CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 5 mars 2025, n° 24/05667
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 05 MARS 2025
N° 2025 / 051
N° RG 24/05667
N° Portalis DBVB-V-B7I-BM67V
Syndicat des coproriétaires de l'immeuble Résidence AGORA
C/
[H] [D] [U] [T]
[Y] [P] épouse [T]
[O] [I] divorcée [Z]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Henri-Charles LAMBERT
Me Gilles ALLIGIER
Me Thierry TROIN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de NICE en date du 19 Mars 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/01849.
APPELANTE
Syndicat des coproriétaires de l'immeuble Résidence AGORA, sis [Adresse 2]
pris en la personne de son syndic en exercice la Sociéé d'Administration et de Gestion (SAG) SARL, dont le siège social est sis [Adresse 3], représentant par son gérant en exercice domicilié es qualité audit siège
représentée par Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE substitué et plaidant par Me Christian-Michel COLOMBO, avocat au barreau de NICE
INTIMÉS
Monsieur [H] [D] [U] [T]
né le 23 Juillet 1963 à [Localité 4] (21), demeurant [Adresse 7]
Madame [Y] [P] épouse [T]
née le 27 Octobre 1969 à [Localité 5] (06), demeurant [Adresse 7]
représentés par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Jean-Louis DAVID, avocat au barreau de GRASSE
Madame [O] [I]
née le 07 Octobre 1969 à [Localité 5] (06), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Thierry TROIN, membre de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2025, signé par Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère pour le Président empêché et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
***
Suivant acte notarié en date du 10 novembre 2017, M. [H] [T] a acquis de Mme [O] [I] un logement individuel composé de cinq pièces, portant le numéro 30 au plan de masse, avec le droit de jouissance exclusive et privative du jardin attenant d'une superficie de 52 m2 et un emplacement de parking portant le numéro 54 du plan de masse et les 214/1000 des parties communes générales d'un ensemble immobilier - Résidence Agora - situé à [Adresse 6].
Cette maison fait partie d'une copropriété comprenant 47 villas.
M. [T] a été alerté par des membres du Conseil syndical de la copropriété de ce que l'immeuble souffrait de graves problèmes, suite à des problèmes de fléchissement de la dalle de couverture.
Les époux [T] ont découvert dans les semaines qui ont suivi leur acquisition, que leur maison se fissure à différents endroits.
M. [T] a saisi le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de NICE pour solliciter une provision sur dommages et intérêts et la désignation d'un expert judiciaire.
Suivant Ordonnance en date du 16 octobre 2018 7, le Juge des référés a fait droit à la demande d'expertise mais pas à la demande de provision.
En cours de procédure d'expertise, Mme [I] a appelé le syndicat des copropriétaires dans la cause. Une Ordonnance de référé du 28 juillet 2020 lui a rendu commune les opérations d'expertise.
L'expert judiciaire a rendu son rapport le 28 janvier 2022.
Par exploit introductif d'instance en date du 24 février 2022, M. [T] a attrait Mme [I] ainsi que le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2] - par devant le Juge des référés près du Tribunal Judiciaire de NICE, aux fins d'obtenir:
- d'une part, la condamnation de Mme [O] [I] à lui payer une provision sur dommages et intérêts d'un montant de 101.713,92 € au titre des travaux à réaliser ;
- d'autre part, la condamnation Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2] - à lui payer une provision sur dommages et intérêts d'un montant de 99.578,25 € au titre des travaux à réaliser.
Par Ordonnance en date du 4 novembre 2022, le Juge des référés près du Tribunal Judiciaire de NICE a considéré qu'il n'était pas compétent pour connaître de ce litige et a dit n'y avoir lieu à référé.
Par exploit introductif d'instance en date du 26 avril 2022, M.[T] a saisi le Tribunal Judiciaire de NICE.
Par conclusions d'incident signifiées le 1er décembre 2022, le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble RESIDENCE AGORA a sollicité que les demandes précitées soient jugées irrecevables au motif d'une prétendue prescription.
