CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 5 mars 2025, n° 22/14343
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 05 MARS 2025
N° 2025 / 056
N° RG 22/14343
N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHSI
[T] [L]
S.C.I. FRASAICI
C/
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Adresse 2]'
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Marie-Christine MOUCHAN
Me Jean-François JOURDAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 15 Septembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/04779.
APPELANTS
Monsieur [T] [L]
né le 29 Novembre 1944 à [Localité 3] (Algérie), demeurant [Adresse 2] [Localité 1], en sa qualité de gérant de la S.C.I. FRASAICI
S.C.I. FRASAICI
représentée par son gérant en exercice, M. [T] [L], demeurant en cette qualité au siège sis [Adresse 2] [Localité 1]
représentés par Me Marie-Christine MOUCHAN, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Adresse 2]' sis [Adresse 2] [Localité 1]
prise en la personne de son syndic, la SNC AGENCE DU PORT, elle-même représentée par son représentant légal en exercice domiciliée
représentée par Me Jean-François JOURDAN, membre de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Antoine PONCHARDIER, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2025, signé par Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère pour le Président empêché et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
A compter de l'année 2000, la société civile immobilière FRASAICI a donné à bail professionnel à Monsieur [T] [L] des locaux situés au premier étage d'un immeuble en copropriété dénommé [Adresse 2] à [Localité 1], pour y exercer son activité de médecin pédiatre.
Au cours de l'année 2016, la société TRAMELEC est venue réparer les parlophones équipant le hall B ; à la suite de cette intervention, M. [L] s'est plaint auprès du syndic d'une forte augmentation du volume sonore des récepteurs installés dans ses locaux, perturbant son activité.
Lors de l'assemblée générale du 27 juillet 2017, l'ensemble des copropriétaires présents s'est déclaré favorable à la réparation urgente des deux platines interphones équipant les halls A et B de l'immeuble du fait des dysfonctionnements constatés. Cependant, cette décision n'ayant pas été mise au vote, elle a été inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée suivante qui s'est tenue le 12 juillet 2018, laquelle s'est prononcée en revanche dans un sens contraire aux termes de sa résolution n° 10. L'assemblée a également rejeté le projet d'installation d'une platine parlophone sur la porte donnant côté rue aux termes de sa résolution n° 12.
Par acte délivré le 17 octobre 2018, la société FRASAICI et M. [L] (qui est par ailleurs son gérant statutaire) ont saisi le tribunal de grande instance de Nice afin d'entendre annuler ces deux résolutions et condamner le syndicat des copropriétaires à leur payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts. Ils se sont ultérieurement désistés de la demande d'annulation de la résolution n° 12, vis-à-vis de laquelle ils n'avaient pas la qualité d'opposant.
Par conclusions additionnelles déposées le 5 octobre 2019, les requérants ont également demandé l'annulation des résolutions n° 12 et 18 votées lors de l'assemblée générale ultérieure tenue le 10 juillet 2019, emportant d'une part nouveau rejet de leur demande de remplacement des platines parlophones des halls A et B, et d'autre part rejet d'une demande de modification des horaires de fermeture au public de la porte d'entrée de l'immeuble.
Par jugement rendu le 15 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Nice a :
- rejeté les demandes d'annulation de la résolution n° 10 votée le 12 juillet 2018 et de la résolution n° 12 votée le 10 juillet 2019,
- déclaré irrecevable la demande d'annulation de la résolution n° 18 votée le 10 juillet 2019, comme ne se rattachant pas aux prétentions originaires par un lien suffisant,
- débouté la société FRASAICI et M. [L] de leur demande en dommages-intérêts,
- et condamné les requérants aux dépens, ainsi qu'à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société FRASAICI et Monsieur [T] [L] ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 27 octobre 2022 au greffe de la cour. Suivant conclusions récapitulatives notifiées le 11 juillet 2023, ils font valoir :
- que la demande d'annulation de la résolution n° 18 votée le 10 juillet 2019 est recevable en ce qu'elle se rattache à leurs prétentions originaires par un lien suffisant,
- que les résolutions litigieuses procèdent d'un abus de majorité et contreviennent au règlement de copropriété de l'immeuble, ainsi qu'à l'article 26 c) de la loi du 10 juillet 1965,
- que l'activité du cabinet médical s'en trouve perturbée,
- et que si M. [L] n'a pas la qualité de copropriétaire, il dispose néanmoins d'un intérêt à agir sur le fondement de l'article 14 de ladite loi pour demander réparation du préjudice que lui cause le défaut d'entretien d'un élément d'équipement commun.
Ils demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- d'annuler la résolution n° 10 votée le 12 juillet 2018 et les résolutions n° 12 et 18 votées le 10 juillet 2019,
- de condamner le syndicat des copropriétaires à leur verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- et de mettre les entiers dépens à la charge de l'intimé, outre une indemnité de 8.400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en réplique notifiées le 13 décembre 2023, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice la société AGENCE DU PORT, soutient pour sa part :
- que M. [L] est irrecevable en toutes ses prétentions, en l'absence de tout lien de droit avec la copropriété,
- que l'installation des parlophones ne souffre d'aucun dysfonctionnement généralisé, et que les nuisances subies par le cabinet médical résultent uniquement d'aménagements intérieurs, notamment de la multiplication des postes récepteurs,
- que les demandes d'annulation des résolutions votées le 10 juillet 2019 sont irrecevables pour n'avoir pas été formées par voie d'assignation,
- et que les juges ne peuvent substituer leur appréciation à celle de l'assemblée générale quant à l'opportunité d'effectuer certains travaux ou de modifier les heures de fermeture de l'immeuble au public.
Il forme appel incident et demande à la cour :
- de déclarer irrecevables l'ensemble des demandes formées par M. [L],
- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société FRASAICI tendant à l'annulation de la résolution n° 10 votée le 12 juillet 2018 et au paiement de dommages-intérêts,
- de déclarer irrecevables les demandes d'annulation des résolutions n° 12 et 18 votées le 10 juillet 2019,
- subsidiairement de les rejeter,
- de condamner les appelants à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- et de mettre à leur charge les entiers dépens, outre une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 décembre 2024.
DISCUSSION
Sur les résolutions portant rejet de la demande de remplacement des parlophones :
- Sur la recevabilité des recours :
Il est constant que la SCI FRASAICI, au contraire de son locataire, a qualité et intérêt à agir en sa qualité de copropriétaire opposant au sens de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965.
D'autre part, si le principe d'autonomie de chaque assemblée impose en principe que l'action en nullité soit introduite par voie d'assignation, il est cependant admis que la demande visant une délibération postérieure à l'introduction de l'instance puisse être formée par voie de conclusions additionnelles, à la condition que le délai d'exercice du recours ne soit pas expiré et qu'il existe un lien de dépendance ou de connexité entre les résolutions contestées.
Tel est bien le cas en l'espèce puisque la résolution n° 12 votée le 10 juillet 2019 a le même objet que la résolution n° 10 votée le 12 juillet 2018, et que la demande a été formée par voie de conclusions additionnelles notifiées le 5 octobre 2019, soit dans le délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal de l'assemblée générale, le point de départ de ce délai étant le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, en l'occurrence le 6 août 2019.
- Sur le fond :
Une décision d'assemblée générale peut être annulée pour abus de majorité s'il est établi qu'elle est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires, ou qu'elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires.
En l'espèce, il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale du 27 juillet 2017 que l'ensemble des copropriétaires présents s'était déclaré favorable à la réparation urgente des deux platines interphones équipant les halls A et B de l'immeuble du fait des dysfonctionnements constatés. Contrairement à ce que soutient le syndicat, ceux-ci n'affectaient pas uniquement les locaux appartenant à la SCI FRASAICI, puisque les médecins exerçant au sein d'un autre cabinet s'étaient également plaints du volume 'insupportable' de la sonnerie de l'interphone (courrier de la SCM LE TIGRE en date du 31 mai 2019). En outre, l'entreprise prestataire chargée de l'entretien a indiqué que l'installation actuelle était vétuste et qu'il n'était pas utile d'investir dans des réparations au vu de l'évolution des systèmes actuels (rapport de la société TRAMELEC du 13 septembre 2018).
S'il est exact que les juges ne peuvent substituer leur appréciation à celle de l'assemblée générale quant à l'opportunité d'effectuer certains travaux, il en va autrement lorsque ceux-ci sont nécessaires au bon fonctionnement des équipements communs, dont le syndicat a la charge de l'entretien aux termes de l'article 14 de la loi de 1965. Il convient donc de juger que le refus de procéder au remplacement des platines de parlophones est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires et constitue un abus de majorité. Les résolutions litigieuses doivent être en conséquence annulées.
Sur la demande en dommages-intérêts :
En vertu de l'article 14 précité, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 30 octobre 2019 et applicable au litige, M. [T] [L], tiers par rapport au syndicat des copropriétaires, dispose d'un intérêt à agir pour demander réparation du préjudice que lui cause le défaut d'entretien d'un élément d'équipement commun.
Les perturbations subies dans le cadre de son activité professionnelle sont établies par les attestations de ses employées [G] [X] et [P] [H], et par un rapport du docteur [S] [W], médecin du travail, suivant lequel :'l'intensité de la sonnerie occasionne clairement une nuisance auditive. Au vu de la fréquence des impacts dans la journée, il y a une réelle pénibilité. Cela peut même être dangereux à long terme, avec une perte auditive irréversible'.
Il convient donc de condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la résolution portant rejet de la demande de modification des horaires de fermeture de l'immeuble au public :
La demande d'annulation de cette résolution n'a pas été formée par voie d'assignation et celle-ci ne présente pas un lien de dépendance ou de connexité avec les délibérations initialement attaquées, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal l'a déclarée irrecevable.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'annulation de la résolution n° 18 votée le 10 juillet 2019,
L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :
Annule la résolution n° 10 votée le 12 juillet 2018,
Annule la résolution n° 12 votée le 10 juillet 2019,
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Palais Bel Canto à payer à Monsieur [T] [L] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,
Déboute le syndicat de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,
Condamne l'intimé aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à verser aux appelants une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 05 MARS 2025
N° 2025 / 056
N° RG 22/14343
N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHSI
[T] [L]
S.C.I. FRASAICI
C/
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Adresse 2]'
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Marie-Christine MOUCHAN
Me Jean-François JOURDAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 15 Septembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/04779.
APPELANTS
Monsieur [T] [L]
né le 29 Novembre 1944 à [Localité 3] (Algérie), demeurant [Adresse 2] [Localité 1], en sa qualité de gérant de la S.C.I. FRASAICI
S.C.I. FRASAICI
représentée par son gérant en exercice, M. [T] [L], demeurant en cette qualité au siège sis [Adresse 2] [Localité 1]
représentés par Me Marie-Christine MOUCHAN, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Adresse 2]' sis [Adresse 2] [Localité 1]
prise en la personne de son syndic, la SNC AGENCE DU PORT, elle-même représentée par son représentant légal en exercice domiciliée
représentée par Me Jean-François JOURDAN, membre de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Antoine PONCHARDIER, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2025, signé par Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère pour le Président empêché et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
A compter de l'année 2000, la société civile immobilière FRASAICI a donné à bail professionnel à Monsieur [T] [L] des locaux situés au premier étage d'un immeuble en copropriété dénommé [Adresse 2] à [Localité 1], pour y exercer son activité de médecin pédiatre.
Au cours de l'année 2016, la société TRAMELEC est venue réparer les parlophones équipant le hall B ; à la suite de cette intervention, M. [L] s'est plaint auprès du syndic d'une forte augmentation du volume sonore des récepteurs installés dans ses locaux, perturbant son activité.
Lors de l'assemblée générale du 27 juillet 2017, l'ensemble des copropriétaires présents s'est déclaré favorable à la réparation urgente des deux platines interphones équipant les halls A et B de l'immeuble du fait des dysfonctionnements constatés. Cependant, cette décision n'ayant pas été mise au vote, elle a été inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée suivante qui s'est tenue le 12 juillet 2018, laquelle s'est prononcée en revanche dans un sens contraire aux termes de sa résolution n° 10. L'assemblée a également rejeté le projet d'installation d'une platine parlophone sur la porte donnant côté rue aux termes de sa résolution n° 12.
Par acte délivré le 17 octobre 2018, la société FRASAICI et M. [L] (qui est par ailleurs son gérant statutaire) ont saisi le tribunal de grande instance de Nice afin d'entendre annuler ces deux résolutions et condamner le syndicat des copropriétaires à leur payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts. Ils se sont ultérieurement désistés de la demande d'annulation de la résolution n° 12, vis-à-vis de laquelle ils n'avaient pas la qualité d'opposant.
Par conclusions additionnelles déposées le 5 octobre 2019, les requérants ont également demandé l'annulation des résolutions n° 12 et 18 votées lors de l'assemblée générale ultérieure tenue le 10 juillet 2019, emportant d'une part nouveau rejet de leur demande de remplacement des platines parlophones des halls A et B, et d'autre part rejet d'une demande de modification des horaires de fermeture au public de la porte d'entrée de l'immeuble.
Par jugement rendu le 15 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Nice a :
- rejeté les demandes d'annulation de la résolution n° 10 votée le 12 juillet 2018 et de la résolution n° 12 votée le 10 juillet 2019,
- déclaré irrecevable la demande d'annulation de la résolution n° 18 votée le 10 juillet 2019, comme ne se rattachant pas aux prétentions originaires par un lien suffisant,
- débouté la société FRASAICI et M. [L] de leur demande en dommages-intérêts,
- et condamné les requérants aux dépens, ainsi qu'à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société FRASAICI et Monsieur [T] [L] ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 27 octobre 2022 au greffe de la cour. Suivant conclusions récapitulatives notifiées le 11 juillet 2023, ils font valoir :
- que la demande d'annulation de la résolution n° 18 votée le 10 juillet 2019 est recevable en ce qu'elle se rattache à leurs prétentions originaires par un lien suffisant,
- que les résolutions litigieuses procèdent d'un abus de majorité et contreviennent au règlement de copropriété de l'immeuble, ainsi qu'à l'article 26 c) de la loi du 10 juillet 1965,
- que l'activité du cabinet médical s'en trouve perturbée,
- et que si M. [L] n'a pas la qualité de copropriétaire, il dispose néanmoins d'un intérêt à agir sur le fondement de l'article 14 de ladite loi pour demander réparation du préjudice que lui cause le défaut d'entretien d'un élément d'équipement commun.
Ils demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- d'annuler la résolution n° 10 votée le 12 juillet 2018 et les résolutions n° 12 et 18 votées le 10 juillet 2019,
- de condamner le syndicat des copropriétaires à leur verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- et de mettre les entiers dépens à la charge de l'intimé, outre une indemnité de 8.400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en réplique notifiées le 13 décembre 2023, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice la société AGENCE DU PORT, soutient pour sa part :
- que M. [L] est irrecevable en toutes ses prétentions, en l'absence de tout lien de droit avec la copropriété,
- que l'installation des parlophones ne souffre d'aucun dysfonctionnement généralisé, et que les nuisances subies par le cabinet médical résultent uniquement d'aménagements intérieurs, notamment de la multiplication des postes récepteurs,
- que les demandes d'annulation des résolutions votées le 10 juillet 2019 sont irrecevables pour n'avoir pas été formées par voie d'assignation,
- et que les juges ne peuvent substituer leur appréciation à celle de l'assemblée générale quant à l'opportunité d'effectuer certains travaux ou de modifier les heures de fermeture de l'immeuble au public.
Il forme appel incident et demande à la cour :
- de déclarer irrecevables l'ensemble des demandes formées par M. [L],
- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société FRASAICI tendant à l'annulation de la résolution n° 10 votée le 12 juillet 2018 et au paiement de dommages-intérêts,
- de déclarer irrecevables les demandes d'annulation des résolutions n° 12 et 18 votées le 10 juillet 2019,
- subsidiairement de les rejeter,
- de condamner les appelants à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- et de mettre à leur charge les entiers dépens, outre une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 décembre 2024.
DISCUSSION
Sur les résolutions portant rejet de la demande de remplacement des parlophones :
- Sur la recevabilité des recours :
Il est constant que la SCI FRASAICI, au contraire de son locataire, a qualité et intérêt à agir en sa qualité de copropriétaire opposant au sens de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965.
D'autre part, si le principe d'autonomie de chaque assemblée impose en principe que l'action en nullité soit introduite par voie d'assignation, il est cependant admis que la demande visant une délibération postérieure à l'introduction de l'instance puisse être formée par voie de conclusions additionnelles, à la condition que le délai d'exercice du recours ne soit pas expiré et qu'il existe un lien de dépendance ou de connexité entre les résolutions contestées.
Tel est bien le cas en l'espèce puisque la résolution n° 12 votée le 10 juillet 2019 a le même objet que la résolution n° 10 votée le 12 juillet 2018, et que la demande a été formée par voie de conclusions additionnelles notifiées le 5 octobre 2019, soit dans le délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal de l'assemblée générale, le point de départ de ce délai étant le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, en l'occurrence le 6 août 2019.
- Sur le fond :
Une décision d'assemblée générale peut être annulée pour abus de majorité s'il est établi qu'elle est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires, ou qu'elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires.
En l'espèce, il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale du 27 juillet 2017 que l'ensemble des copropriétaires présents s'était déclaré favorable à la réparation urgente des deux platines interphones équipant les halls A et B de l'immeuble du fait des dysfonctionnements constatés. Contrairement à ce que soutient le syndicat, ceux-ci n'affectaient pas uniquement les locaux appartenant à la SCI FRASAICI, puisque les médecins exerçant au sein d'un autre cabinet s'étaient également plaints du volume 'insupportable' de la sonnerie de l'interphone (courrier de la SCM LE TIGRE en date du 31 mai 2019). En outre, l'entreprise prestataire chargée de l'entretien a indiqué que l'installation actuelle était vétuste et qu'il n'était pas utile d'investir dans des réparations au vu de l'évolution des systèmes actuels (rapport de la société TRAMELEC du 13 septembre 2018).
S'il est exact que les juges ne peuvent substituer leur appréciation à celle de l'assemblée générale quant à l'opportunité d'effectuer certains travaux, il en va autrement lorsque ceux-ci sont nécessaires au bon fonctionnement des équipements communs, dont le syndicat a la charge de l'entretien aux termes de l'article 14 de la loi de 1965. Il convient donc de juger que le refus de procéder au remplacement des platines de parlophones est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires et constitue un abus de majorité. Les résolutions litigieuses doivent être en conséquence annulées.
Sur la demande en dommages-intérêts :
En vertu de l'article 14 précité, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 30 octobre 2019 et applicable au litige, M. [T] [L], tiers par rapport au syndicat des copropriétaires, dispose d'un intérêt à agir pour demander réparation du préjudice que lui cause le défaut d'entretien d'un élément d'équipement commun.
Les perturbations subies dans le cadre de son activité professionnelle sont établies par les attestations de ses employées [G] [X] et [P] [H], et par un rapport du docteur [S] [W], médecin du travail, suivant lequel :'l'intensité de la sonnerie occasionne clairement une nuisance auditive. Au vu de la fréquence des impacts dans la journée, il y a une réelle pénibilité. Cela peut même être dangereux à long terme, avec une perte auditive irréversible'.
Il convient donc de condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la résolution portant rejet de la demande de modification des horaires de fermeture de l'immeuble au public :
La demande d'annulation de cette résolution n'a pas été formée par voie d'assignation et celle-ci ne présente pas un lien de dépendance ou de connexité avec les délibérations initialement attaquées, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal l'a déclarée irrecevable.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'annulation de la résolution n° 18 votée le 10 juillet 2019,
L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :
Annule la résolution n° 10 votée le 12 juillet 2018,
Annule la résolution n° 12 votée le 10 juillet 2019,
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Palais Bel Canto à payer à Monsieur [T] [L] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,
Déboute le syndicat de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,
Condamne l'intimé aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à verser aux appelants une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE