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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 27 février 2025, n° 24/00953

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/00953

27 février 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 27 FEVRIER 2025

Rôle N° RG 24/00953 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMPCY

[L] [N] épouse [P]

C/

M. LE PROCUREUR GENERAL

S.E.L.A.R.L. [E] - LES MANDATAIRES

Copie exécutoire délivrée

le : 27 Février 2025

à :

Me Laure ATIAS

PG

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Tribunal de Commerce de NICE en date du 16 Janvier 2024 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2023L00280.

APPELANTE

Madame [L] [N] épouse [P]

née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 6], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Alain BERDAH, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMES

Monsieur le PROCUREUR GENERAL,

demeurant Parquet général près la Cour d'appel d'AIX PROVENCE, - Place de Verdun - 13100 AIX EN PROVENCE

défaillant

S.E.L.A.R.L. [E] - LES MANDATAIRES

prise en la personne de Maître [I] [E] en qualité de liquidateur de la Société [5] demeurant [Adresse 2]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Isabelle MIQUEL, conseillèrea fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillère

Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Février 2025.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Février 2025,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire

***

EXPOSE DU LITIGE

L'EURL [5], inscrite au RCS de Nice, ayant pour activité, le garage de véhicules et toutes activités de réparation, entretien, vente, dépannage de véhicules et pour gérante Mme [L] [N] épouse [P] a été créée le 18 décembre 2017.

Par jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 11 mars 2021, l'EURL [5] a été placée en liquidation judiciaire, sur assignation de l'URSSAF. La SELARL [E]-Les Mandataires prise en la personne de Me [E], a été désignée liquidateur judiciaire.

Saisi sur requête du parquet aux fins de prononcé d'une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans, le tribunal judiciaire de Nice a prononcé par jugement du 16 janvier 2024 une interdiction de gérer à l'encontre de Mme [L] [N] épouse [P] pour une durée de 5 ans.

Mme [L] [N] épouse [P] a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 25 janvier 2024.

Selon conclusions notifiées le 29 février 2024 par la voie électronique et signifiées au liquidateur le 4 mars 2024 par acte extrajudiciaire, Mme [L] [N] épouse [P] demande à la cour de :

- déclarer nulle et de nul effet la requête en sanctions du 23 janvier 2023 pour cause de violation de l'article 6-3-a de la CEDH du 4 novembre 1950 ;

- juger en conséquence que le tribunal n'est pas saisi.

Subséquemment,

- annuler le jugement dont appel ;

Subsidiairement,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré la requête du ministère public recevable, prononcé à l'encontre de Madame [L] [N] épouse [P] l'interdiction de diriger, gérer, administrer, contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, pendant une durée de 5 ans, dit que cette condamnation est assortie de l'exécution provisoire, prescrit à Monsieur le greffier en chef d'effectuer les formalités de publicités légales, dit que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire ;

Et statuant à nouveau :

- débouter Monsieur le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice de toutes ses demandes ;

- condamner Monsieur le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ses demandes, l'appelante soutient, au visa de l'article 6-3 de la convention européenne des droits de l'Homme et de l'article 14-3-g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que la requête en sanction s'insère dans la sphère pénale, que la requête est taisante sur le fondement juridique de l'infraction reprochée et sur le texte sanctionnant ladite infraction, qu'elle vise indistinctement plusieurs textes et que ce cumul des textes invoqués par la prévention ne permet pas à Mme [P], qui n'a pas à s'auto-incriminer, de préparer une défense éclairée. L'appelante indique ensuite, que la décision déférée s'étant abstenue des motivations générale et spéciale applicables, elle devra être annulée et subsidiairement infirmée en toutes ses dispositions.

Au fond, l'appelante affirme qu'une comptabilité a été tenue tant pour 2018 que pour une partie de l'année 2019 mais, que ne pouvant plus payer l'expert-comptable, ce dernier a exercé le droit de rétention que la loi lui accorde, raison pour laquelle elle n'a pu fournir de comptabilité, et elle soutient que la teneur alternative du grief allégué équivaut à une absence de grief.