Par ordonnance rendue le 19 mars 2024, le juge de la mis en état a:
REJETE la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora
DEBOUTE M. [H] [T] , Mme [Y] [P] épouse [T],
Mme [O] [I] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
RESERVE les dépens de la présente instance sur incident
RENVOYE l'affaire à l'audience de mise en état du 16 mai 2024 (audience dématérialisée) pour conclusions au fond.
Par déclaration au greffe en date du 30 avril 2024, le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision.
Il sollicite:
Déclarant l'appel recevable et fondé,
Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 19 mars 2024.
Vu les articles l4 et 42 de la loi du 10 juillet 1965,
Ensemble l'article 2224 du code civil,
Juger l'action relative aux désordres de la villa N°30, déjà jugée, et jugée prescrite, par l'arrêt du 23 novembre 2002 envers le syndicat des copropriétaires Résidence AGORA et en toute hypothèse à la date de l'assignation en référé et de l'assignation au fond.
Mettre en conséquence hors de cause le syndicat des copropriétaires PAGORA.
Condamner in solidum M.et Mme [T] et Mme [I] à payer au syndicat des copropriétaires Résidence AGORA la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles outre aux entiers dépens.
A l'appui de son recours, il fait valoir:
- que le désordre était parfaitement connu et concernait la quasi totalité des villas construites à l'AGORA selon le même procédé technique vicié,
- que la villa 30 en question avait précisément pour ce désordre donné lieu à prescription de l'action de son propriétaire de l'époque par arrêt de la cour de céans du 23 novembre 2002,
- que le point de départ du délai de prescription prévu par l'article 42 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965 se situe au moment d le'apparition des vices de construction qui sont la cause génératrice de l'action, sans qu'une vente postérieure des lots concernés puisse interrompre ou faire renaître ce délai,
- que si les époux [T] n'étaient pas partie à l'arrêt du 23 novembre 2002, leurs droits sur le bien soumis à la loi du 10 juillet 1965 étaient déjà représentés par son propriétaire de l'époque,
- qu'ils peuvent sanctionner la venderesse frauduleuse, y compris par la nullité de la vente puisqu'il est établi qu'elle connaissait le vice de la chose.
M.et Mme [T] concluent.
CONFIRMER l'Ordonnance rendue par le Juge de mise en état de la 2 ème chambre civile du Tribunal Judiciaire de NICE le 14 mars 2023, ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2],
Et statuant à nouveau,
JUGER que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action personnelle de M. [H] [T] contre le syndicat des copropriétaires en réparation du préjudice causé par des vices de construction est la date à laquelle la cause des désordres a été révélée et non la date de survenance des dommages.
JUGER que M. [H] [T] n'a eu connaissance de la cause des désordres affectant sa villa portant le numéro 30 au plan de masse situé dans un ensemble immobilier sis [Adresse 2], qu'après le dépôt du rapport d'expertise intervenu le 25 janvier 2022, faisant ainsi démarrer le point de départ du délai de prescription à cette date.
JUGER que l'action initiée par M. [H] [T] à l'encontre du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2], par exploit introductif d'instance en date du 26 avril 2022 , n'est pas prescrite,
En conséquence,
DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2] de toutes ses demandes.
Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile
CONDAMNER le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2] - à payer à Monsieur [H] [T] la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2] de toutes demandes, fins et prétentions contraires aux présentes.
Ils soutiennent:
- que le point de départ du délai de prescription de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 de l'action personnelle du copropriétaire contre le syndicat des copropriétaires en réparation du préjudice causé par des vices de construction est la date à laquelle la cause des désordres a été révélée et non la date de survenance des dommages,
- que l'arrêt dont se prévaut le syndicat est relatif à l'action en garantie décennale initiée à l'encontre des constructeurs et leurs assureurs,
- que la cause des désordres a été révélée par le rapport d'expertise du 25 janvier 2022,
- qu'en tout état de cause ils n'ont découverts les désordres que suite à leur acquisition, leur venderesse s'étant abstenue de les en informer.
