Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 5 mars 2025, n° 21/01993

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/01993

5 mars 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 07 JANVIER 2025

N° 2025/104

Rôle N° RG 21/01993 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG5T5

[J] [L]

C/

[F] [R]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Audrey PALERM

Me Frédéric CASANOVA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Toulon en date du 02 Juillet 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/04185.

APPELANT

Monsieur [J] [L]

Né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 6] (83)

Demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Audrey PALERM de l'AARPI AUDRAN LAUER PALERM, avocat au barreau de TOULON

INTIME

Monsieur [F] [R]

Né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 6] (83)

Demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Frédéric CASANOVA, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Madame Catherine OUVREL, Conseillère, rapporteur

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anastasia LAPIERRE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Janvier 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2025,

Signé par Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre et Mme Anastasia LAPIERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 13 mars 2013, M. [F] [R], contractuel recruté en contrat à durée déterminée d'un an renouvelable depuis le 1er février 2012, au sein de la mairie de [Localité 5], a déposé plainte pour harcèlement sexuel à l'encontre de M. [J] [L], chef de service au sein de cette même mairie. M. [F] [R] arguait de SMS reçus depuis octobre 2012 de son chef de service de plus en plus à connotation sexuelle, d'une main qu'aurait posée M. [J] [L] sur son genou, d'une réservation d'une seule chambre d'hôtel pour les deux lors d'un déplacement en mars 2012, et d'une dégradation des relations de travail en parallèle.

Par jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 9 novembre 2015, M. [J] [L] a été condamné pour des faits de harcèlement sexuel entre le 1er mars 2012 et le 22 octobre 2012, à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis, et à verser 1 500 euros à M. [F] [R] en réparation de son préjudice moral.

Par arrêt du 6 février 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé ce jugement, a relaxé M. [J] [L] du chef de harcèlement sexuel, considérant que tous faits antérieurs au 7 août 2012 n'avaient pas de base légale, et que, s'agissant des faits postérieurs au 7 août 2012, ils ne caractérisaient pas le délit reproché.

Le 10 août 2017, M. [J] [L] a assigné M. [F] [R] sur le fondement de l'article 1240 du code civil en réparation du préjudice moral causé par la dénonciation calomnieuse d'un harcèlement sexuel.

Par jugement en date du 2 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Toulon a :

débouté M. [J] [L] de sa demande,

débouté M. [F] [R] de sa demande reconventionnelle,

condamné M. [J] [L] à payer à M. [F] [R] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [J] [L] aux dépens,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a considéré que M. [J] [L] ne pouvait se prévaloir de la présomption de fausseté du fait dénoncé de l'article 226-10 alinéa 2 du code pénal compte tenu de la décision de relaxe prononcée à son bénéfice par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 6 février 2017 dès lors que cette décision est fondée sur la prescription d'une partie de la prévention, et sur l'insuffisance de charge pour le reste.

Le tribunal a ensuite retenu que M. [J] [L] ne justifiait pas que M. [F] [R] ait abusé de son droit de déposer plainte pour harcèlement sexuel alors qu'au vu du contexte tenant à des SMS ambigus, des échanges persistants sur un ton plus complice que professionnel, des allusions répétées à la protection accordée et à la situation précaire de M. [F] [R], et à la réservation dans ce contexte d'une seule chambre d'hôtel pour les deux personnes en déplacement, il ne peut être estimé que M. [F] [R] connaissait le caractère infondé de sa dénonciation.

Enfin, le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts, estimant que M. [F] [R] ne démontrait pas la mauvaise foi de M. [J] [L] qui ne découle pas de la seule décision pénale rendue.

Selon déclaration reçue au greffe le 10 février 2021, M. [J] [L] a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes les dispositions du jugement déféré dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 6 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [J] [L] sollicite de la cour qu'elle :

infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulon en date du 2 juillet 2020,

Et statuant à nouveau :

' rejette la demande de condamnation présentée contre lui par M. [F] [R] à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi par la procédure en dénonciation calomnieuse,

' condamne M. [F] [R] à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral causé,

' condamne M. [F] [R] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne M. [F] [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction.

