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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 5 mars 2025, n° 24/04133

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

ITM alimentaire sud-est (Sté)

Défendeur :

Vimialleja (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Demont

Vice-président :

M. Graffin

Conseiller :

M. Prouzat

Avocats :

Me Apollis, Me Kerdoncuff, Me Garrigue, Me Deur

T. com. Montpellier, du 20 févr. 2019, n…

20 février 2019

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

La SAS Tilda exploitait un fonds de commerce de distribution à dominante alimentaire sous l'enseigne Intermarché à [Localité 8] (Hérault).

Suivant protocole en date du 28 février 2012, la SARL Vimialleja, société holding, ayant pour gérant [R] [D], et la SAS SPR Alimentaire Sud-Est ont acquis de la SAS ITM Alimentaire Sud-Est, pour l'une, les 3 809 actions qu'elle détenait dans le capital social de la société Tilda et, pour l'autre, les 190 actions restant de la même société (au total 3 999 actions) pour un prix de base de 2 153 308 € devant être arrêté définitivement au vu d'une situation comptable au jour de la cession et sous diverses conditions.

Ce protocole de cession d'actions comprend un article 11 intitulé « attribution de juridiction, clause compromissoire et clause d'expertise ».

Il prévoit également, pour le cessionnaire, au titre de « conditions particulières et déterminantes » (article 13), en premier lieu, la conclusion d'un avenant au bail commercial en date du 14 novembre 1988, renouvelé par acte du 3 janvier 2000 par tacite reconduction, afin de reporter au départ effectif du preneur, les effets de la clause d'accession des aménagements, la régularisation de la sous-location consentie par la société Tilda au preneur du salon de coiffure, et l'obtention d'une autorisation expresse donné à la société Tilda de sous-louer tout ou partie des locaux donnés à bail.

Le cédant s'est porté fort de l'obtention auprès du bailleur, et préalablement à la réalisation de la cession, de ces actes.

Un contrat d'enseigne a, par ailleurs, été conclu le 1er mars 2012 entre la société ITM Alimentaire Sud-Est et la société Tilda.

Dans le cadre de la détermination du prix de vente des titres, les parties à la cession ont désigné chacune un expert (M. [W] pour la société ITM Alimentaire Sud-Est et M. [E] pour la société Vimialleja), qui ont déposé un rapport commun, le 22 juin 2015, fixant le prix définitif de cession des titres de la société Tilda à 1 988 227 €, soit pour les 3809 actions acquises par la société Vimialleja, la somme de 1 902 812 € ; compte tenu de l'acompte versé (1 435 700 €), les experts ont évalué à la somme de 467 112 € le solde du prix dû par la société Vimialleja.

Cette dernière ayant contesté la validité de la cession et mis en 'uvre la clause compromissoire, le tribunal arbitral, par sentence du 9 juillet 2015, a déclaré recevable la demande de la société Vimialleja, s'est déclaré incompétent pour juger de la demande formée par M. [D], a rejeté les demandes d'annulation présentées par la société Vimialleja fondées sur le dol et l'erreur, a condamné, sur le fondement de la responsabilité civile, la société ITM Alimentaire Sud-Est à payer à la société Vimialleja une somme de 350 000 € titre de dommages et intérêts en raison notamment du caractère incomplet de l'étude de marché transmise lors des pourparlers et a rejeté les demandes reconventionnelles de la société ITM Alimentaire Sud-Est.

Par jugement du 4 avril 2016, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Vimialleja, qu'il a convertie en redressement judiciaire par un jugement du 9 janvier 2017, M. [B] étant désigné en qualité d'administrateur avec mission d'assistance et M. [G] comme mandataire judiciaire ; par jugement du 28 avril 2017, ce tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Vimialleja, la Selarl MJSA représentée par M. [A] étant désignée en qualité de liquidateur.

