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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 5 mars 2025, n° 23/05640

VERSAILLES

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

France Excellence (SARL)

Défendeur :

Fragantis (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubois-Stevant

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, Mme Meurant

Avocats :

Me Pedroletti, Me Eichenbaum-Voline, Me Chateauneuf, Me Lancrenon, SELARL Triptyque Law

Institut National de la Propriété Indust…

27 juin 2023

EXPOSE DES FAITS

La société France excellence est titulaire depuis 2012 de la marque PARFUMS LANSELLE n° 39008435.

Le 10 février 2022, la société Fragantis a déposé une demande d'enregistrement de marque internationale « LANSELLE » visant les classes de produits 3 et 4 et les territoires suivants : Chine, Japon, Corée, Singapour, Italie, Allemagne et France.

Le 5 mai 2022, la société Fragantis a déposé une demande en déchéance pour défaut d'usage sérieux de la marque PARFUMS LANSELLE.

Le 31 mai 2022, la société France excellence a formé opposition à la demande d'enregistrement de la marque LANSELLE, dont la procédure est actuellement suspendue conformément aux dispositions de l'article R.712-17 2° du code de la propriété intellectuelle.

Par décision du 27 juin 2023, le directeur général de l'INPI (l'INPI) a prononcé la déchéance de la société France excellence de ses droits sur la marque PARFUMS LANSELLE à compter du 20 juillet 2017 pour l'ensemble des produits désignés à l'enregistrement.

Par acte du 26 juillet 2023, la société France excellence a formé un recours en réformation à l'encontre de cette décision et déposé un premier jeu de conclusions le 20 octobre 2023.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 20 décembre 2024, elle demande à la cour :

- de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la déchéance de la marque « PARFUMS LANSELLE » déposée le 27 mars 2012, renouvelée le 23 mars 2022 et enregistrée sous le n°39008435 et visant la classe 3 pour les produits de la sous-catégorie autonome constituée des produits suivants : « 03 savons ; parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres ; masques de beauté ; produits de rasage ; Produits de parfumerie, parfum, eau de parfum, eau de toilette, eau de cologne, eau de toilette après-rasage, déodorant pour le corps, désodorisant à usage personnel, crème parfumée à usage cosmétique, crème pour le corps à usage cosmétique, huiles essentielles, shampoing, gel de coiffage, gel douche, rouge à lèvres, poudres pour le maquillage, cosmétiques, fard à joue, poudre libre pour le maquillage, poudre compacte pour le maquillage, vernis à ongles, dépilatoires, savons, lotion pour cheveux, dentifrice, produits de maquillage et démaquillage, masque de beauté, produit de rasage, produits d'après-rasage » ;

- en conséquence, de débouter la société Fragantis de sa demande en déchéance de la marque « PARFUMS LANSELLE » déposée le 27 mars 2012, renouvelée le 23 mars 2022 et enregistrée sous le n° 39008435 et visant la classe 3 pour les produits de la sous-catégorie autonome constituée des produits suivants : « 03 savons ; parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres ; masques de beauté ; produits de rasage ; Produits de parfumerie, parfum, eau de parfum, eau de toilette, eau de cologne, eau de toilette après-rasage, déodorant pour le corps, désodorisant à usage personnel, crème parfumée à usage cosmétique, crème pour le corps à usage cosmétique, huiles essentielles, shampoing, gel de coiffage, gel douche, rouge à lèvres, poudres pour le maquillage, cosmétiques, fard à joue, poudre libre pour le maquillage, poudre compacte pour le maquillage, vernis à ongles, dépilatoires, savons, lotion pour cheveux, dentifrice, produits de maquillage et démaquillage, masque de beauté, produit de rasage, produits d'après-rasage » ;

- de condamner la société Fragantis au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 octobre 2024, la société Fragantis demande à la cour de rejeter le recours en réformation de la société France excellence et toutes les demandes de la société France excellence, de confirmer la décision entreprise et de condamner la société France excellence à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Par observations reçues au greffe le 5 janvier 2024, l'INPI soutient que sa décision est bien fondée en ce qu'elle a considéré que l'usage sérieux de la marque contestée n'était pas démontré et qu'aucun juste motif de non-exploitation n'était établi.

Par avis du 12 janvier 2024, le ministère public préconise d'accueillir partiellement le recours en ne prononçant pas la déchéance pour les produits « parfums, ['] Produits de parfumerie, parfum, eau de parfum, eau de toilette, eau de cologne », considérant qu'ils sont destinés à un marché de niche, la clientèle des cercles de jeux, auprès de laquelle la demanderesse souhaite réhabiliter la marque historique, ce qu'elle démontre par la preuve de nombreuses démarches, et que la demanderesse a en outre subi un cas de force majeure en raison de la pandémie de covid-19.

SUR CE,

Conformément à l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, le titulaire d'une marque peut être déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux en France pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qu'il n'existe pas de justes motifs de non-usage.

Cet article précise qu'« est assimilé à un usage [sérieux] ['.] : 3° L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ».

En vertu de l'article L. 716-3 dernier alinéa du code précité, « La déchéance prend effet à la date de la demande ou, sur requête d'une partie, à la date à laquelle est survenu un motif de déchéance ».

L'article L. 716-3-1 du même code prévoit que la preuve de l'exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être rapportée par tous moyens.

Enfin, l'article R. 716-6 du code précité précise dans son 1° : « Pour les demandes en déchéance fondées sur l'article L.714-5, les pièces produites par le titulaire de la marque doivent établir que la marque contestée a fait l'objet d'un usage sérieux au cours des cinq années précédant la demande en déchéance ».

En l'espèce, la période de référence au cours de laquelle l'usage sérieux de la marque doit être démontré par la société France excellence s'étend du 5 mai 2017 au 5 mai 2022, date à laquelle la déchéance a été demandée par la société Fragantis.

La société France excellence soutient qu'elle dispose d'éléments probants démontrant qu'une commercialisation effective imminente était prévue avant l'introduction de la demande en déchéance et que cette commercialisation a été retardée en raison de justes motifs.

Elle fait valoir que la clientèle visée par la marque est une clientèle de niche fréquentant les cercles de jeux et les casinos, positionnement historique de la marque.

Elle explique avoir entrepris :

d'une part, des actes préparatoires au travers de la recherche et collecte de flacons et coffrets anciens, affiches, catalogues, avec pour objectif de créer un 'corner' dédié aux parfums au sein du musée « musée-showroom » de la société France excellence qui existe depuis 2016 et de permettre aux nez de créer de nouveaux jus de parfums proches des anciennes senteurs ;

d'autre part, des actes promotionnels par la création d'un 'corner' dédié au sein du musée-showroom qui peut être visité sur rendez-vous, par des actions de démarchage commercial et de communication via la participation au salon « The Duty Free & Travel Retail Global Summit » sous l'égide de la « Tax Free World Association » (ci-après salon TFWA) - à [Localité 6] en 2017, 2018, 2019 et 2022 où est présentée une pré-série des produits PARFUMS LANSELLE, par l'exploitation d'un site Internet www.lanselle.paris présentant les anciens produits PARFUMS LANSELLE et les futurs produits ayant vocation à être commercialisés par le biais d'un 'co-branding' Lanselle et marque du client.

Les différentes pièces produites par la société France excellence (attestations, factures d'achat de flacons anciens, photo et vidéo du « musée », photos de « produits finis » ') peuvent attester de son intérêt pour la marque PARFUMS LANSELLE, voire corroborer d'autres éléments illustrant son projet de la relancer commercialement pour des parfums, mais ne permettent pas, en l'absence d'élément de nature à démontrer une réelle mise à disposition des produits au public, de qualifier l'usage sérieux de la marque.

Le document retraçant l'historique de la marque et présentant, sous forme de catalogue, les articles avec leur prix (pièce 24) n'est pas daté avec exactitude et ne démontre pas, comme le relève l'INPI, l'existence de ventes effectives de produits.

De la même façon, il n'est pas démontré que les actes promotionnels invoqués par la requérante, à savoir l'exposition de flacons au sein du « Musée-Showroom », lequel peut être visité seulement sur rendez-vous, la participation aux salons TFWA à l'occasion desquels une pré-série de produits PARFUMS LANSELLE aurait été présentée, et la création d'un site internet www.lanselle.paris, ont été suivis d'une commercialisation effective de produits marqués. En outre, les extraits du site lanselle.paris sont datés postérieurement à la période de référence.

La société France excellence soutient toutefois qu'une commercialisation effective de produits sous marque PARFUMS LANSELLE était imminente, ce que démontrent des discussions qui étaient en cours avec les deux groupes de casinos Partouche et Barrière.

Elle avance trois motifs expliquant selon elle l'absence de commercialisation dans le délai de référence, tenant à :

la nature du produit : le travail de réhabilitation d'un ancien parfum est long, comme le montre la période de quinze ans qui lui a été nécessaire pour réhabiliter les parfums historiques DORIN (collecte d'informations, documents, flacons, création d'un musée et showroom, réalisation de jus de parfums par des nez spécialisés, organisation de tests olfactifs, réalisation des tests dermatologiques et autres déclarations règlementaires, participation à des salons spécialisés, test des nouveaux parfums, mise en production) ;

la clientèle cible visée par la marque, à savoir la clientèle des casinos, lesquels ont fait l'objet d'une fermeture administrative liée à la crise sanitaire du covid -19 ;

la procédure d'attribution de la concession du casino 3 « Les Princes » qui était incertaine en raison de l'appel d'offres de la ville de [Localité 6] et qui a retardé les négociations pour l'exploitation de la marque au sein de ce casino.

Comme l'a justement constaté l'INPI, si la société France excellence justifie d'un démarchage de casinos et d'un projet de collaboration avec l'hôtel JW MARRIOT en vue de commercialiser des parfums en « co-branding » « Lanselle x JW Marriott » au sein du casino, les pièces produites ne sont pas accompagnées d'éléments chiffrés et ne permettent pas de démontrer une commercialisation effective ou imminente de parfums sous la marque contestée, d'autant que la réouverture du casino était prévue en mars 2023, soit postérieurement à l'action en déchéance.

S'agissant des motifs de non-exploitation, le moyen invoqué par la requérante tenant à la nature du produit, lequel nécessiterait un temps de développement particulièrement long, outre qu'il relève d'une appréciation subjective dès lors qu'aucun élément ne démontre une telle spécificité liée au secteur de la parfumerie, ne saurait être retenu comme constituant un juste motif de non-exploitation.

De la même façon, les éléments produits par la société France excellence ne permettent pas d'établir que la pandémie a constitué un obstacle présentant une relation directe avec la marque contestée, rendant impossible ou déraisonnable l'usage de celle-ci, d'autant plus que le fait que les produits seraient exclusivement destinés à la clientèle des casinos ne ressort pas du libellé des produits tels que désignés au dépôt mais relève d'une stratégie commerciale du titulaire.

Les nouveaux motifs soulevés par la requérante à ce titre, tenant à l'incertitude liée à l'exploitation des casinos Croisette et Les Princes de la Ville de [Localité 6], ne constituent pas davantage un obstacle rendant impossible ou déraisonnable l'usage de la marque pendant la période pertinente.

L'usage sérieux n'étant pas démontré pour les parfums et en l'absence de justes motifs de non-exploitation, la demande de la requérante visant à ce que la preuve de l'usage sérieux de la marque pour les produits de parfumerie lui permette d'échapper à la déchéance de ses droits pour l'ensemble des produits de la sous-catégorie autonome de produits de cosmétologie et de parfumerie à usage corporel (« savons ; parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres ; masques de beauté ; produits de rasage ; produits de parfumerie, parfum, eau de parfum, eau de toilette, eau de cologne, eau de toilette après-rasage, déodorant pour le corps, désodorisant à usage personnel, crème parfumée à usage cosmétique, crème pour le corps à usage cosmétique, huiles essentielles, shampoing, gel de coiffage, gel douche, rouge à lèvres, poudres pour le maquillage, cosmétiques, fard à joue, poudre libre pour le maquillage, poudre compacte pour le maquillage, vernis à ongles, dépilatoires, savons, lotion pour cheveux, dentifrice, produits de maquillage et démaquillage, masque de beauté, produit de rasage, produits d'après-rasage »), ne sera pas examinée.

Il résulte de tout ce qui précède que le recours en réformation formé à l'encontre de la décision de l'INPI ayant prononcé la déchéance de la société France excellence de ses droits sur la marque PARFUMS LANSELLE n° 39008435 à compter du 20 juillet 2017 pour l'ensemble des produits désignés à l'enregistrement, sera rejeté.

Sur l'article 700 et les dépens

La société France excellence supportera les dépens du recours. L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Rejette le recours en réformation formé par la société France excellence à l'encontre de la décision DC22-0102 du directeur général de l'INPI du 27 juin 2023 ;

Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société France excellence aux dépens du recours.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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