Mme [I] conclut:
CONFIRMER l'Ordonnance du Juge de la Mise en Etat du Tribunal Judiciaire de NICE du 19 mars 2024.
DEBOUTER le syndicat des copropriétaires de la RESIDENCE AGORA de sa demande de prescription.
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de la RESIDENCE AGORA à payer à Mme [I] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les entiers dépens.
Elle fait valoir:
- qu'elle a acquis la villa six ans après l'expiration de la garantie de la responsabilité décennale,
- qu'en l'absence d'évolution d'un quelconque désordre, elle a fait réaliser des travaux d'embellissement en 2014 et aucun désordre apparent n'était alors à déplorer,
- qu'elle a vendu 3 ans plus tard, sans également aucun désordre apparent, pensant en toute bonne foi qu'il n'y avait aucun désordre en partie privative,
- que ce n'est que la volonté de M.[T] de vouloir traiter un problème structurel non évolutif qui conduit à la présente procédure,
- que la prescription ne peut être opposée par la copropriété pour deux motifs:
- la prétendue importance des désordres n'a été mise à jour que par l'expertise judiciaire, point de départ de la prescription,
- la responsabilité du syndicat des copropriétaires pour des travaux relevant des parties communes ne peut pas être prescrite puisque le syndicat doit nécessairement participer à une procédure lui rendant opposables les travaux en parties communes qui seraient arbitrés par la juridiction su la base d'un rapport d'expertise judiciaire, en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de l'article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Sur l'autorité de la chose jugée
L'article 1355 du code civil dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Le syndicat des copropriétaires argue de la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la présente cour d'appel du 23 novembre 2002, confirmé par la cour de cassation le 4 novembre 2004,qui a retenu la prescription pour les désordres relatifs à la villa 30 objet de la présente procédure.
Or, cet arrêt, dont se prévaut le syndicat, est relatif à l'action en garantie décennale initiée à l'encontre des constructeurs et leurs assureurs, par l'ancien propriétaire de la villa 30, de sorte que n'ayant pas la même cause, ni le même fondement, ni les mêmes parties que la présente procédure, la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée doit être rejetée.
Sur la prescription
L'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 en son dernier alinéa dispose que le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.
L'article 42 alinéa 1er de la même loi prévoit que les dispositions de l'article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat.
L'article 2224 du code civil indique que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il est de jurisprudence constante que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action personnelle du copropriétaire contre le syndicat des copropriétaires en réparation du préjudice causé par des vices de construction est la date à laquelle la cause des désordres a été révélée et non la date de survenance des dommages.
Or, ce n'est que via le rapport d'expertise en date du 25 janvier 2022, que M.[T] a eu connaissance de la cause des désordres, à savoir:
- les fondations de la villa ne sont pas descendues et coulées au bon sol
- un ferraillage insuffisant de la dalle haute qui entraîne une flèche au delà des tolérances.
En effet, comme l'a retenu le premier juge il n'est pas formellement établi qu'au moment du courrier du 4 décembre 2017, les désordres évoqués par M.[T] étaient en lien avec les causes des malfaçons dont il est fait état ni qu'il a eu connaissance des procès verbaux d'assemblées générales des 15 février, 14 décembre 2000 et 28 juin 2001 relatifs aux désordres.
Quand bien même cette date du 4 décembre 2017 serait elle retenue, l'action n'est pas davantage prescrite, puisque l'assignation au fond du syndicat par les époux [T] date du 26 avril 2022, soit dans le délai de prescription.
En conséquence, l'ordonnance est confirmée en ce qu'elle a rejetée la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par le syndicat des copropriétaires.
