CA Douai, ch. 8 sect. 1, 27 février 2025, n° 23/01006
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 27/02/2025
N° de MINUTE : 25/192
N° RG 23/01006 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UZAB
Jugement (N° 21/00767) rendu le 26 Janvier 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Arras
APPELANT
Monsieur [F] [I]
né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 5] - de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me David Lacroix, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉE
Société Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Maxime Hermary, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 04 décembre 2024 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Anne-Sophie Joly
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Samuel Vitse, conseiller
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 février 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Anne-Sophie Joly, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 21 novembre 2024
EXPOSE DU LITIGE
La SAS Partenaire Industrie, créée le 1er juin 2018 par M. [F] [I] qui en était le dirigeant, a souscrit auprès de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] ci-après 'le Crédit mutuel, plusieurs prêts professionnels, pour lesquels M. [I] s'est porté caution solidaire selon les conditions suivantes :
- un prêt professionnel en date du 3 avril 2018 d'un montant de 100'000 euros, garanti par l'engagement de caution de M. [I] dans la limite de 49'999,20 euros,
- un prêt professionnel en date du 27 décembre 2018 d'un montant de 43 188 euros, garanti par l'engagement de caution de M. [I] dans la limite de 30'540 euros,
- un prêt professionnel en date du 12 février 2019 d'un montant de 100 000 euros, garanti par l'engagement de caution de M. [I] dans la limite de 30'000 euros,
- un prêt professionnel en date du 21 décembre 2019 d'un montant de
58 170,96 euros, garanti par l'engagement de caution de M. [I] dans la limite de 69'805,15 euros,
- un prêt professionnel en date du 7 janvier 2020 d'un montant de 200'000 euros, garanti par l'engagement de caution de M. [I] dans la limite de 120'000 euros.
Par jugement du tribunal de commerce du Douai du 10 novembre 2020, la SAS Partenaire industrie a été placée en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du tribunal du 7 avril 2021, Me [C] ayant été désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 avril 2021, le Crédit mutuel a déclaré sa créance au passif de la SAS Partenaire industrie pour la somme de
644 902,53 euros
Par lettre recommandée avec avis de réception de même date, la banque a mis en demeure M. [I] de régler la somme de 300'344,20 euros en vertu de ses engagements de caution.
Suivant acte d'huissier de justice délivré le 4 juin 2021, le Crédit mutuel a fait assigner M. [I] en justice aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes dues en sa qualité de caution.
Par jugement contradictoire rendu le 26 janvier 2023, le tribunal judiciaire d'Arras a :
- condamné M. [I] à payer en qualité de caution à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] :
- la somme de 49'999,20 euros au titre du cautionnement du prêt personnel n°1562902681 20580203,
- la somme de 30'540 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580204,
- la somme de 30'000 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580206,
- la somme de 55'217,67 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580208,
- prononcé la déchéance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] de son droit à poursuivre M. [I] en qualité de caution solidaire de la société Partenaire industrie pour le cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros pour le prêt professionnel n° 1562902681 20580207,
- rejeté en conséquence les demandes de condamnation en paiement de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] au titre du cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros pour le prêt professionnel n° 1562902681 20580207,
- condamné M. [I] à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [I] aux entiers dépens,
- constaté l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 28 février 2023, M. [I] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamné à payer en sa qualité de caution à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] :
- la somme de 49'999,20 euros au titre du cautionnement du prêt personnel n°1562902681 20580203,
- la somme de 30'540 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580204,
- la somme de 30'000 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580206,
- la somme de 55'217,67 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580208,
- la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamné aux entiers dépens,
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 14 mars 2023, le Crédit mutuel a également relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :
- prononcé la déchéance de la Caisse de crédit mutuel de vitre en Artois de son droit à poursuivre M. [I] en qualité de caution solidaire de la société Partenaire industrie pour le cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros pour le prêt professionnel n° 1562902681 20580207,
- rejeté en conséquence les demandes condamnation en paiement de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] au titre du cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros pour le prêt professionnel n°1562902681 20580207.
Suivant ordonnance du magistrat chargé de mise en état du 19 septembre 2024, les procédures ont été jointes sous le numéro de répertoire générale 23/1006.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2023, M. [I] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] de ses droits de poursuivre M. [I] en qualité de caution pour le cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros et en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation formulée par la même société en paiement de la somme de 120'000 euros,
vu l'article L.332-1du code de la consommation,
- juger que chaque contrat de cautionnement conclu entre le Crédit mutuel et M. [I] était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus et qu'il n'est pas établi que le patrimoine de la caution au moment où celle-ci est appelée lui permette de faire face à son obligation,
- en conséquence, juger que la Caisse de mutuel de [Localité 6] ne peut se prévaloir des différents contrats de cautionnement,
- débouter en conséquence la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] de l'intégralité de ses prétentions,
- reconventionnellement, la condamner à payer à M. [I] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 juin 2023, le Crédit mutuel demande à la cour de :
Vu l'article L.332-1 du code de la consommation,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras en ce qu'il a :
- condamné M. [I] à payer en qualité de caution à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] :
- la somme de 49'999,20 euros au titre du cautionnement du prêt personnel n°1562902681 20580203,
- la somme de 30'540 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580204,
- la somme de 30'000 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580206,
- la somme de 55'217,67 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580208,
- condamné M. [I] à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- prononcé la déchéance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] de son droit à poursuivre M. [I] en qualité de caution solidaire de la société Partenaire industrie pour le cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros pour le prêt professionnel n° 1562902681 20580207,
- rejeté en conséquence les demandes de condamnation en paiement de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] au titre du cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros pour le prêt professionnel n° 1562902681 20580207,
statuant de nouveau,
- condamner M. [I] à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] la somme de :
- au titre du prêt professionnel n° 1562902681 20580207 : 120'000 euros sur la somme restant due par la société Partenaires industrie de 191'934,93 euros,
- condamner M. [I] à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [I] aux entiers frais et dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'affaire a été rendue le 21 novembre 2024.
MOTIFS
Les dispositions du code civil applicables aux actes de cautionnement sont celles antérieures à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicables à leur date de souscription.
Sur le caractère manifestement disproportionné des actes de cautionnement
En application de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution de démontrer la disproportion alléguée au jour de la conclusion de son engagement mais, en revanche, c'est au créancier qui se prévaudrait de la disparition de la disproportion au moment où la caution est appelée d'en rapporter la preuve.
Au sens de ces dispositions, la disproportion s'apprécie, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, en fonction de tous les éléments du patrimoine de la caution, actifs comme passifs, (incluant l'actif constitué par les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée, mais non au regard des revenus escomptés de l'obligation garantie), et en prenant en considération l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'engagements de caution, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs.
La disproportion manifeste au regard des facultés contributives de la caution est une disproportion flagrante et évidente pour un professionnel normalement diligent entre, d'une part, les engagements de la caution et d'autre part, ses biens et revenus.
