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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 5 mars 2025, n° 21/02065

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/02065

5 mars 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 05 MARS 2025

N° 2025/106

Rôle N° RG 21/02065 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG52U

[D] [Y]

[X] [R] épouse [Y]

C/

[W] [C]

[S] [A] épouse [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alain TUILLIER

Me Layla TEBIEL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 08 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00317.

APPELANTS

Monsieur [D], [H] [Y]

Né le 09 Août 1938 à [Localité 5] (84)

Demeurant [Adresse 1] - [Localité 4]

Madame [X] [R] épouse [Y]

Née le 13 Janvier 1943 à [Localité 7] (38)

Demeurant [Adresse 1] - [Localité 4]

tous deux représentés par Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me David GERBAUD-EYRAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Florence ROCHELEMAGNE, avocate au barreau d'AVIGNON, avocat plaidant

INTIMES

Monsieur [W] [C]

Né le 18 Mars 1964 à [Localité 8] (08)

Demeurant [Adresse 2] - [Localité 3]

Madame [S] [A] épouse [C]

Née le 27 Mars 1970 à [Localité 9] (51)

Demeurant [Adresse 2] - [Localité 3]

tous deux représentés par Me Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Isabelle SILVANO, avocate au barreau de GRASSE, avocat plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anastasia LAPIERRE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Janvier 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2025,

Signé par Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre et Mme Anastasia LAPIERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

Le 2 février 2017, M. [H] [Y] et Mme [X] [R] épouse [Y] (les époux [Y]), alors âgés de 74 et 79 ans, ont conclu avec M. [W] [C] et Mme [S] [A] épouse [C] (les époux [C]) un compromis de vente portant sur le bien immobilier de ces derniers, situé à [Localité 6], sous condition suspensive d'obtention d'un prêt d'un montant maximum de 140 000 euros, à rembourser sur dix ans, au taux nominal d'intérêt maximum de 2 % l'an, hors assurance.

Les époux [Y] ont versé une somme de 14 000 euros entre les mains de Me [P], notaire, pris en qualité de séquestre, au titre du dépôt de garantie.

Le compromis stipulait une clause pénale d'un montant de 28 000 euros.

Des discussions ont eu lieu entre les parties après la signature du compromis au sujet du réseau d'assainissement, le bien étant raccordé à un réseau non collectif jugé conforme en 2006, pour lequel les vendeurs ne produisaient pas d'avis de conformité plus récent.

Le 29 septembre 2017, les époux [Y] ont, par l'intermédiaire de leur notaire, Me [K], informé les époux [C] qu'ils ne souhaitaient plus acheter et sollicité la restitution de la somme versée à titre de dépôt de garantie.

En 2018, de nouvelles discussions ont eu lieu entre les parties après que les époux [C] ont produit un diagnostic du SPANC déclarant le système d'assainissement conforme.

Par courrier électronique du 1er mars 2018, Mme [Y] a fait savoir aux époux [C] qu'ils acceptaient de donner suite à l'achat du bien, avant de refuser de réitérer la vente par acte authentique.

Par acte du 2 janvier 2019, les époux [C] ont assigné les époux [Y] devant le tribunal de grande instance de Draguignan afin qu'ils soient condamnés à leur payer la somme de 28 000 euros, stipulée à titre de clause pénale dans le compromis de vente.

Par jugement du 8 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

- condamné solidairement les époux [Y] à payer aux époux [C] la somme de 28 000 euros, dont 14 000 euros versés entre les mains du notaire, Me [P], augmentée des intérêts de droit à compter de la remise de l'assignation, soit le 2 janvier 2019 ;

- ordonné en conséquence que le montant du dépôt de garantie de 14 000 euros, versé entre les mains de Me [P], soit remis sans délai aux époux [C] ;

- débouté les époux [Y] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné solidairement les époux [Y] à verser aux époux [C] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, il a considéré que la non-réalisation de la vente résulte d'une défaillance fautive des époux [Y], qui ont refusé de signer l'acte de vente alors que les pourparlers étaient toujours actifs après leur renonciation à se prévaloir des griefs invoqués auparavant par mail du 1er mars 2018 et production d'un accord de prêt bancaire du 29 mars 2018, conforme aux conditions fixées par la condition suspensive.

Le tribunal ajoute que si l'empiétement du fonds voisin aurait pu justifier un refus de parfaire la vente, en l'espèce, les pièces produites ne permettent ni d'établir la date de saisine du géomètre-expert par la propriétaire voisine, ni de distinguer la propriété qui empiète sur l'autre, ni d'imputer aux époux [C] la responsabilité de la mauvaise implantation de la clôture.

Il a également considéré, s'agissant des anomalies affectant l'installation d'électricité, que les vendeurs n'avaient pas, aux termes du compromis, l'obligation de réaliser des travaux et, s'agissant de l'assainissement, qu'ils justifient de sa conformité aux normes.

Par acte du 11 février 2021, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, les époux [Y] ont relevé appel de cette décision en visant tous les chefs de son dispositif.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 décembre 2024.

Prétentions des parties

Dans leurs dernières conclusions, régulièrement notifiées le 15 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, les époux [Y] demandent à la cour de :

' infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau,

A titre principal,

' prononcer la caducité du compromis de vente du 2 février 2017 pour défaut de réalisation des conditions suspensives ;

' ordonner la restitution des sommes perçues du chef de l'exécution provisoire intérêts et frais compris ;

' condamner in solidum les époux [C] à leur payer la somme de 400euros en restitution des frais de dossier et la somme de 28 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la clause pénale ;

A titre subsidiaire,

' annuler le compromis de vente du 2 février 2017 pour dol ;

' ordonner la restitution des sommes perçues du chef de l'exécution provisoire intérêts et frais compris ;

' condamner in solidum les époux [C] à leur payer la somme de 400 euros en restitution des frais de dossier et la somme de 28 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

A titre infiniment subsidiaire,

' diminuer le montant de la clause pénale de 28 000 euros à l'euro symbolique ;

' ordonner la restitution des sommes perçues du chef de l'exécution provisoire intérêts et frais compris ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum les époux [C] à leur payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans leurs dernières conclusions d'intimés, régulièrement notifiées le 23 juillet 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour l'exposé des moyens, les époux [C] demandent à la cour de :

' confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

' condamner les époux [Y] à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens avec distraction.

Motifs de la décision

1/ Sur la caducité du compromis de vente

1.1 Moyens des parties

Les époux [Y] font valoir que le compromis de vente a été conclu sous des conditions suspensives et des réserves qui n'ont jamais été levées, notamment un empiétement sur le fonds voisin qui ressort d'un procès-verbal de bornage du 17 décembre 2018, en contradiction avec la déclaration attestant de l'absence d'empiétement, des anomalies sur l'installation intérieure d'électricité qui consacrent un danger rendant nécessaire la réalisation par les vendeurs de travaux, et la non conformité de l'installation d'assainissement, qui résulte d'un rapport du service public de l'assainissement non collectif (SPANC), datant d'avant la signature du compromis le 12 janvier 2017 et qu'ils n'ont jamais renoncé à ces conditions et réserves.

Les époux [C] soutiennent que les conditions suspensives stipulées au compromis se sont réalisées ; qu'il n'existe aucune autre condition ou réserve afférentes aux griefs émis par les époux [Y], qu'il s'agisse du réseau d'assainissement, de l'installation intérieure électrique, ou de l'empiétement et qu'en tout état de cause, ces griefs ne sont pas fondés puisque l'installation d'assainissement est conforme, que l'installation intérieure électrique a fait l'objet des diagnostics légalement requis et que l'empiétement sur le fonds voisin n'est démontré par aucune pièce probante, puisque le géomètre chargé d'établir les limites des parcelles a consacré les limites existantes.

2.2 Réponse de la cour

En application de l'article 1304-6 alinéa 3 du code civil, en cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé.

Selon l'article 1304-4 du même code, une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie ou n'a pas défailli.

Il en résulte que lorsqu'une obligation a été stipulée dans l'intérêt exclusif de l'une des parties à un compromis de vente, celle-ci peut se prévaloir de sa non-réalisation ou y renoncer avant le terme prévu pour son accomplissement.

Cependant, cette partie peut également renoncer à se prévaloir des conséquences juridiques du dépassement des délais stipulés au contrat pour l'obtention du prêt en confirmant sa volonté d'exécuter le contrat nonobstant sa caducité.

En l'espèce, les parties ont conclu le 2 février 2017 un compromis de vente portant sur l'immeuble appartenant aux époux [C].

Ce compromis a été conclu sous les conditions suspensives de droit commun, à savoir que les titres de propriété antérieurs, les pièces d'urbanisme ou autres ne révèlent pas de servitudes, de charges ni de vices non révélés aux présentes et pouvant grever l'immeuble et en diminuer sensiblement la valeur ou le rendre impropre à la destination que l'acquéreur déclare être à usage d'habitation. Les parties y ont ajouté une condition d'obtention par les acquéreurs d'un prêt bancaire d'un montant maximum de 140 000 euros, à rembourser sur dix ans, au taux nominal d'intérêt maximum de 2 % l'an, hors assurance. L'acte précise que la condition suspensive sera considérée comme réalisée par la remise par la banque à l'acquéreur d'une offre écrite au plus tard dans les soixante jours de la signature du compromis.

Page 7 du compromis, figure une clause selon laquelle 'la non réalisation d'une seule de ces conditions ou réserves entraînera la caducité des présentes, sauf si l'acquéreur renonce à se prévaloir de celles stipulées dans son seul intérêt ; cette renonciation devra intervenir par courrier recommandé adressé au notaire dans le délai prévu pour la réalisation de la condition dont il s'agit'.

Page 8 de ce même compromis, le vendeur déclare qu'il n'y a eu aucun empiétement sur le fonds voisin et page 12 que le bien comporte une installation électrique intérieure de plus de quinze ans, dont il fait établir par la SARL l'expert immobilier un état révélant qu'elle comporte plusieurs anomalies concernant la prise de terre, l'installation de mise à la terre, et la liaison équipotentielle dans les pièces contenant une baignoire ou une douche.

Page 14 de l'acte, le vendeur déclare que l'immeuble n'est pas desservi par l'assainissement communal et qu'il utilise un assainissement individuel de type fosse septique avec laquelle il ne rencontre aucune difficulté particulière. L'acte rappelle ensuite que lorsque l'immeuble est situé dans une zone où il n'existe pas de réseau d'assainissement collectif, il doit être doté d'une installation d'assainissement non collectif dont le propriétaire fait assurer l'entretien et la vidange par une personne agréée par le représentant de l'Etat dans le département afin d'en garantir le bon fonctionnement, ainsi que les dispositions de l'article L 271-4 du code de la construction et de l'habitation selon lesquelles en cas de non-conformité de l'installation d'assainissement non collectif lors de la signature de l'acte authentique de vente, l'acquéreur doit faire procéder aux travaux de mise en conformité dans le délai d'un an après l'acte de vente.

Le compromis précise par ailleurs que l'installation d'assainissement a fait l'objet d'un contrôle par le service public de l'assainissement non collectif (SPANC) le 7 juillet 2006, dont le rapport est joint, qui établit la conformité de l'installation

Les parties ont fixé la date à laquelle la condition suspensive afférente au financement bancaire devrait, sous peine de caducité du compromis, être réalisée au plus tard le 3 avril 2017.

Or, à cette date, la banque n'avait pas remis à l'acquéreur une offre écrite de financement conforme aux conditions stipulées dans le compromis.

Le courrier du Crédit agricole donnant son accord au financement de l'acquisition à hauteur de 140 000 euros, remboursable sur 108 mois au taux fixe de 1,40 % est daté du 29 mars 2018. Il est donc intervenu après l'expiration du délai.

Cependant, par un courriel du 1er mars 2018, Mme [Y] a informé M. [C] qu'elle et son époux entendaient donner suite à l'achat de la maison et qu'elle reprenait attache avec son conseiller financier pour le crédit.

Il résulte de ce courriel que les époux [Y], alors qu'ils savaient le compromis caduc, ont entendu renoncer aux effets de la défaillance de la condition suspensive.

Les époux [C] ont répondu à ce courrier le 3 mars 2018 en confirmant leur volonté de finaliser la vente.

Dans ce contexte, l'offre écrite de l'établissement bancaire en date du 29 mars 2018 vaut offre de crédit conforme au compromis de vente initial.

En conséquence, les époux [C] ayant eux-mêmes entendu poursuivre l'exécution du contrat, les époux [Y] ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence d'obtention d'un financement avant la date fixée par le compromis pour conclure à la caducité du compromis de vente alors qu'ils ont expressément renoncé, par le courriel précité, à cette caducité en exprimant leur volonté de 'donner suite' à l'achat, c'est à dire de faire revivre le compromis signé le 2 févier 2017.

Les installations d'électricité intérieure et d'assainissement n'ont fait l'objet d'aucune condition suspensive ou réserve dans le compromis de vente.

Quant à l'absence d'empiétement, qui relève de la condition suspensive de droit commun, les époux [Y] ne démontrent pas que la propriété des époux [C] empiétait sur le fonds voisin.

En effet, le procès verbal intitulé 'rétablissement des limites', concernant la propriété de Mme [N], mitoyenne de celle des époux [C], établi par un géomètre expert, fait ressortir que 'les repères sont conformes à la définition de la limite de propriété d'origine'. Si l'architecte précise ensuite, au titre d'observations complémentaires, que 'la présente opération semble mettre en évidence que la clôture et les murs de clôture entre les propriétés [N] et [C] sont mal implantées', cette remarque contredit ce qu'il conclut précédemment et en tout état de cause, sa formulation hypothétique ne permet pas de retenir l'existence d'un quelconque empiétement.

Il résulte de tout ce qui précède que le compromis de vente n'est pas caduc et que l'obligation des époux [Y] ne saurait être réputée n'avoir jamais existé.

2/ Sur la demande d'annulation du compromis pour vice du consentement

2.1 Moyens des parties

Les époux [Y] font valoir que leur consentement a été vicié au motif que les vendeurs ont usé de manoeuvres frauduleuses et intentionnelles destinées à dissimuler un empiétement sur le fonds voisin, la dangerosité des installations électriques et la non-conformité du réseau d'assainissement, alors qu'il s'agissait d'informations déterminantes de leur consentement. Selon eux, les vendeurs ont manqué à leur obligation de bonne foi.

Les époux [C] soutiennent que leur bonne foi ne peut être remise en cause au regard de l'ensemble des diligences qu'ils ont réalisées pour obtenir un certificat de conformité du réseau d'assainissement et de leur proposition de fixer une nouvelle date pour réitérer la vente et que les manoeuvres frauduleuses qui leur sont imputées ne sont démontrées par aucune pièce probante.

2.2 Réponse de la cour

Selon l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.

En application de l'article 1130 du même code l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L'article 1137 du code civil définit le dol comme le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges, ou la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Le dol viciant un acte juridique suppose des man'uvres délibérées, y compris par dissimulation, destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement du contractant. Il renvoie à une tromperie qui conduit l'autre partie à conclure le contrat sur une fausse conviction, c'est à dire une erreur provoquée.

Selon l'article 1181 du code civil, la nullité relative qui résulte d'un vice du consentement peut être couverte par la confirmation.

En l'espèce, le compromis ne contient aucune information relative au bornage réalisé avec la propriété voisine.

Cependant, les époux [Y] ne démontrent par aucune pièce que le bornage a débouché sur la reconnaissance d'un quelconque empiétement. En conséquence, les vendeurs n'étaient pas tenus d'en informer les futurs acquéreurs.

L'installation d'électricité est évoquée dans le compromis en ces termes : ' le bien dispose d'une installation électrique de plus de 15 ans, dont le vendeur a fait établir un diagnostic par la SARL l'expert immobilier, dont les conclusions sont les suivantes le 23 juin 2016 : l'installation intérieure d'électricité comporte les anomalies concernant la prise de terre et l'installation de mise à la terre et la liaison équipotentielle dans les locaux contenant une baignoire ou une douche'.

Suit un avis selon lequel, en cas d'accident, l'acquéreur est responsable et avisé que son assureur peut refuser d'assurer le bien.

Il en résulte que les acquéreurs ont été dûment informés de l'état de l'installation d'électricité intérieure.

S'agissant de l'assainissement, le vendeur déclare dans le compromis que l'installation est conforme au regard d'une attestation établie en 2006.

Cependant, il résulte des pièces produites par les parties que des discussions ont eu lieu entre elles à ce sujet après la signature du compromis, que les vendeurs ont entrepris des démarches afin d'obtenir un certificat de conformité plus récent et qu'ils ont rencontré des difficultés pour obtenir ce certificat.

Ils ne démontrent par aucune pièce avoir dûment informé les époux [Y] de ces difficultés et du refus initial du SPANC de leur délivrer un certificat de conformité.

Cependant, si dans un premier temps, le SPANC a, en effet, refusé de délivrer une attestation de conformité, la teneur des échanges entre les époux [C] et cet organisme révèle que le motif du refus ne tenait pas à l'absence de conformité de l'installation puisque le SPANC a finalement délivré aux époux [C], sans travaux supplémentaires, une attestation de conformité du système d'assainissement le 14 février 2018.

Par ailleurs, postérieurement à la délivrance de cette attestation, et par courriel du 1er mars 2018, à 18 h 17, Mme [Y] a fait savoir aux époux [C] que 'après en avoir discuté avec notre conseil, nous acceptons de donner suite à l'achat de votre maison'.

En conséquence, par ce courriel postérieur à la délivrance de l'attestation de conformité du SPANC, les époux [Y] ont confirmé leur volonté d'acquérir et de signer l'acte de vente.

Ce faisant, ils ont renoncé par une exécution volontaire de leur engagement, et en toute connaissance du vice susceptible de l'affecter, à se prévaloir d'un manquement des époux [C] à leur obligation d'information.

C'est donc à raison que le tribunal a rejeté la demande d'annulation du compromis de vente.

3/ Sur la clause pénale

3.1 Moyens des parties

Les époux [Y] font valoir que si les conditions suspensives ne sont pas levées du fait du vendeur, la non-réitération du compromis est due à sa défaillance et il ne peut réclamer le bénéfice de la clause pénale, qui est alors due aux acquéreurs.

Ils soutiennent, par ailleurs, que le montant de l'indemnité est manifestement excessif au regard des informations erronées qui ont altéré leur consentement et qu'elle doit, en conséquence, être ramenée à l'euro symbolique.

Les époux [C] soutiennent qu'ils ont pu légitimement croire que la vente allait aboutir puisque Mme [Y] a confirmé leur intention d'acquérir le 1er mars 2018 et qu'ils se sont, de leur côté, engagés dans une acquisition qui n'a pu aboutir en raison de l'échec de la vente de leur propre bien.

Ils insistent sur la mauvaise foi des époux [Y] qui ont réitéré leur volonté d'acquérir le 1er mars 2018, tout en conditionnant leur accord à une minoration du prix de 30 000 euros.

3.2 Réponse de la cour

En application de l'article 1152 ancien du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Le compromis signé par les parties, le 2 février 2017 stipule page 7 que : 'au cas où toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'une des parties ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme de 28 000 euros à titre de dommages-intérêts conformément à l'article 1231-5 du code civil. Le juge peut modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire et il peut également la diminuer si l'engagement a été exécuté en partie.

Sauf inexécution définitive, la peine n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure'.

En l'espèce, le 1er mars 2018, les époux [Y] ont confirmé leur intention d'exécuter le compromis de vente.

Il n'est pas contesté qu'ils ont ensuite refusé de signer l'acte authentique de vente.

Ce refus est intervenu sans motif légitime puisqu'après confirmation de leur intention d'acheter, la condition suspensive d'obtention d'un prêt a été levée et qu'ils ne démontrent ni que les conditions suspensives de droit commun ont défailli, ni que le compromis de vente contenait des réserves non levées au sujet de l'installation intérieure d'électricité ou du système d'assainissement.

Par ailleurs, ils n'établissent par aucune pièce probante que les vendeurs sont à l'origine de la non-réitération de la vente.

En conséquence, en refusant de régulariser l'acte authentique alors que la condition suspensive d'obtention d'un financement était levée et qu'aucune autre condition suspensive n'était défaillie, les époux [Y] ont manqué à leurs obligations et sont redevables du montant de la clause pénale stipulée au compromis de vente.

La clause pénale s'analyse en une pénalité évaluée forfaitairement, ayant pour vocation de sanctionner le manquement par une partie à ses obligations.

Sa cause efficiente étant le contrat qui la stipule, la peine est due dans tous les cas où les dommages et intérêts sont dus, c'est à dire en cas inexécution fautive de l'obligation, le créancier de l'indemnité n'étant pas tenu de rapporter la preuve d'un préjudice.

La réduction des obligations résultant d'une clause pénale manifestement excessive constitue une simple faculté, le juge n'étant pas tenu, lorsqu'il fait application pure et simple de la convention conclue par les parties, de motiver spécialement la décision par laquelle il refuse de modifier le montant de la «peine» forfaitairement prévue par le contrat.

En l'espèce, la clause pénale a été fixée à 10 % du prix de vente, ce qui n'est pas excessif si on considère que le bien a été indûment immobilisé par l'effet du refus des époux [Y] entre la fin du mois de mars 2018 (date de l'offre de financement) et le mois de décembre 2018, date à laquelle ils ont pu finaliser la vente de leur bien.

Il n'y a donc pas lieu de la modérer.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.

Les époux [Y], qui succombent, supporteront la charge des entiers dépens d'appel et ne sont pas fondés à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie d'allouer aux époux [C] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [X] [R] épouse [Y] et M. [D] [Y], in solidum, aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [X] [R] épouse [Y] et M. [D] [Y] de leur demande au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés en appel ;

Condamne Mme [X] [R] épouse [Y] et M. [D] [Y], in solidum, à payer à M. [W] [C] et Mme [S] [A] épouse [C], ensemble, une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en première instance et en appel.

La greffière La présidente

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