Parallèlement, par jugement du 24 août 2015, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Tilda, procédure convertie en redressement judiciaire le 9 janvier 2017, puis en liquidation judiciaire le 24 février 2017, M. [G] étant désigné en qualité de liquidateur et M. [B] en qualité d'administrateur avec mission d'assistance ; par jugement de ce même tribunal, en date du 31 mars 2017, un plan de cession des actifs de la société Tilda a été arrêté au profit de la société ITM Alimentaire Sud-Est et par jugement du 22 juillet 2018, la liquidation judiciaire de cette société a été clôturée pour insuffisance d'actif.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 19 mai 2016, la société ITM Alimentaire Sud-Est a déclaré au passif de la procédure collective de la société Vimialleja une créance de :

- 467 112 € en principal au titre du solde du prix d'achat des actions de la société Tilda aux termes du rapport d'expertise en date du 22 juin 2015 conformément aux dispositions du protocole de cession d'actions,

- 142 001,94 € au titre des intérêts contractuels à valoir sur cette somme tels que prévus par l'article 6 de ce protocole, soit au total la somme de 609 113,94 €, à titre chirographaire.

Après la conversion de la procédure de sauvegarde ouverte à l'égard de la société Vimialleja en redressement judiciaire, la société ITM Alimentaire Sud-Est a, le 15 février 2017, adressé a M. [G] en sa qualité de mandataire judiciaire une nouvelle déclaration de créance à hauteur de la même somme de 609 113,94 €.

Statuant sur la contestation de cette créance, le juge-commissaire a, par ordonnance du 20 février 2019, admis au passif de la société Vimialleja la créance déclarée de la société ITM Alimentaire Sud-Est pour la somme de

467 112 € en principal et 142001,94 € au titre des intérêts, à titre chirographaire.

La société Vimialleja et M. [D] ont relevé appel de cette ordonnance, la procédure devant la cour ayant été enrôlée sous le n° 19/0206.

Par un premier arrêt du 23 mars 2021, la cour a déclaré M. [D] irrecevable à former appel de l'ordonnance du juge-commissaire et déclaré la société Vimialleja recevable en son appel, puis, par un second du 7 juin 2022, elle a :

- rejeté la fin de non-recevoir fondée sur l'article 564 du code de procédure civile,

- infirmé l'ordonnance du juge-commissaire en date du 20 février 2019 et statuant à nouveau,

- dit que les contestations soulevées par la société Vimialleja ne relèvent pas du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire,

- en conséquence, sursis à statuer sur la demande d'admission de la créance déclarée par la société ITM Alimentaire Sud-Est, jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette contestation ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 624-5 du code de commerce,

- renvoyé la société Vimialleja et la Selarl MJSA à saisir cette juridiction pour faire trancher les contestations,

- rappelé aux parties, qu'en application des dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce, la saisine de cette juridiction doit intervenir, à peine de forclusion, dans le délai d'un mois à compter de l'avis délivré à cette fin à la diligence du secrétariat greffe de la cour par le RPVA,

- renvoyé l'examen de l'affaire à la mise en état,

- dit qu'à défaut de justification de la saisine du juge compétent dans le délai précité, adressée au greffe de la cour, dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt, il sera mis fin au sursis à statuer ainsi ordonné,

- dit qu'en cas de justification de la saisine du juge compétent dans le délai imparti, l'affaire sera radiée du rôle de la cour et qu'elle sera rétablie sur la demande de la partie la plus diligente sur justification de la décision passée en force de chose jugée de la juridiction compétente,

- réservé l'examen des dépens.

Par ordonnance du magistrat de la mise en état du 25 août 2022, l'affaire a été retirée du rôle, à la suite de la saisine par M. [D] et la société Vimialleja, par exploits des 5 et 6 juillet 2022 du tribunal de commerce de Montpellier.

Par jugement du 10 mai 2023, cette juridiction :

- a débouté la société ITM Alimentaire Sud-Est de son exception d'incompétence,

- s'est déclaré compétent pour connaître du litige,

- a mis en demeure la société ITM Alimentaire Sud-Est de conclure sur fond et dit que l'affaire sera rappelée pour plaidoiries à une audience ultérieure,

- a réservé l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La société ITM Alimentaire Sud-Est, appelante de ce jugement, a été autorisée à assigner à jour fixe M. [D] et la société Vimialleja devant la cour et, par arrêt du 12 décembre 2023, celle-ci a notamment :

- déclaré M. [D] irrecevable à conclure pour défaut de qualité à agir à titre personnel,

- infirmé dans toutes ses dispositions le jugement déféré,

- statuant à nouveau et y ajoutant, déclaré le tribunal de commerce de Montpellier incompétent et renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

- condamné M. [D] et la société Vimialleja à payer à la société ITM Alimentaire Sud-Est la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer comme elle l'a fait, la cour a considéré que la contestation du prix de cession des actions, au motif du caractère grossièrement erroné des conclusions du rapport des experts désignés, relevait de la formation du protocole de cession et de son exécution, que la clause compromissoire n'était donc pas manifestement inapplicable au sens des dispositions de l'article 11 du protocole et qu'il appartenait à la juridiction arbitrale, seule, d'apprécier sa compétence, le juge étatique n'étant pas, en effet, compétent pour apprécier l'existence, la validité et l'étendue de la clause.

Par lettres des 6 mars et 19 avril 2024, la société ITM Alimentaire Sud-Est a, par l'intermédiaire de son conseil, informé la société Vimialleja, d'une part, et la Selarl MJSA ès qualités, d'autre part, qu'elle désignait le professeur [N] [J] en qualité d'arbitre ; la société Vimialleja n'a pas cependant déféré à l'invitation, qui lui avait été faite, de désigner son propre arbitre, en sorte que le tribunal arbitral n'a pu être constitué.

Le 5 août 2024, la société ITM Alimentaire Sud-Est, intimée, a sollicité le rétablissement au rôle de la cour de la procédure enrôlée initialement sous le n° 19/02066.

Elle lui demande, dans ses conclusions déposées et notifiées le 6 août 2024 via le RPVA, de :

- juger que la société Vimialleja est forclose pour contester la créance déclarée, en se prévalant de la prétendue nullité du rapport [E]/[W],

En l'état, réformant l'ordonnance sur le quantum des sommes à inscrire,

- prononcer la mission à titre chirographaire de sa créance déclarée au passif de la société Vimialleja à concurrence de la somme de 609 113,94 €, dont 467 112€ à titre principal et 142 001,94 € au titre des intérêts contractuels,

- condamner la société Vimialleja aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'au paiement à son profit d'une indemnité de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ITM Alimentaire Sud-Est fait valoir pour l'essentiel, se référant aux dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce, que la société Vimialleja est désormais forclose à contester sa créance en raison de la prétendue nullité du rapport des experts [E] et [W] fixant le montant du prix définitif de cession des actions de la société Tilda.

Bien qu'ayant constitué avocat, la société Vimialleja et la Selarl MJSA ès qualités n'ont pas déposé de nouvelles conclusions.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions de l'intimée, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 2 janvier 2025.

MOTIFS de la DECISION :

Aux termes de l'article R. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-736 du 30 juin 2014 : « Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur où le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte ».

En l'espèce, la cour, dans son arrêt du 7 juin 2022 infirmant l'ordonnance rendue le 20 février 2019 par le juge-commissaire en charge de la procédure collective, a notamment dit que les contestations soulevées par la société Vimialleja excédaient le pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, a sursis à statuer sur la demande d'admission de la créance déclarée par la société ITM Alimentaire Sud-Est, et renvoyé la société Vimialleja et la Selarl MJSA ès qualités à saisir la juridiction compétente pour trancher les contestations dans le délai d'un mois à compter de l'avis délivré à cette fin par le greffe, à peine de forclusion.

Ainsi, dans le mois de l'avis adressé le 7 juin 2022 via le RPVA par le greffe, la société Vimialleja a, par assignation délivrée les 5 et 6 juillet 2022 à la société ITM alimentaire Sud-Est, d'une part, et à la Selarl MJSA ès qualités, d'autre part, saisi le tribunal de commerce de Montpellier, qu'elle estimait compétente pour trancher les contestations, en vue d'obtenir l'annulation du rapport d'expertise du 22 juin 2015 en raison du manque d'indépendance de M. [W], de la renonciation des experts, dès la signature de la convention spécifique les missionnant, du recours à un tiers expert et de l'erreur grossière commise dans leur rapport consistant à lui intégrer une analyse purement juridique du protocole de cession, reposant au surplus sur des éléments erronés (l'existence purement hypothétique d'un avenant au bail commercial).

Or, dans son arrêt du 12 décembre 2023 infirmant le jugement du tribunal de commerce du 10 mai 2023, la cour a estimé que ce tribunal n'était pas compétent pour connaître du litige dont il était saisi, après avoir retenu que la contestation du prix de cession des actions relevait de la formation du protocole de cession et de son exécution, que la clause compromissoire prévue à l'article 11 du protocole n'étaient pas manifestement inapplicable et qu'il appartenait dès lors juridiction arbitrale, seule, d'apprécier sa compétence et donc, de trancher, éventuellement, les contestations.

Il résulte de ce qui précède que la société Vimialleja, qui avait été invitée à saisir la juridiction compétente pour trancher les contestations portant sur la nullité du rapport d'expertise du 22 juin 2015 fixant le prix définitif de cession des titres de la société Tilda, a saisi le tribunal de commerce de Montpellier, qui n'était pas compétent pour trancher les contestations, alors qu'il lui appartenait de mettre en 'uvre la clause compromissoire prévue à l'article 11 du protocole de cession dans le délai d'un mois prévu à l'article R. 624-5 courant à compter de l'avis délivré le 7 juin 2022 par le greffe de la cour. A défaut, ses contestations portant sur la validité du rapport d'expertise sont atteintes par la forclusion.

Le rapport d'expertise commun de MM. [W] et [E] en date du 22 juin 2015, dont la validité ne peut plus désormais être contestée, a fixé le prix définitif de cession des titres de la société Tilda à la somme de 1 988 227 €, soit pour les 3809 actions acquises par la société Vimialleja, la somme de 1 902 812€, ce dont les experts ont déduit, compte tenu de l'acompte déjà versé, un solde de prix dû par cette société égal à la somme de 467 112 €.

L'article 6 du protocole de cession prévoit, par ailleurs, l'application d'un taux d'intérêt de 8% l'an sur les sommes restant dues par l'acquéreur au vendeur sur le prix définitif de cession ; la société ITM Alimentaire Sud-Est réclame ainsi le paiement d'intérêts au taux de 8% l'an sur le solde du prix de 467 112 € pour la période, antérieure à l'ouverture de la procédure collective, de juin 2012 à mars 2016, sachant que le 12 juin 2012, le cabinet Causse & associés, expert-comptable de la société Tilda, a communiqué aux parties son projet de bilan de cession au 1er mars 2012, sur la base duquel le prix définitif de cession pouvait être déterminé ; la créance d'intérêts, dont la société ITM Alimentaire Sud-Est réclame l'admission à hauteur de 142 001,94 €, n'est contestée ni dans son principe, ni dans son montant.

Il convient en conséquence d'admettre la créance de la société ITM Alimentaire Sud-Est au passif de la procédure collective de la société Vimialleja à hauteur de la somme 467 112 € en principal et de la somme de 142 001,94 € au titre des intérêts contractuels, à titre chirographaire.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société Vimialleja doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la société ITM Alimentaire Sud-Est la somme de 3000 € en remboursement des frais non taxables que celle-ci a dus exposer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Vu l'arrêt de cette cour en date du 7 juin 2022,

Admet la créance de la SAS ITM Alimentaire Sud-Est au passif de la procédure collective de la SARL Vimialleja à hauteur de la somme de 467 112 € en principal et de la somme de 142 001,94 € au titre des intérêts contractuels, à titre chirographaire,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Vimialleja aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la société ITM Alimentaire Sud-Est la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

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