1/ Sur le cautionnement du 3 avril 2018 d'un montant de 49 999,20 euros
L'appelant soutient que l'engagement de caution du 3 avril 2018 à hauteur de
49 999,20 euros était manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine. Il fait valoir qu'il ne doit pas être tenu compte de ses revenus qui n'étaient pas réguliers car il ne les percevait que depuis le 1er janvier 2018, qu'il s'agissait en réalité des revenus escomptés de l'opération cautionnés qui ne doivent pas être pris en considération dans l'évaluation de la situation de la caution ; qu'il ne peut davantage être tenu compte des aides à la création d'entreprise qu'il a reçues. Il précise par ailleurs qu'il remboursait un emprunt à hauteur de 808,13 euros par mois et que le prêt immobilier mentionné à la fiche patrimoniale de 132 550 euros est le solde d'un prêt immobilier souscrit auprès du Crédit agricole de 295 056 euros pour l'acquisition d'un immeuble ; que cet immeuble a été vendu en août 2017, le prix de vente ayant servi à la constitution du capital social de la société Partenaire industrie pour 69 500 euros, à l'achat d'une voiture pour 35 722 euros, et au remboursement partiel du prêt de 295 056 euros à hauteur de 105 000 euros, que les époux ont néanmoins conservé et continuent de rembourser.
Il est tout d'abord rappelé que le contrôle de la banque repose sur les informations communiquées par la caution, et que sauf anomalie flagrante, la banque est en droit de se fier aux informations certifiées sincères fournies par elle sur la fiche de renseignements lors de la souscription de son engagement, et n'a pas à en vérifier l'exactitude.
Il y a donc lieu de tenir compte des déclarations de M. [I] sur la fiche patrimoniale établie le 29 mars 2018 pour apprécier le caractère manifestement disproportionné de ses engagements lors de leurs souscription de l'acte de cautionnement du 3 avril 2018, étant rappelé que la caution est tenue à un devoir de loyauté et de bonne foi dans sa déclaration et ne peut faire grief à la banque de la prise en compte de renseignements inexacts qu'elle a déclarés.
En l'espèce, sur la fiche patrimoniale établie le 29 mars 2018, M. [I] a déclaré un salaire mensuel de 6 700 euros et un salaire de 980 euros pour son épouse, soit un revenu annuel de 92 160 euros. Il a également déclaré un emprunt auprès du Crédit agricole de 132 550 euros, dont les mensualités étaient de 760 euros, soit une charge annuelle de remboursement de 9 120 euros. Il a également déclaré une épargne commune avec son épouse de 30 000 euros.
En l'absence d'anomalie flagrante, la banque était en droit de se fier aux revenus mensuels déclarés de M. [I] à hauteur de 6 700 euros, tels qu'ils ressortent d'ailleurs de ses fiches de paie. Le fait que ces revenus aient été perçus depuis trois mois lors de la souscription du cautionnement à raison du caractère récent de l'activité professionnelle de la caution ne peut faire obstacle à leur prise en compte, ce d'autant plus qu'il s'agissait de revenus salariaux constants.
Par ailleurs, M. [I] a déclaré des remboursements mensuels de 760 euros par mois correspondant au remboursement d'un prêt immobilier de 132 550 euros, soit 9 120 euros par ans, d'une durée de remboursement de 120 mois (soit jusqu'en avril 2028), et non des remboursements désormais allégués de 818,13 euros correspondant à un prêt de 295 056 euros dont la dernière échéance est fixée au 17 juillet 2024. La banque était également parfaitement en droit de se fier aux déclarations de la caution relatives au crédit souscrit auprès d'une autre banque, en l'occurrence le Crédit agricole, déclaration qu'elle n'avait pas à vérifier.
Au regard de l'actif constitué d'une épargne de 30 000 euros, et des revenus annuels de 83 040 euros, déduction faite des charges d'emprunt, M. [I] était parfaitement en mesure de faire face au cautionnement de 49 900 euros, qui n'était dès lors manifestement pas disproportionné lors de sa souscription.
La cour note à titre surabondant les incohérences de M. [I] qui soutient qu'il a conservé un prêt souscrit auprès du Crédit agricole de 295 056 euros, dont le solde déclaré sur la fiche patrimoniale serait de 132 550 euros, qu'il continue à rembourser à hauteur de 818,13 euros par mois. Toutefois, le prêt déclaré à hauteur de 132 550, d'une durée restante de 120 mois, prenait fin en avril 2028 alors que le terme du prêt Crédit agricole de 295 056 euros était fixé en juillet 2024, et les remboursements qui ont été déclarés étaient de 760 euros par mois, et non de 818,13 euros. Il est par ailleurs surprenant que ce prêt souscrit pour acquérir l'immeuble vendu le 23 août 2017 pour un prix de 255 000 euros ait néanmoins été conservé par les emprunteurs à hauteur de 818,13 euros après la vente de l'immeuble, alors que le décompte vendeur (pièce n° 8) fait apparaître que la somme de 40 596 a été réglée au Crédit agricole Brie Picardie au titre du remboursement de l'emprunt. M. [I] ne verse pas l'acte de prêt de 295 056 euros, ni son tableau d'amortissement laissant apparaître le capital restant dû au 29 mars 2018, et ne démontre nullement qu'il a effectivement servi à l'acquisition de l'immeuble vendu en 2017, ni qu'elle était la destination de ce prêt.
Il est rappelé que selon l'article 2288 du code civil dans sa rédaction antérieure 'celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui même.'
Au regard des pièces produites aux débats par le Crédit mutuel, dont le décompte de sa créance à l'encontre de la société Partenaire industrie en date du 18 mai 2021, et le montant de la condamnation prononcée par le premier juge n'étant par ailleurs pas contesté, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [I] à payer au Crédit mutuel la somme de 49 999,20 euros au titre du cautionnement du 3 avril 2018 du prêt professionnel n° 1562902681 20580203.
2/ Sur le cautionnement du 27 décembre 2018 d'un montant de 30 540 euros
S'agissant du cautionnement du 27 décembre 2018 à hauteur de 30 540 euros, la banque n'a pas sollicité de fiche patrimoniale de la part de la caution.
L'absence de fiche patrimoniale autorise en conséquence la caution à prouver par tous moyens sa situation patrimoniale à la date de son engagement en décembre 2018.
M. [I] fait valoir l'existence d'un élément nouveau par rapport à sa déclaration de patrimoine du 29 mars 2018, à savoir l'acquisition d'une maison d'habitation pour un prix de 300 000 euros, somme qu'il a empruntée auprès du Crédit Mutuel sur une durée de 15 années, suivant des mensualités de 2 115,33 euros, s'ajoutant à celle de 818,13 euros au titre du prêt Crédit agricole, et aux charges d'impôt de 1 818,16 euros par mois. Il fait valoir que la valeur de l'immeuble ne peut être retenue à hauteur de 300 000 euros, et qu'il convient de déduire la charge emprunt ayant servi à son acquisition.
Il résulte de l'avis d'imposition 2019 sur les revenus de l'année 2018 que les époux [I] disposaient d'un revenu annuel de 97 391 euros (pour Monsieur : 85 523 euros et pour Madame : 11 868 euros). Il convient de déduire les mensualités de remboursement de l'emprunt souscrit Crédit mutuel de 300 000 euros d'un montant de 2 115,33 euros, soit 25 383,96 euros par an, et de l'emprunt souscrit au Crédit agricole de 818,13 euros, soit 9 817,56 euros par an, qui sont justifiées. Toutefois, l'appelant ne justifie pas du montant d'impôt allégué de 1 818,16 euros par mois pour l'année 2018.
Il est donc justifié d'un revenu net mensuel de 5 182,45 euros, soit un revenu annuel net de 62 189,48 euros, pour un couple sans enfant.
M. [I] a acquis un immeuble au prix de 300 000 euros en septembre 2018. Mais au regard du tableau d'amortissement dudit prêt pour l'acquisition, la valeur patrimoniale nette de cet immeuble, déduction faite du capital restant à rembourser, s'élevait en décembre 2018 à 1 461 euros.
Par ailleurs, il ressort de la fiche établie lors de la demande de crédit immobilier de 300 000 euros auprès du Crédit mutuel, en date du 4 septembre 2018, que le patrimoine financier des époux [I] s'élevait à 140 580 euros, dont 40 580,01 euros d'épargne bancaire auprès du Crédit mutuel, et 100 000 euros d'épargne sans préciser la banque. L'appelant conteste avoir détenu 100 000 euros au motif que la demande de crédit a été établie non par lui-même mais par le conseiller bancaire, qui aurait inventé cette 'épargne' pour renforcer le dossier de crédit et qu'il ne s'agit pas d'une déclaration patrimoniale ayant valeur probante. Toutefois, la cour constate que la somme arrondie à 100 000 euros ne semble pas le fruit de l'imagination d'un conseiller bancaire, puisque seulement un mois plus tard, sur la fiche patrimoniale de la caution du 8 février 2019 qu'il a complétée, M. [I] a déclaré un compte courant d'associé au sein de la société Partenaire industrie d'un montant à peu près équivalent (91 000 euros), qui corrobore les mentions de la fiche de demande de crédit. En outre, il apparaît que la fiche de demande de crédit doit être paraphée par l'emprunteur. Or, M. [I] ne verse pas la copie de l'exemplaire paraphé par lui qui démontrerait qu'il aurait fait corriger la mention de la somme de 100 000 euros et qu'elle serait donc fausse. Il y a donc lieu de retenir des actifs mobiliers de 140 580,01 euros.
Il convient également de tenir compte de l'actif constitué par les parts sociales détenues par la caution dans la SAS partenaire industrie, que M. [I] omet de mentionner. Leur montant était a minima de 69 500 euros (sa pièce n° 9), ces fonds provenant de la vente d'un immeuble le 23 août 2017.
Dès lors, au regard de l'actif de 140 580,01 euros, de la valeur des parts sociales de la caution d'au moins 69 500 euros, du patrimoine immobilier déclaré d'une valeur nette de 1 461 euros, et des revenus charges d'emprunt déduites, de l'acte de cautionnement du 3 avril 2018 pour un montant de 49 999 euros, M. [I] était parfaitement en mesure de faire face au cautionnement en date du 27 décembre 2018 de 30 540 euros, qui n'était dès lors manifestement pas disproportionné lors de sa souscription.
Au regard des pièces produites aux débats par le Crédit mutuel, dont le décompte de sa créance à l'encontre de la société Partenaire industrie en date du 18 mai 2021, et le montant de la condamnation prononcée par le premier juge n'étant par ailleurs pas contesté, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [I] à payer au Crédit mutuel la somme de 30 540 euros au titre du cautionnement du 27 décembre 2018 en garantie du prêt professionnel n° 1562902681 20580204.
3/ Sur le cautionnement du 12 février 2019 de 30 000 euros
Par acte en date du 12 février 2019, M. [I] s'est portée caution pour un montant de 30 000 euros.
Aux termes de la fiche patrimoniale en date du 8 février 2019, la caution a déclaré un revenu commun avec son épouse de 7 600 euros par mois, soit annuellement
91 200 euros, et s'agissant de ses charges, les deux mêmes crédits immobiliers, outre un crédit à la consommation, pour une charge annuelle de 38 088 euros, soit un revenu annuel net d'emprunt de 53 112 euros. Il ressort de l'avis d'impôt 2020 sur les revenus de l'année 2019 que les époux ont en réalités perçu 8 626,25 euros par mois, soit des revenus au final plus importants que ceux déclarés lors de la souscription du cautionnement. Par ailleurs, M. [I] invoque une charge annuelle d'impôt de 14 444 euros, mais sa pièce n° 5 à laquelle il fait référence n'en justifie nullement.
M. [I] était toujours propriétaire de l'immeuble acquis au prix de 300 000 euros, dont la valeur nette, déduction faite de l'emprunt est de 4 389 euros au 12 février 2019.
Il a par ailleurs déclaré un compte courant d'associé de 91 000 euros, ainsi qu'un compte courant personnel de 14 800 euros, qui sont des éléments d'actif à prendre en considération, étant observé que le Crédit mutuel produit un document du 12 février 2019, jour de la souscription du cautionnement, par lequel M. [I] s'engage à faire bénéficier la banque, en cas de procédure collective de la somme de 91 000 euros, soit le montant du capital au crédit du compte courant.
Au regard de l'actif de 110 189 euros (soit 91 000 +14 800 + 4 389), de la valeur des parts sociales d'au moins 69 500 euros, de ses revenus nets de charges d'emprunt, de ses engagements de caution du 3 avril 2018 d'un montant de
49 999,20 euros et du 27 décembre 2018 d'un montant de 30 540 euros, soit des engagements de caution pour un total de 110 440 euros en incluant l'engagement de caution du 12 février 2019 d'un montant de 30 000 euros, M. [I] était parfaitement en mesure de faire face à ce dernier cautionnement, qui n'était dès lors manifestement pas disproportionné lors de sa souscription.
Au regard des pièces produites aux débats par le Crédit mutuel, dont le décompte de sa créance à l'encontre de la société Partenaire industrie en date du 18 mai 2021, et le montant de la condamnation prononcée par le premier juge n'étant par ailleurs pas contesté, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [I] à payer au Crédit mutuel la somme de 30 000 euros au titre du cautionnement du 12 février 2019 en garantie du prêt professionnel n° 1562902681 20580206.
4/ Sur le cautionnement du 21 décembre 2019 pour un montant de 69 805,15 euros
M. [I] n'a pas complété de déclaration de patrimoine lors de la souscription du cautionnement du 21 décembre 2019.
Il conclut qu'un élément nouveau est intervenu puisqu'il s'est porté caution au profit d'une autre banque, le Crédit du Nord, pour un montant de 65 000 euros par acte sous-seing privé du 27 juin 2019, portant ainsi l'ensemble de ses engagement de caution à 245 244,15 euros.
Il produit l'avis d'impôt 2020 sur les revenus 2019 qui mentionne des revenus pour l'année 2019 pour M. [I] de 94 785 euros et pour Mme [R] [I] de
8 730 euros, soit au total 103 515 euros. Il est justifié que M. [I] remboursait l'emprunt souscrit auprès du Crédit agricole de 295 056, euros, selon des mensualités de 818,13 euros et le prêt immobilier souscrit auprès du Crédit mutuel de 300 000 euros, selon des mensualités passées à 2 120,50 euros, soit des charges annuelles d'emprunt de 35 263 euros. Le remboursement d'un crédit à la consommation qui avait été déclaré le 8 février 2019 n'est pas justifié.
M. [I] percevait donc un revenu annuel net d'emprunts de 68 252 euros.
Il est rappelé qu'il a appartient à la caution de démontrer que le cautionnement était manifestement excessif lors de sa souscription, en produisant tous éléments justificatifs.
Or, l'appelant, qui n'est pas particulièrement transparent sur sa situation financière, ne produit aucun élément sur la situation de son épargne au Crédit mutuel, ni aucun élément concernant le solde de son compte courant d'associé, ni que son patrimoine mobilier avait radicalement changé depuis le mois de février 2019, alors qu'il lui était aisé de produire des relevés de compte bancaire et le bilan de la société Partenaire industrie pour en justifier. Dès lors, il convient de retenir que M. [I] détenait encore les épargnes et son compte courant d'associé tels que déclarés en février 2019.
Par ailleurs, la valeur nette de l'immeuble peut être évalué à 19 157,52 euros, compte tenu du remboursement de l'emprunt à hauteur de 280 842,48 euros au 21 décembre 2019.
Les actifs de M. [I] peuvent en conséquence être évalués à la somme de
194 457 euros (soit 91 000 euros + 14 800 euros + 19 157 euros + 69 500 euros ), cependant que ses engagements de cautions sont d'un montant total 245 244,15 euros, incluant celui souscrit au profit du Crédit du Nord de 65 000 euros et celui souscrit au profit du Crédit mutuel le 21 décembre 2019 de 69 805,15 euros.
Le différentiel entre ses actifs de 194 457 euros et ses engagements de caution de 245 244,35 euros, s'établit donc à la somme de 50 787,15 euros.
Toutefois, au regard de ses revenus annuels nets d'emprunts de 68 252 euros, soit 5 687,66 euros par mois, M. [I] était parfaitement en mesure de faire face à ce reliquat de 50 787,15 euros, même en 24 mois, ce qui représente des mensualités de 2 116,12 euros laissant un reste à vivre suffisant de 3 271 euros environ par mois pour un couple sans enfant.
Dès lors, l'engagement de caution du 21 décembre 2019 n'était manifestement pas disproportionné lors de sa souscription.
Au regard des pièces produites aux débats par le Crédit mutuel, dont le décompte de sa créance à l'encontre de la société Partenaire industrie en date du 18 mai 2021, et le montant de la condamnation prononcée par le premier juge n'étant par ailleurs pas contesté, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [I] à payer au Crédit mutuel la somme de 55 217,67 euros au titre du cautionnement du 21 décembre 2019 en garantie du prêt professionnel n° 1562902681 20580208.
5/ Sur le cautionnement du 7 janvier 2020 de 120 000 euros
M. [I] a complété une fiche patrimoniale le 7 janvier 2020, aux termes de laquelle il a déclaré un revenu mensuel de 7 000 euros, soit un revenu annuel de
84 000 euros. Il a également déclaré le prêt de 300 000 euros ainsi qu'un prêt à la consommation, soit des charges annuelles de 27 900 euros.
Il n'a pas déclaré le prêt Crédit agricole de 295 056 euros, alors que ce prêt se terminait en juillet 2024. Cependant, le Crédit mutuel ne pouvait ignorer cette charge d'emprunt compte tenu des indications portées sur la fiche patrimoniale du 8 février 2019 qui précisaient que ledit prêt était remboursable en 180 échéances. Dès lors les charges d'emprunt à prendre en considération sont de 38 163 euros (soit 35 263 euros + 2 900 euros)
Le revenus annuels nets d'emprunt étaient donc de 45 837 euros.
Par ailleurs, la valeur nette de l'immeuble peut être évaluée à 20 646,09 euros, compte tenu du remboursement de l'emprunt à hauteur de 279 353,91 euros au 7 janvier 2020.
M. [I] n'a déclaré ni épargne, ni compte courant d'associé.
A défaut d'élément contraire en ce sens, la valeur de ses parts sociales peuvent toujours être estimées à hauteur de 69 500 euros.
Les actifs de M. [I] étaient donc d'un montant de 90 146 euros (soit 20 646 euros+ 69 500 euros), cependant que ses engagements de caution étaient d'un montant total 365 244,15 euros, incluant le dernier engagement de caution souscrit au profit du Crédit mutuel le 7 janvier 2020 de 120 000 euros.
Le différentiel entre ses actifs de 90 146 euros et ses engagements de caution de 365 244,15 euros s'établit donc à la somme de 275 098 euros.
Au regard de ses revenus annuels nets d'emprunts de 45 837 euros, soit 3 819,75 par mois, M. [I] n'avait manifestement pas la capacité financière pour faire face à ce reliquat de 275 098 euros, même en 24 mois, ses revenus mensuels ne lui permettant aucunement de rembourser des mensualités de 11 462,41 euros.
Il y a lieu en conséquence, confirmant le jugement entrepris, de constater que le cautionnement de 120 000 euros du 7 janvier 2020 était manifestement disproportionné lors de sa souscription.
Par ailleurs, comme l'a constaté de façon pertinente le premier juge, le Crédit mutuel ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'au jour de l'appel de la caution, elle dispose du patrimoine nécessaire pour y faire face.
Le Crédit mutuel sera en conséquence déchu de son droit de se prévaloir à l'encontre de M. [I] de l'acte de cautionnement du 7 janvier 2020 d'un montant de 120 000 euros, et en conséquence, il sera débouté de sa demande en paiement à ce titre.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement est confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [I], qui succombe, est condamné aux dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il ne paraît pas inéquitable de le condamner à payer au Crédit mutuel la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne M. [F] [I] à payer au Crédit mutuel la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [F] [I] aux dépens de l'instance d'appel.