S'agissant de l'absence de remise au mandataire de la liste des créances, elle conteste toute mauvaise foi.

Enfin, elle constate qu'aucun élément factuel précis ne permet d'affirmer qu'elle n'aurait pas déclaré un état de cessation des paiements caractérisé avant cette date et conteste avoir sciemment omis de solliciter l'ouverture d'une procédure collective.

Selon avis notifié par le RPVA le 9 décembre 2023, le procureur général sollicite de la cour qu'elle déclare le tribunal de commerce de Nice parfaitement saisi de la requête déposée par le parquet de Nice et qu'elle confirme son jugement en toutes ses dispositions.

Sur la forme, le ministère public considère que c'est vainement que le conseil de Mme [L] [N] épouse [P] évoque la nullité de la requête ayant saisi le tribunal de commerce de Nice au motif que cet acte aurait visé indistinctement les articles L.653-1, L. 653-3 à L. 653-6 et L. 653-8 du code de commerce, ne permettant pas à Mme [L] [N] épouse [P] de savoir ce qui lui était reproché et qu'il apparaît très clairement qu'était visée par cette requête la sanction de la faillite personnelle à hauteur d'une durée de 10 ans, ne laissant aucun doute sur la nature de la mesure sollicitée. Le procureur général note de surcroît que la faillite personnelle n'a nullement pour origine une infraction à laquelle se réfèrent les jurisprudences citées par l'appelante.

Sur le fond, le ministère public fait valoir que l'appelante est dans l'incapacité de justifier d'une comptabilité sur l'ensemble des exercices concernés, qu'il est indéniable que la cessation des paiements n'a pas été déclarée par la dirigeante dans les délais impartis dès lors que la société a cessé toute activité dès 2019 en ne disposant plus de local pour exercer son activité.

Il considère également que la mauvaise foi attachée à l'absence de remise au mandataire liquidateur de la liste des créanciers se déduit du fait que Mme [L] [N] épouse [P] est ou a été la gérante de 5 autres sociétés démontrant ce faisant sa parfaite connaissance des obligations attachées à ses fonctions qu'elle a sciemment méconnues.

Le liquidateur judiciaire, cité à personne morale selon acte extrajudiciaire en date du 16 février 2024, est défaillant.

Les parties ont été avisées le 15 février 2024 de la fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 8 janvier 2025 et de la date prévisible de la clôture.

La clôture a été prononcée le 12 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en nullité de la requête en sanction

La faillite personnelle et l'interdiction de gérer constituent des sanctions ayant le caractère de punition (Cons.const. 29 septembre 2016, n°2016-570)

L'article 6-3 de la convention européenne des droits de l'Homme dispose notamment que «3. Tout accusé a droit notamment à :

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui. (') »

L'article 14-3-g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que « Toute personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes:

A être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre elle; (')».

Il se déduit de ce qui précède que, la personne objet d'une assignation aux fins de sanction doit être informée des faits qui lui sont reprochés et des textes fondant les griefs à son encontre sans cependant que l'exigence d'une qualification détaillée et articulée avec les faits ne soit nécessaire à la validité de la requête en sanction, à l'instar de ce qui est requis en matière pénale, à peine de nullité de l'acte de poursuite.

La requête en sanction par laquelle le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice sollicite du tribunal de commerce de Nice de prononcer contre Mme [L] [P] « une faillite personnelle entraînant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale pour une durée de 10 ans », vise les dispositions « du code de commerce et notamment les articles L 653-1, L 653-3, L 653-4, L 653-5, L 653-6 et L 653-8 dudit code ».

Elle fait, plus précisément grief à Mme [P] :

- de n'avoir pas communiqué « d'information quant à la tenue d'une comptabilité supposant qu'il n'a pas rempli ses obligations légales à ce titre lorsque les textes applicables en font obligation ou qu'il a pu faire disparaître des documents comptables » ;

- de n'avoir pas « remis les éléments qu'il est tenu de communiquer en application de l'article L.622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture notamment la liste des créanciers, le montant des dettes, contrats en cours, instances en cours ; »

- d'avoir omis « de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours puisque la société a restitué les locaux depuis 2019 alors que l'URSSAF a assigné la société en janvier 2021 et que les déclarations sociales et fiscales font état d'impayés depuis 2018. »

Le dispositif de la requête vise également ces articles.

La requête du ministère public vise bien les articles régissant la sanction réclamée et décrit les éléments factuels reprochés à Mme [P], notamment l'absence de comptabilité laquelle peut provenir d'un manquement à l'obligation légale de tenir une comptabilité ou de la disparition de documents comptables, le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal et l'absence de remise de documents prévus par les textes.

Elle apparaît ainsi suffisamment précise et circonstanciée pour permettre à Mme [P] d'être informée de ce qui lui est reproché de manière à pouvoir se défendre, de sorte que c'est de manière fondée que les premiers juges ont déclaré la requête recevable.

Ce chef de jugement sera donc confirmé.

Mme [P] demande dans le dispositif de ses conclusions l'annulation du jugement querellé comme une conséquence de l'irrecevabilité de la requête. Elle sera déboutée de ce chef de demande.

Mme [P] conclut que le jugement querellé doit être annulé pour être insuffisamment motivé sans pour autant former une telle demande dans ses conclusions. La cour n'étant saisie que des demandes figurant au dispositif des conclusions, il n'y a pas lieu de statuer sur une éventuelle nullité du jugement pour absence de motivation.

Au fond

En application de l'article L.653-1 du code de commerce, lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du chapitre relatif à la faillite personnelle et aux autres sanctions sont applicables aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales.

L'article L.653-8 du code de commerce prévoit que : « Dans les cas prévus aux articles L953-3 à L.653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22.

Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation. »

En application de l'article L.622-6 du code de commerce, « Le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire, pour les besoins de l'exercice de leur mandat, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours. Il les informe des instances en cours auxquelles il est partie. »

L'article L.653-5 du code de commerce prévoit que « le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ; ».

Pour prendre leur décision, les premiers juges indiquent, après avoir rappelé les trois griefs invoqués par le ministère public à l'encontre de Mme [P] :

« Attendu qu'à l'audience, Mme [L] [P] née [N] a justifié la non tenue de la comptabilité n'ayant plus les moyens de payer son expert comptable ;

Attendu la carence de Mme [P] née [N] pendant toute la durée de la procédure et l'importance du passif qui s'élève à 108 103,5 euros ;

Il y a lieu de prononcer à son encontre l'interdiction de gérer (') toute entreprise commerciale et ce pendant une durée de 5 ans ;

Le tribunal disposant d'éléments d'appréciation suffisants ordonne l'exécution provisoire ».

Il résulte de l'avis du ministère public et du rapport du liquidateur judiciaire versé au dossier du tribunal communiqué à la cour que :

- la société [5] a été expulsée de son local des suites d'un litige avec son bailleur en 2019 ;

- aucun salarié, aucun actif, aucune comptabilité n'ont été répertoriés par le liquidateur ;

- le liquidateur mentionne un passif déclaré à hauteur de l08.103,05 euros.

Sur les obligations comptables

Conformément à l'article L123-12 du code de commerce, la notion de comptabilité s'entend de toutes les opérations comptables et de l'inventaire que tout commerçant (personne morale ou physique) doit régulièrement enregistrer et établir au cours d'une année et qui permettent de dresser les comptes annuels qui comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe.

Mme [P] ne conteste pas n'avoir pas remis de comptabilité au liquidateur mais soutient qu'elle a tenu une activité dès le début de l'activité et verse aux débats :

- la lettre de mission comptable confiée au cabinet [4] pour l'établissement des comptes de la société [5] pour l'année 2018,

- un formulaire d'adhésion aux services fiscaux du 13 mars 2018 désignant en tant que mandataire le cabinet [4],

- un extrait du compte 411 de la société [5] mentionnant des honoraires comptables et sociaux exceptionnels entre le 30 juin 2018 et le 28 février 2019 et une somme au débit d'un montant de 4652,40 euros à la date du 28 février 2019, ce débit étant la dernière écriture du comte 411,

- une lettre du cabinet [4] en date du 15 octobre 2019 exerçant son droit de rétention compte tenu de la dette d'honoraires de la société [5] d'un montant de 4652,40 euros.

Au regard de ce qui précède, Mme [P] a effectivement accompli les démarches nécessaires pour tenir une comptabilité pour l'année 2018. Cependant la société d'expertise comptable a cessé de facturer des honoraires à compter de février 2019, ce dont il se déduit qu'elle a cessé d'établir les comptes de Mme [P] à compter de cette même date, ce qui correspond d'ailleurs à la période au cours de laquelle la société a été expulsée du local qu'elle exploitait et a été, en réalité, abandonnée par Mme [P].

Cet abandon est confirmé par le fait que Mme [P] ne produit aucun élément de comptabilité à compter de février 2019 et pour les années 2020 à 2021 et ne justifie pas avoir mandaté un autre expert-comptable.

C'est donc de manière fondée que les premiers juges ont retenu le grief de défaut de comptabilité, la cour retenant que ces faits ont débuté à compter du mois de mars 2019.

Sur le défaut de remise de mauvaise foi des renseignements visés aux articles L.653-8 et L.622-6 du code de commerce

Mme [P] ne conteste pas n'avoir pas remis la liste des créances au mandataire mais invoque l'absence de mauvaise foi.

Comme le relève le ministère public et comme cela résulte du rapport du liquidateur judiciaire, Mme [P] était, à la date du rapport, soit le 20 janvier 2023, gérante de cinq sociétés dont deux sociétés civiles immobilières, une société de location de terrains, une agence immobilière et une société d'entretien de voitures automobiles placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Cannes par jugement en date du 26 janvier 2021, c'est-à-dire un mois et demi avant le placement en liquidation judiciaire de l'EURL [5].

Mme [P] ne peut donc se dire béotienne en matière de gestion d'entreprise et de responsabilités qui incombent à un chef d'entreprise.

Surtout, c'est en continuité avec l'abandon de sa société à son sort dès le mois de mars 2019, que Mme [P] n'a pas remis la liste de ses créanciers au liquidateur judiciaire alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle devrait rendre des comptes, ce qui établit sa mauvaise foi.

Le défaut de remise de mauvaise foi des renseignements visés aux articles L.653-8 et L.622-6 du code de commerce est donc caractérisé.

Sur l'omission de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours

Selon l'article L. 640-4 du code de commerce, l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

En application de l'article L.653-8 du code de commerce, le fait d'omettre sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation est susceptible de justifier le prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer.

La date de cessation des paiements à retenir pour apprécier l'existence d'une telle faute est celle fixée par le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report.

En l'espèce, le jugement d'ouverture, désormais irrévocable, a fixé la date de cessation des paiements 11 mars 2021, soit à la date du jugement.

L'omission fautive de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours, ne peut dès lors être constituée.

Sur la sanction

Le défaut de tenue de comptabilité à compter du mois de 2019 et jusqu'à l'ouverture de la procédure collective et le défaut de remise de mauvaise foi des renseignements visés aux articles L.653-8 et L.622-6 du code de commerce étant établis, c'est de manière fondée que les premiers juges ont prononcé une mesure d'interdiction de gérer à Mme [P].

La durée et la gravité de ces fautes justifient de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 16 janvier 2024, en ce qu'il a prononcé cette mesure pour 5 ans avec exécution provisoire.

Sur les demandes accessoires

Considérant la confirmation de la sanction infligée à Mme [P], le jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 16 janvier 2024 qui a dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure sera infirmé de ce chef et Mme [P] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 janvier 2024 par le tribunal de commerce de Nice, sauf en ce qu'il a dit que les dépens de première instance dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure ;

Statuant du chef d'infirmation et y ajoutant,

Déboute Mme [L] [N] épouse [P] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne Mme [L] [N] épouse [P] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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