En premier lieu, s'agissant de son action en responsabilité contre M. [F] [R], M. [J] [L] soutient que la dénonciation calomnieuse est caractérisée à raison de la fausseté des faits dénoncés. Il lui reproche d'avoir dissimulé sciemment certaines circonstances, d'avoir présenté le fait sous un aspect fallacieux le faisant apparaître, faussement, comme devant entraîner une sanction. Ainsi, il affirme qu'il connaissait M. [F] [R] depuis mars 2011, contrairement à ce qu'a prétendu ce dernier, et que les constats par commissaire de justice relatent des SMS choisis, en réponse, et non l'ensemble de la discussion entre les deux parties, qui ne présentait aucune connotation sexuelle, et que M. [F] [R] a procédé par insinuations sans preuve ou en mettant en avant des éléments partiels. M. [J] [L] fait état d'attestations témoignant des relations cordiales entre les deux hommes à l'époque. Il soutient que du fait du rétablissement de la véritable nature des relations entre les parties par la relaxe prononcée, la cour a mis en évidence la dénaturation des faits par l'intimé qui a utilisé des éléments factuels pour leur donner un sens qu'il savait faux. Il dénie toute connotation sexuelle aux propos tenus et toute volonté d'intimider M. [F] [R].

L'appelant entend opposer la présomption de fausseté à raison de la décision de relaxe intervenue, pour défaut de base légale et infraction insuffisamment caractérisée, la matérialité des faits n'étant pas établie.

A défaut de présomption de fausseté, M. [J] [L] soutient que M. [F] [R] a dénaturé les faits en cachant la nature exacte de la relation existant entre les deux hommes, à savoir une amitié préexistant au recrutement de M. [F] [R] à la mairie et qui explique la tonalité des SMS échangés. Il soutient qu'aucune contrainte n'a été exercée par lui sur M. [F] [R] qui présente un fort tempérament. Il souligne le fait que le rapport du 21 janvier 2013 dont se prévaut M. [F] [R] a été reconnu comme étant réalisé dans des termes neutres et obligeants, celui-ci étant corroboré par d'autres évaluations du travail de M. [F] [R] réalisées par d'autres supérieurs hiérarchiques à la mairie qui ont tous relevé le fort caractère de ce dernier et sa propension à critiquer sa hiérarchie, plusieurs réunions de recadrage ayant eu lieu. L'appelant indique que les conseils par lui émis, en toute amitié, mais en alertant aussi sur les problèmes posés, avaient pour but de l'aider à gérer son fort tempérament dans ce contexte, et dans la perspective du renouvellement de son contrat de travail. Il ajoute que M. [F] [R] a choisi de ne pas remettre en cause sa notation mais de déposer plainte pour harcèlement sexuel en vue d'obtenir le renouvellement de son contrat, ce à quoi il est parvenu, déposant ensuite plainte pour harcèlement moral contre le successeur de M. [J] [L], peu avant le deuxième renouvellement de son contrat. Il en déduit que la malveillance de M. [F] [R] est établie, ainsi que son intention de nuire par le dépôt de sa plainte, celui-ci sachant pertinemment qu'il n'a jamais été victime de harcèlement sexuel.

S'agissant de son dommage, M. [J] [L] indique avoir subi un procès pénal, des articles de presse péjoratifs et un opprobre jeté sur lui, des sanctions administratives internes, et qu'il travaille de ce fait désormais dans un service de prévention ne correspondant pas à ses qualifications professionnelles, ce qui représente une perte financière. Il ajoute avoir été psychologiquement ébranlé par cette affaire et son retentissement, et avoir bénéficié d'un suivi psychologique et médicamenteux.

En deuxième lieu, sur l'appel incident de M. [F] [R], l'appelant fait valoir qu'accorder de tels dommages et intérêts reviendrait à reconnaître un harcèlement sexuel définitivement écarté par décision de justice.

Par dernières conclusions transmises le 6 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [F] [R] sollicite de la cour qu'elle :

déboute M. [J] [L] de l'ensemble de ses demandes,

condamne M. [J] [L] à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral du fait du lancement de la présente procédure basée sur des mensonges le rendant coupable d'une faute civile,

condamne M. [J] [L] à lui verser la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne M. [J] [L] aux entiers dépens d'instance.

M. [F] [R] rappelle qu'il appartient à l'appelant, dans le cadre de son action en responsabilité, d'apporter la preuve de la connaissance par lui de l'inexactitude du fait dénoncé.

Il ajoute que la loi ne réprime que la dénonciation de faits inexacts, pas leur mauvaise qualification juridique. Or, il soutient que les SMS sont bien réels et ont été retenus comme tels par la cour d'appel le 6 février 2017 dans sa décision de relaxe, quand bien même la cour ne leur a pas donné la qualification juridique de harcèlement sexuel. Il en déduit que M. [J] [L] ne peut se prévaloir de la présomption de fausseté de l'article 226-10 alinéa 2 du code pénal.

M. [F] [R] estime donc qu'il appartient à M. [J] [L] de prouver sa connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés, ce qu'il ne fait pas, selon lui. Au contraire, l'intimé soutient que M. [J] [L] entendait obtenir ses faveurs en contrepartie du renouvellement de son contrat et d'une bonne notation.

M. [F] [R] met en avant les SMS constatés par commissaire de justice, dont il ne peut être soutenu qu'il s'agit de faux, et au sujet desquels il a toujours admis avoir procédé à des choix, sans aucune dissimulation. Il soutient que leur connotation sexuelle est évidente, ainsi que l'idée selon laquelle il obtiendra la protection de son supérieur hiérarchique, soit M. [J] [L], que s'il cède à ses avances. Il fait valoir d'ailleurs que, n'ayant pas cédé, il a dû faire face à une notation négative de son travail au titre de l'année 2012, ainsi qu'à un avis défavorable au renouvellement de son contrat aux termes d'un rapport dressé par M. [J] [L] le 21 janvier 2013, en totale contradiction avec la teneur des SMS envoyés tout au long de l'année 2012. L'intimé ajoute que, malgré ces éléments qu'il a dû dénoncer, il travaille toujours au sein de la même mairie et est passé, grâce à ses compétences, du rang 5 au rang 2 dans la hiérarchie.

Par ailleurs, M. [F] [R] soutient qu'il ne connaissait pas M. [J] [L] avant d'avoir candidaté au poste de préventionniste, ce que les attestations produites corroborent. Il met en avant la réservation d'une seule chambre d'hôtel par M. [J] [L] lors d'un déplacement parisien, fait exact. Il dément la réalité de la bonne entente entre lui et M. [F] [R], mais assure au contraire avoir dû faire bonne figure.

L'intimé soutient donc que M. [J] [L] ne rapporte pas la preuve qu'il aurait rapporté des faits inexacts, ceux-ci ayant existé, quand bien même la cour n'aurait pas retenu la qualification juridique de harcèlement sexuel, étant observé que le parquet et le premier juge avaient retenu une telle qualification.

Par ailleurs, M. [F] [R] soutient que M. [J] [L] est l'auteur d'une faute civile à raison de l'action qu'il intente, de sorte qu'il lui doit des dommages et intérêts, à raison du préjudice moral qu'il lui inflige.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 10 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par M. [J] [L] contre M. [F] [R]

Par application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En vertu de l'article 222-33 du code pénal, le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

L'article 226-10 alinéa 2 du code pénal prévoit que la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.

En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci.

Ainsi, la dénonciation calomnieuse peut également donner lieu, au plan civil, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, à l'octroi de dommages et intérêts dès lors que la fausseté des faits dénoncés est acquise, ou, du moins, qu'il est démontré que celui qui a dénoncé des faits exacts les a dénaturés afin de leur attribuer un caractère délictueux qu'ils n'avaient pas. Ce peut être le cas lorsque le dénonciateur, en dissimulant sciemment certaines circonstances, a présenté le fait sous un aspect fallacieux, le faisant apparaître, faussement, comme devant entraîner une sanction.

Tel est le reproche fait par M. [J] [L] à M. [F] [R] au titre des faits de harcèlement sexuel par lui dénoncés sur la période du 1er mars 2012 au 22 octobre 2012 à [Localité 5].

Dans un premier temps, M. [J] [L] se prévaut de la présomption de fausseté des faits dénoncés visée par l'article 226-10 alinéa 2 du code pénal à raison de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 6 février 2017, devenu définitif, par lequel il a été relaxé des chefs de cette poursuite.

Toutefois, il est acquis en jurisprudence que, pour bénéficier de la présomption de fausseté des faits dénoncés, dans le cadre d'un jugement de relaxe devenu définitif, il convient que ce jugement révèle que les faits n'ont pas été commis.

Or, en l'espèce, pour infirmer la décision de première instance, la cour a retenu, d'une part, que les faits antérieurs au 7 août 2012 ne pouvaient être poursuivis dès lors qu'aucune loi pendant cette période ne sanctionnait le harcèlement sexuel, les dispositions textuelles fondant la poursuite ayant été abrogées et remplacées uniquement postérieurement à cette date. Sur cette période, la cour n'a donc pas jugé que les faits étaient inexistants, mais qu'ils n'étaient pas répréhensibles. D'autre part, s'agissant des faits postérieurs au 7 août 2012, la cour a retenu que le délit de harcèlement sexuel n'était pas suffisamment caractérisé. En effet, la cour a retenu que la connotation sexuelle des SMS adressés par M. [J] [L] à M. [F] [R], dont elle a relevé le caractère partiel et choisi par ce dernier, n'était pas établie, bien que leur tonalité et les termes employés puissent paraître incongrus ou inappropriés dans le cadre de relations professionnelles. Elle a également estimé qu'aucun chantage à la reconduction du contrat de M. [F] [R] n'en ressortait. S'agissant du geste, tenant en l'apposition des mains de M. [J] [L] sur les genoux de M. [F] [R], la cour a retenu l'absence de preuve de son existence. S'agissant de la réservation d'une seule chambre d'hôtel pour les deux hommes lors d'un déplacement professionnel parisien, fait avéré, la cour a considéré que cet élément ne constituait pas le délit de harcèlement sexuel reproché alors que des attestations témoignaient en parallèle de l'ambiance cordiale existant entre les deux hommes lors de ce voyage.

Ainsi, il appert que, par cette décision de relaxe, la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'a pas dit que les faits n'existaient pas, du moins les échanges de SMS et la réservation d'une seule chambre d'hôtel, mais qu'ils ne présentaient pas une qualification juridique de harcèlement sexuel. Dans ces conditions, M. [J] [L] ne peut se prévaloir de la présomption de fausseté des faits dénoncés.

Dans un second temps, il lui appartient donc de démontrer que M. [F] [R], en dénonçant un harcèlement sexuel, a volontairement dénaturé des faits, en toute connaissance de cause et dans l'intention de lui nuire.

M. [J] [L] fait d'abord valoir que M. [F] [R] a sciemment tu l'existence d'une amitié existant entre eux depuis mars 2011, donc bien antérieurement au recrutement de ce dernier à la mairie de [Localité 5], le 1er février 2012. Les attestations produites à ce titre, et notamment celle de M. [I] du 12 février 2014, font effectivement état de ce que les deux hommes se connaissaient avant le début du contrat de l'intimé, ainsi que de l'existence d'une certaine proximité amicale entre eux débordant le cadre professionnel, puisqu'ils se voyaient en dehors de ce cadre, notamment pour des soirées ou l'anniversaire de l'un ou de l'autre. Toutefois, dans sa plainte du 13 mars 2013, M. [F] [R] a indiqué qu'il ne connaissait pas M. [J] [L] avant d'avoir candidaté, étant observé que sa candidature au poste de préventionniste est forcément antérieure à son recrutement, et que cet élément n'est pas en contradiction avec les témoignages qui font état de rencontres dans ce cadre. Il ne ressort donc pas de cette déclaration une dénaturation particulière des faits démontrant que l'intimé aurait entendu tronquer la réalité.

Par ailleurs, s'agissant des SMS produits au dossier, et résultant des procès-verbaux de constat par commissaire de justice des 31 janvier 2013 et 17 octobre 2014, il est acquis qu'il s'agit d'une production partielle des échanges, principalement des réponses faites par M. [J] [L], sans les réponses ou sollicitations de M. [F] [R], et de manière discontinue, dans le but de mettre en avant certains messages plutôt que d'autres. Cette incomplétude et ce choix n'ont pas été niés par M. [F] [R], et ont d'ailleurs fait perdre une partie de la crédibilité à l'accusation portée. Au demeurant, s'ils révèlent une proximité entre les personnes, un ton badin et complice, inadapté dans le cadre de relations professionnelles, qui plus est hiérarchisées, ils ne présentent pas de consonnance sexuelle, ni ne manifestent de chantage ou de pression dans la perspective du renouvellement ou non du contrat de travail de M. [F] [R]. Pour autant, ils existent, et rien ne démontre que l'intimé en a détourné l'usage en toute connaissance de cause.

Il en est de même de la réservation d'une seule chambre d'hôtel pour M. [J] [L] et M. [F] [R], par le premier, lors d'un déplacement professionnel parisien. Si cet élément n'a pas été retenu comme caractérisant un fait de harcèlement sexuel, il participe d'une certaine ambiguïté, dans le contexte de relations professionnelles hiérarchiques entre deux collègues se déclarant d'orientation sexuelle commune, qui ne permet pas d'établir que l'intimé connaissait le caractère infondé de sa dénonciation du délit de harcèlement sexuel.

Également, le fait de se plaindre d'une main posée sur ses genoux, fait dont la véracité n'a pas été établie, ne justifie pas l'intention de M. [F] [R] de dénoncer des faits faux à dessein de nuire à M. [J] [L].

Ces éléments successifs sont intervenus dans un cadre professionnel, étant observé que M. [J] [L] était amené à évaluer M. [F] [R], cette évaluation ayant une incidence sur la perspective de renouvellement de son contrat. Dans ce cadre, si le rapport d'évaluation de M. [F] [R] rédigé par M. [J] [L] le 21 janvier 2013 a finalement été retenu par le tribunal administratif de Toulon le 28 décembre 2015 comme l'ayant été dans des termes neutres et obligeants, corroboré par d'autres évaluateurs au sein de la même mairie, il n'en demeure pas moins qu'il porte un avis défavorable au renouvellement du contrat de M. [F] [R], tout en s'implantant ou en faisant immédiatement suite à une période de grande proximité entre les deux hommes et à des messages contraires de protection accordée par M. [J] [L] à M. [F] [R].

Au vu de ces éléments, il ne ressort pas de l'examen du dossier et des pièces produites que M. [F] [R] n'a pas légitimement pu croire aux faits par lui dénoncés, ni n'a dénaturé volontairement ceux-ci.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté toute faute commise par M. [F] [R] à raison d'une dénonciation calomnieuse de faits de harcèlement sexuel, et ont rejeté la demande indemnitaire de M. [J] [L], quel que soit le retentissement fort de ces procédures pour les parties, y compris pour l'appelant, et quel que soit le préjudice subi. La décision doit être confirmée.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts

En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'occurrence, il n'est justifié d'aucun abus par M. [J] [L] de son droit d'agir, alors qu'il a été définitivement relaxé des faits de harcèlement sexuel dénoncés par M. [F] [R] à son encontre.

Si la faute civile reprochée par l'appelant à l'intimé n'est pas caractérisée, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas davantage établi que M. [J] [L] aurait agi dans l'intention de nuire sur la base d'éléments dont il savait qu'ils étaient insuffisants à obtenir gain de cause.

Dès lors, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté cette prétention reconventionnelle de M. [F] [R].

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dépens de première instance et d'appel demeureront à la charge de M. [J] [L].

En revanche, l'équité et la situation économique des parties commandent d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné M. [J] [L] à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à M. [F] [R]. De même, il n'y a pas lieu de faire application de ce texte en appel, chaque partie étant débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [J] [L] à verser à M. [F] [R] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne M. [J] [L] au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,

Déboute respectivement M. [J] [L] et M. [F] [R] de leurs demandes à ce titre,

La Greffière La Présidente

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site