Sur les autres demandes
Il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires est condamné aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 mars 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de NICE,
Y ajoutant
REJETTE la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la présente cour d'appel du 23 novembre 2002, soulevée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora pris en la personne de son syndic en exercice la Société d'Administration et de Gestion,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora pris en la personne de son syndic en exercice la Société d'Administration et de Gestion aux entiers dépens de l'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 05 MARS 2025
N° 2025 / 051
N° RG 24/05667
N° Portalis DBVB-V-B7I-BM67V
Syndicat des coproriétaires de l'immeuble Résidence AGORA
C/
[H] [D] [U] [T]
[Y] [P] épouse [T]
[O] [I] divorcée [Z]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Henri-Charles LAMBERT
Me Gilles ALLIGIER
Me Thierry TROIN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de NICE en date du 19 Mars 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/01849.
APPELANTE
Syndicat des coproriétaires de l'immeuble Résidence AGORA, sis [Adresse 2]
pris en la personne de son syndic en exercice la Sociéé d'Administration et de Gestion (SAG) SARL, dont le siège social est sis [Adresse 3], représentant par son gérant en exercice domicilié es qualité audit siège
représentée par Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE substitué et plaidant par Me Christian-Michel COLOMBO, avocat au barreau de NICE
INTIMÉS
Monsieur [H] [D] [U] [T]
né le 23 Juillet 1963 à [Localité 4] (21), demeurant [Adresse 7]
Madame [Y] [P] épouse [T]
née le 27 Octobre 1969 à [Localité 5] (06), demeurant [Adresse 7]
représentés par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Jean-Louis DAVID, avocat au barreau de GRASSE
Madame [O] [I]
née le 07 Octobre 1969 à [Localité 5] (06), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Thierry TROIN, membre de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2025, signé par Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère pour le Président empêché et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
***
Suivant acte notarié en date du 10 novembre 2017, M. [H] [T] a acquis de Mme [O] [I] un logement individuel composé de cinq pièces, portant le numéro 30 au plan de masse, avec le droit de jouissance exclusive et privative du jardin attenant d'une superficie de 52 m2 et un emplacement de parking portant le numéro 54 du plan de masse et les 214/1000 des parties communes générales d'un ensemble immobilier - Résidence Agora - situé à [Adresse 6].
Cette maison fait partie d'une copropriété comprenant 47 villas.
M. [T] a été alerté par des membres du Conseil syndical de la copropriété de ce que l'immeuble souffrait de graves problèmes, suite à des problèmes de fléchissement de la dalle de couverture.
Les époux [T] ont découvert dans les semaines qui ont suivi leur acquisition, que leur maison se fissure à différents endroits.
M. [T] a saisi le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de NICE pour solliciter une provision sur dommages et intérêts et la désignation d'un expert judiciaire.
Suivant Ordonnance en date du 16 octobre 2018 7, le Juge des référés a fait droit à la demande d'expertise mais pas à la demande de provision.
En cours de procédure d'expertise, Mme [I] a appelé le syndicat des copropriétaires dans la cause. Une Ordonnance de référé du 28 juillet 2020 lui a rendu commune les opérations d'expertise.
L'expert judiciaire a rendu son rapport le 28 janvier 2022.
Par exploit introductif d'instance en date du 24 février 2022, M. [T] a attrait Mme [I] ainsi que le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2] - par devant le Juge des référés près du Tribunal Judiciaire de NICE, aux fins d'obtenir:
- d'une part, la condamnation de Mme [O] [I] à lui payer une provision sur dommages et intérêts d'un montant de 101.713,92 € au titre des travaux à réaliser ;
- d'autre part, la condamnation Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2] - à lui payer une provision sur dommages et intérêts d'un montant de 99.578,25 € au titre des travaux à réaliser.
Par Ordonnance en date du 4 novembre 2022, le Juge des référés près du Tribunal Judiciaire de NICE a considéré qu'il n'était pas compétent pour connaître de ce litige et a dit n'y avoir lieu à référé.
Par exploit introductif d'instance en date du 26 avril 2022, M.[T] a saisi le Tribunal Judiciaire de NICE.
Par conclusions d'incident signifiées le 1er décembre 2022, le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble RESIDENCE AGORA a sollicité que les demandes précitées soient jugées irrecevables au motif d'une prétendue prescription.
