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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 8, 6 mars 2025, n° 23/03180

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/03180

6 mars 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 6 MARS 2025

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03180 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHTSY

Décision déférée à la cour : jugement du 30 mars 2023 -conseil de prud'hommes - formation paritaire de PARIS - RG n° 21/09398

APPELANT

Monsieur [E], [F], [M] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Jérôme HARTEMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : J021

INTIMÉE

S.A.S.U. ONEPOINT PARTNERS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Monsieur Didier MALINOSKY, magistrat honoraire juridictionnel, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Monsieur Didier MALINOSKY, magistrat honoraire juridictionnel, rédacteur

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente, et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [E] [H] a été engagé par la société Onepoint Partners par contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 juin 2020 à effet au 1er septembre 2020, en qualité de partner, statut cadre, coefficient 3.1 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils (Syntec).

Sa rémunération annuelle fixe prévue au contrat de travail était de 250 000 euros bruts ainsi qu'une rémunération variable sur objectifs de 70 000 euros.

Le 23 mars 2021, le contrat de travail de M. [H] a été suspendu pour accident de travail.

Par lettre reçue le 28 mars, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 7 avril 2021, annulé puis reporté au 28 juillet 2021 en raison de ses arrêts de travail.

Du 24 juillet au 15 octobre 2021, M. [H] sera arrêté en maladie professionnelle et adressera un dossier de reconnaissance de ses arrêts en maladie professionnelle le 26 juillet 2021.

Par lettre du 2 août 2021, M. [H] s'est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle.

M. [H] sera dispensé d'effectuer son préavis de trois mois qui lui sera rémunéré aux échéances normales au titre d'un maintien de salaire.

Le 27 avril 2022, la CPAM a adressé à la société la décision de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie de M. [H].

Contestant son licenciement, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 23 novembre 2021, qui, par jugement du 30 mars 2023, a :

- condamné la société Onepoint Partners à lui payer 58 333 euros à titre de rémunération variable au titre de l'année 2021, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception pour la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu'au jour de paiement,

- rappelé qu'en vertu de l'article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

- fixé cette moyenne à la somme de 20 833,33 euros,

- condamné la société Onepoint Partners à lui payer :

- 84 864 euros à titre de la perte de chance liée à la cession forcée des actions,

- 22 996 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement jusqu'au jour du paiement,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [H] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Onepoint Partners de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Onepoint Partners au paiement des entiers dépens.

Par une déclaration du 11 mai 2023, M. [H] a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 septembre 2024, M. [H] demande à la cour de :

à titre principal, sur le licenciement nul

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Onepoint Partners à payer à M. [H] 22 996 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau :

- dire le licenciement nul,

en conséquence,

- condamner la société Onepoint Partners à verser à M. [H] la somme de 200 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement nul,

en tout état de cause

- condamner la société Onepoint Partners à verser à M. [H] la somme de 20 000 euros bruts à titre d'indemnité pour harcèlement moral,

à titre subsidiaire, sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Onepoint Partners à payer à M. [H] la somme de 22 966 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau :

- condamner la société Onepoint Partners à verser à M. [H] la somme de 23 970,11 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

sur la rémunération variable au titre de l'année 2021 :

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Onepoint Partners à payer à M. [H] 58 333 euros à titre de rémunération variable au titre de l'année 2021 et,

statuant à nouveau :

- condamner la société Onepoint Partners à verser à M. [H] la somme de 70 000 euros bruts au titre de la rémunération variable au titre de l'année 2021,

sur l'indemnité compensatrice de préavis:

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande et,

statuant à nouveau :

- condamner la société Onepoint Partners à verser à M. [H] une indemnité d'un montant de 55 572,60 euros à titre de réparation pour les IJSS et les indemnités de prévoyance conservées par la société Onepoint Partners,

sur le travail dissimulé :

- condamner la société Onepoint Partners à verser à M. [H] une indemnité d'un montant de 143 820,66 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- condamner la société Onepoint Partners à remettre à M. [H] un ou plusieurs bulletins de salaire faisant apparaître un avantage en nature d'un montant brut mensuel de 1 004,11 euros et à faire les déclarations sociales (DSN) afférentes,

sur l'indemnisation de la perte de chance liée à la cession forcée des actions :

à titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Onepoint Partners à payer à M. [H] 84 864 euros à titre d'indemnité de la perte de chance liée à la cession forcée des actions et, statuant à nouveau :

- condamner la société Onepoint Partners à verser à M. [H] une indemnité égale à un montant de 247 049 euros en réparation du préjudice subi, à parfaire en fonction de la date à laquelle la cour se prononcera,

