'usufruitier et non le nu-propriétaire, que les demande de rapport à la succession des contrats d'assurance-vie étant rejetées, la demande de caution excède très largement celui des droits au surplus indéterminés à ce jour, que l'assiette de privilège du copartageant porte sur les immeubles de la succession évalués à 1.550.000 €, soit un montant quasi équivalent à la caution qu'elle sollicite, qu'enfin, M. [S] dispose des liquidités nécessaires pour garantir le paiement de ses droits à sa petite-fille.
Réponse de la cour
131. L'article 601 du code civil dispose que l'usufruitier 'donne caution de jouir raisonnablement, s'il n'en est dispensé par l'acte constitutif de l'usufruit, cependant les père et mère ayant l'usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d'usufruit, ne sont pas tenus de donner caution.'
132. En l'espèce, compte tenu de l'absence de réintégration des primes d'assurances-vie dans l'actif de succession, le montant des droits réservataires de Mme [J] [S] ne sera pas de 1.700.000 € comme elle le soutient.
133. Ces droits restent à calculer et il n'est pas démontré, faute de connaissance du montant exact de l'indemnité de réduction qui pourrait être due par Mme [T] [S] et qui sera calculée par le notaire commis, que cette indemnité ne sera pas suffisamment garantie par les immeubles dépendant de la succession évalués à 775.000 €.
134. Le jugement qui a rejeté la demande de caution sera confirmé sur ce point.
5) Sur les dépens et les frais irrépétibles
135. Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage. Le jugement sera confirmé sur ce point.
136. Enfin, ainsi que retenu par les premiers juges, au vu de la nature familiale du litige, et en application de l'article 700 du code de procédure civile, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et qui ne sont pas compris dans les dépens. Le jugement sera confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Donne acte aux parties de leur accord sur les points suivants tels qu'ils sont repris au dispositif de leurs conclusions respectives :
1- M. et Mme [N] [S] ne sont plus, au jour du décès de [C] [F], titulaires d'un compte courant dans les livres de la SCI [33],
2- les sociétés [40] ont été liquidées le 29 juillet 2016 et n'existaient plus au décès de [C] [S],
3- le notaire commis devra faire figurer la valeur de rachat des contrats d'assurance vie Patrimoine Option/Suravenir n° 064729898301 et Prévi Retraite/Suravenir n° 046442 souscrits par M. [N] [S] et non dénoués au jour du décès le [Date décès 5] 2017 de [C] [F] pour les valeurs respectives de 3.843.463 € et de 85.259 €,
4- le notaire commis devra faire figurer la valeur de rachat du contrat d'assurance vie Ingénierie-ED n° 07082435 souscrit par M. [N] [S] et non dénoué au jour du décès de [C] [F] pour sa valeur de rachat au [Date décès 5] 2017 de 1.660.604,16 €,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Quimper du 31 août 2021 rectifié le 1er février 2022 en ce qu'il a :
- fixé à 133.100 € (10.000 € + 25.000 € + 98.100 €) le montant du rapport au titre du don manuel reçu par Mme [T] [V] de [C] [F] le 25 juin 2011 (150.000 €),
- fixé à 160.000 € le montant du rapport au titre du don manuel reçu par Mme [T] [V] de [C] [F] 17 décembre 2013 (150.000 €),
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Fixe à 150.000 € le montant du rapport dû par Mme [T] [V] à la succession de [C] [F] au titre du don manuel du 25 juin 2011 (soit 10.000 € + 25.000 € + 100.000 € + 15.000 €),
Fixe à 180.000 € le montant du rapport dû par Mme [T] [V] à la succession de [C] [F] au titre du don manuel du 17 décembre 2013,
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage,
Laisse à chaque partie la charge de ses frais d'instance d'appel,
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE