Livv
Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-2, 6 mars 2025, n° 22/02418

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 22/02418

6 mars 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 MARS 2025

N° RG 22/02418 N° Portalis DBV3-V-B7G-VLEP

AFFAIRE :

Société STELLANTIS AUTO SAS, anciennement dénommée PEUGEOT CITROËN AUTOMOBILES SA puis PSA AUTOMOBILES SA

C/

[VS] [F]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 13 juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : E

N° RG : F 20/00431

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Charles PHILIP

Me Oriane DONTOT

Le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANTE

Société STELLANTIS AUTO SAS, anciennement dénommée PEUGEOT CITROËN AUTOMOBILES SA puis PSA AUTOMOBILES SA

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Charles PHILIP de la SELARL RACINE, postulant, avocat au barreau de NANTES, vestiaire : 57

Plaidant : Me Géraud D'HUART de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES, vestiaire 57

****************

INTIME

Monsieur [VS] [F]

Né le 27 juillet 1971 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Plaidant : Me Xavier THOUVENIN de la REDLINK AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Substituée par Me Delphine DEMEAUTIS, avocat au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 novembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés devant Madame Isabelle CHABAL, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,

Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère,

Madame Isabelle CHABAL, conseillère,

Greffière en préaffectation lors des débats : Madame Victoria LE FLEM,

EXPOSE DU LITIGE

La société par actions simplifiée Stellantis Auto (anciennement dénommée Peugeot Citroën Automobiles SA puis PSA Automobiles SA), dont le siège social est situé [Adresse 2] à [Localité 6], est spécialisée dans la construction de véhicules automobiles. Elle emploie plus de dix salariés.

M. [VS] [F], né le 27 juillet 1971, a été engagé par la société Peugeot Citroën Automobiles selon contrat de travail à durée indéterminée du 25 septembre 1997 à effet au 1er octobre 1997, en qualité d'ingénieur cadre position I.

La convention applicable à la relation contractuelle était la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954.

M. [F] occupait en dernier lieu les fonctions de responsable de gammes.

Par courrier en date du 9 mai 2017, la société Peugeot Citroën Automobiles SA a convoqué M. [F] à un entretien préalable qui s'est déroulé le 19 mai 2017, avec mise à pied conservatoire.

Par courrier en date du 29 mai 2017, la société Peugeot Citroën Automobiles SA a notifié à M. [F] son licenciement pour faute lourde dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé le 19 mai dernier au cours duquel vous vous êtes présenté, assisté de M. [B] [W], délégué du personnel.

Nous vous avons exposé, au cours de cet entretien, les raisons qui, compte tenu de leur gravité au regard de votre fonction et de votre niveau de responsabilité, nous ont conduits à envisager la rupture de votre contrat de travail et avons pu recueillir à cet égard vos observations.

Nous sommes aujourd'hui contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute lourde.

Nous vous rappelons ci-après les motifs qui nous ont conduits à prendre une telle décision.

Pour mémoire, vous avez été embauché au sein de la Direction des Etudes et Techniques Automobiles du GIE PSA Peugeot Citroën à compter du 1er octobre 1997 en qualité d'ingénieur, statut Cadre.

Vous exercez désormais le poste de Responsable de Gammes au sein de la Direction des Styles de Citroën, sous le statut Cadre 'Supérieur'.

Vous êtes tenu au titre de l'exécution de votre contrat de travail, conformément aux dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, à une obligation de loyauté à l'égard de la société.

Au titre de vos 'obligations professionnelles' figurent également l'obligation de discrétion et de confidentialité, rédigées en ces termes au sein de votre contrat de travail initial :

'Obligations professionnelles

Le salarié est tenu de se conformer au Règlement intérieur et autres dispositions réglementaires de l'établissement auquel il est rattaché.

Il est tenu d'observer la plus entière discrétion sur l'ensemble des renseignements qu'il pourra recueillir à l'occasion de ses fonctions ou du fait de sa présence dans la société.

(...) Si ses fonctions l'amènent à avoir connaissance d'informations nominatives et confidentielles, il s'engage à prendre toutes précautions utiles afin de préserver la sécurité de ces informations et notamment d'empêcher qu'elles ne soient déformées, endommagées ou communiquées à des tiers non autorisés.

Le non-respect de cet engagement pourrait constituer un manquement grave aux obligations à l'égard de la société et être pénalement sanctionné conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.

Vous êtes également contractuellement tenu de respecter les obligations suivantes :

'Obligation de probité professionnelle

Le salarié, dans le cadre des fonctions qu'il exerce au service de la société, doit respecter les règles indispensables relatives à la probité, l'intégrité et l'éthique professionnelle, tant à l'égard de la société que des personnes avec lesquelles il est en relation de travail.

Le respect de ces règles est indispensable au bon déroulement de l'activité de la société.

Outre les obligations contractuelles en matière de secret professionnel et de confidentialité, s'ajoutent les dispositions exprès ci-après, en matière de conflit d'intérêt et d'avantages particuliers, offerts ou sollicités (...)'.

En dernier lieu, le Règlement intérieur exige des collaborateurs 'le respect des règles de confidentialité'.

* * *

Comme vous le savez, le 7 juin 2016, nous avons été amenés à déposer une plainte contre X dans les mains du procureur de la République près du TGI [tribunal de grande instance] de Versailles.

Nous avons ainsi porté à la connaissance du Parquet avoir découvert que la copie papier d'un e-mail, prétendument envoyé le 27 juillet 2015 par M. [TR] [N], Directeur des Ressources Humaines, a été adressée le 22 janvier 2016 à M. [E] [C], journaliste au sein de la revue L'Argus, revue spécialisée dans l'automobile.

Cet e-mail, dont l'objet est « URGENT Talent review-juillet 2015 » contient des informations sur la succession du Directeur des Styles du Groupe PSA, informations au surplus mensongères.

A la découverte de ces faits, nous n'avons eu d'autres choix que de porter plainte, soulevant la caractérisation d'au moins deux délits, à savoir :

- la qualification d'usurpation d'identité (article 226-4-1 du code pénal), le prétendu courriel n'ayant pas été rédigé par M. [N] mais par un tiers qui s'est fait passer pour lui,

- la qualification de délit de faux (article 441-1 du code pénal), ce courriel ayant à l'évidence été confectionné par imitation, n'ayant pas été rédigé par M. [N], tout comme son contenu ayant été purement et simplement inventé de toute pièce.

C'est dans ce contexte qu'une enquête a été ouverte par les services de la police de [Localité 9], qui vous ont notamment entendu et ont diligenté des expertises, aux fins de retrouver l'auteur de cette correspondance postale, grâce notamment à l'adresse rédigée de manière manuscrite sur l'enveloppe.

Or, nous avons été tout récemment informés par les services de la police de [Localité 9] que vous êtes l'auteur de cet envoi adressé à la revue L'Argus en janvier 2016.

Au-delà de l'enquête pénale qui se poursuit et de votre convocation devant le tribunal, dont l'aboutissement ou non relève de la juridiction répressive et des services de police attachés, cette découverte vient gravement mettre à mal la relation de confiance que nous vous portons au regard de la violation manifeste de vos obligations professionnelles, citées ci-dessus.

En effet, comme exposé, vous êtes contractuellement tenu à une obligation de discrétion quant aux éventuels renseignements que vous êtes amené à recueillir à l'occasion de vos fonctions ou du fait même de votre présence au sein de la société.

Vous êtes également tenu de « prendre toutes les précautions utiles » afin de veiller à la préservation des informations nominatives et confidentielles mises (sic) à votre connaissance.

Vous vous êtes ainsi contractuellement engagé à respecter ces obligations, essentielles à la préservation des droits de la société compte tenu de l'importance de votre poste et des informations confidentielles qui peuvent vous être communiquées dans le cadre de vos fonctions, acceptant d'ailleurs que leur violation pouvait constituer un « manquement grave » à vos obligations à notre encontre.

Il vous appartient également d'adopter un comportement, dans le cadre de vos fonctions, conforme aux règles relatives à la probité, l'intégrité et l'éthique professionnelle.

Enfin, il vous appartient plus globalement de veiller à exécuter votre contrat de travail de bonne foi.

Or, en adressant à un tiers un courriel signé du nom de M. [N], Directeur des Ressources Humaines, peu important que ce soit vous ou non qui l'ayez rédigé, outre que vous avez manifestement violé le secret des correspondances, vous avez à l'évidence violé vos obligations de confidentialité telles qu'inscrites expressément à votre contrat de travail et rappelées par avenant du 5 avril 2016.

D'autant que ce courriel de M. [N] contenait des informations hautement confidentielles, là encore peu important qu'elles soient avérées ou non.

Il ressort en effet, en tout état de cause, que vous avez expédié par la voie postale, à un journaliste de la presse spécialisée, un courriel adressé par M. [N] à plusieurs membres du Comex (Mme [O] [A], Directrice Citroën, M. [L] [SG], Directeur Peugeot, M. [AF] [J], Directeur DS, M. [V] [NV], Directeur Asie, M. [M] [BX], Directeur Afrique-Moyen Orient, M. [K] [S], Directeur Financier et M. [Z] [H] Directeur R&D) qui relayait que suite à la demande du Président, M. [X] [FR], d'organiser la succession du Directeur des Styles, un seul profil avait pu être identifié.

Ce courriel précisait en dernier lieu : « ces notes ne sont pas destinées à être diffusées ».

Vous avez donc manifestement manqué à vos obligations professionnelles et contractuelles, ce que nous ne pouvons tolérer.

Plus grave encore, cette attitude révèle clairement une volonté de nuire à l'entreprise et à ses intérêts, cette information confidentielle relayée à un tiers étant susceptible de créer d'importantes perturbations et une dépréciation de la marque, annonçant une évolution stylistique, laissant entendre le besoin de changement.

Comme vous ne pouvez l'ignorer compte tenu des responsabilités qui vous incombent et de votre ancienneté, une telle annonce pouvait légitimement être interprétée par la presse spécialisée comme un besoin de changement pour la société au sein de la Direction des Styles et comme une incapacité de l'entreprise à conquérir les marchés avec le style du moment.

Aussi, cette information aurait pu engendrer de réelles perturbations pour la société, aussi bien en termes d'image de confiance que financières.

Par une telle attitude de votre part, vos intentions de nuire à la société et de lui porter préjudice, en communiquant ce mail à un tiers de la presse spécialisée, ne font donc aucun doute, peu important le rédacteur de ce courriel.

Il s'agit là d'une atteinte manifeste et préoccupante au bon fonctionnement de l'entreprise, commise de manière volontaire, contraire à toutes nos attentes légitimes à votre égard, à vos obligations contractuelles et plus largement à votre obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail qui nous lie.

Dans ces conditions, votre entreprise de déstabilisation de la société, de ses intérêts et votre malveillance aujourd'hui démasquée, non seulement rompt le lien de confiance essentiel à la relation de travail mais surtout ruine définitivement toute possibilité de poursuite de notre collaboration.

L'ensemble des faits décrits caractérise une violation flagrante de vos obligations contractuelles et professionnelles et justifie la rupture immédiate de votre contrat de travail pour faute lourde.

Vous cesserez donc de faire partie du personnel de l'entreprise à la date d'envoi du présent courrier. La période de mise à pied conservatoire dont vous avez fait l'objet ne vous sera pas rémunérée. (...) ».

Par requête du 27 novembre 2017, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles en contestation de son licenciement.

En parallèle de l'instance prud'homale, M. [F] a fait l'objet de poursuites pénales pour faux, usage de faux et usurpation de l'identité d'un tiers.

Par jugement du tribunal correctionnel de Versailles en date du 15 février 2018 il a été relaxé des fins de la poursuite et le tribunal a rejeté les demandes formées par la société PSA Automobiles et M. [N] en qualité de parties civiles.

La décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Versailles rendu le 20 décembre 2018.

A la suite d'une radiation intervenue le 17 juin 2020, l'affaire portée devant le conseil de prud'hommes a été réinscrite au rôle le 25 juin 2020.

Dans le dernier état, M. [F] présentait les demandes suivantes :

- requalifier le licenciement de M. [F] sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer que M. [F] était tenu d'exécuter un préavis d'une durée de trois mois s'achevant le 29 août 2017,

- rappel de salaire mise à pied à titre conservatoire avec intérêts de retard au taux légal depuis le 23 novembre 2017 : 11 274,72 euros,

- indemnité de préavis avec intérêts de retard au taux légal depuis le 23 novembre 2017 : 37 117,50 euros,

- indemnité de congés payés sur préavis avec intérêts de retard au taux légal depuis le 23 novembre 2017 : 3 711,75 euros,

- indemnité conventionnelle de licenciement : 113 208,37 euros,

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 296 940 euros,

- dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la brutalité et du caractère vexatoire de la rupture du contrat de travail : 50 000 euros,

- dommages et intérêts pour préjudice financier du fait de la rupture du contrat de travail : 85 000 euros,

- ordonner l'application des articles 1231-6 et 1343-2 du code civil,

- article 700 du code de procédure civile : 20 000 euros,

- exécution provisoire du jugement à intervenir.

La société PSA Automobiles SA avait, quant à elle, demandé que M. [F] soit débouté de ses demandes et sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire rendu le 13 juillet 2022, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Versailles a :

- requalifié le licenciement pour faute lourde de M. [F] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société SA PSA Automobiles (sic) à payer à M. [F] les sommes suivantes :

. 9 485 euros à titre de rappel de salaire,

. 31 349 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 3 134 euros à titre (sic) des congés payés afférents,

. 113 208,37 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 125 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

. 25 000 euros à titre d'indemnité pour le préjudice financier subi,

- rappelé qu'en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, l'exécution provisoire est de droit pour les sommes dues au titre des rémunérations et, indemnités mentionnées à l'article R. 1454-15 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois et telle que mentionnée au dispositif du présent jugement,

- dit que les intérêts de droit courent à partir de la notification de la présente décision,

- condamné la société SA PSA Automobiles à payer à M. [F] la somme de 4 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société SA PSA Automobiles de ses demandes, fins et conclusions.

La société PSA Automobiles SA a interjeté appel de cette décision par déclaration du 27 juillet 2022.

Une ordonnance de médiation judiciaire a été rendue le 11 octobre 2023, à laquelle les parties n'ont pas entendu donner suite après avoir rencontré le médiateur.

Par conclusions n°3 adressées par voie électronique le 18 octobre 2024, la société Stellantis Auto SAS demande à la cour de :

- déclarer la société Stellantis Auto SAS, anciennement dénommée PSA Automobiles SA, bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Versailles le 13 juillet 2022 en ce qu'il a :

. requalifié le licenciement pour faute lourde prononcé à l'encontre de M. [F] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. condamné la société PSA Automobiles SA à verser à M. [F] les sommes de :

* 9 485 euros à titre de rappel de salaire,

* 31 349 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 3 134 euros à titre (sic) de congés payés afférents,

* 113 208,37 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 125 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 25 000 euros à titre d'indemnité pour le préjudice financier subi,

* 4 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. débouté la société PSA Automobiles SA de ses demandes, fins et conclusions,

. laissé les dépens afférents aux actes et procédures d'exécution éventuels à la charge de la société PSA Automobiles SA,

statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement pour faute lourde dont a fait l'objet M. [F] le 29 mai 2017 est bien fondé,

en conséquence,

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [F] à verser à la société Stellantis Auto SAS, anciennement dénommée PSA Automobiles SA une indemnité d'un montant de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [F] aux dépens.

Par conclusions n°2 adressées par voie électronique le 18 septembre 2024, M. [F] demande à la cour de :

- confirmer l'intégralité du jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 13 juillet 2022, en ce qu'il a :

. requalifié le licenciement pour faute lourde de M. [F] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. condamné Peugeot Citroën (sic) à payer à M. [F] la somme de 9 485 euros correspondant au montant du rappel sur salaire de la mise à pied à titre conservatoire,

. condamné Peugeot Citroën à payer à M. [F] la somme de 31 349 euros correspondant au montant du préavis qui ne lui a pas été réglé,

. condamné Peugeot Citroën à payer à M. [F] la somme de 3 134 euros lui revenant au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

. condamné Peugeot Citroën à payer à M. [F] la somme de 113 208,37 euros lui revenant au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

. condamné Peugeot Citroën à payer à M. [F] la somme de 125 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. condamné Peugeot Citroën à payer à M. [F] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts au regard du préjudice moral subi, de la brutalité et du caractère vexatoire de la rupture de son contrat de travail,

. condamné Peugeot Citroën à payer à M. [F] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts au regard du préjudice financier subi du fait de la rupture de son contrat de travail,

- condamner Peugeot Citroën à payer à M. [F] la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Peugeot Citroën aux entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance rendue le 23 octobre 2024, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 29 novembre 2024.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le licenciement

M. [F] estime que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour trois motifs. Il fait valoir en premier lieu qu'il a été relaxé par la juridiction pénale des faits qui lui sont reprochés, en deuxième lieu qu'il existe un doute sérieux sur l'identité de l'auteur du courrier litigieux dont l'envoi est la cause de son licenciement et en troisième lieu que le réel motif de son licenciement est la volonté de sa hiérarchie de se débarrasser de lui et l'acharnement d'un seul homme contre lui.

Il relate qu'il a toujours été félicité pour la qualité de son travail mais qu'à compter du début de l'année 2012 il a commencé à ressentir une certaine hostilité de sa hiérarchie, en la personne de son supérieur M. [LU], senior vice-président design, chef du design au sein du groupe PSA, ainsi qu'une mise à l'écart de projets correspondant à ses compétences et qualités, agissements de nature à le pousser au départ ; qu'en février 2016 il s'est vu reprocher de se désolidariser de l'équipe et d'exprimer ses états d'âme ou son mal-être auprès de cadres dirigeants, outre, pour la première fois de sa carrière, un manque de dimension créative ; que les critiques ont atteint leur paroxysme en février 2017 et qu'il s'est vu signifier à l'oral qu'il ne se verrait plus confier de projets et qu'il pouvait commencer à chercher un poste de directeur dans une autre société.

Il expose que c'est dans ce contexte qu'il a été convoqué par les services de police du commissariat de [Localité 9] pour une audition libre le 28 février 2017 au cours de laquelle il a appris que PSA avait porté plainte contre X le 7 juin 2016 pour usurpation d'identité et faux à la suite de la réexpédition à la société, avec mention 'destinataire inconnu à l'adresse' d'un courrier adressé à un journaliste de l'Argus dans lequel aurait été retrouvé un email du 27 juillet 2015, qui aurait été un faux, faisant état d'informations sur la succession du directeur du style du groupe PSA. Il indique avoir été entendu puis poursuivi sur dénonciation calomnieuse de M. [LU], avoir été le seul cadre soumis à une expertise en comparaison d'écriture destinée à déterminer s'il est l'auteur de l'enveloppe d'envoi du courriel ; qu'il a été relaxé des fins de la poursuite.

Il relate que l'audition par les services de police et la découverte des soupçons de son employeur ont provoqué un véritable séisme dans sa vie, qu'il a été placé en arrêt de maladie à compter du 9 mars 2017 et convoqué à un entretien préalable alors même que l'enquête de police était encore en cours ; qu'il a été licencié sans même avoir pu voir l'enveloppe sur laquelle reposait les accusations à son encontre.

La société Stellantis Auto soutient quant à elle que le licenciement pour faute lourde est fondé.

Elle expose que si M. [F] a donné satisfaction dans l'exercice de ses fonctions durant les premières années, il n'a eu de cesse de solliciter une réévaluation de sa rémunération et il aspirait à un poste à plus fortes responsabilités au sein de la direction du style ; que son responsable direct, M. [D], a été amené à compter de l'année 2015 à constater des écarts de comportement de M. [F] dans l'exercice de ses fonctions.

Elle relate que le 29 février 2016, le service courrier de la société s'est vu retourner avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse indiquée' une enveloppe manuscrite libellée à l'attention de M. [E] [C], journaliste à l'Argus, postée le 22 janvier 2016 depuis le site de [Localité 8] de la société, contenant un email prétendument envoyé par M. [N], son directeur général et administrateur, comportant de fausses informations sur la succession du directeur de style du groupe PSA et imitant la signature électronique de M. [N], lequel n'est pas l'auteur du document ; qu'elle a déposé plainte et que les investigations menées par la police judiciaire ont permis de révéler l'existence de soupçons pesant sur M. [F].

Il résulte de l'article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause du licenciement, qui s'apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d'une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.

L'article L. 1232-6 du code du travail prévoit que la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Elle fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.

L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute lourde c'est à dire du fait que le salarié a commis des faits circonstanciés qui ont eu consciemment pour but, et non pas seulement pour effet, de nuire à l'employeur. En outre, le préjudice subi par l'employeur doit être réel et conséquent.

Le juge du fond apprécie la gravité de la faute invoquée à l'appui du licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement reproche à M. [F] d'avoir, en janvier 2016, adressé par la voie postale à un journaliste de la revue l'Argus, presse spécialisée, un courriel signé du nom de M. [N], directeur des ressources humaines, adressé à plusieurs membres du COMEX, qui relayait que suite à la demande du président de la société d'organiser la succession du directeur des styles, un seul profil avait pu être identifié, le message précisant que les notes n'étaient pas destinées à être diffusées.

La lettre de licenciement indique que cet envoi constitue une violation des obligations contractuelles de discrétion et de confidentialité, un comportement non conforme aux règles relatives à la probité, l'intégrité et l'éthique professionnelle et un manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail.

L'employeur écrit que l'attitude du salarié révèle une volonté de nuire à l'entreprise et à ses intérêts, l'information confidentielle relayée à un tiers, qui plus est la presse spécialisée, qu'elle soit avérée ou non, étant susceptible de créer d'importantes perturbations et une dépréciation de la marque, laissant entendre un besoin de changement de style et une incapacité de l'entreprise à conquérir les marchés avec le style du moment.

Sur les effets de la relaxe de M. [F]

M. [F] soutient que la faute lourde alléguée par la société PSA repose uniquement sur les infractions pénales qui lui ont été reprochées : avoir dévoilé de prétendues informations confidentielles à un journaliste via la copie d'un faux mail envoyé à ce dernier et avoir usurpé l'identité de M. [N] en rédigeant et en envoyant ledit mail.

Il soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse puisqu'il a été relaxé par la juridiction pénale de ces faits, tandis que la société fait valoir que la relaxe n'est pas susceptible de remettre en cause le licenciement dès lors que ce dernier n'est pas fondé sur les mêmes faits.

L'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil. En application de l'article 1355 du code civil, elle n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement.

A la suite de la plainte déposée contre X le 7 juin 2016 auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles par la société PSA Automobiles et M. [TR] [N] pour usurpation d'identité et faux, une enquête de police a été diligentée, avec notamment la réquisition de Mme [I] [Y], 'graphologue', aux fins de dire si une même personne a rédigé d'une part l'enveloppe envoyée au journaliste et d'autre part les échantillons de l'écriture de M. [F] dont certains ont été recueillis par les services de police. L'expert a conclu 'qu'il existe de très fortes probabilités pour que M. [F] soit bien le scripteur de la pièce en question', c'est à dire l'enveloppe envoyée au journaliste (pièces 11 à 17 du salarié).

M. [F] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Versailles pour faux, usage de faux et usurpation d'identité. Par jugement du 15 février 2018 il a été relaxé des fins de la poursuite, le tribunal retenant que les très fortes probabilités de l'expert laissent place au doute et que rien ne permet d'avoir la certitude que le mail litigieux se trouvait dans l'enveloppe manuscrite (pièce 18 du salarié).

La décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 20 décembre 2018 (pièce 19 du salarié). La cour a retenu que si la copie du mail se trouvait bien dans une enveloppe supportant, selon de très fortes probabilités d'après l'expertise, l'écriture du prévenu, l'existence d'un montage n'est pas certaine faute de recherches menées dans les ordinateurs de MM. [F] et [N] ni la fausseté de l'information contenue dans le mail faute d'audition d'autres personnes que M. [LU].

Cependant, la lettre de licenciement ne reproche pas à M. [F] d'être l'auteur du mail adressé au journaliste. Elle lui reproche uniquement d'être l'auteur de l'envoi du courriel litigieux, 'peu important que ce soit vous ou non qui l'ayez rédigé' ou 'peu important le rédacteur de ce courriel'.

En conséquence, le fait que M. [F] a été relaxé des fins de la poursuite pour faux, usage de faux et usurpation d'identité n'a pas pour effet à lui seul de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'auteur de l'envoi litigieux

La lettre de licenciement reproche à M. [F] d'être l'auteur de l'envoi litigieux au journaliste.

M. [F] expose que le licenciement ne peut être fondé sur de simples soupçons et que le doute doit lui profiter. Il nie être l'auteur de l'envoi et soutient qu'il n'existe aucune preuve matérielle de son implication éventuelle, aucune certitude que c'est lui qui a envoyé le courrier au journaliste, aucun motif légitime à agir n'ayant été identifié.

La société répond que l'expertise de comparaison d'écritures menée dans le cadre de l'enquête pénale a abouti à la conclusion que M. [F] est l'auteur de l'envoi litigieux et que face à la dénégation persistante et de mauvaise foi de M. [F], elle a sollicité une expertise privée qui confirme ce fait.

Il convient d'examiner les différents éléments discutés par les parties.

- sur le contenu de l'enveloppe destinée à l'Argus

M. [F] fait valoir en premier lieu que rien ne permet d'établir avec certitude que le mail litigieux était bien dans l'enveloppe adressée au journaliste. Il estime que la seule production de la photocopie du mail de l'assistante du 29 février 2016 ne constitue qu'une supposition à cet égard ; que rien ne permet d'affirmer de manière certaine que les pièces jointes à ce mail sont celles qui ont été adressées aux services de police lors de la plainte pénale puisqu'il s'agit d'une impression, que n'importe quel document aurait pu être ajouté et que seule une version informatique de l'email adressé par l'assistante avec ses deux pièces jointes pourrait permettre d'avoir la certitude que le mail litigieux était bien dans l'enveloppe. Il fait valoir que la durée entre le retour du courrier litigieux à la société PSA et le dépôt de plainte de cette dernière est particulièrement long au regard de la 'gravité' de l'événement et que la société n'a pas montré à M. [F] l'original de la lettre et de son contenu le jour de son entretien de licenciement.

La société produit le courriel qui a été adressé le 29 février 2016 par Mme [G] [PF], assistante, indiquant 'J'ai reçu ce jour un courrier (en pièce jointe) en retour car le destinataire est inconnu à l'adresse (enveloppe également jointe). Pouvez-vous me dire quoi faire de ce courrier', comportant une pièce jointe en format PDF référencée S16022915080 (pièce 16). Elle produit également en pièce 27 le justificatif que le fichier informatique PDF joint au message correspondait bien aux pièces suivantes :

- un courriel daté du 27 juillet 2016 adressé par M. [TR] [N], DRH de la société, à plusieurs membres du COMEX, ayant pour objet 'URGENT Talent Review - juillet 2015", indiquant :

'Bonjour,

Suite à la demande de CT [[X] [FR]] lors du dernier COMEX d'organiser la succession DSTY [directeur de style], veuillez trouver ci-joint le seul profil identifié pour réagir immédiatement : [U] [WI].

Deux autres profils potentiels ont également été remontés par certains d'entre vous issus des responsables projet.

Merci de vos avis.

Ces notes ne sont pas destinées à être diffusées.', qui est le courriel argué de faux par la société qui a engendré son dépôt de plainte,

- une enveloppe portant un tampon d'envoi postal de [Localité 8] en date du 22 janvier 2016, un autocollant posé par la poste avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse' cochée et le texte manuscrit, rédigé en lettres capitales suivant :

'[C]

ARGUS

[Adresse 3]

[Localité 5]'.

La société PSA ne pouvait montrer les originaux de l'enveloppe et de son contenu à M. [F] le 19 mai 2017, jour de l'entretien préalable au licenciement, puisqu'ils avaient été préalablement remis aux services de police et placés sous scellés.

Le fait que la plainte contre X de la société a été déposée le 7 juin 2016, plusieurs mois après la découverte de ce courriel, ne suffit pas à remettre en cause la présence du courriel dans l'enveloppe retournée à la société, dont la réalité ressort des pièces produites. En effet, la date d'envoi du courriel de Mme [PF] est cohérente avec les dates d'envoi et de retour du courrier et il est justifié du contenu de l'enveloppe par la production d'un fichier informatique et non pas simplement par une impression papier.

Il sera donc retenu que le courriel argué de faux figurait bien dans le courrier adressé à la société l'Argus.

- sur l'expertise de comparaison d'écritures diligentée lors de l'enquête de police

M. [F] fait valoir qu'aux termes du rapport d'expertise il existe simplement une probabilité que l'écriture figurant sur l'enveloppe corresponde à la sienne ; que cette expertise est contestable dès lors que l'expert n'était pas inscrit auprès des tribunaux, que le rapport est plus que sommaire, que l'analyse n'a pas été réalisée dans des conditions suffisantes d'objectivité dès lors que l'expert avait connaissance de la provenance des échantillons d'écriture et que l'analyse a porté sur 7 pièces rédigées par M. [F] sous la dictée d'un enquêteur dans des conditions de stress et sur un post-it communiqué par PSA dont il n'existe aucune certitude qu'il en est le scripteur, ce qu'il nie. Il fait valoir que PSA n'a communiqué que ce seul document alors qu'elle en possédait d'autres qu'elle verse au débat. Il s'étonne que sur les milliers de salariés employés par PSA sur le site de [Localité 8] il a été le seul immédiatement pointé du doigt et que seule son écriture a été vérifiée. Il indique enfin que l'expertise porte uniquement sur l'auteur de l'enveloppe mais ne permet pas de conclure que c'est lui qui a envoyé le mail par la poste.

La société estime quant à elle que l'expertise aboutit au degré de certitude maximal pouvant être avancé par un expert et identifie formellement l'écriture de M. [F] sur l'enveloppe litigieuse ; que le doute est inexistant et que d'ailleurs M. [F] ne sollicite pas de contre-expertise.

Sur autorisation du parquet de Versailles, Mme [I] [Y], 'graphologue', a été requise par les services de police de [Localité 9] le 28 février 2017 aux fins de procéder à une expertise 'graphologique' et d'indiquer si une même personne a rédigé les manuscrits figurant :

- en scellé n°1 : l'enveloppe adressée au journaliste de l'Argus,

- en scellés n°2 et 3 : échantillons d'écriture de M. [F] recueillis par les services de police lors de son audition du 28 février 2017,

- en scellé n°4 : adresse censée être écrite par M. [F] figurant sur un post-it transmis par le cabinet d'avocat du groupe PSA (pièce 15 du salarié).

N'étant pas une experte inscrite sur la liste de la cour d'appel, Mme [Y] a prêté serment dans son rapport qui comporte 38 pages.

Les pièces examinées, qui étaient des originaux, figurent en copie dans le rapport. L'experte a procédé à un examen technique de chacune des pièces (type d'écriture, de trait, direction de l'écriture, marges) puis à leur comparaison.

L'examen de l'experte s'est basé sur le fait que les scellés n°2 et 3 ont été écrits de la main de M. [F], ce qui est exact. Il était justifié que l'experte soit avisée des conditions dans lesquelles l'écriture avait été recueillie.

Il s'est également basé sur le fait que le post-it figurant en scellé n°4 a été écrit par M. [F], ce que ce dernier conteste. Il s'agit d'un post-it de couleur jaune, de dimension 7,5 x 7,5, qui mentionne deux noms et adresses dont ceux de M. [F], avec deux écritures différentes, qui a été remis par le conseil de la société. Rien ne permet toutefois avec une certitude absolue d'attribuer la rédaction de la première partie de ce post-it à M. [F].

Au terme de son analyse des échantillons d'écriture de M. [F] recueillies sous la dictée des services de police, l'experte a conclu : 'l'ensemble de ces remarques, toutes typiques des lettres anonymes, nous laisse penser que nous sommes en présence d'une écriture volontairement déguisée.' Au contraire, l'échantillon d'écriture spontanée figurant sur le post-it a été qualifié d'aéré et homogène.

Si l'experte a retenu qu'il existe de nombreuses similitudes de particularités graphiques, parfois troublantes, dans la formation de certaines lettres entre l'enveloppe retournée à la société et le post-it, cette dernière pièce n'est pas la seule qui l'a amenée à sa conclusion. L'experte a également retenu que l'écriture sur les pièces dictées par les services de police, bien que déguisée selon elle, reproduit d'un geste instinctif les habitudes de mise en page de M. [F]. Elle a trouvé des similitudes dans le système de liaison des lettres dans les différentes pièces qui lui ont été soumises et pas seulement avec le post-it.

L'experte a conclu : 'Au terme de cette analyse comparative et au regard des similitudes, tant de mouvements graphiques que de caractéristiques générales, j'ai pu établir qu'il existe de très fortes probabilités pour que M. [F] soit bien le scripteur de la pièce en question, nommée PQ 1 dans ce rapport'.

L'expert ne pouvant se prononcer qu'en termes de probabilités, sa conclusion équivaut à attribuer à M. [F] la rédaction de l'enveloppe du courrier litigieux.

S'il est constant que seule l'écriture de M. [F] a été comparée à l'enveloppe litigieuse, il ressort des procès-verbaux d'interrogatoire par les services de police que son supérieur M. [LU] avait déclaré le 11 janvier 2017 qu'il avait des soupçons sur M. [F], lequel cherchait depuis des années à obtenir un poste plus élevé en dénigrant certains de ses collègues et son N + 1 (pièce 14 du salarié).

Il n'existe aucun élément sérieux permettant de remettre en cause la conclusion de l'expert et M. [F] n'a pas demandé de contre-expertise.

Il est donc matériellement établi que M. [F] est le scripteur de l'adresse figurant sur l'enveloppe adressée à un journaliste de la presse spécialisée automobile, comportant un courriel contenant des informations confidentielles, peu important d'une part que ce courriel soit authentique ou constitue un faux et d'autre part que M. [F] ait lui-même posté la lettre dont il est constant qu'elle est partie dans le circuit postal depuis le service courrier du site de [Localité 8] de la société PSA et qu'elle y est revenue.

- sur l'expertise de comparaison d'écritures menée à la demande de la société

La société PSA fait valoir que le second rapport d'expertise établi à sa demande par une experte inscrite sur la liste de la cour d'appel de Versailles confirme que l'auteur de l'adresse figurant sur l'enveloppe litigieuse est M. [F]. Elle précise qu'elle avait produit l'intégralité des documents remis à cet expert aux services de police, ce dont elle justifie par la production du courrier de son conseil en date du 1er février 2017 inventoriant les pièces transmises (pièce 23) mais que les policiers n'ont placé sous scellé et transmis au premier expert qu'un post-it.

M. [F] dénonce le caractère non contradictoire de cette expertise, s'interroge sur l'indépendance de l'expert désigné par une seule partie et pouvant être influencé par des biais cognitifs, souligne que l'expert a travaillé sur des documents supplémentaires fournis par PSA qui n'avaient pas été présentés lors de l'enquête pénale et dont l'authenticité devait être vérifiée avant de les utiliser pour tirer des conclusions sur son implication.

Si Mme [T] [P]-[R], expert vérificateur en documents, écritures et signatures, a été mandatée par une seule partie aux fins de réaliser une expertise à titre privé, il s'agit d'un expert inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Versailles et ayant prêté serment à ce titre, qui fait état en page 2 de son rapport de son expérience professionnelle et de ses formations. Elle a réalisé une analyse purement technique, de sorte que son impartialité ne peut être valablement mise en doute.

Dans son rapport en comparaison d'écritures établi le 18 octobre 2022 (pièce 28 de la société) elle indique avoir comparé l'enveloppe litigieuse (en copie couleur) à d'une part un dossier d'écritures de la main de M. [F] embauché en contrat à durée indéterminée chez PSA le 1er octobre 1997 et d'autre part les pièces soumises au précédent expert.

Si M. [F] soutient qu'il n'a pas pu vérifier l'authenticité des nouvelles pièces produites par PSA soumises à l'experte, il n'en conteste cependant pas formellement en être l'auteur, s'agissant de fiches remplies par lui lors de son embauche ou en 2010, 2013 et 2016. Ainsi que le relève l'employeur, l'écriture de M. [F] sur ces documents diffère de celle qu'il a employée sous la dictée des policiers.

Dans sa comparaison des documents, l'experte a relevé une similitude d'espaces interlignes, de marges et de réflexes de déroulement graphiques, pour les lettres comme pour les chiffres, concluant également que les écrits dictés par les services de police ont été 'volontairement transformés' puisqu'ils ne sont pas en harmonie avec les écrits spontanés qui sont, eux, homogènes. Son analyse est cohérente avec celle de Mme [Y].

L'expert conclut, sur la base de l'enveloppe produite en copie que 'M. [VS] [F] a rédigé les 4 lignes manuscrites sur l'enveloppe en question', ajoutant que l'observation du support original ne pourra que confirmer son avis 'en l'état' qui est d'ores et déjà 'formel'.

Cette expertise confirme les conclusions de l'expert judiciaire et corrobore le fait que M. [F] est l'auteur de l'enveloppe adressée au journaliste de la revue l'Argus.

- Sur la volonté de nuire à l'entreprise

La société soutient que M. [F] a envoyé le courrier litigieux en étant animé par la volonté de lui nuire, ce que le salarié dénie.

Il convient d'examiner les arguments développés par les parties à cet égard.

Sur l'état d'esprit du salarié

La société fait valoir que les pièces versées au débat démontrent que M. [F] n'était pas satisfait de sa situation au sein de la société et estimait ne pas être apprécié à sa juste valeur, dans une période contemporaine à l'envoi du courrier litigieux ; que le contexte était conflictuel et que M. [F] nourrissait une ranc'ur importante vis-à-vis de sa hiérarchie et en particulier de son N+2 M. [LU], le courrier litigieux ayant vocation à porter préjudice à ce dernier.

M. [F] répond que lors de la découverte du courrier adressé à l'Argus, il avait près de 20 ans d'ancienneté chez PSA, avait toujours été félicité pour la qualité de son travail et avait affirmé tant son attachement à la société que sa volonté de progresser en son sein ; qu'il avait d'ailleurs demandé un démenti lorsqu'une rumeur avait surgi dans la presse concernant son départ de la société ; qu'il était donc improbable qu'il cherche à nuire à cette dernière.

Il ressort de ses entretiens individuels (pièces 3 du salarié, 13 et 14 de la société) que de 2011 à 2014 M. [F] était considéré comme ayant la maîtrise de sa fonction, son manager estimant qu'il était un excellent responsable de gamme. M. [F] se montrait quant à lui satisfait de ses fonctions mais demandeur depuis 2009 d'un réajustement de son salaire, qu'il estimait en très fort décalage par rapport au niveau normal de son poste, ainsi que d'un repositionnement en termes de responsabilités.

Au titre de l'année 2015, son manager M. [D] a de nouveau estimé que M. [F] était un responsable de gamme expérimenté, performant et organisé mais a pondéré cette appréciation par trois 'points majeurs' :

- le fait que M. [F] n'a pas toujours été exemplaire dans son attitude à l'égard de ses collègues, ayant été amené à se désolidariser de l'équipe, des efforts ayant été toutefois constatés depuis un échange à ce sujet en fin d'année 2015,

- le fait que M. [F], par l'expression de ses états d'âme ou d'un mal-être auprès de cadres dirigeants, de pairs ou de certains membres du Comex, peut décrédibiliser le travail effectué par l'équipe STYC,

- le fait que M. [F] va évoluer en 2016 sur un autre projet dès lors qu'il lui manque une dimension créative et une solidarité totale avec l'équipe STYC pour prétendre être un référent parmi les responsables de gamme et prétendre à un niveau de responsabilité supérieure.

Son manager concluait par 'l'année 2016 doit être l'occasion pour [VS] de regagner la confiance de tous, sinon il ne pourra rester au sein de l'équipe STYC'.

Au même moment, M. [F] se montrait satisfait de ses fonctions et surpris de la vision différente de sa hiérarchie et soutenait qu'il n'avait jamais décrédibilisé le travail du style.

Lors de l'entretien de développement professionnel 2016, son manager indiquait que sa progression professionnelle dépendrait de sa performance au sein des projets mais également de l'évolution durable de son état d'esprit au sein des équipes. M. [F] aspirait à un niveau de responsabilité supérieur au sein des équipes design et souhaitait une amélioration de la reconnaissance de ses résultats par son supérieur hiérarchique N+2, avec lequel il devait construire une meilleure relation de travail.

Il en ressort que M. [F] était reconnu dans l'exercice de ses fonctions mais que des reproches sur son comportement se faisaient jour, lui-même aspirant à des fonctions et à un salaire plus élevé.

Lors de son audition par les services de police, M. [LU] a indiqué que M. [F] n'est pas styliste de formation, que de l'avis de la société il n'a pas les compétences pour accéder à un poste de niveau supérieur de management style, que les choses ont été dites à M. [F] qui a du mal à les accepter (pièce 14 du salarié).

M. [F] n'entretenait pas de bonnes relations avec son N+2 M. [LU], dont il indique dans ses écritures qu'il souhaitait l'évincer et s'acharnait sur lui, ce qui représentait une motivation suffisante pour diffuser à l'extérieur de l'entreprise une information confidentielle concernant le départ de ce dernier, ce qui était de nature à lui porter préjudice.

Cependant M. [F] avait une ancienneté importante dans l'entreprise, s'y était investi et avait la volonté d'y demeurer et d'y évoluer.

Sur le bénéfice que le salarié pouvait retirer de la diffusion de l'information

La société fait valoir que le remplacement de M. [LU] aurait bénéficié à M. [F] puisque d'une part un supérieur hiérarchique qu'il identifiait comme nuisant à son évolution de carrière aurait été écarté et que d'autre part il aurait pu bénéficier du remplacement de M. [LU] par M. [WI], ce dernier devant être remplacé à son tour.

M. [F] estime que les soupçons pesant sur lui sont douteux voire farfelus dès lors que si M. [LU] avait évolué vers un autre poste, c'est M. [WI], directeur des styles Peugeot qui aurait été amené à le remplacer et non pas lui-même, responsable de gamme Citroën dont le responsable direct était M. [D], directeur des styles Citroën.

La société a porté plainte en indiquant que le courriel prétendument écrit par M. [N] le 27 juillet 2015 est un faux. L'information qu'il contient ne pouvait donc pas bénéficier directement à M. [F]. Ce dernier aurait cependant pu obtenir des responsabilités plus élevées auxquelles il aspirait du fait d'un mouvement ascendant de ses supérieurs lié au départ de M. [LU].

Sur le préjudice causé à la société

La société expose que les manquements commis par M. [F] sont graves au regard de ses obligations contractuelles ; que la presse spécialisée exerce une pression sur l'industrie automobile pour obtenir des informations sur le fonctionnement des entreprises et notamment le design des véhicules afin d'anticiper les tendances prises par les grands constructeurs ; que les informations, avérées ou non, sont publiées et sont la source de spéculations et d'extrapolations sur le devenir de la marque ou de l'un de ses modèles. Elle affirme que l'information que M. [F] a tenté de divulguer aurait eu un effet désastreux pour elle.

M. [F] s'interroge sur les raisons qui l'auraient conduit à fabriquer un email daté du 27 juillet 2015, six mois avant son envoi par courrier du 22 janvier 2016, qui ne présente ni intérêt ni information compromettante alors qu'au regard du poste qu'il occupait il avait connaissance d'informations sensibles sur les projets de design automobile en cours au sein du groupe PSA, dont il aurait pu se servir. Il estime qu'un changement de directeur de style, d'autant par le N-1, est une situation courante dans la vie d'une société.

Le courriel envoyé à un journaliste professionnel, censé émaner du DRH de la société et donc constituer une source fiable, évoque la demande du Comex d'organiser la succession du directeur du style, avec nécessité de réagir immédiatement, ce qui supposait l'urgence du remplacement et de probables difficultés.

Sa diffusion aurait pu avoir un impact négatif pour la société, ce que M. [F] ne pouvait ignorer pour en avoir été lui-même victime de rumeurs.

Il produit des courriels datés des 31 août 2012 et 6 septembre 2012 par lesquels il a demandé à la société d'opposer un démenti à la rumeur de son recrutement par la société Opel parue sur le site Car Design News et un article paru le 3 septembre 2012 sur le site internet www.caradisiac.com faisant état de rumeurs sur des mouvements au sein des bureaux de design du groupe PSA, l'avenir de M. [LU] et de M. [F], alors designer de la Peugeot 208, étant évoqué 'selon quelques indiscrétions entendues ça et là' (pièces 7 et 8). Ce dernier article indique que M. [F] a opposé un démenti à son départ pour une promotion et cite la rumeur 'de plus en plus insistante' du départ de M. [LU], concluant par ces mots : 'Rappelons que tout ceci ne sont que bruits et rumeurs mais que selon la règle rarement contredite de la 'fumée sans feu', cela annonce probablement quelques annonces prochaines'.

La société produit l'article du 3 septembre 2012 faisant état du démenti opposé par M. [LU] par téléphone, signalant que ces allégations ne sont pas fondées et qu'elles déstabilisent l'équipe design (pièce 22).

Elle produit encore des articles parus le 30 septembre 2008 commentant la nomination de M. [LU] en qualité de directeur du style du groupe PSA, la qualifiant de 'bombe à la veille de l'ouverture du Mondial' (le Figaro- pièce 24) ou de 'remue-ménage à la tête du style PSA Peugeot Citroën' (les Echos - pièce 25).

Cependant le courriel contenu dans l'enveloppe litigieuse était antérieur de 6 mois à son envoi, de sorte que l'information qu'il contenait n'était pas de première actualité.

En outre, la société n'a pas subi de préjudice effectif dès lors que le courrier n'est pas parvenu à son destinataire mais qu'il lui a été retourné. En conséquence, la supposée information qu'il contenait n'a pas été diffusée. Il n'est pas établi que d'autres courriers ont été envoyés à d'autres revues spécialisées.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être considéré que la volonté de nuire de M. [F] est démontrée et que le licenciement pour faute lourde est fondé.

- Sur le motif réel du licenciement

M. [F] soutient que son licenciement procède d'une volonté de sa hiérarchie, voire d'une seule personne, de se débarrasser d'un salarié reconnu pour la grande qualité de son travail, qui aurait sans nul doute permis son évolution dans la société, ce qui ne semblait pas plaire à certains.

La société répond que M. [LU] n'avait aucun intérêt à voir un bon élément de l'une de ses équipes quitter l'entreprise.

M. [F] ne démontre par aucune pièce que son licenciement était fondé sur un autre motif que celui énoncé par son employeur et de l'existence d'une volonté de sa hiérarchie et de M. [LU] en particulier de le voir quitter la société.

A l'issue des développements supra, il doit être retenu que M. [F] a été le scripteur d'une enveloppe destinée à un journaliste de la presse spécialisée contenant un courriel diffusant des informations confidentielles sur la société.

La divulgation à un tiers d'une information interne à la société, dont il était précisé qu'elle n'était pas destinée à être diffusée, constitue une violation des obligations de discrétion et de probité professionnelle prévues aux articles 6 et 7 du contrat de travail de M. [F], telles que rappelées dans la lettre de licenciement, et à l'article 18 du règlement intérieur de la société PSA (pièce 3 de la société), ainsi qu'une exécution déloyale du contrat de travail.

La violation de ces obligations était d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifiait son départ immédiat.

Le licenciement pour faute lourde de M. [F] repose donc sur une faute grave, privative des indemnités de licenciement.

La décision de première instance sera infirmée en ce qu'elle a requalifié le licenciement pour faute lourde de M. [F] en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'elle a condamné la société PSA Automobiles à payer à M. [F] un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité pour le préjudice financier subi du fait de la perte d'emploi.

M. [F] sera débouté de ses demandes formées à ces titres.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

M. [F] sollicite la confirmation de la décision de première instance s'agissant de l'indemnisation du préjudice moral qu'il a subi du fait des conditions particulièrement brutales et vexatoires de la rupture de son contrat de travail ainsi que de l'anxiété liée à la procédure pénale initiée par PSA, l'appel interjeté par cette dernière le maintenant dans une situation angoissante durant plusieurs mois, sans aucune utilité pour PSA si ce n'est la volonté de lui nuire.

Il indique que son licenciement pour faute lourde l'a empêché d'effectuer son préavis, de saluer ses collègues et de leur présenter sa version des faits, ce qui lui a causé un préjudice d'image et de réputation certain. Il expose avoir été plongé dans une sévère dépression.

La société réplique que M. [F] a réclamé une triple indemnisation du préjudice résultant de sa perte d'emploi, dont il n'apporte pas la preuve. Elle soutient être demeurée respectueuse des droits du salarié, malgré sa déloyauté manifeste et son comportement fautif caractérisé, dès lors qu'elle n'a déclenché la procédure disciplinaire qu'après la clôture de l'instruction pénale intervenue le 2 mai 2017 ; que la mise à pied conservatoire était justifiée par la gravité des faits reprochés.

Si le licenciement pour faute lourde n'est pas fondé, les faits commis par M. [F], qui constituent une faute grave, justifiaient sa mise à pied à titre conservatoire et la rupture du contrat de travail sans préavis.

Un licenciement fondé peut néanmoins ouvrir droit à une indemnisation au profit du salarié du fait de circonstances brutales et vexatoires l'ayant accompagné, à la condition de justifier d'une faute de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement et d'un préjudice spécifique.

En l'espèce, la société PSA a déposé une plainte contre X le 7 juin 2016 qui a été à l'origine d'une enquête diligentée à la demande du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles, à l'issue de laquelle ce dernier a estimé devoir traduire M. [F] devant le tribunal correctionnel, la société PSA ayant uniquement la qualité de partie civile. Il ne peut être valablement reproché à la société PSA d'avoir exercé son droit à interjeter appel de la décision, aucune pièce produite n'établissant qu'elle a agi de la sorte pour nuire à M. [F], étant au surplus souligné que le procureur de la République a également interjeté appel incident de la décision.

La procédure de licenciement de M. [F] a été engagée par convocation du 9 mai 2017 à un entretien préalable à l'issue de l'enquête pénale puisque M. [F] a été convoqué devant le tribunal correctionnel selon notification par officier de police judiciaire en date du 2 mai 2017.

Si M. [F] justifie par des prescriptions médicamenteuses, des arrêts de travail et des attestations de l'état dépressif dans lequel l'a plongé son licenciement, il ne ressort pas des pièces versées au débat que la société PSA a commis une faute dans la mise en 'uvre de la procédure de licenciement, de sorte que la demande indemnitaire sera rejetée, par infirmation de la décision entreprise.

Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

M. [F] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et à payer une somme de 2 500 euros à la société Stellantis Auto SAS, venant aux droits de la société PSA Automobiles SAS, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'intégralité de la procédure, sa demande formée du même chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juillet 2022 par le conseil de prud'hommes de Versailles,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement pour faute lourde de M. [VS] [F] repose sur une faute grave,

Déboute M. [VS] [F] de l'intégralité de ses demandes,

Condamne M. [VS] [F] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne M. [VS] [F] à payer à la société Stellantis Auto SAS, venant aux droits de la société PSA Automobiles SAS une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'intégralité de la procédure,

Déboute M. [VS] [F] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Victoria Le Flem, greffière en préaffectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière en préaffectation, La présidente,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site