à titre subsidiaire,

- condamner la société Onepoint Partners à verser à M. [E] [H] une indemnité égale à un montant de 184 548 euros en réparation du préjudice subi, ou subsidiairement, 118 872 euros, dans chaque cas à parfaire en fonction de la date à laquelle la Cour se prononcera,

à titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Onepoint Partners à verser à M. [H] une indemnité égale à un montant de 84 864 euros en réparation du préjudice subi,

sur les autres demandes:

- confirmer le jugement en ce qui concerne les chefs relatifs aux intérêts,

- assortir les nouvelles condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine en justice,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande relative à l'anatocisme des intérêts, qui est de droit, et, statuant à nouveau, ordonner l'anatocisme des intérêts,

- confirmer le jugement en ce qui concerne la condamnation de la société Onepoint Partners à remettre à M. [H] le ou les bulletins de salaire afférents aux condamnations prononcées ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiée,

- confirmer le jugement en ce qui concerne la condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- condamner la société Onepoint Partners à verser à M. [H], en cause d'appel, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Onepoint Partners aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 octobre 2024, la société Onepoint Partners demande à la cour de :

- déclarer M. [H] mal fondé en son appel, l'en débouter,

- déclarer la société Onepoint Partners recevable et bien fondée en ses demandes et en son appel incident,

y faisant droit :

- infirmer le jugement rendu le 30 mars 2023 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Onepoint Partners à payer à M. [E] [H], les sommes suivantes :

- 58 333 euros à titre de rémunération variable au titre de l'année 2021,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu'au jour du paiement,

- 84 864 euros à titre d'indemnité de la perte de chance liée à la cession forcée des actions,

- 22 966 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement jusqu'au jour du paiement,

- débouté la société Onepoint Partners de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Onepoint Partners au paiement des entiers dépens,

- confirmer le jugement rendu le 30 mars 2023 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté M. [E] [H] du surplus de ses demandes,

statuant à nouveau des chefs de jugement critiqués :

à titre principal

- juger que le licenciement de M. [H] n'est pas intervenu pendant la période de suspension du contrat de travail ayant une origine professionnelle,

- juger que le licenciement de M. [H] est fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence :

- débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que le licenciement de M. [H] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse :

- limiter l'indemnisation de M. [H] à la somme de 22 966 euros bruts représentant un mois de salaire au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [H] du surplus de ses demandes,

en tout état de cause

- fixer le montant du salaire mensuel moyen à 20 833,33 euros,

- débouter M. [H] de toutes demandes contraires au présent dispositif,

- statuer ce que de droit sur les dépens,

- condamner M. [H] à verser la société Onepoint Partners la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

- condamner M. [H] à verser à la société Onepoint Partners la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la part variable :

M. [H] soutient qu'à défaut de fixation d'objectifs pour l'année 2021, la part variable de son salaire lui est due pour une année entière et sollicite à ce titre une somme de 70 000 euros.

La société soutient qu'en raison des circonstances exceptionnelles liées à la situation sanitaire, elle n'a pas pu fixer des objectifs à ses salariés. Elle fait valoir qu'il en a été de même en 2020 pour M. [H], ses objectifs n'ayant été fixés qu'en septembre.

Sur ce,

L'article 1.7.2 du contrat de travail prévoit que 'outre sa rémunération fixe, il est convenu de verser au salarié une prime annuelle brute de 70 000 euros en fonction des d'objectifs définis en début d'exercice. Les modalités de versement de cette prime seront définies chaque année par les parties'.

En l'espèce, la cour relève que les circonstances exceptionnelles liées à la situation sanitaire n'ont pas empêché la société de fixer en octobre 2020 des objectifs pour le dernier quadrimestre à M. [H], étant rappelé que son embauche est du 1er septembre 2020 et que, par ailleurs, la société reproche à son salarié une insuffisance professionnelle à compter de décembre 2020 tout en lui accordant sur le bulletin de paie de février le paiement de sa part variable.

Ainsi, la société ne justifiant ni de la fixation d'objectifs qualitatifs ou quantitatifs, ni d'évaluation de son salarié en 2021, la cour, confirmant le jugement entrepris, fixe le rappel de part variable, pour la période du 1er janvier au 2 novembre 2021 soit pour les 10/12èmes d'une année, à la somme de 58 333 euros.

Sur le harcèlement moral:

M. [H] soutient qu'à compter de décembre 2020, il a subi des faits de harcèlement caractérisés par la mise en cause publique de ses capacités à gérer le contrat SNCF, par des réflexions permanentes sur son salaire élevé, par un management mettant en place un isolement organisé, par l'absence de fixation d'objectifs, par la mobilisation des collaborateurs intervenant sur les projets sous sa responsabilité et sur d'autres projets outre le délai très court d'une semaine pour faire la procédure de licenciement.