Par ordonnance rendue le 19 mars 2024, le juge de la mis en état a:
REJETE la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora
DEBOUTE M. [H] [T] , Mme [Y] [P] épouse [T],
Mme [O] [I] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
RESERVE les dépens de la présente instance sur incident
RENVOYE l'affaire à l'audience de mise en état du 16 mai 2024 (audience dématérialisée) pour conclusions au fond.
Par déclaration au greffe en date du 30 avril 2024, le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision.
Il sollicite:
Déclarant l'appel recevable et fondé,
Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 19 mars 2024.
Vu les articles l4 et 42 de la loi du 10 juillet 1965,
Ensemble l'article 2224 du code civil,
Juger l'action relative aux désordres de la villa N°30, déjà jugée, et jugée prescrite, par l'arrêt du 23 novembre 2002 envers le syndicat des copropriétaires Résidence AGORA et en toute hypothèse à la date de l'assignation en référé et de l'assignation au fond.
Mettre en conséquence hors de cause le syndicat des copropriétaires PAGORA.
Condamner in solidum M.et Mme [T] et Mme [I] à payer au syndicat des copropriétaires Résidence AGORA la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles outre aux entiers dépens.
A l'appui de son recours, il fait valoir:
- que le désordre était parfaitement connu et concernait la quasi totalité des villas construites à l'AGORA selon le même procédé technique vicié,
- que la villa 30 en question avait précisément pour ce désordre donné lieu à prescription de l'action de son propriétaire de l'époque par arrêt de la cour de céans du 23 novembre 2002,
- que le point de départ du délai de prescription prévu par l'article 42 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965 se situe au moment d le'apparition des vices de construction qui sont la cause génératrice de l'action, sans qu'une vente postérieure des lots concernés puisse interrompre ou faire renaître ce délai,
- que si les époux [T] n'étaient pas partie à l'arrêt du 23 novembre 2002, leurs droits sur le bien soumis à la loi du 10 juillet 1965 étaient déjà représentés par son propriétaire de l'époque,
- qu'ils peuvent sanctionner la venderesse frauduleuse, y compris par la nullité de la vente puisqu'il est établi qu'elle connaissait le vice de la chose.
M.et Mme [T] concluent.
CONFIRMER l'Ordonnance rendue par le Juge de mise en état de la 2 ème chambre civile du Tribunal Judiciaire de NICE le 14 mars 2023, ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2],
Et statuant à nouveau,
JUGER que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action personnelle de M. [H] [T] contre le syndicat des copropriétaires en réparation du préjudice causé par des vices de construction est la date à laquelle la cause des désordres a été révélée et non la date de survenance des dommages.
JUGER que M. [H] [T] n'a eu connaissance de la cause des désordres affectant sa villa portant le numéro 30 au plan de masse situé dans un ensemble immobilier sis [Adresse 2], qu'après le dépôt du rapport d'expertise intervenu le 25 janvier 2022, faisant ainsi démarrer le point de départ du délai de prescription à cette date.
JUGER que l'action initiée par M. [H] [T] à l'encontre du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2], par exploit introductif d'instance en date du 26 avril 2022 , n'est pas prescrite,
En conséquence,
DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2] de toutes ses demandes.
Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile
CONDAMNER le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2] - à payer à Monsieur [H] [T] la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora sis [Adresse 2] de toutes demandes, fins et prétentions contraires aux présentes.
Ils soutiennent:
- que le point de départ du délai de prescription de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 de l'action personnelle du copropriétaire contre le syndicat des copropriétaires en réparation du préjudice causé par des vices de construction est la date à laquelle la cause des désordres a été révélée et non la date de survenance des dommages,
- que l'arrêt dont se prévaut le syndicat est relatif à l'action en garantie décennale initiée à l'encontre des constructeurs et leurs assureurs,
- que la cause des désordres a été révélée par le rapport d'expertise du 25 janvier 2022,
- qu'en tout état de cause ils n'ont découverts les désordres que suite à leur acquisition, leur venderesse s'étant abstenue de les en informer.
Mme [I] conclut:
CONFIRMER l'Ordonnance du Juge de la Mise en Etat du Tribunal Judiciaire de NICE du 19 mars 2024.
DEBOUTER le syndicat des copropriétaires de la RESIDENCE AGORA de sa demande de prescription.
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de la RESIDENCE AGORA à payer à Mme [I] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les entiers dépens.
Elle fait valoir:
- qu'elle a acquis la villa six ans après l'expiration de la garantie de la responsabilité décennale,
- qu'en l'absence d'évolution d'un quelconque désordre, elle a fait réaliser des travaux d'embellissement en 2014 et aucun désordre apparent n'était alors à déplorer,
- qu'elle a vendu 3 ans plus tard, sans également aucun désordre apparent, pensant en toute bonne foi qu'il n'y avait aucun désordre en partie privative,
- que ce n'est que la volonté de M.[T] de vouloir traiter un problème structurel non évolutif qui conduit à la présente procédure,
- que la prescription ne peut être opposée par la copropriété pour deux motifs:
- la prétendue importance des désordres n'a été mise à jour que par l'expertise judiciaire, point de départ de la prescription,
- la responsabilité du syndicat des copropriétaires pour des travaux relevant des parties communes ne peut pas être prescrite puisque le syndicat doit nécessairement participer à une procédure lui rendant opposables les travaux en parties communes qui seraient arbitrés par la juridiction su la base d'un rapport d'expertise judiciaire, en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de l'article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Sur l'autorité de la chose jugée
L'article 1355 du code civil dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Le syndicat des copropriétaires argue de la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la présente cour d'appel du 23 novembre 2002, confirmé par la cour de cassation le 4 novembre 2004,qui a retenu la prescription pour les désordres relatifs à la villa 30 objet de la présente procédure.
Or, cet arrêt, dont se prévaut le syndicat, est relatif à l'action en garantie décennale initiée à l'encontre des constructeurs et leurs assureurs, par l'ancien propriétaire de la villa 30, de sorte que n'ayant pas la même cause, ni le même fondement, ni les mêmes parties que la présente procédure, la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée doit être rejetée.
Sur la prescription
L'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 en son dernier alinéa dispose que le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.
L'article 42 alinéa 1er de la même loi prévoit que les dispositions de l'article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat.
L'article 2224 du code civil indique que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il est de jurisprudence constante que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action personnelle du copropriétaire contre le syndicat des copropriétaires en réparation du préjudice causé par des vices de construction est la date à laquelle la cause des désordres a été révélée et non la date de survenance des dommages.
Or, ce n'est que via le rapport d'expertise en date du 25 janvier 2022, que M.[T] a eu connaissance de la cause des désordres, à savoir:
- les fondations de la villa ne sont pas descendues et coulées au bon sol
- un ferraillage insuffisant de la dalle haute qui entraîne une flèche au delà des tolérances.
En effet, comme l'a retenu le premier juge il n'est pas formellement établi qu'au moment du courrier du 4 décembre 2017, les désordres évoqués par M.[T] étaient en lien avec les causes des malfaçons dont il est fait état ni qu'il a eu connaissance des procès verbaux d'assemblées générales des 15 février, 14 décembre 2000 et 28 juin 2001 relatifs aux désordres.
Quand bien même cette date du 4 décembre 2017 serait elle retenue, l'action n'est pas davantage prescrite, puisque l'assignation au fond du syndicat par les époux [T] date du 26 avril 2022, soit dans le délai de prescription.
En conséquence, l'ordonnance est confirmée en ce qu'elle a rejetée la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par le syndicat des copropriétaires.
Sur les autres demandes
Il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires est condamné aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 mars 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de NICE,
Y ajoutant
REJETTE la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la présente cour d'appel du 23 novembre 2002, soulevée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora pris en la personne de son syndic en exercice la Société d'Administration et de Gestion,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence Agora pris en la personne de son syndic en exercice la Société d'Administration et de Gestion aux entiers dépens de l'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE