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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-3, 6 mars 2025, n° 24/02815

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/02815

6 mars 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

Chambre civile 1-3

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 06 MARS 2025

N° RG 24/02815

N° Portalis DBV3-V-B7I-WQIF

AFFAIRE :

S.A. MMA IARD

...

C/

S.A.S. ETEX FRANCE EXTERIORS

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 07 Mars 2024 par le Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 22/00742

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Helga ASSOUMOU

Me Oriane DONTOT

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. MMA IARD

RCS 440 048 882

[Adresse 3]

[Localité 7]

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

RCS 775 652 126

[Adresse 3]

[Localité 7]

S.A.S. DENIAU

RCS 315 360 735

[Adresse 11]

[Localité 6]

Représentant : Me Helga ASSOUMOU, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 369

Représentant : Me Maxime HUET, Plaidant, avocat au barreau du MANS

APPELANTES

****************

SA AIG EUROPE

[Adresse 5]

[Localité 10]

pris en son établissement principal [Adresse 2]

[Localité 9]

Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462

Représentant : Me Florence NATIVELLE de la SELARL NATIVELLE AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES, vestiaire : 290

INTIMEE

S.A.S. ETEX FRANCE EXTERIORS

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

INTIMEE

SOCIETE HDI GLOBAL SE

[Adresse 1]

[Localité 9]

INTIMEE DEFAILLANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 janvier 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Présidente

Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO

************

FAITS ET PROCEDURE :

La société Deniau est une société spécialisée dans la construction de bâtiments avicoles, agricoles et industriels, assurée auprès de la société MMA IARD au titre de la garantie décennale et de la société MMA IARD Assurances Mutuelles au titre de la responsabilité civile professionnelle. Dans le cadre de cette activité, elle fabrique des panneaux isolants au moyen de plaques de fibro-ciment conçues et fabriquées par la société Etex France Exteriors, laquelle est assurée auprès de la société Aig Europe, et de la société HDI global SE.

De nombreux désordres sont survenus.

Par actes en date du 6 janvier 2022, la société Deniau, ainsi que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ont assigné la société Etex France Exteriors, la société Aig Europe et la société HDI global SE devant le Tribunal judiciaire de Nanterre, aux fins d'obtenir leur condamnation au paiement des sommes dues.

Saisi par la société Aig Europe de conclusions d'incident à fin de voir constater que l'action est irrecevable faute d'intérêt à agir, ainsi que par la société HDI global SE et la société Etex France Exteriors, suivant ordonnance en date du 7 mars 2024, le juge de la mise en état de Nanterre a :

- déclaré irrecevable la demande formée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles pour défaut de qualité à agir ;

- déclaré irrecevable la demande formée par la société Deniau sur le fondement de la garantie des vices cachés relativement aux contrats avec l'Earl Richard le 18 janvier 2012, avec l'Earl Briffault le 15 mai 2013, avec l'Earl Chailleu le 4 juin 2014, avec l'Earl l'Etançon le 28 mai 2014, avec l'Earl de Chagon le 2 juin 2014, avec M. [M] le 7 juillet 2014, avec M. [D] le 16 juillet 2014, avec le Gaec de la Deniserie le 28 octobre 2014, avec M. [GF] le 6 février 2015, avec M. [E] le 26 février 2015, avec l'Earl le Brindu le 10 juillet 2015, avec l'Earl de l'Ambergerie le 25 novembre 2015, avec le Gaec Martineau Chaplet le 10 décembre 2015, avec l'Earl Debris et l'Earl de la Haie le 5 juin 2015, en raison de la prescription biennale ;

- rejeté le surplus des fins de non-recevoir soulevées par les parties ;

- rejeté la demande de sursis à statuer ;

- condamné les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens de l'incident ;

- réservé le surplus des dépens ;

- condamné les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à la société Etex France Exteriors la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à la société Aig Europe la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à la société HDI global SE la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, il a retenu, pour l'essentiel, que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ne pouvaient pas se prévaloir de la subrogation légale des articles 1346 du code civil et L 121-12 du code des assurances, car si la société Deniau était assurée auprès d'elles au titre de la garantie responsabilité civile et de la garantie décennale, entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2023, aucun document ne permettait d'établir l'étendue exacte des risques couverts avant le 1er janvier 2018.

Par deux déclarations en date des 2 et 6 mai 2024, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ont relevé appel de cette ordonnance. Les instances ont été jointes selon ordonnance datée du 6 juin 2024.

En leurs conclusions notifiées le 4 septembre 2024, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et la société Deniau exposent :

- que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ont pris en charge le coût de divers travaux de reprise suite à des désordres qui avaient été imputés à leur assurée, la société Deniau ;

- que l'ordonnance du juge de la mise en état a déclaré irrecevables, à tort, leurs demandes pour défaut de qualité à agir ; qu'en effet, selon l'article L 121-12 du code des assurances, l'assureur est subrogé dans les droits de l'assuré contre le tiers responsable ;

- que l'attestation d'assurance produite reprend l'intégralité des activités de la société Deniau par elles garanties ;

- que les quittances versées aux débats justifient de la réalité des paiements par elles réalisés au moyen de lettres-chèques et de virements ;

- que de plus, la Convention de règlement amiable des litiges (CORAL) prévoit que pour justifier de la subrogation, la communication d'une copie écran de règlement à son bénéficiaire est suffisante ;

- qu'en outre le montant exact des sommes est sans incidence, cette question ayant trait aux défenses au fond ;

- qu'elles justifient donc être subrogées dans les droits et actions de la société Deniau, contre les tiers ;

- que les maîtres d'ouvrage, bénéficiaires de l'indemnité, leur ont donné quitus du règlement ce qui caractérise une subrogation conventionnelle à raison du paiement ; qu'elles peuvent se prévaloir de celle-ci, une fin de non-recevoir pouvant être régularisée avant que le juge ne statue ;

- que d'autre part, l'ordonnance du juge de la mise en état dont appel a déclaré à tort irrecevable la demande formée par la société Deniau au titre de la garantie des vices cachés ;

- qu'en effet, au 27 mai 2021, date de dépôt du rapport du Lerm, elle n'avait pas connaissance des désordres affectant le chantier ; que pour ceux ayant fait l'objet d'une dénonciation postérieure au rapport du Lerm, le point de départ du délai doit être fixé au plus tôt au jour de la réclamation du maître d'ouvrage ;

- que s'agissant des autres chantiers, l'ordonnance a à bon droit déclaré les demandes non prescrites, car le délai dont dispose l'entrepreneur pour former un recours en garantie contre le fabricant en application de l'article 1648 du code civil ne court qu'à compter du jour où il est lui même assigné ;

- que les rapports d'expertise de 2019 n'établissaient pas les causes exactes des désordres ;

- qu'en tout état de cause, d'autres rapports d'expertise ont été déposés moins de deux ans avant l'assignation ;

- qu'au delà de la garantie des vices cachés, elles peuvent également invoquer le défaut de conformité ;

- que s'agissant de la procédure d'escalade, la société Aig Europe ne justifie pas de son adhésion à la CORAL ; que de plus celle-ci devait entrer en vigueur le 1er mai 2022 sauf pour les dossiers ayant déjà donné lieu à une saisine de la juridiction du fond, or la société Aig Europe était déjà assignée le 6 janvier 2022 ;

- qu'aucune sanction n'est prévue quant à un défaut de respect de la procédure d'escalade.

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles demandent en conséquence à la Cour de :

- infirmer l'ordonnance ;

- les déclarer recevables en l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner in solidum la société Etex France Exteriors, la société Aig Europe et la société HDI global SE à leur payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner in solidum aux dépens de l'incident devant le juge de la mise en état et à ceux d'appel.

Dans ses conclusions notifiées le 13 janvier 2025, la société Aig Europe réplique :

- que l'irrecevabilité de la demande est encourue pour cause de non respect de la procédure d'escalade prévue par la CORAL, et il s'agit là d'une fin de non-recevoir ; que la Cour de cassation considère qu'il n'est pas possible de régulariser une fin de non-recevoir tirée du défaut de respect d'une clause contractuelle qui institue une procédure obligatoire, préalable à la saisine du juge ; qu'elle a bien adhéré à la CORAL dont l'article 4 rend obligatoire la procédure susvisée ;

- que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles doivent en conséquence être déclarées irrecevables en leur action ;

- que par ailleurs, pour avoir intérêt à agir, un assureur qui invoque la subrogation légale de l'article L 121-12 du code des assurances doit démontrer d'une part qu'il a payé l'indemnité d'assurance, d'autre part que ce paiement est intervenu en exécution de son obligation de garantie prévue par le contrat ; que la production de quittances d'indemnité est insuffisante ; qu'il faut que le signataire de la quittance ait effectivement reçu l'indemnité ;

- que si les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles produisent les polices d'assurance, elles forment des demandes en indemnisation au titre de désordres affectant des travaux réalisés à compter de l'année 2012 et donc antérieurs à la prise d'effet du contrat (1er janvier 2018) ;

- que de plus, les attestations d'assurance de la société Deniau visent un certain nombre d'activités garanties qui ne correspondent pas à la mise en oeuvre de panneaux sandwichs réalisés pour des poulaillers industriels ; que ce n'est que dans l'avenant de 2018 que la fabrication de ces panneaux sandwichs a été prévue ;

- que les justificatifs de paiement produits par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles portent sur un montant de 1 415 446,90 euros, alors que celui de sa réclamation est de 2 035 107,70 euros ;

- que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles doivent démontrer que des travaux nécessaires pour mettre un terme aux désordres allégués ont été estimés, puis ont été réalisés, réceptionnés et facturés ;

- que s'agissant de la subrogation conventionnelle également invoquée par les appelantes, selon l'article 1345-2 du code civil elle repose sur la preuve du paiement et de sa concomitance avec la subrogation ;

- que la demande de la société Deniau ne peut se fonder que sur la garantie des vices cachés et non pas l'obligation de délivrance, alors que le point de départ du délai de l'article 1648 du code civil se situe au cours de l'année 2019, date des rapports d'expertise amiables, l'assignation au fond ayant été délivrée le 6 janvier 2022 soit plus de deux ans plus tard.

La société Aig Europe demande en conséquence à la Cour de :

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de la société Deniau ;

- la confirmer en ce qu'elle a déclaré les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles irrecevables en leur action ;

- subsidiairement, déclarer irrecevables les demandes des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles pour cause de non respect de la procédure d'escalade, défaut d'intérêt à agir et prescription ;

- condamner in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et la société Deniau au paiement de la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 25 juillet 2024, la société Etex France Exteriors soutient :- que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et la société Deniau sont irrecevables faute d'intérêt à agir ;

- qu'en effet, pour pouvoir bénéficier de la subrogation légale, l'assureur doit démontrer qu'il a payé l'indemnité d'assurance ;

- que la société Deniau, de son côté, ne démontre pas avoir eu une franchise à assumer ;

- que par ailleurs, les conditions particulières de la police d'assurance qui sont produites ne prenaient effet qu'au 1er janvier 2018 ; qu'il n'est donc pas démontré que les paiements ont été effectués en exécution de l'obligation de garantie ;

- que les demanderesses sont irrecevables à agir au titre de la garantie des vices cachés, car le délai de deux ans de l'article 1648 du code civil était expiré, la découverte du vice remontant à l'année 2019 ;

- que s'agissant de l'action en garantie de conformité, elle est également prescrite, la vente remontant à plus de cinq ans avant l'assignation au fond ;

- que s'agissant de l'action en responsabilité pour produits défectueux, elle est également prescrite, la vente remontant à plus de dix ans avant l'assignation au fond.

La société Etex France Exteriors demande en conséquence à la Cour de :

- confirmer l'ordonnance pour partie ;

- déclarer irrecevables les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et Deniau en l'ensemble de leurs demandes ;

- les condamner au paiement de la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux dépens dont distraction au bénéfice de Maître Chemin.

La société HDI global SE, qui s'est vue signifier la déclaration d'appel le 14 juin 2024 à personne, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2025.

MOTIFS

S'agissant de la procédure d'escalade, la CORAL (Convention de règlement amiable des litiges édition 2022), en son article 2, prévoit qu'elle s'applique aux recours subrogatoires dès lors que l'assureur en demande relève des branches définies par l'article R 321-1 du code des assurances (corps de véhicules terrestres autres que ferroviaires, incendie et éléments naturels, autres dommages aux biens, responsabilité civile véhicules terrestres automoteurs, responsabilité civile générale, pertes pécuniaires diverses), étant exclus les litiges relevant du droit maritime, du droit fluvial, du droit aérien et les dommages affectant les navires et bateaux. L'article 4 relatif à la procédure d'escalade dispose que les sociétés adhérentes sont tenues, avant de recourir à la conciliation, à l'arbitrage ou à la saisine d'une juridiction d'Etat au fond, d'épuiser toutes voies de recours dans le cadre de la procédure d'escalade. Celle-ci s'impose aux sociétés pour les recours relevant du champ d'application de l'article 2 de la convention et requiert une correspondance en demande et en défense à chaque niveau de l'escalade (gestionnaire, échelon chef de service, échelon direction). En l'absence de réponse, le demandeur est fondé à poursuive la procédure d'escalade selon les dispositions prévues par la CORAL. L'article 9 relatif à sa date d'entrée en vigueur prévoit que ces dispositions s'appliquent à compter du 1er mai 2022 à tous les dossiers en cours à l'exception de ceux pour lesquels la Commission de conciliation ou une juridiction au fond est déjà saisie.

Il suffit de constater que c'est par actes en date du 6 janvier 2022 que la société Deniau et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ont assigné les défenderesses devant le Tribunal judiciaire de Nanterre pour conclure que la CORAL ne s'applique pas au présent litige. La fin de non-recevoir tirée du défaut de respect de la procédure d'escalade a été rejetée à juste titre par le juge de la mise en état.

En vertu de l'article L 121-12 alinéa 1er du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles soutiennent être subrogées dans les droits et actions de leur assurée, la société Deniau, au titre de travaux de réparation de dommages affectant des panneaux sandwichs conçus, fabriqués et installés par celle-ci. Pour ce faire, il leur incombe de démontrer le paiement des sommes en cause mais aussi de communiquer la police d'assurance en application de laquelle elles prétendent avoir effectué leur paiement. En effet c'est en vain qu'elles soutiennent que la CORAL prévoit que pour justifier de la subrogation, la communication d'une copie écran de règlement à son bénéficiaire est suffisante : il résulte de ce qui précède que cette convention est inapplicable.

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles produisent :

- les conditions générales du contrat MME Entreprise (pièce n° 89) ;

- les conditions particulières du contrat MME Entreprise (pièce n° 88), visant un certain nombre de travaux (gros oeuvre, charpente et ossature bois, menuiserie bois, couverture-zinguerie, charpente et ossature métallique, menuiserie métallique, serrurerie-ferronnerie, menuiserie PVC, isolation thermique intérieure et acoustique, entrepreneur général d'ouvrages de bâtiment) ; or c'est dans un avenant à effet au 1er janvier 2018 que l'activité de fabrication de panneaux sandwich sans pose a été couverte ;

- les attestations d'assurance (pièce 91) sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2023.

Il appert que les travaux litigieux ont débuté au cours de l'année 2012, et dans leurs conclusions au fond déposées devant le Tribunal judiciaire de Nanterre, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles expliquent que pour 72 % des chantiers réceptionnés entre 2013 et 2015, les plaques fibrociment Eternit qui étaient collées par la société Deniau pour fabriquer les panneaux sandwichs se fissuraient et/ou se déformaient. Etaient cités :

- le contrat du 24 août 2009 conclu avec l'Earl de la Masserie ;

- le contrat du 8 octobre 2010 conclu avec Mme [F] ;

- le contrat du 3 novembre 2010 conclu avec M. [O] ;

- le contrat du 10 mars 2011 conclu avec le Gaec de la petite Passe ;

- les contrats des 18 mars 2011, 30 avril 2013, 27 mars 2015 et 8 juillet 2015 conclus avec le Gaec [M] ;

- le contrat du 29 juin 2011 conclu avec l'Earl Gautret ;

- les contrats des 12 septembre 2011 et 13 juin 2013 conclus avec M. [C] ;

- le contrat du 4 novembre 2011 conclu avec M. [U] ;

- les contrats des 11 janvier 2012 et 9 janvier 2014 conclus avec M. [PN] ;

- le contrat du 3 avril 2012 conclu avec M. [X] ;

- le contrat du 11 mai 2012 conclu avec M. [H] ;

- le contrat du 24 mai 2012 conclu avec l'Earl Geslin ;

- le contrat du 4 juillet 2012 avec M. [L] ;

- le contrat du 23 octobre 2012 conclu avec M. [T] ;

- le contrat du 5 décembre 2012 avec l'Earl Jouannault ;

- le contrat du 31 janvier 2013 conclu avec l'Earl du Grand Beauchêne ;

- le contrat du 6 février 2013 conclu avec M. [I] ;

- le contrat du 5 mars 2013 conclu avec le Gaec de l'Herminière ;

- le contrat du 13 mars 2013 conclu avec l'Earl Morin ;

- le contrat du 20 mars 2013 conclu avec le Gaec Ritouet ;

- les contrats des 2 mai 2013 et 7 avril 2015 conclus avec l'Earl La Guignardière ;

- le contrat du 3 juin 2013 conclu avec l'Earl de la Claie ;

- le contrat du 18 juin 2013 conclu avec la Scea le Grand Ormeau ;

- le contrat du 17 juillet 2013 conclu avec M. [EL] ;

- le contrat du 30 juillet 2013 conclu avec la Scea Lefeuvre ;

- le contrat du 28 août 2013 conclu avec l'Earl Choiselier ;

- le contrat du 3 septembre 2013 conclu avec le Gaec Perrin-Escamez ;

- les contrats des 5 septembre 2013 et 12 février 2014 conclus avec l'Earl Gohier ;

- le contrat du 5 septembre 2013 conclu avec le Gaec Luzu ;

- le contrat du 23 septembre 2013 conclu avec M. [R] ;

- le contrat du 24 octobre 2013 conclu avec l'Earl Delhommeau ;

- le contrat du 4 décembre 2013 conclu avec M. [V] ;

- le contrat du 12 février 2014 conclu avec l'Earl Avicole Bizery Denis ;

- les contrats des 26 février 2014 et 12 novembre 2015 conclus avec l'Earl la Chevallerie ;

- le contrat du 27 février 2014 conclu avec la Scea Pancher-Blanche ;

- le contrat du 17 mars 2014 conclu avec l'Earl Charlot ;

- les contrats des 30 octobre 2014 et 2 octobre 2015 conclus avec l'Earl des Frisons ;

- les contrat des 24 mars 2014 et 25 février 2015 conclus avec M. [J] ;

- le contrat du 22 avril 2014 conclu avec le Gaec Quesne-Leroy ;

- le contrat du 29 avril 2014 conclu avec M. [M] ;

- le contrat du 15 mai 2014 conclu a vec le Gaec Les sapins verts ;

- le contrat du 17 mai 2014 conclu avec le Gaec 4 H ;

- le contrat du 19 mai 2014 conclu avec l'Earl Lavoue ;

- le contrat du 6 juin 2014 conclu avec l'Earl Pottier ;

- le contrat du 8 juillet 2014 conclu avec la Scea les Mauquartiers ;

- le contrat du 2 octobre 2014 conclu avec M. [YC] ;

- le contrat du 7 octobre 2014 conclu avec M. [B] ;

- le contrat du 16 octobre 2014 conclu avec M. [Z] ;

- le contrat du 28 octobre 2014 conclu avec le Gaec de la Poterie ;

- le contrat du 18 novembre 2014 conclu avec l'Earl de la Piliere ;

- le contrat du 9 décembre 2014 conclu avec l'Earl Ragot ;

- le contrat du 6 janvier 2015 conclu avec l'Earl Malville ;

- le contrat du 6 janvier 2015 conclu avec le Gaec Bio de la grande Roche ;

- les contrats des 21 février 2015 et 5 juin 2018 conclus avec le Gaec Launay-Foucault ;

- le contrat du 27 mars 2015 conclu avec le Gaec Peslier ;

- le contrat du 3 avril 2015 conclu avec M. [DO] ;

- le contrat du 24 avril 2015 conclu avec l'Earl des Bois ;

- le contrat du 4 mai 2015 conclu avec le Gaec Guitton ;

- le contrat du 20 juillet 2015 conclu avec M. [K] ;

- le contrat du 21 juillet 2015 conclu avec M. [N] ;

- le contrat du 10 septembre 2015 conclu avec le Gaec de la Grande Chevallerie ;

- le contrat du 29 septembre 2015 conclu avec le Gaec Bray Devos ;

- le contrat du 6 janvier 2016 conclu avec M. [LD] ;

- le contrat du 19 mai 2016 conclu avec M. [A] ;

- le contrat du 28 juillet 2016 conclu avec l'Earl Croiseau ;

- le contrat du 9 septembre 2016 conclu avec Mme [Y] ;

- le contrat du 18 janvier 2012 conclu avec l'Earl Richard ;

- le contrat du 15 mai 2013 conclu avec l'Earl Briffault ;

- le contrat du 4 juin 2014 conclu avec l'Earl Chailleu ;

- le contrat du 28 mai 2014 conclu avec l'Earl de l'Etançon ;

- le contrat du 2 juin 2014 conclu avec l'Earl de Chagon ;

- le contrat du 7 juillet 2014 conclu avec M. [M] ;

- le contrat du 16 juillet 2014 conclu avec M. [S] ;

- le contrat du 25 octobre 2014 conclu avec le Gaec de la Deniserie ;

- le contrat du 6 février 2015 conclu avec M. [GF] ;

- le contrat du 26 février 2015 conclu avec M. [E] ;

- le contrat du 10 juillet 2015 conclu avec M. [G] ;

- le contrat du 25 novembre 2015 conclu avec l'Earl de l'Ambergerie ;

- le contrat du 10 décembre 2015 conclu avec le Gaec Martineau Chaplet ;

- le contrat du 3 novembre 2015 conclu avec l'Earl Debris ;

- le contrat du 5 juin 2015 conclu avec l'Earl de la Haie.

Parmi tous ces contrats, un seul a été passé postérieurement au 1er janvier 2018 : celui du 5 juin 2018 conclu avec le Gaec Launay-Foucault. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles démontrent donc disposer d'un intérêt à agir, (il appartiendra au Tribunal statuant au fond de déterminer à hauteur de quelle somme elles sont subrogées dans les droits de leur assurée, la société Deniau), mais uniquement au titre dudit contrat. L'ordonnance du juge de la mise en état sera infirmée sur ce point. Elle sera confirmée pour le surplus, la police susvisée ne s'appliquant pas aux autres contrats.

S'agissant de l'action en garantie des vices cachés intentée par la société Deniau, elle est enfermée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice, comme il est dit à l'article 1648 du code civil, et il en est de même de l'action des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles puisque la personne subrogée dans les droits de la victime d'un dommage contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action de la victime.

Le juge de la mise en état a considéré à juste titre qu'il est acquis aux débats qu'aucune assignation n'avait été signifiée à la société Deniau (si ce n'est une assignation en référé expertise délivrée par M. [O] le 8 novembre 2019) de sorte que les demandes formées par cette société ne pouvaient être regardées comme une action récursoire se prescrivant par deux ans à compter de la délivrance de l'assignation par le maître d'ouvrage. Le délai court en conséquence à la date de découverte du vice.

Les intimées soutiennent que c'est dès l'année 2019 que la société Deniau a pu réaliser que les plaques conçues et fabriquées par la société Etex France Exteriors étaient défectueuses. C'est au cours de cette année là que le cabinet Xi a réalisé un certain nombre d'expertises amiables, qui mettaient en évidence des fissures affectant les plaques, proportionnelles à l'importance de l'ensoleillement auquel elles étaient soumises, alors que les bords desdits plaques se sont éloignés, opérant un retrait. Il est indiqué que ces plaques ont un rôle structurel pour lequel elles n'ont pas été conçues ; elles ont été également dégradées lors des nettoyages au Karcher qui en ont dégradé la peau et les ont rendues poreuses. L'expertise amiable concluait que si les plaques restaient globalement adhérentes, le nombre et l'amplitude des fissurations pouvaient entraîner des passages d'eau avec un pourrissement des bois consécutif.

Le rapport du Lerm déposé le 27 mai 2021 signale que :

- les plaques présentent des masses volumiques apparentes similaires à celles présentées dans la fiche technique ;

- leur porosité à l'eau est clairement plus élevée que celle déclarée dans la fiche technique ;

- les valeurs de résistance en flexion mesurées sur les plaques issues de la zone sinistrée sont inférieures à celles des plaques de la zone saine ; elles ne répondent pas aux spécifications déclarées dans la fiche technique ;

- dans les zones sinistrées, la variation dimensionnelle due à l'humidité est très élevée ;

- les plaques de ciment prélevées sur site présentent un état d'hydratation nettement plus élevé que celles stockées ;

- au droit des fissures, la présence de micro-organismes filamenteux a été mise en évidence ;

- les propriétés des plaques ont évolué dans leur environnement, leur résistance à la flexion est insuffisante et c'est pour cela que de nombreuses fissures se sont développées ;

- l'évolution du matériau dans son environnement a induit une fragilisation de celui-ci, réduisant ses propriétés mécaniques, les micro-organismes susvisés ayant détérioré les fibres ce qui a conduit à une perte de résistances des plaques posées.

Si ce rapport d'expertise détaille les causes des désordres, force est de constater que les vices affectant les plaques étaient connus de la société Deniau bien avant, tant à l'occasion de la lecture des précédents rapports d'expertise amiable de l'année 2019 que des réclamations de certains des co-contractants. La Cour relève, notamment, que dès le 20 avril 2019 l'Earl Croiseau, l'Earl la Chevallerie, l'Earl Charlot, M. [J], le Gaec Leroy-Quesne, M. [M] et M. [W] se plaignaient de fissurations des longs-pans qui altéraient l'intégrité des bâtiments et remettaient en question leur usage sur la durée. Le 24 avril 2019 l'Earl des Frisons se plaignait de la qualité des travaux exactement dans les mêmes termes ; il en était de même de M. [P] le 27 septembre 2019, qui du reste invoquait la garantie décennale, ce qui montre que l'intéressé avait parfaitement compris que la solidité et la conformité de l'ouvrage à sa destination n'étaient pas assurées. Même si un certain nombre de réclamations de maîtres d'ouvrage sont postérieures, la société Deniau ne pouvait ignorer que l'ensemble des plaques en question étaient affectées de vices, ce dont elle avait été en outre informée par l'assignation en référé expertise délivrée par M. [O] le 8 novembre 2019.

La société Deniau et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ayant délivré leur assignation au fond le 6 janvier 2022, soit plus de deux ans après la découverte du vice, la prescription biennale est acquise. L'ordonnance sera infirmée sur ce point et l'action des demanderesses jugée irrecevable en ce qui concerne la garantie des vices cachés, et ce pour l'ensemble des dossiers.

S'agissant de l'obligation de délivrance, il y a lieu de faire application de l'article 2224 du code civil, selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. C'est donc à dater de la découverte du défaut de délivrance que le délai court. Au cas d'espèce c'est en 2019 que se situe son point de départ et l'assignation a été délivrée moins de cinq ans après. La prescription n'est dès lors pas acquise.

S'agissant de la responsabilité du fait des produits défectueux, l'article 1386-2 du code civil devenu article 1245-15 prévoit que l'action en justice y relative est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit qui a causé le dommage. Le juge de la mise en état doit être approuvé d'avoir considéré que les défenderesses ne précisaient pas la date à laquelle était survenue la première date de mise en circulation des plaques litigieuses, de sorte que la fin de non-recevoir par elles soulevée a été à juste titre rejetée. L'ordonnance est confirmée sur ce point.

Il échet de condamner in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et la société Deniau à payer à la société Aig Europe la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, de les condamner à payer la somme de 3 000 euros à la société Etex France exteriors, et de les condamner in solidum aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition,

INFIRME l'ordonnance en date du 7 mars 2024 en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande formée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles pour défaut de qualité à agir, et en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande formée par la société Deniau sur le fondement de la garantie des vices cachés relativement aux contrats avec l'Earl Richard le 18 janvier 2012, avec l'Earl Briffault le 15 mai 2013, avec l'Earl Chailleu le 4 juin 2014, avec l'Earl l'Etançon le 28 mai 2014, avec l'Earl de Chagon le 2 juin 2014, avec M. [M] le 7 juillet 2014, avec M. [D] le 16 juillet 2014, avec le Gaec de la Deniserie le 28 octobre 2014, avec M. [GF] le 6 février 2015, avec M. [E] le 26 février 2015, avec l'Earl le Brindu le 10 juillet 2015, avec l'Earl de l'Ambergerie le 25 novembre 2015, avec le Gaec Martineau Chaplet le 10 décembre 2015, avec l'Earl Debris et l'Earl de la Haie le 5 juin 2015, en raison de la prescription biennale;

Et statuant à nouveau :

DÉCLARE la demande formée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles irrecevable pour défaut de qualité à agir sauf en ce qui concerne le contrat conclu le 5 juin 2018 avec le Gaec Launay-Foucault ;

DÉCLARE l'action en garantie des vices cachés intentée par la société Deniau et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles irrecevable et en ce qui concerne l'ensemble des contrats en litige ;

CONFIRME l'ordonnance pour le surplus ;

CONDAMNE in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et la société Deniau à payer à la société Aig Europe la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et la société Deniau à payer à la société Etex France exteriors la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et la société Deniau aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par Maître Chemin conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Florence PERRET, Présidente et par Madame FOULON, Greffière , auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, La Présidente,

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