Il fait valoir les circonstances de la visioconférence du 22 mars 2021 au cours de laquelle il note la présence d'un nouveau responsable et la communication à ses équipes de son éviction du référencement SNCF.

La société soutient que M. [H] ne justifie d'aucun fait de harcèlement moral et fait valoir que les attestations émanent de sa famille et de ses amis, que les certificats de travail de ses médecins traitants ou de la médecine du travail n'ont été réalisés que sur ses déclarations. Elle fait valoir le peu d'ancienneté de M. [H], moins d'une année, et le contexte sanitaire de la période.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, l'article L. 1152-2 du même code prévoyant qu'aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés'.

Il résulte par ailleurs de l'article L. 1154-1 du code du travail que, 'lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

En l'espèce, le salarié produit notamment les éléments suivants :

- La convocation à un entretien préalable en date du 24 mars 2021 ;

- Une lettre de Onepoint en date du 1er avril 2021 suspendant la procédure de licenciement, à réception de l'arrêt de travail ;

- L'arrêt de travail du 2 au 16 avril 2021 pour accident de travail ;

- L'arrêt de prolongation du 16 au 20 avril 2021 pour maladie professionnelle ;

- L'arrêt de prolongation du 20 avril au 20 mai 2021 pour maladie professionnelle ;

- L'arrêt de prolongation du 20 mai au 28 juin 2021 pour maladie professionnelle ;

- L'arrêt de prolongation du 28 juin au 20 juillet 2021 pour maladie professionnelle ;

- Le certificat du Docteur [I], médecin traitant, du 4 septembre 2021 ;

- Le certificat du Docteur [C] [P], psychiatre et psychothérapeute, du 9 septembre 2021 ;

- La décision de la CPAM de [Localité 4] du 1er juillet 2021 ;

- La demande de reconnaissance de maladie professionnelle du 24 juillet 2021 ;

- L'arrêt de prolongation pour maladie professionnelle du 20 juillet 2021 au 6 septembre 2021;

- Les arrêts de travail rectifiés du 02 avril au 15 octobre 2021 pour état dépressif ;

- Des attestations de proches de M. [H] (famille et amis) sur son état dépressif ;

- Une attestation de versement des IJSS ;

- Le rapport médical du Docteur [O], expert près de la cour d'appel de Rouen, du 28 janvier 2022 sur l'état de M. [H] réalisé sur demande de l'organisme de prévoyance Malakoff Humanis, concluant à des 'éléments symptomatiques d'un état dépressif avec perte de l'élan vital, absence de plaisir, absence d'envie [...]' ;

- Le décompte de prestations Humanis au 15 mars 2022 ;

- La prise en charge au titre d'une maladie professionnelle du 27 avril 2022 ;

- La lettre recommandée de M. [H] à la CPAM du 23 juillet 2021 sur la demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle ;

- L'accusé de réception de la CPAM du 24 juillet 2021 ;

- Le courriel de Mme [L] [U] (CPAM) du 17 août 2021 sur le versement d'IJSS à Onepoint en date des 13 et 16 août 2021 ;

- La lettre recommandée de M. [H] à la société en date du 7 juillet 2022 sur la vente forcée de ses actions dans laquelle il déclare ne vouloir signer 'aucun document relatif à la cession des actions'qu'il détient et 'je note que vous prétendez qu'en l'absence de signature de ma part, vous mettrez tout de même en place un transfert forcé de mes 156 actions, pour un prix de 319'020 euros. Je prends acte de cette démarche qui me cause un grave préjudice, le prix de ces 156 actions étant aujourd'hui, a minima, égal à 403'884 euros et alors qu'il est amené à augmenter dans un futur proche';

- Le formulaire 'CERFA' sur la cession de droits sociaux de mai 2022 ;

- Une attestation sur son suivi par le Docteur [W] depuis le 23 mars 2021 ;

- Une attestation de la CPAM du 25 novembre 2022 sur la requalification du dossier d'accident en maladie professionnelle en date du 20 juillet 2022,

- Plusieurs attestations.

En l'espèce, la cour relève que les attestations produites émanent de parents du salarié - sujettes à caution par conséquent en raison du lien les unissant à M. [H]- et de personnes n'ayant pas personnellement constaté les faits relatés, qu'aucun élément objectif n'est donc produit relativement aux circonstances de la réunion du 22 mars 2022, et que le salarié ne justifie d'aucun autre fait pouvant laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral, étant noté que l'essentiel des autres pièces produites par l'appelant sont relatives aux arrêts de travail et à des avis médicaux rapportant pour la plupart les dires du patient.

M. [H] sera débouté de ses demandes au titre d'un harcèlement moral.

Sur l'insuffisance professionnelle :

M. [H] soutient que le licenciement est dénué de fondement et que ses performances ont excédé les objectifs au dernier quadrimestre de 2020.

Il fait valoir que pour l'année 2021, aucun objectif ne lui a été fixé et qu'à défaut, il n'a pas été évalué. Il reproche ainsi à la société Onepoint Partners de s'être séparée de lui en raison de son salaire élevé tandis que son secteur d'activité était impacté par la crise Covid-19.

Quant à la société Onepoint Partners, elle soutient que M. [H] n'a pas démontré ses compétences dans les fonctions qui lui ont été attribuées. Elle ajoute que le supérieur hiérarchique de M. [H] lui a déjà fait part, oralement, de son insatisfaction.

Sur ce,

Aux termes des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée en ces termes :

'Vous avez été engagé par la société Onepoint Partners, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er septembre 2020, en qualité de Partner.

En cette qualité, vous avez été directement rattaché à la direction de notre entreprise, et étiez notamment chargé de gérer et développer l'activité de votre périmètre et garantir sa rentabilité sur la base du business plan que vous nous aviez présenté lors de nos échanges en amont de votre recrutement chez Partners au sein de la Communauté d'expertise StratOp, vous deviez notamment intervenir en tant qu'expert sur des sujets de stratégie, de management, d'organisation, de conduite du changement et de digitalisation des fonctions Supply Chain, Manufacturing et Maintenance, auprès de clients spécialisés dans l'industrie et les services.

Vous deviez également développer le secteur de la mobilité et de la logistique, en digitalisant leurs processus.

Les missions qui vous sont confiées reflétaient vos compétences professionnelles et votre expertise du consulting, domaine dans lequel vous exerciez vos fonctions depuis plus de 15 ans.

Depuis le mois de mars 2021, vous contribuiez sur le projet de référencement de notre société auprès des achats SNCF.

Or depuis le début de notre collaboration, nous constatons que vous n'êtes pas en capacité de réaliser les missions qui vous sont confiées.

Nous déplorons notamment une absence d'alignement avec vos objectifs et ce en dépit des tentatives d' accompagnement de votre référent, Monsieur [X] [N]

Ces difficultés s'illustrent tant sur l'aspect commercial qu'au niveau de votre propre production puisque nous constatons un décalage continu et progressif entre ce qui est attendu d'un Partner et votre niveau et vos résultats.

En effet, la trentaine de Partners issus de la Communauté d'expertise StratOp, ayant une expérience similaire à la vôtre, génèrent un chiffre d'affaires annuel compris entre 1 et 2 millions euros.

Par ailleurs, le Partner que vous avez remplacé atteignait en moyenne un chiffre d'affaires annuel de 1,5 millions d'euros.

Votre niveau de facturation et d'activité est bien en deçà, il est très faible, seulement 8 jours sur la période de septembre et décembre, et aucune prestation chez nos clients depuis le mois de janvier 2021. Cela correspond à des proportions anormales au regard des fonctions que vous exerciez et de votre expertise du consulting.

Même dans des conditions économiques difficiles liées au contexte sanitaire, un Partner avec une expérience telle que la vôtre aurait dû cultiver, voire développer, son réseau pour améliorer sa visibilité ainsi que celle de ses collaborateurs, aussi bien en interne qu'en externe.

Or, nous regrettons de constater que vous vous êtes abstenu de nous communiquer des pistes de développement commercial que vous entendiez suivre dans le contexte économique que nous traversons, et que vous n'êtes parvenu à mettre en place aucune mise en relation client, contrairement à ce que vous nous aviez annoncé dans votre business plan au moment de votre embauche.

Votre posture attentiste ainsi que votre manque de pro activité ne vous ont pas permis d'atteindre les standards minimums de développement attendus par notre société.

Le décalage continu et croissant dont vous faites preuve vis-a-vis des objectifs de l'entreprise ainsi que votre absence de pro activité ne correspondent pas à ce qui est attendu d'un Partner tel que vous.

Ces insuffisances ne nous permettent pas d'envisager la poursuite de notre collaboration, si bien que nous vous notifions votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

Votre préavis de trois mois, dont vous êtes dispensé d'exécution, débutera à compter de la première présentation de la présente lettre à votre domicile.

En tant que de besoin, nous vous libérons de tout engagement de non concurrence, à compter de votre départ effectif de la société'.

Ainsi, il est reproché à M. [H] une insuffisance professionnelle depuis le mois de décembre 2020.

Pour justifier de l'insuffisance professionnelle, la société ne produit aucun élément mais se réfère à ses seules déclarations ou propos présents dans la lettre de licenciement.

Cependant, la cour relève, d'une part, que l'article 1.7.2 du contrat de travail prévoit 'une prime annuelle brute de 70 000 euros en fonction des d'objectifs définis en début d'exercice' et, d'autre part, que par décision du 12 octobre 2020, la société fixait des objectifs pour le dernier quadrimestre 2020 et 'une rémunération variable pouvant aller jusqu'à 23 200 euros'.

Par ailleurs, la cour constate que sur le bulletin de salaire de février 2021, M. [H] a bénéficié d'une prime d'objectif pour un montant de 25 600 euros et que, par ailleurs, aucun objectif ne lui a été fixé pour l'année 2021.

Enfin, la société ne justifie d'aucune critique ou remarque sur la qualité du travail de M. [H] avant le 28 mars 2021, date de sa convocation pour un entretien préalable.

Ainsi, la société ne peut valablement soutenir qu'à compter de décembre 2020, M. [H] était en insuffisance professionnelle alors qu'elle lui versait une part variable en février 2021, étant rappelé qu'à compter du 23 mars 2021, le salarié était en arrêt de travail.

La cour constate que la société ne justifie pas de l'insuffisance professionnelle du salarié.

Sur la nullité du licenciement :

M. [H] soutient que le licenciement est nul dès lors qu'il a été prononcé pendant un arrêt de travail ayant une origine professionnelle. Il fait valoir que lors de la réunion du 22 mars 2021, son collaborateur principal était accompagné d'un nouveau collègue dont il lui a semblé qu'il reprenait son poste et donc, qu'il était écarté. Le 23 mars 2021, son médecin traitant lui a prescrit un arrêt pour accident du travail puis de nombreux autres arrêts pour maladie professionnelle.

La société Onepoint Partners affirme, d'une part, que lors du licenciement l'origine professionnelle des arrêts de travail n'était pas encore officielle et que, d'autre part, elle s'interroge sur la pertinence du certificat médical fourni par M. [H] le 23 mars 2021, dès lors que le médecin consulté se trouvait à une heure et trente minutes du domicile du salarié. Elle soutient qu'il n'y avait pas d'intention préalable d'écarter M. [H] et fait valoir que celui-ci ne produit aucun élément corroborant sa demande de nullité du licenciement.

Sur ce,

L'article L.1226-7 du code du travail dispose que 'le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle, est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.

Le contrat de travail est également suspendu pendant le délai d'attente et la durée du stage de réadaptation, de rééducation ou de formation professionnelle que doit suivre l'intéressé, conformément à l'avis de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles. Le salarié bénéficie d'une priorité en matière d'accès aux actions de formation professionnelle.

Le contrat de travail est également suspendu pendant les périodes au cours desquelles le salarié suit les actions mentionnées à l'article L. 323-3-1 du code de la sécurité sociale dans les conditions prévues à ce même article, en application du quatrième alinéa de l'article L. 433-1 du même code.

La durée des périodes de suspension est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l'ancienneté dans l'entreprise'.

L'article L.1226-9 du code du travail dispose que, 'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie'.

L'article L.1226-13 du même code dispose que 'toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle'.

Il est constant que la suspension relative à un accident du travail ou à une maladie professionnelle n'est pas subordonnée à l'accomplissement des formalités de déclaration à la CPAM ou à sa reconnaissance par le dit organisme et que la simple connaissance, par l'employeur, d'une éventuelle origine relative à un accident du travail, ou à une maladie professionnelle, déclaré par le salarié rend applicable les règles protectrices.

En l'espèce, la cour relève que, d'une part, la société est informée du caractère d'accident de travail donné à l'arrêt du 23 mars 2021 et à ses prolongations, puis du caractère de maladie professionnelle de ceux survenus après le 23 juillet 2021 suite au refus de la CPAM de la reconnaissance d'un accident du travail, étant rappelé que dès la connaissance du premier arrêt de travail la société a suspendu la procédure de licenciement et renvoyé la date de l'entretien préalable au 28 juillet 2021.

Par ailleurs, la société a été destinataire de la demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle du 26 juillet 2021, étant rappelé qu'elle a contesté d'abord le caractère d'accident du travail puis la reconnaissance d'une maladie professionnelle, cette dernière faisant l'objet d'une reconnaissance, 'hors tableau', par la CPAM.

Ainsi, le caractère professionnel des arrêts de travail était justifié et la société, qui en était parfaitement informée, ne pouvait licencier M. [H] que pour une faute grave ou pour une impossibilité de maintenir son contrat de travail.

La cour, qui a en outre écarté l'insuffisance professionnelle, prononce en conséquence la nullité du licenciement de M. [H].

Sur les conséquences financières:

Sur l'avantage en nature liée à la mise à disposition d'un véhicule:

M. [H] soutient que le bénéfice d'un véhicule de fonction, conformément aux stipulations de son contrat de travail, doit être pris en compte pour le calcul des cotisations et donc inclus dans son salaire brut. Il invoque le contrat de location souscrit pour le véhicule mis à sa disposition, l'assurance et la carte grise et sollicite l'intégration de ce montant dans sa rémunération et la fixation de cet avantage à hauteur de la somme de 1 004,11 euros.

La société soutient que ce n'est qu'en cause d'appel que M. [H] sollicite l'intégration d'un avantage en nature dans son salaire mensuel. Elle fait valoir qu'il ne justifie ni de la signature d'un contrat de location à son bénéfice ni de la mise à sa disposition d'un véhicule ni d'une souscription d'une assurance.

Sur ce,

Bien que présente dans le corps de ses conclusions, la société n'a pas repris dans son dispositif la demande d'irrecevabilité de la prise en compte de l'avantage en nature.

De plus, il est manifeste que la demande a le même fondement juridique que celle sollicitant un rappel de salaire sur la part variable et son incorporation dans le calcul du salaire de référence.

Ainsi, la cour rejette la demande d'irrecevabilité de la demande.

Par ailleurs, l'article 8 du contrat de travail prévoit que M. [H] bénéficie d'un véhicule de fonction pour son usage professionnel et que 'la mise à disposition de ce véhicule, y compris pour un usage privé, est considérée au regard de la loi comme un avantage en nature. De ce fait, il entre dans l'assiette de calcul des cotisations sociales au même titre que la rémunération selon les règles légales d'évaluation.'

En l'espèce, M. [H] produit les échanges de courriels des 19 juin, 25 juin et 11 juillet 2020 accompagnés d'une 'offre de location valant commande pour un véhicule BMW série 5' en date du 17 juin 2020 et un courriel d'un responsable de la société, M. [A] [Y], lui donnant date au 10 novembre 2021, pour la restitution du véhicule, de l'assurance et de la carte grise, outre les téléphone et PC portable mis à sa disposition, ce qui fut effectivement réalisé.

Par ailleurs, il est constant que l'avantage en nature, retenu forfaitairement par l'employeur et présent sur les bulletins de salaire, dépend, d'une part, de la nature du véhicule appartenant à l'entreprise ou en location et, d'autre part, de la prise en charge des frais d'assurance, entretien, carburants professionnel ou pour usage personnel.

Il est aussi constant que les services de recouvrement des cotisations (URSSAF) chiffrent, à défaut d'une fixation par l'employeur, l'avantage en nature à 40 % du coût global annuel pour la location (location, entretien, assurance et coût global du carburant utilisé à des fins professionnelles et personnelles) plafonné à 30 % du prix constructeur, étant rappelé que le contrat de location était d'une durée de 37 mois.

Ainsi, au regard d'un prix d'achat constructeur de 79 185,02 euros, la cour fixe à 659,88 euros l'avantage en nature découlant de la mise à disposition du véhicule. Cette somme sera incluse dans le salaire de référence de M. [H].

Sur le salaire de référence

Au regard des éléments retenus sur le versement d'une part variable au titre des dix mois de présence en 2021 et de l'avantage en nature pour la mise à disposition d'un véhicule, la cour fixe le salaire de référence à la somme de 27 326,55 euros.

Sur l'indemnité pour licenciement nul

L'article L.1226-8 du code du travail dispose que 'à l'issue des périodes de suspension définies à l'article L. 1226-7, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente, sauf dans les situations mentionnées à l'article L. 1226-10.

Les conséquences de l'accident ou de la maladie professionnelle ne peuvent entraîner pour l'intéressé aucun retard de promotion ou d'avancement au sein de l'entreprise'.

L'article L.1226-15 du même code dispose que 'lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.

En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement, prévues à l'article L. 1226-14.

Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement'.

L'article L. 1235-3-1, 1er alinéa, du même code dispose que 'l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois'.

En l'espèce, M. [H] ne sollicite pas sa réintégration et il sera fait droit à sa demande d'indemnité pour la nullité du licenciement à hauteur de 165 000 euros.

Sur un travail dissimulé:

M. [H] soutient que l'absence de versement de l'avantage en nature relatif à la mise à disposition d'un véhicule est constitutive d'un travail dissimulé et sollicite une somme de 143 820,33 euros à ce titre.

La société soutient que ce n'est qu'en cause d'appel que M. [H] sollicite le versement d'une indemnité pour travail dissimulé et indique que le salarié n'a, tout au long de la relation de travail, formé aucune demande au titre du paiement de l'avantage en nature, ce qui exclut tout caractère intentionnel.

Sur ce,

Bien que présente dans le corps de ses conclusions, la société n'a pas repris dans son dispositif la demande d'irrecevabilité de la demande au titre du travail dissimulé.

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales'.

Il ressort des dispositions légales que la dissimulation d'emploi salarié est constituée lorsque l'employeur n'a pas effectué intentionnellement l'inscription sur le bulletin de paie de salaires ou d'éléments de salaire.

En l'espèce, à défaut d'élément intentionnel, la dissimulation d'emploi ne peut être retenue. Le salarié sera débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur la perte de chance liée à la cession forcée des actions:

M. [H] soutient que son licenciement non fondé a entraîné la vote forcée de ses actions à une valeur inférieure au prix du marché. Il fait valoir que le prix retenu par le conseil de prud'hommes est inférieur à la différence de valeurs qu'il invoque, rappelant que la somme est toujours en séquestre auprès d'un notaire. Il sollicite la fixation de l'indemnité pour perte de chance à la somme de 184 548 euros et à titre subsidiaire à la somme de 118 872 euros.

La société soutient que M. [H] n'a pas exercé dans les délais son droit à demander le paiement des actions au prix de la vente forcée soit dans les 45 jours à compter de l'ordre d'acquisition par la société d'investissement et qu'ainsi la somme résultant de la vente forcée était mise sous séquestre le 3 août 2022. Elle fait valoir que faute d'exercer son droit à percevoir la somme, il doit être débouté de sa demande.

Sur ce,

L'article 1240 du Code civil dispose que 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

Il est constant que la perte de chance implique la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable et peut donner lieu à indemnisation du fait pour la victime d'avoir perdu une probabilité de réaliser un gain ou d'avoir perdu une opportunité d'éviter une perte (matérielle ou non).

En l'espèce, le pacte d'associés prévoyait en cas de sortie des effectifs, quel qu'en soit le motif, avant un délai de 12 mois après la conclusion du contrat de travail, la vente de la totalité des actions souscrites lors du pacte.

Par ailleurs, si l'article 4.2 du même pacte prévoyait un premier délai de 45 jours pour percevoir le prix d'achat des actions, celui-ci ne prévoyait pas les conditions de la détermination du prix des actions autrement que par un accord des parties.

Or par décision unilatérale, les autres associés ont fixé le prix des actions à 2 045 euros l'unité soit un total de 319 020 euros et décidé, le 3 août 2022, de mettre la somme en séquestre chez un notaire, alors que l'article 4.2.5.n prévoit un délai de six mois pour le versement en numéraire de la somme.

Par ailleurs, M. [H] justifie du prix unitaire de vente, aux conditions du marché, des actions pour les années 2022, 2023 et 2024, ce prix étant respectivement de 2 807 euros, 3 228 euros et 3 712 euros soit un différentiel avec le prix fixé unilatéralement par les associés de 118 872 euros, 184 548 euros et 260 052 euros. Il indique que pour l'année 2024, il y a lieu d'affecter au prix de 2023 une correction due aux aléas du marché de 5% ce qui porterait le différentiel à 247 049 euros.

Or, il est constant que l'indemnisation d'une perte de chance exclut, à titre de principe, toute demande à la hauteur de la totalité des pertes subies mais se limite à une certaine somme correspondant à la seule chance perdue.

Ainsi au regard de ces éléments, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à 84 864 euros l'indemnité pour perte de chance mise à la charge de l'employeur.

Sur le non-versement des indemnités de sécurité sociale et de prévoyance:

M. [H] soutient que la société était tenue de lui verser à la fois son indemnité compensatrice de préavis et ses indemnités de sécurité sociale et de prévoyance pendant le préavis dont il a été dispensé. Il sollicite à ce titre une somme de 55 572 euros.

La société soutient qu'elle était subrogée pour le versement des IJSS et de la prévoyance et qu'elle assurait à M. [H], y compris pendant son préavis, un maintien de salaire.

Sur ce,

L'article 9.2 (1) de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils prévoit qu' 'en cas de maladie ou d'accident, professionnel ou non, constaté par certificat médical, l'employeur verse au salarié, dans les conditions décrites au paragraphe 1 ci-dessous, les allocations maladie nécessaires pour compléter :

' les indemnités journalières de sécurité sociale ;

' les allocations versées, le cas échéant par un régime de prévoyance.

L'employeur appliquera sur ces indemnités ou prestations les contributions sociales et impositions de toute nature applicables.

En tout état de cause, l'employeur complète les sommes versées au salarié malade ou accidenté jusqu'à concurrence de ce que celui-ci aurait perçu, net de toute cotisation, en cas de travail à temps plein ou à temps partiel, non compris les primes et gratifications.

1. Conditions et durée d'indemnisation de l'incapacité temporaire de travail

Dans le cas de l'incapacité par suite d'accident du travail ou de maladie professionnelle, le droit au versement d'une allocation maladie par l'employeur est acquis dès le premier jour de présence dans l'entreprise. Dans les autres cas de maladie ou d'accident, ce droit est acquis après un an d'ancienneté.

L'allocation maladie permettant le maintien du salaire est due dès le premier jour d'absence pour maladie ou accident dûment constaté par certificat médical.

Le droit au versement de l'allocation maladie versée par l'employeur en complément des indemnités journalières de Sécurité sociale est garanti pour toute absence pour maladie ou accident d'origine professionnelle ou non, d'une durée consécutive ou non de 90 jours au maximum, sur une période de 12 mois consécutifs.

Au-delà de 90 jours consécutifs d'absence (s) pour maladie ou accident, le relais des garanties sera assuré aux conditions prévues par l'accord de branche du 27 mars 1997 modifié relatif à la prévoyance.

2. Calcul du montant de l'allocation maladie

Le versement de l'allocation maladie ne peut en aucun cas conduire le salarié à recevoir un montant supérieur à la rémunération nette qui aurait été perçue s'il avait travaillé.

ETAM (...)

Ingénieurs et cadres

' ayant plus d'un an d'ancienneté : 90 jours à 100 % du salaire brut.

Si l'ancienneté fixée par l'un des alinéas précédents est atteinte par le salarié au cours de sa maladie, il reçoit, à partir du moment où cette ancienneté est atteinte, l'allocation ou la fraction d'allocation fixée par la nouvelle ancienneté pour chacun des jours de maladie restant à courir'.

Or, la cour relève que la société a rémunéré M. [H] sur la base de 100 % de sa rémunération fixe pendant toute la durée de l'arrêt de travail pour maladie, étant rappelé, d'une part, que le présent arrêt a condamné la société à lui verser la rémunération variable jusqu'à la fin du préavis et, d'autre part, que le maintien du salaire pendant un arrêt de travail 'maladie professionnelle ou non' ne peut dépasser la rémunération contractuelle du salarié.

Ainsi, M. [H] a été rempli de ses droits et sera débouté de sa demande de cumul de son indemnité compensatrice de préavis avec le paiement des IJSS et des indemnités de prévoyance.

Sur les autres demandes:

I1 y a lieu d'ordonner à la société Onepoint Partners de remettre à M. [E] [H] une attestation France Travail, un certificat de travail rectifiés et un bulletin de salaire récapitulatif, en particulier pour l'avantage en nature, conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa notification, sans qu'il soit nécessaire de fixer une astreinte, étant rappelé que le présent arrêt est exécutoire de droit.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, soit le 30 novembre 2021et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée, le jugement déféré étant infirmé à ce titre.

La société Onepoint Partners, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens, comprenant les éventuels frais d'exécution, et à payer à M. [E] [H] la somme de

2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme prononcée à ce titre en première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement du 9 février 2021 sauf en ce qu'il a fixé à la somme de :

- 58 333 euros le rappel de part variable pour l'année 2021;

avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation ;

- 84 864 euros à titre d'indemnité pour perte de chance liée à la cession forcée des actions ;

avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE RECEVABLE la demande en cause d'appel sur l'avantage en nature lié au véhicule de fonction,

PRONONCE la nullité du licenciement de M. [E] [H],

FIXE à la somme de 659,88 euros l'avantage en nature découlant de la mise à disposition du véhicule,

FIXE le salaire de référence de M. [E] [H] à la somme de 27 326,50 euros,

REJETTE les demandes au titre du travail dissimulé,

REJETTE les demandes de dommages-intérêts pour le non-versement des indemnités de sécurité sociale et de prévoyance,

CONDAMNE la société Onepoint Partners à verser à M. [E] [H] les sommes suivantes :

- 165 000 euros au titre de dommages-intérêts pour la nullité du licenciement ;

avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2025,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

ORDONNE la capitalisation des intérêts légaux dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil,

ORDONNE à la société Onepoint Partners de remettre à M. [E] [H] une attestation France Travail, un certificat de travail rectifié et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, dans un délai de deux mois à compter de sa notification,

DÉBOUTE M. [E] [H] du surplus de ses demandes,

DÉBOUTE la société Onepoint Partners de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNE la société Onepoint Partners aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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