CA Paris, Pôle 5 - ch. 10, 3 mars 2025, n° 22/19046
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 03 MARS 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19046 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVUP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2022 - TJ de Paris - RG n° 21/06180
APPELANTE
S.A.R.L. EURL [W] [Z] PARTICIPATIONS
Agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice,
domiciliés audit siège en cette qualité
[Adresse 2]
[Localité 6]
N° SIRET : 483 .868.543
représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque :L0056, Me Martine BELAIN, avocat au barreau de PARIS, toque :A235, avoca plaidant
INTIME
LE DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES IDF ET [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Véronique JOBIN de l'AARPI JOBIN - GRANGIE - Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R195
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Xavier BLANC, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Monsieur Xavier BLANC, Président
Monsieur Edouard LOOS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Xavier BLANC, et par Sonia JHALLI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. Par un acte du 16 mars 2011, les sociétés DCI Immobilier, [T] [U] Invest et [W] [Z] Participations ont constitué la société en participation Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9], laquelle avait pour objet l'acquisition, la réhabilitation et la revente, dans son intégralité ou par lots, d'un immeuble situé [Adresse 3] et [Adresse 7] [Localité 9].
2. La société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 21 février 2011 au 31 décembre 2012 et étendue jusqu'au 30 juin 2013 en matière de droits de mutation à titre onéreux.
3. A l'issue des opérations de contrôle, par une proposition de rectification du 28 novembre 2014, faisant valoir que l'immeuble visé aux statuts de la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] avait été acquis le 31 mars 2011 pour le compte de cette société par la société DCI Immobilier, que cette acquisition avait été placée sous le régime de faveur prévu à l'article 1115 du code général des impôts et que certains lots de l'immeuble n'avaient pas été revendus à l'expiration du délai de deux ans prévu par cet article, la direction nationale des vérifications de situations fiscales a informé la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] qu'elle envisageait de procéder au rappel des droits de mutation concernant ces lots, pour un montant total de 209 095 euros, assortis d'intérêts de retard pour un montant de 24 661 euros.
4. Par une proposition de rectification du même jour, se prévalant des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a informé la société [W] [Z] Participations qu'elle envisageait de l'imposer sur ces droits de mutation à titre onéreux correspondant à sa quote-part dans la société en participation, soit 50 %.
5. Par un avis du 16 mars 2015, l'administration fiscale a mis en recouvrement contre la société [W] [Z] Participations les sommes de 104 547 euros à titre de droits de mutation et de 12 331 euros à titre d'intérêts de retard, pour un montant total de 116 878 euros.
6. Par une lettre du 30 mai 2017, la société [W] [Z] Participations a contesté être redevable de ces impositions, au motif, d'une part, qu'elle aurait cédé le 8 février 2016 à la société DCI Immobilier sa participation dans la société Immeuble de l'[Adresse 8] [Localité 9] et, d'autre part, que seule la société DCI Immobilier avait acquis le bien en cause et pris l'engagement de revente prévu à l'article 1115 du code général des impôts.
7. L'administration fiscale ayant rejeté cette réclamation par une décision du 25 janvier 2021, la société [W] [Z] Participations l'a assignée devant le tribunal judiciaire de Paris le 26 mars 2021, aux fins, à titre principal, de voir déclarée prescrite l'action en recouvrement des impositions mises à sa charge et, à titre subsidiaire, d'être déchargée de ces impositions.
8. Par un jugement du 7 octobre 2022, le tribunal a statué comme suit :
« DEBOUTE l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [W] [Z] Participations de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [W] [Z] Participations à payer à l'administration fiscale la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [W] [Z] Participations aux dépens. »
9. Par une déclaration du 9 novembre 2022, la société [W] [Z] Participations a fait appel de ce jugement.
10. Aux termes de ses uniques conclusions remises au greffe le 9 février 2023, la société [W] [Z] Participations demande à la cour d'appel de :
« Vu les dispositions du CGI, du LPF et du code civil invoquées aux présentes, les articles 700 du CPC et R* 207-1 du LPF,
Vu la doctrine administrative,
Vu la jurisprudence applicable à la cause,
Vu les pièces versées aux débats,
RECEVANT la société [W] [Z] PARTICIPATIONS en ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
- INFIRMER le jugement déféré à la Cour en ce qu'il a :
« - Débouté l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [W] [Z] PARTICIPATIONS de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [W] [Z] PARTICIPATIONS à payer à l'administration fiscale la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens ».
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- JUGER prescrite et dès lors irrecevable l'action en recouvrement des contributions mises à la charge de la Société [W] [Z] PARTICIPATIONS.
A titre subsidiaire,
- JUGER non fondée la décision en date du 25 janvier 2021 de Monsieur le Responsable du PRS de la DNVSF en ce qu'il a maintenu les impositions contestées à l'encontre de la société [W] [Z] PARTICIPATIONS.
- PRONONCER en conséquence la décharge des impositions mises en recouvrement au titre des droits d'enregistrement, pénalités, intérêts afférents de l'année 2011 ayant pour origine l'avis de mise en recouvrement n° 15 03 00693 du 16 mars 2015, et pour fait générateur l'acquisition réalisée par la société DCI IMMOBILIER le 31 mars 2011.
A titre surabondant,
- JUGER sans objet le recouvrement des impositions dont s'agit.
En tout état de cause,
- DEBOUTER l'Administration Fiscale intimée de toutes demandes, fins et conclusions contraires.
- CONDAMNER l'Administration Fiscale intimée à verser à la Société [W] [Z] PARTICIPATIONS la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens mentionnés à l'article R* 207-1 du LPF, dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H AVOCATS, en la personne de Maître Audrey SCHWAB, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. »
11. Aux termes de ses uniques conclusions remises au greffe le 3 mai 2023, l'administration fiscale demande à la cour d'appel de :
« - CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions ;
- CONDAMNER l'EURL [W] [Z] PARTICIPATIONS à payer au Comptable du PRS DNVSF la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- CONDAMNER l'EURL [W] [Z] PARTICIPATIONS aux entiers de l'instance d'appel ».
12. La clôture a été prononcée par une ordonnance du 4 novembre 2024 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 12 décembre 2024.
13. Par un message du 5 février 2025, les avocats des parties ont été invités à présenter leurs éventuelles observations sur le moyen, susceptible d'être relevé d'office, tiré de ce qu'il résulterait des articles L. 274, L. 281, R* 281-1, R* 281-3-1 et R* 281-4 du livre des procédures fiscales que la prescription d'une action en recouvrement exercée par l'administration fiscale ne peut être invoquée, sur le fondement du premier d'entre eux, qu'au soutien de la contestation d'une mise en demeure de payer adressée au contribuable ou d'un acte d'exécution forcée accompli par l'administration fiscale et qu'une telle contestation ne peut être soumise au juge de l'impôt qu'après avoir fait l'objet d'une décision de rejet, le cas échéant implicite, par l'administration fiscale, de sorte que la société [W] [Z] Participations ne justifiant pas avoir adressé à l'administration fiscale une contestation relative au recouvrement de la créance en litige ni, a fortiori, qu'une telle contestation ait fait l'objet d'une décision de rejet, même implicite, par l'administration fiscale, le moyen, invoqué à titre principal par la société [W] [Z] Participations, tiré de ce que l'action en recouvrement de la créance serait prescrite, serait lui-même irrecevable.
14. Par une note en délibéré remise au greffe le 10 février 2025, l'administration fiscale a fait valoir que les réclamations prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales ne peuvent viser qu'un acte de poursuite et que la société [W] [Z] Participations n'ayant pas mis en 'uvre de réclamation préalable à l'encontre des mises en demeure qui lui ont été notifiées, aux fins de soulever la prescription de l'action en recouvrement, ses prétentions de ce chef ne sont pas recevables.
15. Par une note en délibéré remise au greffe le 19 février 2025, la société [W] [Z] Participations a indiqué s'en rapporter à justice sur le mérite de l'exception de prescription soulevée dans ses conclusions.
16. En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus quant à l'exposé du surplus de leurs prétentions et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription de l'action en recouvrement
17. L'article 274, alinéa 1, du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 et demeurée en vigueur jusqu'au 1er janvier 2022, dispose :
« Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. »
18. L'article L. 281 de ce livre, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, dispose :
« Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites.[...]
Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter :
1° Sur la régularité en la forme de l'acte ;
2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée.
Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés :
a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 ; [...] »
19. Les articles R* 281-1, R* 281-3-1 et R* 281-4 de ce livre, dans leur rédaction issue du décret n° 2018-970 du 8 novembre 2018, disposent :
- article R* 281-1 : « Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne tenue solidairement ou conjointement.
Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, au chef de service compétent suivant :
a) Le directeur départemental ou régional des finances publiques du département dans lequel a été prise la décision d'engager la poursuite ou le responsable du service à compétence nationale si le recouvrement incombe à un comptable de la direction générale des finances publiques [...] ; »
- article R* 281-3-1 : « La demande prévue à l'article R.* 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée dans un délai de deux mois à partir de la notification :
a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ;
b) A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, de tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation au paiement ou sur le montant de la dette ;
c) A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, du premier acte de poursuite permettant de contester l'exigibilité de la somme réclamée. »
- article R* 281-4 : « Le chef de service ou l'ordonnateur mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 281 se prononce dans un délai de deux mois à partir du dépôt de la demande, dont il doit accuser réception. [...]
Si aucune décision n'a été prise dans ce délai ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable ou la personne tenue solidairement ou conjointement doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le juge compétent tel qu'il est défini à l'article L. 281. Il dispose pour cela de deux mois à partir :
a) soit de la notification de la décision du chef de service ou de l'ordonnateur mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 281 ;[...]
La procédure ne peut, à peine d'irrecevabilité, être engagée avant ces dates. »
20. Il résulte de ces textes que la prescription d'une action en recouvrement exercée par l'administration fiscale ne peut être invoquée, sur le fondement du premier d'entre eux, qu'au soutien de la contestation d'une mise en demeure de payer adressée au contribuable ou d'un acte d'exécution forcée accompli par l'administration fiscale et qu'une telle contestation ne peut être soumise au juge de l'impôt qu'après avoir fait l'objet d'une décision de rejet, le cas échéant implicite, par l'administration fiscale.
21. En l'espèce, la société [W] [Z] Participations ne justifiant pas avoir adressé à l'administration fiscale une contestation relative au recouvrement de la créance en litige ni, a fortiori, qu'une telle contestation ait fait l'objet d'une décision de rejet, même implicite, par l'administration fiscale, sa demande principale, tendant à ce que l'action en recouvrement exercée par l'administration fiscale soit jugée prescrite, sera déclarée irrecevable et le jugement, qui a débouté la société [W] [Z] Participations de cette demande, sera infirmé sur ce point.
Sur le bien-fondé des impositions mises en recouvrement
22. L'article 1115 du code général des impôts dispose :
« Sous réserve des dispositions de l'article 1020, les acquisitions d'immeubles, de fonds de commerce ainsi que d'actions ou parts de sociétés immobilières réalisées par des personnes assujetties au sens de l'article 256 A sont exonérées des droits et taxes de mutation quand l'acquéreur prend l'engagement de revendre dans un délai de cinq ans. [...]»
23. L'article 1840 G ter de ce code dispose :
« I. ' Lorsqu'une exonération ou une réduction de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière ou de taxe additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière a été obtenue en contrepartie du respect d'un engagement ou de la production d'une justification, le non-respect de l'engagement ou le défaut de production de la justification entraîne l'obligation de payer les droits dont la mutation a été exonérée. Les droits, majorés de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, doivent être acquittés dans le mois qui suit, selon le cas, la rupture de l'engagement ou l'expiration du délai prévu pour produire la justification requise. [...] »
24. Par ailleurs, les articles 1871, 1871-1, 1872 et 1872-1 du code civil, relatifs aux sociétés en participation, disposent :
- article 1871 :
« Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite alors " société en participation ". Elle n'est pas une personne morale et n'est pas soumise à publicité. Elle peut être prouvée par tous moyens. [...] »
- article 1871-1 :
« A moins qu'une organisation différente n'ait été prévue, les rapports entre associés sont régis, en tant que de raison, soit par les dispositions applicables aux sociétés civiles, si la société a un caractère civil, soit, si elle a un caractère commercial, par celles applicables aux sociétés en nom collectif. »
- article 1872 :
« A l'égard des tiers, chaque associé reste propriétaire des biens qu'il met à la disposition de la société. [...] »
- article 1872-1 :
« Chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers.
Toutefois, si les participants agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers, chacun d'eux est tenu à l'égard de ceux-ci des obligations nées des actes accomplis en cette qualité par l'un des autres, avec solidarité, si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. [...] ».
25. Il résulte du régime juridique des sociétés en participation, défini par ces articles, que les impositions dont une telle société est redevable ne peuvent être mises à la charge que de ses associés connus de l'administration fiscale et que, lorsque des droits de mutation supplémentaires doivent être mis à la charge d'une telle société, l'administration fiscale peut, sans que les stipulations des statuts de la société ne puissent, le cas échéant, lui être utilement opposés, soit établir un avis de mise en recouvrement portant sur la totalité de l'imposition dont la société est redevable en le libellant au nom d'un seul associé connu d'elle, soit établir des avis de mise en recouvrement libellés au nom de chacun des associés connus d'elle, à proportion de ses droits dans la société. Dans les deux cas, l'administration peut, en l'absence de paiement par l'associé au nom duquel l'avis de mise en recouvrement a été libellé, en poursuivre le recouvrement auprès des autres associés connus d'elle, sans préjudice d'éventuelles actions de ceux-ci, devant l'autorité judiciaire, contre leurs associés demeurés ou non inconnus de l'administration.
26. En l'absence de stipulations statutaires contraires, la proportion des droits de chaque associé dans la société est égale à la proportion de leur participation aux bénéfices stipulée aux statuts.
27. En l'espèce, les statuts de la société en participation Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9], constituée le 16 mars 2011 entre les sociétés DCI Immobilier, [T] [U] Invest et [W] [Z] Participations, ont été enregistrés le 18 mars 2011, de sorte que ses associés étaient connus de l'administration fiscale.
28. Ces statuts stipulent que la société a précisément pour objet l'acquisition de l'ensemble immobilier « Immeuble l'[Adresse 8] » situé [Localité 9], la réhabilitation et la mise en valeur des immeubles composant cet ensemble, leur subdivision et leur revente. Ces statuts stipulent en outre que chacun des co-participants s'oblige à verser ses apports en espèces, au fur et à mesure des besoins de la société, au crédit de la société DCI Immobilier et que les bénéfices nets de l'association appartiendront à concurrence de 25 % à chacune des sociétés DCI Immobilier et [T] [U] Invest et à concurrence de 50 % à la société [W] [Z] Participations.
29. Bien que l'acte de vente ne soit versé aux débats par aucune des parties, il est constant que, le 31 mars 2011, la société DCI Immobilier a acquis l'ensemble immobilier désigné par les statuts précités, moyennant le prix de 9 400 000 euros, et que cette acquisition a été placée, aux termes de cet acte de vente, sous le régime de faveur prévu à l'article 1115 du code général des impôts.
30. Comme l'a retenu à juste titre le tribunal, cette acquisition, intervenue dans le mois de la constitution de la société en participation Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] et conformément à ses statuts, est réputée avoir été réalisée pour le compte de cette société et l'engagement de revendre, pris aux termes de l'acte de vente en contrepartie de l'exonération des droits de mutation prévue à l'article 1115 du code général des impôts, lui est opposable.
31. Il importe peu, à cet égard, que l'acte de vente mentionne comme seul acquéreur la société DCI Immobilier et ne précise pas, le cas échéant, que cette acquisition a été réalisée pour le compte de la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9], dans la mesure où les statuts de celle-ci rappellent que « cette société sera[it] sans existence à l'égard des tiers, étant occulte de par sa nature ». Il sera observé, au surplus, que la proposition de rectification, non contestée sur ce point, indique qu'aux termes de l'acte de vente, l'acquéreur déclare, à la suite de son engagement de revendre, qu' « il a effectué sa déclaration d'existence au centre des impôts : [Localité 11] à [Adresse 4] », cependant que les statuts ont été enregistrés au service des impôts des entreprises de cet arrondissement de [Localité 10], cette mention confortant la démonstration de ce que, bien que la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] ait conservé son caractère occulte, l'acte de vente a été conclu pour son compte.
32. En application du principe énoncé au point 25, et dès lors qu'il n'est pas contesté que la totalité des lots composant l'ensemble immobilier n'a pas été revendue dans le délai de deux ans imparti à la société en participation par l'article 1115 du code général des impôts, l'administration fiscale pouvait, à l'issue de la procédure de rectification, établir un avis de recouvrement portant sur les droits de mutation dont la perception avait été différée et devenus exigibles du fait de la déchéance du régime de faveur, au nom de chacun des associés connus d'elle, à proportion de ses droits dans la société.
33. Les statuts stipulant une participation de la société [W] [Z] Participations aux bénéfices de la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] à hauteur de 50 %, ce dont il résulte, en l'absence de stipulations statutaires contraires, que ses droits dans la société s'établissent à cette hauteur, l'administration fiscale était fondée à mettre en recouvrement à l'encontre de la société [W] [Z] Participations cette même proportion des droits de mutation dus par la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9], soit la somme de 116 878 euros.
34. En dépit de la cession à la société DCI Immobilier de sa participation dans la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9], la société [W] [Z] Participation demeure redevable de ce rappel de droits, dès lors que cette cession a été conclue le 8 février 2016, soit postérieurement au fait générateur de l'imposition et, au surplus, postérieurement à l'émission de l'avis de mise en recouvrement.
35. Enfin, le courriel du 9 novembre 2022 émanant d'un représentant de la société DCI Immobilier, alors en redressement judiciaire, selon lequel « les droits », sans plus de précision, auraient été réglés, ne saurait suffire à établir que les droits de mutation dus par la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] auraient été payés, ne serait-ce que partiellement. Et, conformément à ce qui a été énoncé au point 25, dans la mesure où elle ne poursuit, à l'encontre de la société [W] [Z] Participations, que le recouvrement de la part de ces droits correspondant à sa participation dans la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9], l'administration fiscale n'a pas à justifier de poursuites qu'elle aurait exercées contre les autres associés de celle-ci.
36. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'administration fiscale était fondée à rejeter la réclamation formée le 30 mai 2017 par la société [W] [Z] Participations. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute cette société de ses demandes tendant à la décharge des impositions mises en recouvrement à son encontre le 16 mars 2015.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
37. Les articles 696 et 700 du code de procédure civile disposent :
- article 696 :
« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. [...] »
- article 700 :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...] »
38. En application du premier de ces textes, compte tenu du sens de la présente décision, le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne la société [W] [Z] Participations aux dépens de la procédure de première instance et elle sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
39. En application du second, le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute la société [W] [Z] Participations de sa demande de remboursement des frais exposés dans le cadre de la procédure de première instance et non compris dans les dépens et en ce qu'il la condamne à payer à l'administration fiscale la somme de 2 000 euros à ce titre. La société [W] [Z] Participations sera en outre déboutée de sa demande de remboursement de tels frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel et elle sera condamnée, à ce titre, à payer à l'Etat la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
la cour,
Infirme le jugement en ce qu'il déboute la société [W] [Z] Participations de sa demande tendant à ce que l'action en recouvrement exercée par l'administration fiscale soit déclarée prescrite ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Déclare irrecevable la demande de la société [W] [Z] Participations de sa demande tendant à ce que l'action en recouvrement exercée par l'administration fiscale soit déclarée prescrite ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne la société [W] [Z] Participations aux dépens de la procédure d'appel ;
Déboute la société [W] [Z] Participations de sa demande de remboursement des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel et non compris dans les dépens et la condamne, à ce titre, à payer à l'Etat la somme de 3 000 euros ;
Rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
S.JHALLI C.SIMON-ROSSENTHAL
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 03 MARS 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19046 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVUP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2022 - TJ de Paris - RG n° 21/06180
APPELANTE
S.A.R.L. EURL [W] [Z] PARTICIPATIONS
Agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice,
domiciliés audit siège en cette qualité
[Adresse 2]
[Localité 6]
N° SIRET : 483 .868.543
représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque :L0056, Me Martine BELAIN, avocat au barreau de PARIS, toque :A235, avoca plaidant
INTIME
LE DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES IDF ET [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Véronique JOBIN de l'AARPI JOBIN - GRANGIE - Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R195
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Xavier BLANC, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Monsieur Xavier BLANC, Président
Monsieur Edouard LOOS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Xavier BLANC, et par Sonia JHALLI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. Par un acte du 16 mars 2011, les sociétés DCI Immobilier, [T] [U] Invest et [W] [Z] Participations ont constitué la société en participation Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9], laquelle avait pour objet l'acquisition, la réhabilitation et la revente, dans son intégralité ou par lots, d'un immeuble situé [Adresse 3] et [Adresse 7] [Localité 9].
2. La société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 21 février 2011 au 31 décembre 2012 et étendue jusqu'au 30 juin 2013 en matière de droits de mutation à titre onéreux.
3. A l'issue des opérations de contrôle, par une proposition de rectification du 28 novembre 2014, faisant valoir que l'immeuble visé aux statuts de la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] avait été acquis le 31 mars 2011 pour le compte de cette société par la société DCI Immobilier, que cette acquisition avait été placée sous le régime de faveur prévu à l'article 1115 du code général des impôts et que certains lots de l'immeuble n'avaient pas été revendus à l'expiration du délai de deux ans prévu par cet article, la direction nationale des vérifications de situations fiscales a informé la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] qu'elle envisageait de procéder au rappel des droits de mutation concernant ces lots, pour un montant total de 209 095 euros, assortis d'intérêts de retard pour un montant de 24 661 euros.
4. Par une proposition de rectification du même jour, se prévalant des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a informé la société [W] [Z] Participations qu'elle envisageait de l'imposer sur ces droits de mutation à titre onéreux correspondant à sa quote-part dans la société en participation, soit 50 %.
5. Par un avis du 16 mars 2015, l'administration fiscale a mis en recouvrement contre la société [W] [Z] Participations les sommes de 104 547 euros à titre de droits de mutation et de 12 331 euros à titre d'intérêts de retard, pour un montant total de 116 878 euros.
6. Par une lettre du 30 mai 2017, la société [W] [Z] Participations a contesté être redevable de ces impositions, au motif, d'une part, qu'elle aurait cédé le 8 février 2016 à la société DCI Immobilier sa participation dans la société Immeuble de l'[Adresse 8] [Localité 9] et, d'autre part, que seule la société DCI Immobilier avait acquis le bien en cause et pris l'engagement de revente prévu à l'article 1115 du code général des impôts.
7. L'administration fiscale ayant rejeté cette réclamation par une décision du 25 janvier 2021, la société [W] [Z] Participations l'a assignée devant le tribunal judiciaire de Paris le 26 mars 2021, aux fins, à titre principal, de voir déclarée prescrite l'action en recouvrement des impositions mises à sa charge et, à titre subsidiaire, d'être déchargée de ces impositions.
8. Par un jugement du 7 octobre 2022, le tribunal a statué comme suit :
« DEBOUTE l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [W] [Z] Participations de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [W] [Z] Participations à payer à l'administration fiscale la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [W] [Z] Participations aux dépens. »
9. Par une déclaration du 9 novembre 2022, la société [W] [Z] Participations a fait appel de ce jugement.
10. Aux termes de ses uniques conclusions remises au greffe le 9 février 2023, la société [W] [Z] Participations demande à la cour d'appel de :
« Vu les dispositions du CGI, du LPF et du code civil invoquées aux présentes, les articles 700 du CPC et R* 207-1 du LPF,
Vu la doctrine administrative,
Vu la jurisprudence applicable à la cause,
Vu les pièces versées aux débats,
RECEVANT la société [W] [Z] PARTICIPATIONS en ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
- INFIRMER le jugement déféré à la Cour en ce qu'il a :
« - Débouté l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [W] [Z] PARTICIPATIONS de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [W] [Z] PARTICIPATIONS à payer à l'administration fiscale la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens ».
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- JUGER prescrite et dès lors irrecevable l'action en recouvrement des contributions mises à la charge de la Société [W] [Z] PARTICIPATIONS.
A titre subsidiaire,
- JUGER non fondée la décision en date du 25 janvier 2021 de Monsieur le Responsable du PRS de la DNVSF en ce qu'il a maintenu les impositions contestées à l'encontre de la société [W] [Z] PARTICIPATIONS.
- PRONONCER en conséquence la décharge des impositions mises en recouvrement au titre des droits d'enregistrement, pénalités, intérêts afférents de l'année 2011 ayant pour origine l'avis de mise en recouvrement n° 15 03 00693 du 16 mars 2015, et pour fait générateur l'acquisition réalisée par la société DCI IMMOBILIER le 31 mars 2011.
A titre surabondant,
- JUGER sans objet le recouvrement des impositions dont s'agit.
En tout état de cause,
- DEBOUTER l'Administration Fiscale intimée de toutes demandes, fins et conclusions contraires.
- CONDAMNER l'Administration Fiscale intimée à verser à la Société [W] [Z] PARTICIPATIONS la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens mentionnés à l'article R* 207-1 du LPF, dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H AVOCATS, en la personne de Maître Audrey SCHWAB, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. »
11. Aux termes de ses uniques conclusions remises au greffe le 3 mai 2023, l'administration fiscale demande à la cour d'appel de :
« - CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions ;
- CONDAMNER l'EURL [W] [Z] PARTICIPATIONS à payer au Comptable du PRS DNVSF la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- CONDAMNER l'EURL [W] [Z] PARTICIPATIONS aux entiers de l'instance d'appel ».
12. La clôture a été prononcée par une ordonnance du 4 novembre 2024 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 12 décembre 2024.
13. Par un message du 5 février 2025, les avocats des parties ont été invités à présenter leurs éventuelles observations sur le moyen, susceptible d'être relevé d'office, tiré de ce qu'il résulterait des articles L. 274, L. 281, R* 281-1, R* 281-3-1 et R* 281-4 du livre des procédures fiscales que la prescription d'une action en recouvrement exercée par l'administration fiscale ne peut être invoquée, sur le fondement du premier d'entre eux, qu'au soutien de la contestation d'une mise en demeure de payer adressée au contribuable ou d'un acte d'exécution forcée accompli par l'administration fiscale et qu'une telle contestation ne peut être soumise au juge de l'impôt qu'après avoir fait l'objet d'une décision de rejet, le cas échéant implicite, par l'administration fiscale, de sorte que la société [W] [Z] Participations ne justifiant pas avoir adressé à l'administration fiscale une contestation relative au recouvrement de la créance en litige ni, a fortiori, qu'une telle contestation ait fait l'objet d'une décision de rejet, même implicite, par l'administration fiscale, le moyen, invoqué à titre principal par la société [W] [Z] Participations, tiré de ce que l'action en recouvrement de la créance serait prescrite, serait lui-même irrecevable.
14. Par une note en délibéré remise au greffe le 10 février 2025, l'administration fiscale a fait valoir que les réclamations prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales ne peuvent viser qu'un acte de poursuite et que la société [W] [Z] Participations n'ayant pas mis en 'uvre de réclamation préalable à l'encontre des mises en demeure qui lui ont été notifiées, aux fins de soulever la prescription de l'action en recouvrement, ses prétentions de ce chef ne sont pas recevables.
15. Par une note en délibéré remise au greffe le 19 février 2025, la société [W] [Z] Participations a indiqué s'en rapporter à justice sur le mérite de l'exception de prescription soulevée dans ses conclusions.
16. En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus quant à l'exposé du surplus de leurs prétentions et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription de l'action en recouvrement
17. L'article 274, alinéa 1, du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 et demeurée en vigueur jusqu'au 1er janvier 2022, dispose :
« Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. »
18. L'article L. 281 de ce livre, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, dispose :
« Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites.[...]
Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter :
1° Sur la régularité en la forme de l'acte ;
2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée.
Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés :
a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 ; [...] »
19. Les articles R* 281-1, R* 281-3-1 et R* 281-4 de ce livre, dans leur rédaction issue du décret n° 2018-970 du 8 novembre 2018, disposent :
- article R* 281-1 : « Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne tenue solidairement ou conjointement.
Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, au chef de service compétent suivant :
a) Le directeur départemental ou régional des finances publiques du département dans lequel a été prise la décision d'engager la poursuite ou le responsable du service à compétence nationale si le recouvrement incombe à un comptable de la direction générale des finances publiques [...] ; »
- article R* 281-3-1 : « La demande prévue à l'article R.* 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée dans un délai de deux mois à partir de la notification :
a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ;
b) A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, de tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation au paiement ou sur le montant de la dette ;
c) A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, du premier acte de poursuite permettant de contester l'exigibilité de la somme réclamée. »
- article R* 281-4 : « Le chef de service ou l'ordonnateur mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 281 se prononce dans un délai de deux mois à partir du dépôt de la demande, dont il doit accuser réception. [...]
Si aucune décision n'a été prise dans ce délai ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable ou la personne tenue solidairement ou conjointement doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le juge compétent tel qu'il est défini à l'article L. 281. Il dispose pour cela de deux mois à partir :
a) soit de la notification de la décision du chef de service ou de l'ordonnateur mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 281 ;[...]
La procédure ne peut, à peine d'irrecevabilité, être engagée avant ces dates. »
20. Il résulte de ces textes que la prescription d'une action en recouvrement exercée par l'administration fiscale ne peut être invoquée, sur le fondement du premier d'entre eux, qu'au soutien de la contestation d'une mise en demeure de payer adressée au contribuable ou d'un acte d'exécution forcée accompli par l'administration fiscale et qu'une telle contestation ne peut être soumise au juge de l'impôt qu'après avoir fait l'objet d'une décision de rejet, le cas échéant implicite, par l'administration fiscale.
21. En l'espèce, la société [W] [Z] Participations ne justifiant pas avoir adressé à l'administration fiscale une contestation relative au recouvrement de la créance en litige ni, a fortiori, qu'une telle contestation ait fait l'objet d'une décision de rejet, même implicite, par l'administration fiscale, sa demande principale, tendant à ce que l'action en recouvrement exercée par l'administration fiscale soit jugée prescrite, sera déclarée irrecevable et le jugement, qui a débouté la société [W] [Z] Participations de cette demande, sera infirmé sur ce point.
Sur le bien-fondé des impositions mises en recouvrement
22. L'article 1115 du code général des impôts dispose :
« Sous réserve des dispositions de l'article 1020, les acquisitions d'immeubles, de fonds de commerce ainsi que d'actions ou parts de sociétés immobilières réalisées par des personnes assujetties au sens de l'article 256 A sont exonérées des droits et taxes de mutation quand l'acquéreur prend l'engagement de revendre dans un délai de cinq ans. [...]»
23. L'article 1840 G ter de ce code dispose :
« I. ' Lorsqu'une exonération ou une réduction de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière ou de taxe additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière a été obtenue en contrepartie du respect d'un engagement ou de la production d'une justification, le non-respect de l'engagement ou le défaut de production de la justification entraîne l'obligation de payer les droits dont la mutation a été exonérée. Les droits, majorés de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, doivent être acquittés dans le mois qui suit, selon le cas, la rupture de l'engagement ou l'expiration du délai prévu pour produire la justification requise. [...] »
24. Par ailleurs, les articles 1871, 1871-1, 1872 et 1872-1 du code civil, relatifs aux sociétés en participation, disposent :
- article 1871 :
« Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite alors " société en participation ". Elle n'est pas une personne morale et n'est pas soumise à publicité. Elle peut être prouvée par tous moyens. [...] »
- article 1871-1 :
« A moins qu'une organisation différente n'ait été prévue, les rapports entre associés sont régis, en tant que de raison, soit par les dispositions applicables aux sociétés civiles, si la société a un caractère civil, soit, si elle a un caractère commercial, par celles applicables aux sociétés en nom collectif. »
- article 1872 :
« A l'égard des tiers, chaque associé reste propriétaire des biens qu'il met à la disposition de la société. [...] »
- article 1872-1 :
« Chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers.
Toutefois, si les participants agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers, chacun d'eux est tenu à l'égard de ceux-ci des obligations nées des actes accomplis en cette qualité par l'un des autres, avec solidarité, si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. [...] ».
25. Il résulte du régime juridique des sociétés en participation, défini par ces articles, que les impositions dont une telle société est redevable ne peuvent être mises à la charge que de ses associés connus de l'administration fiscale et que, lorsque des droits de mutation supplémentaires doivent être mis à la charge d'une telle société, l'administration fiscale peut, sans que les stipulations des statuts de la société ne puissent, le cas échéant, lui être utilement opposés, soit établir un avis de mise en recouvrement portant sur la totalité de l'imposition dont la société est redevable en le libellant au nom d'un seul associé connu d'elle, soit établir des avis de mise en recouvrement libellés au nom de chacun des associés connus d'elle, à proportion de ses droits dans la société. Dans les deux cas, l'administration peut, en l'absence de paiement par l'associé au nom duquel l'avis de mise en recouvrement a été libellé, en poursuivre le recouvrement auprès des autres associés connus d'elle, sans préjudice d'éventuelles actions de ceux-ci, devant l'autorité judiciaire, contre leurs associés demeurés ou non inconnus de l'administration.
26. En l'absence de stipulations statutaires contraires, la proportion des droits de chaque associé dans la société est égale à la proportion de leur participation aux bénéfices stipulée aux statuts.
27. En l'espèce, les statuts de la société en participation Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9], constituée le 16 mars 2011 entre les sociétés DCI Immobilier, [T] [U] Invest et [W] [Z] Participations, ont été enregistrés le 18 mars 2011, de sorte que ses associés étaient connus de l'administration fiscale.
28. Ces statuts stipulent que la société a précisément pour objet l'acquisition de l'ensemble immobilier « Immeuble l'[Adresse 8] » situé [Localité 9], la réhabilitation et la mise en valeur des immeubles composant cet ensemble, leur subdivision et leur revente. Ces statuts stipulent en outre que chacun des co-participants s'oblige à verser ses apports en espèces, au fur et à mesure des besoins de la société, au crédit de la société DCI Immobilier et que les bénéfices nets de l'association appartiendront à concurrence de 25 % à chacune des sociétés DCI Immobilier et [T] [U] Invest et à concurrence de 50 % à la société [W] [Z] Participations.
29. Bien que l'acte de vente ne soit versé aux débats par aucune des parties, il est constant que, le 31 mars 2011, la société DCI Immobilier a acquis l'ensemble immobilier désigné par les statuts précités, moyennant le prix de 9 400 000 euros, et que cette acquisition a été placée, aux termes de cet acte de vente, sous le régime de faveur prévu à l'article 1115 du code général des impôts.
30. Comme l'a retenu à juste titre le tribunal, cette acquisition, intervenue dans le mois de la constitution de la société en participation Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] et conformément à ses statuts, est réputée avoir été réalisée pour le compte de cette société et l'engagement de revendre, pris aux termes de l'acte de vente en contrepartie de l'exonération des droits de mutation prévue à l'article 1115 du code général des impôts, lui est opposable.
31. Il importe peu, à cet égard, que l'acte de vente mentionne comme seul acquéreur la société DCI Immobilier et ne précise pas, le cas échéant, que cette acquisition a été réalisée pour le compte de la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9], dans la mesure où les statuts de celle-ci rappellent que « cette société sera[it] sans existence à l'égard des tiers, étant occulte de par sa nature ». Il sera observé, au surplus, que la proposition de rectification, non contestée sur ce point, indique qu'aux termes de l'acte de vente, l'acquéreur déclare, à la suite de son engagement de revendre, qu' « il a effectué sa déclaration d'existence au centre des impôts : [Localité 11] à [Adresse 4] », cependant que les statuts ont été enregistrés au service des impôts des entreprises de cet arrondissement de [Localité 10], cette mention confortant la démonstration de ce que, bien que la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] ait conservé son caractère occulte, l'acte de vente a été conclu pour son compte.
32. En application du principe énoncé au point 25, et dès lors qu'il n'est pas contesté que la totalité des lots composant l'ensemble immobilier n'a pas été revendue dans le délai de deux ans imparti à la société en participation par l'article 1115 du code général des impôts, l'administration fiscale pouvait, à l'issue de la procédure de rectification, établir un avis de recouvrement portant sur les droits de mutation dont la perception avait été différée et devenus exigibles du fait de la déchéance du régime de faveur, au nom de chacun des associés connus d'elle, à proportion de ses droits dans la société.
33. Les statuts stipulant une participation de la société [W] [Z] Participations aux bénéfices de la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] à hauteur de 50 %, ce dont il résulte, en l'absence de stipulations statutaires contraires, que ses droits dans la société s'établissent à cette hauteur, l'administration fiscale était fondée à mettre en recouvrement à l'encontre de la société [W] [Z] Participations cette même proportion des droits de mutation dus par la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9], soit la somme de 116 878 euros.
34. En dépit de la cession à la société DCI Immobilier de sa participation dans la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9], la société [W] [Z] Participation demeure redevable de ce rappel de droits, dès lors que cette cession a été conclue le 8 février 2016, soit postérieurement au fait générateur de l'imposition et, au surplus, postérieurement à l'émission de l'avis de mise en recouvrement.
35. Enfin, le courriel du 9 novembre 2022 émanant d'un représentant de la société DCI Immobilier, alors en redressement judiciaire, selon lequel « les droits », sans plus de précision, auraient été réglés, ne saurait suffire à établir que les droits de mutation dus par la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9] auraient été payés, ne serait-ce que partiellement. Et, conformément à ce qui a été énoncé au point 25, dans la mesure où elle ne poursuit, à l'encontre de la société [W] [Z] Participations, que le recouvrement de la part de ces droits correspondant à sa participation dans la société Immeuble l'[Adresse 8] [Localité 9], l'administration fiscale n'a pas à justifier de poursuites qu'elle aurait exercées contre les autres associés de celle-ci.
36. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'administration fiscale était fondée à rejeter la réclamation formée le 30 mai 2017 par la société [W] [Z] Participations. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute cette société de ses demandes tendant à la décharge des impositions mises en recouvrement à son encontre le 16 mars 2015.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
37. Les articles 696 et 700 du code de procédure civile disposent :
- article 696 :
« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. [...] »
- article 700 :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...] »
38. En application du premier de ces textes, compte tenu du sens de la présente décision, le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne la société [W] [Z] Participations aux dépens de la procédure de première instance et elle sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
39. En application du second, le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute la société [W] [Z] Participations de sa demande de remboursement des frais exposés dans le cadre de la procédure de première instance et non compris dans les dépens et en ce qu'il la condamne à payer à l'administration fiscale la somme de 2 000 euros à ce titre. La société [W] [Z] Participations sera en outre déboutée de sa demande de remboursement de tels frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel et elle sera condamnée, à ce titre, à payer à l'Etat la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
la cour,
Infirme le jugement en ce qu'il déboute la société [W] [Z] Participations de sa demande tendant à ce que l'action en recouvrement exercée par l'administration fiscale soit déclarée prescrite ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Déclare irrecevable la demande de la société [W] [Z] Participations de sa demande tendant à ce que l'action en recouvrement exercée par l'administration fiscale soit déclarée prescrite ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne la société [W] [Z] Participations aux dépens de la procédure d'appel ;
Déboute la société [W] [Z] Participations de sa demande de remboursement des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel et non compris dans les dépens et la condamne, à ce titre, à payer à l'Etat la somme de 3 000 euros ;
Rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
S.JHALLI C.SIMON-ROSSENTHAL