Le greffier
Anne-Sophie JOLY
Le président
Yves BENHAMOU
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 27/02/2025
N° de MINUTE : 25/192
N° RG 23/01006 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UZAB
Jugement (N° 21/00767) rendu le 26 Janvier 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Arras
APPELANT
Monsieur [F] [I]
né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 5] - de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me David Lacroix, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉE
Société Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Maxime Hermary, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 04 décembre 2024 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Anne-Sophie Joly
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Samuel Vitse, conseiller
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 février 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Anne-Sophie Joly, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 21 novembre 2024
EXPOSE DU LITIGE
La SAS Partenaire Industrie, créée le 1er juin 2018 par M. [F] [I] qui en était le dirigeant, a souscrit auprès de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] ci-après 'le Crédit mutuel, plusieurs prêts professionnels, pour lesquels M. [I] s'est porté caution solidaire selon les conditions suivantes :
- un prêt professionnel en date du 3 avril 2018 d'un montant de 100'000 euros, garanti par l'engagement de caution de M. [I] dans la limite de 49'999,20 euros,
- un prêt professionnel en date du 27 décembre 2018 d'un montant de 43 188 euros, garanti par l'engagement de caution de M. [I] dans la limite de 30'540 euros,
- un prêt professionnel en date du 12 février 2019 d'un montant de 100 000 euros, garanti par l'engagement de caution de M. [I] dans la limite de 30'000 euros,
- un prêt professionnel en date du 21 décembre 2019 d'un montant de
58 170,96 euros, garanti par l'engagement de caution de M. [I] dans la limite de 69'805,15 euros,
- un prêt professionnel en date du 7 janvier 2020 d'un montant de 200'000 euros, garanti par l'engagement de caution de M. [I] dans la limite de 120'000 euros.
Par jugement du tribunal de commerce du Douai du 10 novembre 2020, la SAS Partenaire industrie a été placée en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du tribunal du 7 avril 2021, Me [C] ayant été désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 avril 2021, le Crédit mutuel a déclaré sa créance au passif de la SAS Partenaire industrie pour la somme de
644 902,53 euros
Par lettre recommandée avec avis de réception de même date, la banque a mis en demeure M. [I] de régler la somme de 300'344,20 euros en vertu de ses engagements de caution.
Suivant acte d'huissier de justice délivré le 4 juin 2021, le Crédit mutuel a fait assigner M. [I] en justice aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes dues en sa qualité de caution.
Par jugement contradictoire rendu le 26 janvier 2023, le tribunal judiciaire d'Arras a :
- condamné M. [I] à payer en qualité de caution à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] :
- la somme de 49'999,20 euros au titre du cautionnement du prêt personnel n°1562902681 20580203,
- la somme de 30'540 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580204,
- la somme de 30'000 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580206,
- la somme de 55'217,67 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580208,
- prononcé la déchéance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] de son droit à poursuivre M. [I] en qualité de caution solidaire de la société Partenaire industrie pour le cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros pour le prêt professionnel n° 1562902681 20580207,
- rejeté en conséquence les demandes de condamnation en paiement de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] au titre du cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros pour le prêt professionnel n° 1562902681 20580207,
- condamné M. [I] à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [I] aux entiers dépens,
- constaté l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 28 février 2023, M. [I] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamné à payer en sa qualité de caution à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] :
- la somme de 49'999,20 euros au titre du cautionnement du prêt personnel n°1562902681 20580203,
- la somme de 30'540 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580204,
- la somme de 30'000 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580206,
- la somme de 55'217,67 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580208,
- la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamné aux entiers dépens,
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 14 mars 2023, le Crédit mutuel a également relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :
- prononcé la déchéance de la Caisse de crédit mutuel de vitre en Artois de son droit à poursuivre M. [I] en qualité de caution solidaire de la société Partenaire industrie pour le cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros pour le prêt professionnel n° 1562902681 20580207,
- rejeté en conséquence les demandes condamnation en paiement de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] au titre du cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros pour le prêt professionnel n°1562902681 20580207.
Suivant ordonnance du magistrat chargé de mise en état du 19 septembre 2024, les procédures ont été jointes sous le numéro de répertoire générale 23/1006.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2023, M. [I] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] de ses droits de poursuivre M. [I] en qualité de caution pour le cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros et en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation formulée par la même société en paiement de la somme de 120'000 euros,
vu l'article L.332-1du code de la consommation,
- juger que chaque contrat de cautionnement conclu entre le Crédit mutuel et M. [I] était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus et qu'il n'est pas établi que le patrimoine de la caution au moment où celle-ci est appelée lui permette de faire face à son obligation,
- en conséquence, juger que la Caisse de mutuel de [Localité 6] ne peut se prévaloir des différents contrats de cautionnement,
- débouter en conséquence la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] de l'intégralité de ses prétentions,
- reconventionnellement, la condamner à payer à M. [I] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 juin 2023, le Crédit mutuel demande à la cour de :
Vu l'article L.332-1 du code de la consommation,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras en ce qu'il a :
- condamné M. [I] à payer en qualité de caution à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] :
- la somme de 49'999,20 euros au titre du cautionnement du prêt personnel n°1562902681 20580203,
- la somme de 30'540 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580204,
- la somme de 30'000 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580206,
- la somme de 55'217,67 euros au titre du cautionnement du prêt professionnel n°1562902681 20580208,
- condamné M. [I] à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- prononcé la déchéance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] de son droit à poursuivre M. [I] en qualité de caution solidaire de la société Partenaire industrie pour le cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros pour le prêt professionnel n° 1562902681 20580207,
- rejeté en conséquence les demandes de condamnation en paiement de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] au titre du cautionnement souscrit à hauteur de 120'000 euros pour le prêt professionnel n° 1562902681 20580207,
statuant de nouveau,
- condamner M. [I] à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] la somme de :
- au titre du prêt professionnel n° 1562902681 20580207 : 120'000 euros sur la somme restant due par la société Partenaires industrie de 191'934,93 euros,
- condamner M. [I] à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [I] aux entiers frais et dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'affaire a été rendue le 21 novembre 2024.
MOTIFS
Les dispositions du code civil applicables aux actes de cautionnement sont celles antérieures à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicables à leur date de souscription.
Sur le caractère manifestement disproportionné des actes de cautionnement
En application de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution de démontrer la disproportion alléguée au jour de la conclusion de son engagement mais, en revanche, c'est au créancier qui se prévaudrait de la disparition de la disproportion au moment où la caution est appelée d'en rapporter la preuve.
Au sens de ces dispositions, la disproportion s'apprécie, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, en fonction de tous les éléments du patrimoine de la caution, actifs comme passifs, (incluant l'actif constitué par les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée, mais non au regard des revenus escomptés de l'obligation garantie), et en prenant en considération l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'engagements de caution, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs.
La disproportion manifeste au regard des facultés contributives de la caution est une disproportion flagrante et évidente pour un professionnel normalement diligent entre, d'une part, les engagements de la caution et d'autre part, ses biens et revenus.
1/ Sur le cautionnement du 3 avril 2018 d'un montant de 49 999,20 euros
L'appelant soutient que l'engagement de caution du 3 avril 2018 à hauteur de
49 999,20 euros était manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine. Il fait valoir qu'il ne doit pas être tenu compte de ses revenus qui n'étaient pas réguliers car il ne les percevait que depuis le 1er janvier 2018, qu'il s'agissait en réalité des revenus escomptés de l'opération cautionnés qui ne doivent pas être pris en considération dans l'évaluation de la situation de la caution ; qu'il ne peut davantage être tenu compte des aides à la création d'entreprise qu'il a reçues. Il précise par ailleurs qu'il remboursait un emprunt à hauteur de 808,13 euros par mois et que le prêt immobilier mentionné à la fiche patrimoniale de 132 550 euros est le solde d'un prêt immobilier souscrit auprès du Crédit agricole de 295 056 euros pour l'acquisition d'un immeuble ; que cet immeuble a été vendu en août 2017, le prix de vente ayant servi à la constitution du capital social de la société Partenaire industrie pour 69 500 euros, à l'achat d'une voiture pour 35 722 euros, et au remboursement partiel du prêt de 295 056 euros à hauteur de 105 000 euros, que les époux ont néanmoins conservé et continuent de rembourser.
Il est tout d'abord rappelé que le contrôle de la banque repose sur les informations communiquées par la caution, et que sauf anomalie flagrante, la banque est en droit de se fier aux informations certifiées sincères fournies par elle sur la fiche de renseignements lors de la souscription de son engagement, et n'a pas à en vérifier l'exactitude.
Il y a donc lieu de tenir compte des déclarations de M. [I] sur la fiche patrimoniale établie le 29 mars 2018 pour apprécier le caractère manifestement disproportionné de ses engagements lors de leurs souscription de l'acte de cautionnement du 3 avril 2018, étant rappelé que la caution est tenue à un devoir de loyauté et de bonne foi dans sa déclaration et ne peut faire grief à la banque de la prise en compte de renseignements inexacts qu'elle a déclarés.
En l'espèce, sur la fiche patrimoniale établie le 29 mars 2018, M. [I] a déclaré un salaire mensuel de 6 700 euros et un salaire de 980 euros pour son épouse, soit un revenu annuel de 92 160 euros. Il a également déclaré un emprunt auprès du Crédit agricole de 132 550 euros, dont les mensualités étaient de 760 euros, soit une charge annuelle de remboursement de 9 120 euros. Il a également déclaré une épargne commune avec son épouse de 30 000 euros.
En l'absence d'anomalie flagrante, la banque était en droit de se fier aux revenus mensuels déclarés de M. [I] à hauteur de 6 700 euros, tels qu'ils ressortent d'ailleurs de ses fiches de paie. Le fait que ces revenus aient été perçus depuis trois mois lors de la souscription du cautionnement à raison du caractère récent de l'activité professionnelle de la caution ne peut faire obstacle à leur prise en compte, ce d'autant plus qu'il s'agissait de revenus salariaux constants.
Par ailleurs, M. [I] a déclaré des remboursements mensuels de 760 euros par mois correspondant au remboursement d'un prêt immobilier de 132 550 euros, soit 9 120 euros par ans, d'une durée de remboursement de 120 mois (soit jusqu'en avril 2028), et non des remboursements désormais allégués de 818,13 euros correspondant à un prêt de 295 056 euros dont la dernière échéance est fixée au 17 juillet 2024. La banque était également parfaitement en droit de se fier aux déclarations de la caution relatives au crédit souscrit auprès d'une autre banque, en l'occurrence le Crédit agricole, déclaration qu'elle n'avait pas à vérifier.
Au regard de l'actif constitué d'une épargne de 30 000 euros, et des revenus annuels de 83 040 euros, déduction faite des charges d'emprunt, M. [I] était parfaitement en mesure de faire face au cautionnement de 49 900 euros, qui n'était dès lors manifestement pas disproportionné lors de sa souscription.
La cour note à titre surabondant les incohérences de M. [I] qui soutient qu'il a conservé un prêt souscrit auprès du Crédit agricole de 295 056 euros, dont le solde déclaré sur la fiche patrimoniale serait de 132 550 euros, qu'il continue à rembourser à hauteur de 818,13 euros par mois. Toutefois, le prêt déclaré à hauteur de 132 550, d'une durée restante de 120 mois, prenait fin en avril 2028 alors que le terme du prêt Crédit agricole de 295 056 euros était fixé en juillet 2024, et les remboursements qui ont été déclarés étaient de 760 euros par mois, et non de 818,13 euros. Il est par ailleurs surprenant que ce prêt souscrit pour acquérir l'immeuble vendu le 23 août 2017 pour un prix de 255 000 euros ait néanmoins été conservé par les emprunteurs à hauteur de 818,13 euros après la vente de l'immeuble, alors que le décompte vendeur (pièce n° 8) fait apparaître que la somme de 40 596 a été réglée au Crédit agricole Brie Picardie au titre du remboursement de l'emprunt. M. [I] ne verse pas l'acte de prêt de 295 056 euros, ni son tableau d'amortissement laissant apparaître le capital restant dû au 29 mars 2018, et ne démontre nullement qu'il a effectivement servi à l'acquisition de l'immeuble vendu en 2017, ni qu'elle était la destination de ce prêt.
Il est rappelé que selon l'article 2288 du code civil dans sa rédaction antérieure 'celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui même.'
Au regard des pièces produites aux débats par le Crédit mutuel, dont le décompte de sa créance à l'encontre de la société Partenaire industrie en date du 18 mai 2021, et le montant de la condamnation prononcée par le premier juge n'étant par ailleurs pas contesté, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [I] à payer au Crédit mutuel la somme de 49 999,20 euros au titre du cautionnement du 3 avril 2018 du prêt professionnel n° 1562902681 20580203.
2/ Sur le cautionnement du 27 décembre 2018 d'un montant de 30 540 euros
S'agissant du cautionnement du 27 décembre 2018 à hauteur de 30 540 euros, la banque n'a pas sollicité de fiche patrimoniale de la part de la caution.
L'absence de fiche patrimoniale autorise en conséquence la caution à prouver par tous moyens sa situation patrimoniale à la date de son engagement en décembre 2018.
M. [I] fait valoir l'existence d'un élément nouveau par rapport à sa déclaration de patrimoine du 29 mars 2018, à savoir l'acquisition d'une maison d'habitation pour un prix de 300 000 euros, somme qu'il a empruntée auprès du Crédit Mutuel sur une durée de 15 années, suivant des mensualités de 2 115,33 euros, s'ajoutant à celle de 818,13 euros au titre du prêt Crédit agricole, et aux charges d'impôt de 1 818,16 euros par mois. Il fait valoir que la valeur de l'immeuble ne peut être retenue à hauteur de 300 000 euros, et qu'il convient de déduire la charge emprunt ayant servi à son acquisition.
Il résulte de l'avis d'imposition 2019 sur les revenus de l'année 2018 que les époux [I] disposaient d'un revenu annuel de 97 391 euros (pour Monsieur : 85 523 euros et pour Madame : 11 868 euros). Il convient de déduire les mensualités de remboursement de l'emprunt souscrit Crédit mutuel de 300 000 euros d'un montant de 2 115,33 euros, soit 25 383,96 euros par an, et de l'emprunt souscrit au Crédit agricole de 818,13 euros, soit 9 817,56 euros par an, qui sont justifiées. Toutefois, l'appelant ne justifie pas du montant d'impôt allégué de 1 818,16 euros par mois pour l'année 2018.
Il est donc justifié d'un revenu net mensuel de 5 182,45 euros, soit un revenu annuel net de 62 189,48 euros, pour un couple sans enfant.
M. [I] a acquis un immeuble au prix de 300 000 euros en septembre 2018. Mais au regard du tableau d'amortissement dudit prêt pour l'acquisition, la valeur patrimoniale nette de cet immeuble, déduction faite du capital restant à rembourser, s'élevait en décembre 2018 à 1 461 euros.
Par ailleurs, il ressort de la fiche établie lors de la demande de crédit immobilier de 300 000 euros auprès du Crédit mutuel, en date du 4 septembre 2018, que le patrimoine financier des époux [I] s'élevait à 140 580 euros, dont 40 580,01 euros d'épargne bancaire auprès du Crédit mutuel, et 100 000 euros d'épargne sans préciser la banque. L'appelant conteste avoir détenu 100 000 euros au motif que la demande de crédit a été établie non par lui-même mais par le conseiller bancaire, qui aurait inventé cette 'épargne' pour renforcer le dossier de crédit et qu'il ne s'agit pas d'une déclaration patrimoniale ayant valeur probante. Toutefois, la cour constate que la somme arrondie à 100 000 euros ne semble pas le fruit de l'imagination d'un conseiller bancaire, puisque seulement un mois plus tard, sur la fiche patrimoniale de la caution du 8 février 2019 qu'il a complétée, M. [I] a déclaré un compte courant d'associé au sein de la société Partenaire industrie d'un montant à peu près équivalent (91 000 euros), qui corrobore les mentions de la fiche de demande de crédit. En outre, il apparaît que la fiche de demande de crédit doit être paraphée par l'emprunteur. Or, M. [I] ne verse pas la copie de l'exemplaire paraphé par lui qui démontrerait qu'il aurait fait corriger la mention de la somme de 100 000 euros et qu'elle serait donc fausse. Il y a donc lieu de retenir des actifs mobiliers de 140 580,01 euros.
Il convient également de tenir compte de l'actif constitué par les parts sociales détenues par la caution dans la SAS partenaire industrie, que M. [I] omet de mentionner. Leur montant était a minima de 69 500 euros (sa pièce n° 9), ces fonds provenant de la vente d'un immeuble le 23 août 2017.
Dès lors, au regard de l'actif de 140 580,01 euros, de la valeur des parts sociales de la caution d'au moins 69 500 euros, du patrimoine immobilier déclaré d'une valeur nette de 1 461 euros, et des revenus charges d'emprunt déduites, de l'acte de cautionnement du 3 avril 2018 pour un montant de 49 999 euros, M. [I] était parfaitement en mesure de faire face au cautionnement en date du 27 décembre 2018 de 30 540 euros, qui n'était dès lors manifestement pas disproportionné lors de sa souscription.
Au regard des pièces produites aux débats par le Crédit mutuel, dont le décompte de sa créance à l'encontre de la société Partenaire industrie en date du 18 mai 2021, et le montant de la condamnation prononcée par le premier juge n'étant par ailleurs pas contesté, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [I] à payer au Crédit mutuel la somme de 30 540 euros au titre du cautionnement du 27 décembre 2018 en garantie du prêt professionnel n° 1562902681 20580204.
3/ Sur le cautionnement du 12 février 2019 de 30 000 euros
Par acte en date du 12 février 2019, M. [I] s'est portée caution pour un montant de 30 000 euros.
Aux termes de la fiche patrimoniale en date du 8 février 2019, la caution a déclaré un revenu commun avec son épouse de 7 600 euros par mois, soit annuellement
91 200 euros, et s'agissant de ses charges, les deux mêmes crédits immobiliers, outre un crédit à la consommation, pour une charge annuelle de 38 088 euros, soit un revenu annuel net d'emprunt de 53 112 euros. Il ressort de l'avis d'impôt 2020 sur les revenus de l'année 2019 que les époux ont en réalités perçu 8 626,25 euros par mois, soit des revenus au final plus importants que ceux déclarés lors de la souscription du cautionnement. Par ailleurs, M. [I] invoque une charge annuelle d'impôt de 14 444 euros, mais sa pièce n° 5 à laquelle il fait référence n'en justifie nullement.
M. [I] était toujours propriétaire de l'immeuble acquis au prix de 300 000 euros, dont la valeur nette, déduction faite de l'emprunt est de 4 389 euros au 12 février 2019.
Il a par ailleurs déclaré un compte courant d'associé de 91 000 euros, ainsi qu'un compte courant personnel de 14 800 euros, qui sont des éléments d'actif à prendre en considération, étant observé que le Crédit mutuel produit un document du 12 février 2019, jour de la souscription du cautionnement, par lequel M. [I] s'engage à faire bénéficier la banque, en cas de procédure collective de la somme de 91 000 euros, soit le montant du capital au crédit du compte courant.
Au regard de l'actif de 110 189 euros (soit 91 000 +14 800 + 4 389), de la valeur des parts sociales d'au moins 69 500 euros, de ses revenus nets de charges d'emprunt, de ses engagements de caution du 3 avril 2018 d'un montant de
49 999,20 euros et du 27 décembre 2018 d'un montant de 30 540 euros, soit des engagements de caution pour un total de 110 440 euros en incluant l'engagement de caution du 12 février 2019 d'un montant de 30 000 euros, M. [I] était parfaitement en mesure de faire face à ce dernier cautionnement, qui n'était dès lors manifestement pas disproportionné lors de sa souscription.
Au regard des pièces produites aux débats par le Crédit mutuel, dont le décompte de sa créance à l'encontre de la société Partenaire industrie en date du 18 mai 2021, et le montant de la condamnation prononcée par le premier juge n'étant par ailleurs pas contesté, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [I] à payer au Crédit mutuel la somme de 30 000 euros au titre du cautionnement du 12 février 2019 en garantie du prêt professionnel n° 1562902681 20580206.
4/ Sur le cautionnement du 21 décembre 2019 pour un montant de 69 805,15 euros
M. [I] n'a pas complété de déclaration de patrimoine lors de la souscription du cautionnement du 21 décembre 2019.
Il conclut qu'un élément nouveau est intervenu puisqu'il s'est porté caution au profit d'une autre banque, le Crédit du Nord, pour un montant de 65 000 euros par acte sous-seing privé du 27 juin 2019, portant ainsi l'ensemble de ses engagement de caution à 245 244,15 euros.
Il produit l'avis d'impôt 2020 sur les revenus 2019 qui mentionne des revenus pour l'année 2019 pour M. [I] de 94 785 euros et pour Mme [R] [I] de
8 730 euros, soit au total 103 515 euros. Il est justifié que M. [I] remboursait l'emprunt souscrit auprès du Crédit agricole de 295 056, euros, selon des mensualités de 818,13 euros et le prêt immobilier souscrit auprès du Crédit mutuel de 300 000 euros, selon des mensualités passées à 2 120,50 euros, soit des charges annuelles d'emprunt de 35 263 euros. Le remboursement d'un crédit à la consommation qui avait été déclaré le 8 février 2019 n'est pas justifié.
M. [I] percevait donc un revenu annuel net d'emprunts de 68 252 euros.
Il est rappelé qu'il a appartient à la caution de démontrer que le cautionnement était manifestement excessif lors de sa souscription, en produisant tous éléments justificatifs.
Or, l'appelant, qui n'est pas particulièrement transparent sur sa situation financière, ne produit aucun élément sur la situation de son épargne au Crédit mutuel, ni aucun élément concernant le solde de son compte courant d'associé, ni que son patrimoine mobilier avait radicalement changé depuis le mois de février 2019, alors qu'il lui était aisé de produire des relevés de compte bancaire et le bilan de la société Partenaire industrie pour en justifier. Dès lors, il convient de retenir que M. [I] détenait encore les épargnes et son compte courant d'associé tels que déclarés en février 2019.
Par ailleurs, la valeur nette de l'immeuble peut être évalué à 19 157,52 euros, compte tenu du remboursement de l'emprunt à hauteur de 280 842,48 euros au 21 décembre 2019.
Les actifs de M. [I] peuvent en conséquence être évalués à la somme de
194 457 euros (soit 91 000 euros + 14 800 euros + 19 157 euros + 69 500 euros ), cependant que ses engagements de cautions sont d'un montant total 245 244,15 euros, incluant celui souscrit au profit du Crédit du Nord de 65 000 euros et celui souscrit au profit du Crédit mutuel le 21 décembre 2019 de 69 805,15 euros.
Le différentiel entre ses actifs de 194 457 euros et ses engagements de caution de 245 244,35 euros, s'établit donc à la somme de 50 787,15 euros.
Toutefois, au regard de ses revenus annuels nets d'emprunts de 68 252 euros, soit 5 687,66 euros par mois, M. [I] était parfaitement en mesure de faire face à ce reliquat de 50 787,15 euros, même en 24 mois, ce qui représente des mensualités de 2 116,12 euros laissant un reste à vivre suffisant de 3 271 euros environ par mois pour un couple sans enfant.
Dès lors, l'engagement de caution du 21 décembre 2019 n'était manifestement pas disproportionné lors de sa souscription.
Au regard des pièces produites aux débats par le Crédit mutuel, dont le décompte de sa créance à l'encontre de la société Partenaire industrie en date du 18 mai 2021, et le montant de la condamnation prononcée par le premier juge n'étant par ailleurs pas contesté, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [I] à payer au Crédit mutuel la somme de 55 217,67 euros au titre du cautionnement du 21 décembre 2019 en garantie du prêt professionnel n° 1562902681 20580208.
5/ Sur le cautionnement du 7 janvier 2020 de 120 000 euros
M. [I] a complété une fiche patrimoniale le 7 janvier 2020, aux termes de laquelle il a déclaré un revenu mensuel de 7 000 euros, soit un revenu annuel de
84 000 euros. Il a également déclaré le prêt de 300 000 euros ainsi qu'un prêt à la consommation, soit des charges annuelles de 27 900 euros.
Il n'a pas déclaré le prêt Crédit agricole de 295 056 euros, alors que ce prêt se terminait en juillet 2024. Cependant, le Crédit mutuel ne pouvait ignorer cette charge d'emprunt compte tenu des indications portées sur la fiche patrimoniale du 8 février 2019 qui précisaient que ledit prêt était remboursable en 180 échéances. Dès lors les charges d'emprunt à prendre en considération sont de 38 163 euros (soit 35 263 euros + 2 900 euros)
Le revenus annuels nets d'emprunt étaient donc de 45 837 euros.
Par ailleurs, la valeur nette de l'immeuble peut être évaluée à 20 646,09 euros, compte tenu du remboursement de l'emprunt à hauteur de 279 353,91 euros au 7 janvier 2020.
M. [I] n'a déclaré ni épargne, ni compte courant d'associé.
A défaut d'élément contraire en ce sens, la valeur de ses parts sociales peuvent toujours être estimées à hauteur de 69 500 euros.
Les actifs de M. [I] étaient donc d'un montant de 90 146 euros (soit 20 646 euros+ 69 500 euros), cependant que ses engagements de caution étaient d'un montant total 365 244,15 euros, incluant le dernier engagement de caution souscrit au profit du Crédit mutuel le 7 janvier 2020 de 120 000 euros.
Le différentiel entre ses actifs de 90 146 euros et ses engagements de caution de 365 244,15 euros s'établit donc à la somme de 275 098 euros.
Au regard de ses revenus annuels nets d'emprunts de 45 837 euros, soit 3 819,75 par mois, M. [I] n'avait manifestement pas la capacité financière pour faire face à ce reliquat de 275 098 euros, même en 24 mois, ses revenus mensuels ne lui permettant aucunement de rembourser des mensualités de 11 462,41 euros.
Il y a lieu en conséquence, confirmant le jugement entrepris, de constater que le cautionnement de 120 000 euros du 7 janvier 2020 était manifestement disproportionné lors de sa souscription.
Par ailleurs, comme l'a constaté de façon pertinente le premier juge, le Crédit mutuel ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'au jour de l'appel de la caution, elle dispose du patrimoine nécessaire pour y faire face.
Le Crédit mutuel sera en conséquence déchu de son droit de se prévaloir à l'encontre de M. [I] de l'acte de cautionnement du 7 janvier 2020 d'un montant de 120 000 euros, et en conséquence, il sera débouté de sa demande en paiement à ce titre.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement est confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [I], qui succombe, est condamné aux dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il ne paraît pas inéquitable de le condamner à payer au Crédit mutuel la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne M. [F] [I] à payer au Crédit mutuel la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [F] [I] aux dépens de l'instance d'appel.
Le greffier
Anne-Sophie JOLY
Le président
Yves BENHAMOU