CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 6 mars 2025, n° 23/11380
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 6 MARS 2025
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/11380 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH325
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juin 2023 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2022F00130
APPELANTS
M. [J] [X]
De nationalité française
Né le 22 avril 1957 à [Localité 12] (TUNISIE)
[Adresse 8]
[Localité 7]
Mme [L] [E] épouse [X]
De nationalité française
Née le 1er juillet 1964 à [Localité 9] (92)
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentés par Me Charlotte HILDEBRAND de la SCP Huvelin & Associés, avocate au barreau de PARIS, toque : R285
Assistés par Me Florent PRACON, avocat au barreau de PARIS, toque : G0154
INTIMÉS
S.A.S. EUGENE & GUSTAVE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 831 204 532
S.A.R.L. ENTRETIEN INSTALLATION SERVICE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 348 792 219
Représentées par Me Laurent CREHANGE de la SELARL CREHANGE & KLEIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C1312
M. [D] [P]
De nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Assignation à domicile conformément aux dispositions de l'article 655 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 17 octobre 2023)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Octobre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La société Entretien installation service EIS a pour activité la réalisation de travaux d'installation électrique.
Jusqu'au 31 janvier 2019, le capital de la société Entretien installation service EIS était intégralement détenu par M. [J] [X] et Mme [L] [X].
Par acte sous signature privée du 20 novembre 2018, M. [J] [X] et Mme [L] [X] ont conclu avec la société Eugène & Gustave une promesse de vente et d'achat sous conditions suspensives, portant sur les parts de la société Entretien installation service EIS.
Par acte sous signature privée du 31 janvier 2019, les parties ont signé l'acte de cession de l'intégralité des parts de la société Entretien installation service EIS, pour un prix de 195 000 euros, avec la mise en place d'un séquestre entre les mains de Me [D] [P], outre une convention de garantie d'actif et de passif.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 août 2021, la société Entretien installation service EIS a mis en 'uvre la garantie d'actif et de passif pour divers postes et pour un montant global de 17 457,27 euros.
Par courrier du 9 septembre 2021, M. [J] [X] et Mme [L] [X] ont contesté l'essentiel des postes.
Par acte introductif d'instance du 3 janvier 2022, la société Entretien installation service EIS et la société Eugène & Gustave ont fait assigner M. [J] [X] et Mme [L] [X] devant le tribunal de commerce de Bobigny aux fins d'indemnisation au titre de la garantie d'actif et de passif.
Par acte introductif d'instance du 5 janvier 2022, la société Entretien installation service EIS et la société Eugène & Gustave ont fait assigner Me [D] [P], ès qualités de séquestre devant le tribunal de commerce de Bobigny.
Par jugement réputé contradictoire du 6 juin 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a :
Condamné solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] à payer à la société Eugène & Gustave la somme de 11 127, 17 euros au titre de leur garantie de passif avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2021, date de mise en demeure ;
Débouté la société Entretien installation service EIS de sa demande à ce titre ;
Débouté M. [J] [X] et Mme [L] [X] de l'ensemble de leurs demandes ;
Condamné solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] à payer à la société Entretien installation service EIS la somme de 2 420 euros avec intérêts calculés au taux légal à compter du 30 août 2021, date de la mise en demeure ;
Ordonné la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an, à compter du 20 mai 2022 ;
Débouté la société Eugène & Gustave de sa demande au titre des dommages et intérêts ;
Débouté la société Eugène & Gustave de sa demande d'ordonner le reversement à son profit de la somme de 15 000 euros séquestrée entre les mains de Me [D] [P] ;
Condamné solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] à verser à la société Eugène & Gustave et à la société Entretien installation service EIS la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] aux dépens.
Par déclaration du 28 juin 2023, M. [J] [X] et Mme [L] [X] ont interjeté appel de ce jugement.
Par signification à domicile du 17 octobre 2023, M. [J] [X] et Mme [L] [X] ont fait signifier leur déclaration d'appel à Me [D] [P], qui n'avait pas constitué avocat dans le délai prescrit.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 septembre 2024, M. [J] [X] et Mme [L] [X] demandent à la cour de :
infirmer et/ou réformer la décision entreprise ;
Statuant à nouveau,
constater l'absence de respect des obligations souscrites par les sociétés Entretien installation service EIS et Eugène & Gustave ;
constater l'absence de notification par courrier lettre recommandée dans le délai contractuel de 30 jours et que M. [J] [X] et Mme [L] [X] n'ont pas été mis en demeure de répondre ou de s'opposer aux positions adoptées par les bénéficiaires ;
déclarer les demandes formées par les sociétés Entretien installation service EIS et Eugène & Gustave irrecevables concernant :
le litige [Adresse 10] : 879,10 euros (732,58 euros hors taxes) ;
le litige Abaza : 3 847, 61 euros en principal et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, soit 4 347,61 euros au total ;
l'impayé fournisseurs (Neopost) : 149 euros (124,16 euros hors taxes) ;
l'impayé fournisseurs (LTB) : 35,71 euros (29,75 euros hors taxes) ;
l'impayé fournisseurs (Apave) : 433,15 euros (360,95 euros hors taxes) ;
la contravention de stationnement : 228 euros ;
la CVAE : 258 euros ;
le litige Abaza : 4 300 euros au titres des honoraires d'avocat (3 583, 33 euros hors taxes) ;
le litige [Adresse 10] : 500 euros au titres des honoraires d'avocat (416,66 euros hors taxes) ;
débouter les sociétés Entretien installation service EIS et Eugène & Gustave de leurs demandes, fins et conclusions ;
condamner la société Eugène & Gustave au paiement de la somme de 1 euro au profit de M. [J] [X] en réparation de son préjudice moral subi pour des accusations insultantes, mensongères et attentatoires à son honneur et sa dignité ;
condamner les sociétés Entretien installation service EIS et Eugène & Gustave à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner les sociétés Entretien installation service EIS et Eugène & Gustave aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 avril 2024, la société Eugène & Gustave demande à la cour de :
confirmer le jugement rendu le 6 juin 2023 par le tribunal de commerce de Bobigny en ce qu'il :
« Condamne solidairement Mme [L] [E] épouse [X] et M. [J] [X] à payer à la société Euège & Gustave la somme de 11 127,17 euros au titre de leur garantie de passif avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2021, date de la mise en demeure ; déboute la société EIS de sa demande à ce titre ;
Déboute Mme [L] [E] épouse [X] et M. [J] [X] de l'ensemble de leurs demandes ;
Condamne solidairement Mme [L] [E] épouse [X] et M. [J] [X] à payer à la société EIS la somme de 2 420 euros avec intérêts calculés au taux légal à compter du 30 août 2021, date de la mise en demeure ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an, à compter du 20 mai 2022 ;
Condamne solidairement Mme [L] [E] épouse [X] et M. [J] [X] à verser à la société Eugène & Gustave et à la société EIS la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement Mme [L] [E] épouse [X] et M. [J] [X] aux dépens ;
Liquide les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 131, 14 euros toutes charges comprises » ;
infirmer le jugement rendu le 6 juin 2023 par le tribunal de commerce de Bobigny en ce qu'il :
« Déboute la société Eugène & Gustave de sa demande au titre des dommages et intérêts » ;
Statuant à nouveau,
débouter M. [J] [X] et Mme [L] [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] à payer à la société Eugène & Gustave la somme de 11 127,17 euros au titre de leur garantie d'actif et de passif avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2021, date de la mise en demeure ;
ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an ;
condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] à payer à la société Eugène & Gustave la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par la violation de leur obligation précontractuelle d'information à titre de préjudice moral ;
condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] à payer à la société Eugène & Gustave la somme de 2 420 euros hors taxes en réparation du préjudice causé par la violation de leur obligation contractuelle ;
condamner in solidum M. [J] [X] et Mme [L] [X] à payer à la société Eugène & Gustave la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner in solidum M. [J] [X] et Mme [L] [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant directement recouvrés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Me [D] [P] n'a pas constitué avocat.
L'instruction a été clôturée le 12 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'irrecevabilité des demandes
M. [J] [X] et Mme [L] [X] soutiennent que l'ensemble des demandes au titre de la garantie d'actif et de passif sont irrecevables car elles n'ont pas été formées dans les conditions fixées par la convention de garantie et que la déchéance de la garantie est encourue ; qu'il résulte de cette violation du formalisme contractuellement défini que le jugement doit être infirmé en ce qu'il les a condamnés au paiement de la somme en principal de 11 127,17 euros.
La société Eugène & Gustave n'a pas répondu sur ce point.
Sur ce,
Par application de l'article 1103 du code civil, Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, l'article 19 de la convention de garantie d'actif et de passif - seul opposable aux parties - prévoit que : « Toute demande d'indemnisation présentée par LE BENEFICIAIRE en vertu de la présente garantie, ne sera prise en considération par LE GARANT qu'à condition qu'il ait été préalablement informé par lettre recommandée avec accusé de réception et copie par mail, des causes et charges supplémentaires éventuelles, et qu'il ait été mis en mesure d'y répondre ou de s'y opposer dans les délais fixés ci-après. »
Cette clause implique une notification par lettre recommandée avec accusé de réception, mais également la transmission d'éléments permettant aux garants de répondre à la réclamation.
Or, aucune pièce versée aux débats ne rapporte la preuve d'une telle transmission. Ce défaut de notification n'est pas, au demeurant, contesté par la société Eugène & Gustave.
En outre, le même article 19 enferme la faculté d'engagement de la garantie par le bénéficiaire dans un délai contractuel : « La mise en 'uvre de la garantie s'opérera de la manière suivante :
LE BENEFICIAIRE informera LE GARANT par lettre recommandée avec avis de réception ou lettre remise en main propre contre reçu, dans les TRENTE (30) jours ou dans les QUINZE (15) jours en cas de notification d'une vérification fiscale ou sociale ou de la survenance d'un événement faisant courir un délai préfix à l'encontre de LA SOCIETE, de toutes les révélations de passif supplémentaire ou de diminutions d'actif ainsi que tous les éléments susceptibles d'entraîner une telle conséquence. »
L'article 19 précise par ailleurs, en cas de non-respect par le bénéficiaire du délai sus visé, que « Le non-respect par l'Acquéreur des délais visés ci-dessous entraînera la déchéance du droit à garantie pour la réclamation concernée, dès lors que ce non-respect aura empêché LE GARANT de faire valoir son argumentation. ».
Or, il résulte des pièces versées aux débats que le formalisme accepté par le bénéficiaire relatif à la procédure à suivre et aux délais pour pouvoir prétendre à la garantie des garants, n'a pas été respecté, ce que la société Eugène & Gustave ne conteste pas utilement.
Il ressort également des éléments du dossier que les bénéficiaires n'ont pas permis aux garants d'être mis « en mesure d'y répondre ou de s'y opposer dans les délais fixés ».
Ainsi, tant la société EIS que la société Eugène & Gustave se sont affranchies de leur obligations et engagements de sorte que, conformément aux stipulations du contrat, la société Eugène & Gustave, déchue de son droit à garantie, ne peut désormais plus s'en prévaloir ni former des réclamations, sans qu'il soit possible d'invoquer, pour tenter de s'y soustraire, un abus d'une prérogative contractuelle.
Le fait que le garant ait conservé des fonctions au sein de la société est indifférent, et n'est pas de nature à affranchir le bénéficiaire de la garantie du respect de l'obligation d'information stipulée.
De même, il importe peu que les époux [X] aient eu connaissance des événements causals litigieux, dès lors que la clause a pour objet d'imposer au bénéficiaire de la garantie un devoir de loyauté envers le garant, aux fins notamment de protéger le garant contre toute tentation du bénéficiaire, lui-même conforté par sa propre garantie, de céder à d'éventuelles réclamations de tiers ou de renoncer à poursuivre le recouvrement d'impayés. Cette clause vise ainsi à laisser au garant la possibilité de discuter en temps utile les éléments constitutifs d'aggravation du passif ou de diminution d'actif qui pourraient lui être opposés.
Il s'ensuit que la libre détermination par les parties des modalités de mise en 'uvre de la garantie de passif implique que le juge ne puisse interpréter la clause si elle est claire et dénuée d'ambiguïté, mais doit se borner à appliquer la convention.
Par conséquent, sans que cette sanction puisse constituer un abus d'une prérogative contractuelle, l'inobservation de la clause de notification entraîne la perte du bénéfice de la garantie.
Enfin, cette inobservation, en ce qu'elle concerne les conditions d'application de la garantie d'actif et de passif, n'entraîne pas l'irrecevabilité de l'action des appelants, mais touche au fond du litige.
C'est donc à tort que le tribunal n'a pas procédé à une application littérale de la convention et a considéré que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve d'un préjudice que l'absence de respect du formalisme leur aurait causé dès lors qu'ils avaient connaissance des litiges objet de la mise en 'uvre de la garantie et qu'ils avaient toute liberté pour faire valoir leur argumentation.
Aussi, convient-il d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de rejeter les prétentions de la société Eugène & Gustave pour inobservation de la clause de notification ayant entraîné la perte du bénéfice de la garantie.
La cour n'examinera pas, dès lors, les moyens tirés du champ d'application de la convention de garantie s'agissant des chefs de réclamation. Enfin, le préjudice moral invoqué par les intimés résultant du défaut de paiement ne sera pas non plus examiné.
S'agissant des manquements de M. [J] [X] et Mme [L] [X] à leur obligation contractuelle
Les époux [X] énoncent que la promesse de cession du 20 novembre 2018 prévoyait que, dans l'hypothèse où la cession ne serait effective que postérieurement au 2 janvier 2019, M. [X] percevrait une rémunération mensuelle de 5 000 euros nette calculée prorata temporis en fonction de la date de cession, et que la cession étant intervenue le 31 janvier 2019, la somme de 5 000 euros nette lui était acquise. Ils considèrent ainsi que les frais de mise aux normes de la façade de la boutique, d'un montant de 2 420 euros, ont été payés par compensation avec la rémunération de 5 000 euros acquise par M. [X]. Ils soutiennent enfin que le formalisme de la garantie d'actif et de passif n'a pas été respecté concernant cette réclamation.
La société Eugène & Gustave réplique d'une part que, conformément à l'article 1347 du code civil, la compensation doit être invoquée pour s'opérer, ce qu'ont manqué de faire les époux [X], d'autre part, qu'il n'y a compensation qu'à la condition qu'il existe des dettes réciproques entre les parties et que, au jour de la signature de l'acte de cession, la société EIS n'était plus redevable d'aucune dette à l'égard des appelants, de sorte que la compensation ne pouvait s'opérer. Elle ajoute que l'obligation de rembourser les frais afférents à la mise aux normes de la façade ne découle pas de l'obligation pour les garants de garantir le passif de la société EIS, mais d'un engagement distinct pris par les cédants dans l'acte de cession.
Sur ce,
En vertu de l'article 1103 du Code civil applicable en l'espèce Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, aux termes de l'article 8.23 « Mise aux normes » de l'acte de cession, les cédants se sont engagés à prendre à leur charge des travaux de mise en conformité de la façade en ces termes :
« Le Cédant informe le Cessionnaire que la Société a reçu le 10 juillet 2018 une correspondance recommandée de la Mairie de [Localité 11] lui demandant de mette aux normes la façade de la boutique (Annexe 6). (') Le cédant a mandaté en janvier 2019 Monsieur [I], architecte, afin de déposer un dossier de mise en conformité de la façade auprès des services de la mairie de [Localité 11]. Le Cédant s'engage à prendre à sa charge les frais afférents à la mise aux normes de la façade en conformité avec la décision à venir de la ville de [Localité 11] :
- Soit par la dépose des travaux autorisés par la ville,
- Soit par la réalisation des travaux autorisés par la ville, ['] »
Or, les travaux ont été réalisés et la note d'honoraires de l'architecte [I] d'un montant de 2 420 euros HT a été réglée par la société EIS en janvier 2019.
Dans leur lettre du 9 septembre 2021, les époux [X] ont fait part de leur refus de rembourser ladite note d'honoraires. Devant la cour et pour échapper à leur obligation, ils invoquent une compensation qui se serait opérée entre la somme de 2 420 euros dont ils sont redevables, et la somme de 5 000 euros dont la société EIS serait redevable au titre de la rémunération due à M. [X] conformément à la promesse de vente conclue entre les parties.
Toutefois, conformément à l'article 1347 du code civil, pour s'opérer la compensation doit être invoquée. Or, il est établi que les époux [X] n'ont jamais invoqué de compensation, qui n'a donc pas pu s'opérer.
En outre, il n'y a compensation qu'à la condition qu'il existe des dettes réciproques entre les parties. Il est constant que la facture de M. [I] a été réglée par la société EIS, le 26 janvier 2019, alors qu'aux termes de l'article 13 de l'acte de cession du 31 janvier 2019, les époux [X] se sont engagés à rembourser au cessionnaire les frais afférents à la mise aux normes de la façade. Ainsi, la dette des époux [X] à l'égard de la société Eugène & Gustave est née le 31 janvier 2019, soit au jour de la signature de l'acte de cession.
Or, à cette date, la société EIS n'était plus redevable d'aucune dette à l'égard des époux [X] puisqu'ils ont déclaré en ces termes à l'article 5 de l'acte de cession du 31 janvier 2019 que la société EIS n'était redevable d'aucune somme au titre de la rémunération de M. [X] : « Monsieur [J] [X] démissionne, ce jour, de son mandat de gérant de la Société et déclare que celle-ci ne lui est redevable d'aucune somme au titre de l'exercice et de la cessation de ses fonctions. »
Il en résulte qu'il n'existait pas de dettes réciproques des parties qui aurait auraient pu se compenser.
Enfin, l'obligation de rembourser les frais afférents à la mise aux normes de la façade ne découle pas de l'obligation pour les garants de garantir le passif de la société EIS, mais d'un engagement distinct pris par les cédants dans l'acte de cession, de sorte que le moyen tiré du non-respect du formalisme de la garantie pour toute réclamation est inopérant.
Dès lors, la société Eugène & Gustave est fondée à solliciter la condamnation solidaire des époux [X] au paiement de la somme de 2 420 euros HT, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande indemnitaire de M. [J] [X]
Les époux [X] soutiennent que M. [J] [X] a été particulièrement choqué par sa mise en cause personnelle tendant à faire accroire qu'il a volé la société Entretien installation service EIS et qu'il a usurpé l'identité de M. [Z], dirigeant de cette même société.
La société Eugène & Gustave soutient que cette demande ne repose sur aucun élément ; qu'outre le fait que les circonstances alléguées relèvent de la compétence des juridictions répressives, elle n'a jamais soutenu que M. [J] [X] aurait « volé la société EIS » ou « usurpé l'identité de M. [Z] ».
Sur ce,
La condamnation à des dommages et intérêts du chef invoqué de l'usurpation d'identité suppose la démonstration d'une faute commise par les sociétés EIS et Eugène & Gustave dans la poursuite de leur action à l'encontre des appelants, l'octroi de dommages et intérêts étant subordonné à l'existence d'un préjudice en lien de causalité avec cette faute, conformément à l'article 1240 du code civil.
Il ne résulte en l'espèce ni des débats ni des pièces versées au dossier que les sociétés EIS et Eugène & Gustave auraient dénigré M. [X] dans les proportions invoquées, à savoir par des accusations insultantes, mensongères et attentatoires à son honneur et sa dignité, ni que ce dernier en aurait subi un préjudice.
Le rejet par les premiers juges de la demande formée par M. [X] de ce chef doit donc être confirmé.
Sur les frais et dépens
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au regard de l'équité, la cour dira que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et frais et honoraires non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a :
Condamné solidairement M. et Mme [X] à payer à la société Eugène & Gustave la somme de 2 420 euros HT ;
Ordonné la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an, à compter du 20 mai 2022 ;
Débouté la société Eugène & Gustave de sa demande au titre des dommages et intérêts ;
Débouté la société Eugène & Gustave de sa demande d'ordonner le reversement à son profit de la somme de 15 000 euros séquestrée entre les mains de Me [D] [P] ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande de la société Eugène & Gustave en paiement de la somme de 11 127,17 euros au titre de la garantie de passif ;
Rejette la demande de M. [J] [X] en réparation de son préjudice moral subi pour des accusations insultantes, mensongères et attentatoires à son honneur et sa dignité ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens prévus aux articles 700 et 695 du code de procédure civile engagés en première instance et en cause d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 6 MARS 2025
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/11380 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH325
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juin 2023 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2022F00130
APPELANTS
M. [J] [X]
De nationalité française
Né le 22 avril 1957 à [Localité 12] (TUNISIE)
[Adresse 8]
[Localité 7]
Mme [L] [E] épouse [X]
De nationalité française
Née le 1er juillet 1964 à [Localité 9] (92)
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentés par Me Charlotte HILDEBRAND de la SCP Huvelin & Associés, avocate au barreau de PARIS, toque : R285
Assistés par Me Florent PRACON, avocat au barreau de PARIS, toque : G0154
INTIMÉS
S.A.S. EUGENE & GUSTAVE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 831 204 532
S.A.R.L. ENTRETIEN INSTALLATION SERVICE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 348 792 219
Représentées par Me Laurent CREHANGE de la SELARL CREHANGE & KLEIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C1312
M. [D] [P]
De nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Assignation à domicile conformément aux dispositions de l'article 655 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 17 octobre 2023)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Octobre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La société Entretien installation service EIS a pour activité la réalisation de travaux d'installation électrique.
Jusqu'au 31 janvier 2019, le capital de la société Entretien installation service EIS était intégralement détenu par M. [J] [X] et Mme [L] [X].
Par acte sous signature privée du 20 novembre 2018, M. [J] [X] et Mme [L] [X] ont conclu avec la société Eugène & Gustave une promesse de vente et d'achat sous conditions suspensives, portant sur les parts de la société Entretien installation service EIS.
Par acte sous signature privée du 31 janvier 2019, les parties ont signé l'acte de cession de l'intégralité des parts de la société Entretien installation service EIS, pour un prix de 195 000 euros, avec la mise en place d'un séquestre entre les mains de Me [D] [P], outre une convention de garantie d'actif et de passif.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 août 2021, la société Entretien installation service EIS a mis en 'uvre la garantie d'actif et de passif pour divers postes et pour un montant global de 17 457,27 euros.
Par courrier du 9 septembre 2021, M. [J] [X] et Mme [L] [X] ont contesté l'essentiel des postes.
Par acte introductif d'instance du 3 janvier 2022, la société Entretien installation service EIS et la société Eugène & Gustave ont fait assigner M. [J] [X] et Mme [L] [X] devant le tribunal de commerce de Bobigny aux fins d'indemnisation au titre de la garantie d'actif et de passif.
Par acte introductif d'instance du 5 janvier 2022, la société Entretien installation service EIS et la société Eugène & Gustave ont fait assigner Me [D] [P], ès qualités de séquestre devant le tribunal de commerce de Bobigny.
Par jugement réputé contradictoire du 6 juin 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a :
Condamné solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] à payer à la société Eugène & Gustave la somme de 11 127, 17 euros au titre de leur garantie de passif avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2021, date de mise en demeure ;
Débouté la société Entretien installation service EIS de sa demande à ce titre ;
Débouté M. [J] [X] et Mme [L] [X] de l'ensemble de leurs demandes ;
Condamné solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] à payer à la société Entretien installation service EIS la somme de 2 420 euros avec intérêts calculés au taux légal à compter du 30 août 2021, date de la mise en demeure ;
Ordonné la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an, à compter du 20 mai 2022 ;
Débouté la société Eugène & Gustave de sa demande au titre des dommages et intérêts ;
Débouté la société Eugène & Gustave de sa demande d'ordonner le reversement à son profit de la somme de 15 000 euros séquestrée entre les mains de Me [D] [P] ;
Condamné solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] à verser à la société Eugène & Gustave et à la société Entretien installation service EIS la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] aux dépens.
Par déclaration du 28 juin 2023, M. [J] [X] et Mme [L] [X] ont interjeté appel de ce jugement.
Par signification à domicile du 17 octobre 2023, M. [J] [X] et Mme [L] [X] ont fait signifier leur déclaration d'appel à Me [D] [P], qui n'avait pas constitué avocat dans le délai prescrit.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 septembre 2024, M. [J] [X] et Mme [L] [X] demandent à la cour de :
infirmer et/ou réformer la décision entreprise ;
Statuant à nouveau,
constater l'absence de respect des obligations souscrites par les sociétés Entretien installation service EIS et Eugène & Gustave ;
constater l'absence de notification par courrier lettre recommandée dans le délai contractuel de 30 jours et que M. [J] [X] et Mme [L] [X] n'ont pas été mis en demeure de répondre ou de s'opposer aux positions adoptées par les bénéficiaires ;
déclarer les demandes formées par les sociétés Entretien installation service EIS et Eugène & Gustave irrecevables concernant :
le litige [Adresse 10] : 879,10 euros (732,58 euros hors taxes) ;
le litige Abaza : 3 847, 61 euros en principal et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, soit 4 347,61 euros au total ;
l'impayé fournisseurs (Neopost) : 149 euros (124,16 euros hors taxes) ;
l'impayé fournisseurs (LTB) : 35,71 euros (29,75 euros hors taxes) ;
l'impayé fournisseurs (Apave) : 433,15 euros (360,95 euros hors taxes) ;
la contravention de stationnement : 228 euros ;
la CVAE : 258 euros ;
le litige Abaza : 4 300 euros au titres des honoraires d'avocat (3 583, 33 euros hors taxes) ;
le litige [Adresse 10] : 500 euros au titres des honoraires d'avocat (416,66 euros hors taxes) ;
débouter les sociétés Entretien installation service EIS et Eugène & Gustave de leurs demandes, fins et conclusions ;
condamner la société Eugène & Gustave au paiement de la somme de 1 euro au profit de M. [J] [X] en réparation de son préjudice moral subi pour des accusations insultantes, mensongères et attentatoires à son honneur et sa dignité ;
condamner les sociétés Entretien installation service EIS et Eugène & Gustave à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner les sociétés Entretien installation service EIS et Eugène & Gustave aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 avril 2024, la société Eugène & Gustave demande à la cour de :
confirmer le jugement rendu le 6 juin 2023 par le tribunal de commerce de Bobigny en ce qu'il :
« Condamne solidairement Mme [L] [E] épouse [X] et M. [J] [X] à payer à la société Euège & Gustave la somme de 11 127,17 euros au titre de leur garantie de passif avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2021, date de la mise en demeure ; déboute la société EIS de sa demande à ce titre ;
Déboute Mme [L] [E] épouse [X] et M. [J] [X] de l'ensemble de leurs demandes ;
Condamne solidairement Mme [L] [E] épouse [X] et M. [J] [X] à payer à la société EIS la somme de 2 420 euros avec intérêts calculés au taux légal à compter du 30 août 2021, date de la mise en demeure ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an, à compter du 20 mai 2022 ;
Condamne solidairement Mme [L] [E] épouse [X] et M. [J] [X] à verser à la société Eugène & Gustave et à la société EIS la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement Mme [L] [E] épouse [X] et M. [J] [X] aux dépens ;
Liquide les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 131, 14 euros toutes charges comprises » ;
infirmer le jugement rendu le 6 juin 2023 par le tribunal de commerce de Bobigny en ce qu'il :
« Déboute la société Eugène & Gustave de sa demande au titre des dommages et intérêts » ;
Statuant à nouveau,
débouter M. [J] [X] et Mme [L] [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] à payer à la société Eugène & Gustave la somme de 11 127,17 euros au titre de leur garantie d'actif et de passif avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2021, date de la mise en demeure ;
ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an ;
condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] à payer à la société Eugène & Gustave la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par la violation de leur obligation précontractuelle d'information à titre de préjudice moral ;
condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [L] [X] à payer à la société Eugène & Gustave la somme de 2 420 euros hors taxes en réparation du préjudice causé par la violation de leur obligation contractuelle ;
condamner in solidum M. [J] [X] et Mme [L] [X] à payer à la société Eugène & Gustave la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner in solidum M. [J] [X] et Mme [L] [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant directement recouvrés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Me [D] [P] n'a pas constitué avocat.
L'instruction a été clôturée le 12 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'irrecevabilité des demandes
M. [J] [X] et Mme [L] [X] soutiennent que l'ensemble des demandes au titre de la garantie d'actif et de passif sont irrecevables car elles n'ont pas été formées dans les conditions fixées par la convention de garantie et que la déchéance de la garantie est encourue ; qu'il résulte de cette violation du formalisme contractuellement défini que le jugement doit être infirmé en ce qu'il les a condamnés au paiement de la somme en principal de 11 127,17 euros.
La société Eugène & Gustave n'a pas répondu sur ce point.
Sur ce,
Par application de l'article 1103 du code civil, Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, l'article 19 de la convention de garantie d'actif et de passif - seul opposable aux parties - prévoit que : « Toute demande d'indemnisation présentée par LE BENEFICIAIRE en vertu de la présente garantie, ne sera prise en considération par LE GARANT qu'à condition qu'il ait été préalablement informé par lettre recommandée avec accusé de réception et copie par mail, des causes et charges supplémentaires éventuelles, et qu'il ait été mis en mesure d'y répondre ou de s'y opposer dans les délais fixés ci-après. »
Cette clause implique une notification par lettre recommandée avec accusé de réception, mais également la transmission d'éléments permettant aux garants de répondre à la réclamation.
Or, aucune pièce versée aux débats ne rapporte la preuve d'une telle transmission. Ce défaut de notification n'est pas, au demeurant, contesté par la société Eugène & Gustave.
En outre, le même article 19 enferme la faculté d'engagement de la garantie par le bénéficiaire dans un délai contractuel : « La mise en 'uvre de la garantie s'opérera de la manière suivante :
LE BENEFICIAIRE informera LE GARANT par lettre recommandée avec avis de réception ou lettre remise en main propre contre reçu, dans les TRENTE (30) jours ou dans les QUINZE (15) jours en cas de notification d'une vérification fiscale ou sociale ou de la survenance d'un événement faisant courir un délai préfix à l'encontre de LA SOCIETE, de toutes les révélations de passif supplémentaire ou de diminutions d'actif ainsi que tous les éléments susceptibles d'entraîner une telle conséquence. »
L'article 19 précise par ailleurs, en cas de non-respect par le bénéficiaire du délai sus visé, que « Le non-respect par l'Acquéreur des délais visés ci-dessous entraînera la déchéance du droit à garantie pour la réclamation concernée, dès lors que ce non-respect aura empêché LE GARANT de faire valoir son argumentation. ».
Or, il résulte des pièces versées aux débats que le formalisme accepté par le bénéficiaire relatif à la procédure à suivre et aux délais pour pouvoir prétendre à la garantie des garants, n'a pas été respecté, ce que la société Eugène & Gustave ne conteste pas utilement.
Il ressort également des éléments du dossier que les bénéficiaires n'ont pas permis aux garants d'être mis « en mesure d'y répondre ou de s'y opposer dans les délais fixés ».
Ainsi, tant la société EIS que la société Eugène & Gustave se sont affranchies de leur obligations et engagements de sorte que, conformément aux stipulations du contrat, la société Eugène & Gustave, déchue de son droit à garantie, ne peut désormais plus s'en prévaloir ni former des réclamations, sans qu'il soit possible d'invoquer, pour tenter de s'y soustraire, un abus d'une prérogative contractuelle.
Le fait que le garant ait conservé des fonctions au sein de la société est indifférent, et n'est pas de nature à affranchir le bénéficiaire de la garantie du respect de l'obligation d'information stipulée.
De même, il importe peu que les époux [X] aient eu connaissance des événements causals litigieux, dès lors que la clause a pour objet d'imposer au bénéficiaire de la garantie un devoir de loyauté envers le garant, aux fins notamment de protéger le garant contre toute tentation du bénéficiaire, lui-même conforté par sa propre garantie, de céder à d'éventuelles réclamations de tiers ou de renoncer à poursuivre le recouvrement d'impayés. Cette clause vise ainsi à laisser au garant la possibilité de discuter en temps utile les éléments constitutifs d'aggravation du passif ou de diminution d'actif qui pourraient lui être opposés.
Il s'ensuit que la libre détermination par les parties des modalités de mise en 'uvre de la garantie de passif implique que le juge ne puisse interpréter la clause si elle est claire et dénuée d'ambiguïté, mais doit se borner à appliquer la convention.
Par conséquent, sans que cette sanction puisse constituer un abus d'une prérogative contractuelle, l'inobservation de la clause de notification entraîne la perte du bénéfice de la garantie.
Enfin, cette inobservation, en ce qu'elle concerne les conditions d'application de la garantie d'actif et de passif, n'entraîne pas l'irrecevabilité de l'action des appelants, mais touche au fond du litige.
C'est donc à tort que le tribunal n'a pas procédé à une application littérale de la convention et a considéré que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve d'un préjudice que l'absence de respect du formalisme leur aurait causé dès lors qu'ils avaient connaissance des litiges objet de la mise en 'uvre de la garantie et qu'ils avaient toute liberté pour faire valoir leur argumentation.
Aussi, convient-il d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de rejeter les prétentions de la société Eugène & Gustave pour inobservation de la clause de notification ayant entraîné la perte du bénéfice de la garantie.
La cour n'examinera pas, dès lors, les moyens tirés du champ d'application de la convention de garantie s'agissant des chefs de réclamation. Enfin, le préjudice moral invoqué par les intimés résultant du défaut de paiement ne sera pas non plus examiné.
S'agissant des manquements de M. [J] [X] et Mme [L] [X] à leur obligation contractuelle
Les époux [X] énoncent que la promesse de cession du 20 novembre 2018 prévoyait que, dans l'hypothèse où la cession ne serait effective que postérieurement au 2 janvier 2019, M. [X] percevrait une rémunération mensuelle de 5 000 euros nette calculée prorata temporis en fonction de la date de cession, et que la cession étant intervenue le 31 janvier 2019, la somme de 5 000 euros nette lui était acquise. Ils considèrent ainsi que les frais de mise aux normes de la façade de la boutique, d'un montant de 2 420 euros, ont été payés par compensation avec la rémunération de 5 000 euros acquise par M. [X]. Ils soutiennent enfin que le formalisme de la garantie d'actif et de passif n'a pas été respecté concernant cette réclamation.
La société Eugène & Gustave réplique d'une part que, conformément à l'article 1347 du code civil, la compensation doit être invoquée pour s'opérer, ce qu'ont manqué de faire les époux [X], d'autre part, qu'il n'y a compensation qu'à la condition qu'il existe des dettes réciproques entre les parties et que, au jour de la signature de l'acte de cession, la société EIS n'était plus redevable d'aucune dette à l'égard des appelants, de sorte que la compensation ne pouvait s'opérer. Elle ajoute que l'obligation de rembourser les frais afférents à la mise aux normes de la façade ne découle pas de l'obligation pour les garants de garantir le passif de la société EIS, mais d'un engagement distinct pris par les cédants dans l'acte de cession.
Sur ce,
En vertu de l'article 1103 du Code civil applicable en l'espèce Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, aux termes de l'article 8.23 « Mise aux normes » de l'acte de cession, les cédants se sont engagés à prendre à leur charge des travaux de mise en conformité de la façade en ces termes :
« Le Cédant informe le Cessionnaire que la Société a reçu le 10 juillet 2018 une correspondance recommandée de la Mairie de [Localité 11] lui demandant de mette aux normes la façade de la boutique (Annexe 6). (') Le cédant a mandaté en janvier 2019 Monsieur [I], architecte, afin de déposer un dossier de mise en conformité de la façade auprès des services de la mairie de [Localité 11]. Le Cédant s'engage à prendre à sa charge les frais afférents à la mise aux normes de la façade en conformité avec la décision à venir de la ville de [Localité 11] :
- Soit par la dépose des travaux autorisés par la ville,
- Soit par la réalisation des travaux autorisés par la ville, ['] »
Or, les travaux ont été réalisés et la note d'honoraires de l'architecte [I] d'un montant de 2 420 euros HT a été réglée par la société EIS en janvier 2019.
Dans leur lettre du 9 septembre 2021, les époux [X] ont fait part de leur refus de rembourser ladite note d'honoraires. Devant la cour et pour échapper à leur obligation, ils invoquent une compensation qui se serait opérée entre la somme de 2 420 euros dont ils sont redevables, et la somme de 5 000 euros dont la société EIS serait redevable au titre de la rémunération due à M. [X] conformément à la promesse de vente conclue entre les parties.
Toutefois, conformément à l'article 1347 du code civil, pour s'opérer la compensation doit être invoquée. Or, il est établi que les époux [X] n'ont jamais invoqué de compensation, qui n'a donc pas pu s'opérer.
En outre, il n'y a compensation qu'à la condition qu'il existe des dettes réciproques entre les parties. Il est constant que la facture de M. [I] a été réglée par la société EIS, le 26 janvier 2019, alors qu'aux termes de l'article 13 de l'acte de cession du 31 janvier 2019, les époux [X] se sont engagés à rembourser au cessionnaire les frais afférents à la mise aux normes de la façade. Ainsi, la dette des époux [X] à l'égard de la société Eugène & Gustave est née le 31 janvier 2019, soit au jour de la signature de l'acte de cession.
Or, à cette date, la société EIS n'était plus redevable d'aucune dette à l'égard des époux [X] puisqu'ils ont déclaré en ces termes à l'article 5 de l'acte de cession du 31 janvier 2019 que la société EIS n'était redevable d'aucune somme au titre de la rémunération de M. [X] : « Monsieur [J] [X] démissionne, ce jour, de son mandat de gérant de la Société et déclare que celle-ci ne lui est redevable d'aucune somme au titre de l'exercice et de la cessation de ses fonctions. »
Il en résulte qu'il n'existait pas de dettes réciproques des parties qui aurait auraient pu se compenser.
Enfin, l'obligation de rembourser les frais afférents à la mise aux normes de la façade ne découle pas de l'obligation pour les garants de garantir le passif de la société EIS, mais d'un engagement distinct pris par les cédants dans l'acte de cession, de sorte que le moyen tiré du non-respect du formalisme de la garantie pour toute réclamation est inopérant.
Dès lors, la société Eugène & Gustave est fondée à solliciter la condamnation solidaire des époux [X] au paiement de la somme de 2 420 euros HT, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande indemnitaire de M. [J] [X]
Les époux [X] soutiennent que M. [J] [X] a été particulièrement choqué par sa mise en cause personnelle tendant à faire accroire qu'il a volé la société Entretien installation service EIS et qu'il a usurpé l'identité de M. [Z], dirigeant de cette même société.
La société Eugène & Gustave soutient que cette demande ne repose sur aucun élément ; qu'outre le fait que les circonstances alléguées relèvent de la compétence des juridictions répressives, elle n'a jamais soutenu que M. [J] [X] aurait « volé la société EIS » ou « usurpé l'identité de M. [Z] ».
Sur ce,
La condamnation à des dommages et intérêts du chef invoqué de l'usurpation d'identité suppose la démonstration d'une faute commise par les sociétés EIS et Eugène & Gustave dans la poursuite de leur action à l'encontre des appelants, l'octroi de dommages et intérêts étant subordonné à l'existence d'un préjudice en lien de causalité avec cette faute, conformément à l'article 1240 du code civil.
Il ne résulte en l'espèce ni des débats ni des pièces versées au dossier que les sociétés EIS et Eugène & Gustave auraient dénigré M. [X] dans les proportions invoquées, à savoir par des accusations insultantes, mensongères et attentatoires à son honneur et sa dignité, ni que ce dernier en aurait subi un préjudice.
Le rejet par les premiers juges de la demande formée par M. [X] de ce chef doit donc être confirmé.
Sur les frais et dépens
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au regard de l'équité, la cour dira que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et frais et honoraires non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a :
Condamné solidairement M. et Mme [X] à payer à la société Eugène & Gustave la somme de 2 420 euros HT ;
Ordonné la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an, à compter du 20 mai 2022 ;
Débouté la société Eugène & Gustave de sa demande au titre des dommages et intérêts ;
Débouté la société Eugène & Gustave de sa demande d'ordonner le reversement à son profit de la somme de 15 000 euros séquestrée entre les mains de Me [D] [P] ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande de la société Eugène & Gustave en paiement de la somme de 11 127,17 euros au titre de la garantie de passif ;
Rejette la demande de M. [J] [X] en réparation de son préjudice moral subi pour des accusations insultantes, mensongères et attentatoires à son honneur et sa dignité ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens prévus aux articles 700 et 695 du code de procédure civile engagés en première instance et en cause d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE