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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 5, 6 mars 2025, n° 23/03023

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/03023

6 mars 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 06 MARS 2025

sur renvoi après cassation

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 23/03023 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHDUE

Décisions déférés devant la Cour :

Jugement du 18 décembre 2013 - Tribunal de commerce de Lille-Métropole,

Arrêt du 28 mai 2015 - Cour d'appel de Paris, pôle 5, chambre 5 - RG n°14/00099,

Arrêt du 08 février 2017 - Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique - pourvoi n° Q 15-23.050, arrêt n° 191 F-P+B,

Arrêt du 12 mars 2020 - Cour d'appel de Paris, pôle 5, chambre 5 - RG n°17/06355,

Arrêt du 09 novembre 2022 - Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique - pourvoi n° Y 20-16.454, arrêt n° 647 F-D

DEMANDEUR À LA SAISINE

S.A.R.L. SPS [P] [U], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au R.C.S. de Boulogne sur Mer sous le numéro 434 625 794

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Véronique De la Taille de la SELARL Recamier Avocats Associes, avocat au barreau de Paris, toque : K0148

Assistée de Me Maxime Cottigny, avocat au barreau de Boulogne sur Mer

DÉFENDEUR À LA SAISINE

S.A. COOPERATIVE DES TRANSPORTEURS EN BENNE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au R.C.S. de Dunkerque sous le numéro 391 101 599

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Matthieu Boccon Gibod de la SELARL LX Paris- Versailles- Reims, avocat au barreau de Paris, toque : C2477

Assistée de Etienne Charbonnel de la SELARL Vivaldi Avocats, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 décembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5

Madame Isabelle Fenayrou, présidente de chambre

Madame Marilyn Ranoux-Julien, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nathalie Renard dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5 et par M. Maxime Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

La société Coopérative des Transporteurs en Benne (la société CTB), coopérative d'entreprises de transport routier de marchandises, a, selon délibérations de son conseil d'administration du 28 mars 2012 et de l'assemblée générale du 23 juin 2012, décidé l'exclusion de la société SPS [P] [U], spécialisée dans le transport de bennes et de mobil-homes.

Contestant cette exclusion, la société SPS [P] [U] a, par acte en date du 28 septembre 2012, assigné la société CTB devant le tribunal de commerce de Lille pour rupture brutale de la relation commerciale, réclamant le reversement de chiffre d'affaires et le remboursement de ses parts sociales au sein de la société CTB.

Par jugement du 18 décembre 2013, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- Dit que la clientèle correspondant aux opérations de transport de mobil-homes pour les particuliers appartenait à la société SPS [P] [U] ;

- Jugé sans motif réel et sérieux l'exclusion de [P] [U] et débouté la société CTB de ses moyens, fins et conclusions ;

- Jugé que l'article L.442-6 du code de commerce devait s'appliquer ;

- Condamné la société CTB à payer à la société SPS [P] [U] la somme de 40 599 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales établies entre les sociétés ;

- Condamné la société CTB à communiquer à la société SPS [P] [U], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour calendaire suivant la notification du jugement, les pièces justifiant du chiffre d'affaires encaissé et devant être reversé, après imputation des charges de fonctionnement, à la société SPS [P] [U] et l'a condamnée à payer à la société SPS [P] [U] la somme devant lui revenir à ce titre, augmentée des intérêts légaux à compter du 28 septembre 2012, date de l'assignation et ce jusqu'à parfait paiement ;

- Réservé au tribunal la liquidation éventuelle de l'astreinte ;

- Condamné la société CTB à payer à la société SPS [P] [U] la somme de 28 784 euros au titre du remboursement de la part du capital social détenu par la société SPS [P] [U] ;

- Prononcé l'exécution provisoire ;

- Condamné la société CTB au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

- Débouté la société SPS [P] [U] de toutes ses autres demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 2 janvier 2014, la société CTB a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 28 mai 2015, la cour d'appel de Paris a :

- Confirmé le jugement entrepris ;

- Débouté la société SPS [P] [U] du surplus de ses demandes ;

Ajoutant au jugement entrepris,

- Débouté la société CTB en benne de sa demande de dommages et intérêts ;

- Condamné la société CTB à payer à la société SPS [P] [U] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamné la société CTB aux dépens d'appel.

Par arrêt du 8 février 2017 (Com., n° 15-23.050), la Cour de cassation a :

- Cassé et annulé, sauf en ce qu'il a condamné la société CTB à payer à la société SPS [P] [U] la somme de 28 784 euros au titre du remboursement de la part du capital social détenu par la société SPS [P] [U], l'arrêt rendu le 28 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

- Renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

- Condamné la société SPS [P] [U] aux dépens ;

- Condamné la société SPS [P] [U] à payer à la société CTB la somme de 3 000 euros et a rejeté sa demande.

Par arrêt du 12 mars 2020, la cour d'appel de Paris a :

- Dit que la demande de la société SPS [P] [U] fondée sur la responsabilité contractuelle de la société CTB était recevable en ce qu'elle ne constituait pas une prétention nouvelle ;

- Infirmé le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

- Débouté la société SPS [P] [U] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la décision de son exclusion de la coopérative ;

- Déclaré irrecevable la demande de la société SPS [P] [U] fondée sur l'article L.442-6, l,5° du code de commerce ;

- Condamné la société SPS [P] [U] à payer à la société CTB la somme de 46 762 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause d'exclusivité ;

- Débouté la société CTB de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la violation de la clause d'engagement de non concurrence ;

- Rejeté la demande de la société CTB d'imputation des pertes s'élevant à 13 604,83 euros sur la valeur des parts sociales de la société SPS [P] [U] ;

- Condamné la société CTB à communiquer à la société SPS [P] [U], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, les pièces certifiées par un expert-comptable justifiant du calcul de la somme susceptible d'être allouée à la société SPS [P] [U] au titre de sa quote-part de résultats acquise du fait de l'activité de la Coopérative sur le fondement de l'article 14 des statuts ;

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté toute autre demande.

Par arrêt du 9 novembre 2022 (Com., n° 20-16.454), la Cour de cassation a :

- Cassé et annulé, mais seulement en « ce qu'il rejette les demandes de la société SPS [P] [U] en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la décision de son exclusion de la Coopérative, en ce qu'il condamne la société SPS [P] [U] à payer à la société CTB la somme de 46 762 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause d'exclusivité et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile », l'arrêt rendu le 12 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

- Renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

- Condamné la société CTB aux dépens ;

- En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société CTB et l'a condamnée à payer à la société SPS [P] [U] la somme de 3 000 euros.

Par déclaration du 2 février 2023, la société SPS [P] [U] a saisi la cour d'appel de Paris du renvoi.

Par ses dernières conclusions notifiées le 25 juillet 2023, la société SPS [P] [U] (demanderesse à la saisine et intimée) demande de :

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille le 18 décembre 2013 en ce qu'il a débouté la société SPS [P] [U] de ses demandes, et notamment de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de son exclusion de la coopérative, demande définitivement déclarée comme étant recevable devant la cour,

Et statuant à nouveau :

- Condamner la société CTB à payer à la société SPS [P] [U] une somme équivalente à une année de perte de marge brute, soit la somme de 121 800 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la décision de son exclusion ;

- Condamner la société CTB à payer à la société SPS [P] [U] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

- En tout état de cause, débouter la société CTB de toutes ses demandes, fins et conclusions et notamment de sa demande de condamnation de la société SPS [P] [U] à quelques sommes que ce soit, en ce compris au titre de la clause d'exclusivité ;

- Condamner la société CTB au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens comprenant les timbres d'enregistrement.

Par ses dernières conclusions notifiées le 30 mai 2023, la société CTB (défenderesse à la saisine et appelante) demande de :

- Prendre acte que le jugement du tribunal de commerce de Lille du 18 décembre 2013, par l'effet de l'arrêt de la Cour de cassation du 8 février 2017, est définitif en ce qu'il a condamné la société CTB au paiement d'une somme de 28 784 euros au titre du remboursement de la part du capital social détenu par la société SPS [P] [U] dans la société CTB ;

- Prendre acte que la cour d'appel de Paris a, dans son arrêt du 12 mars 2020, dans les limites de la cassation, réformé le jugement du tribunal de commerce de Lille du 18 décembre 2013, et jugé définitivement, pour ne pas avoir été cassé par l'arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 2022 que :

* Les demandes fondées sur l'article L.442-6,1,5° du code de commerce étaient irrecevables ;

* La demande de la société CTB de dommages et intérêts sur le fondement de la violation de la clause d'engagement de non-concurrence devait être rejetée ;

* La demande de la société CTB d'imputation des pertes s'élevant à 13 604,83 euros sur la valeur des parts sociales de la société SPS [P] [U] devait être rejetée ;

En conséquence,

- Réformer le jugement du tribunal de commerce de Lille du 18 décembre 2013 ;

Et statuant à nouveau sur la partie pour laquelle la cour d'appel de renvoi est encore habilitée à statuer,

- Juger qu'en développant une activité de transport de mobil-homes à l'insu de la coopérative CTB, la société SPS [P] [U] a violé tant les dispositions statutaires que le règlement intérieur de la coopérative, et déclarer que les motifs de son exclusion sont légitimes ;

- Sur la réparation du préjudice lié aux manquements de la société SPS [P] [U], la condamner à payer à la société CTB une somme de 46 762 euros en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l'obligation d'exclusivité ;

- Plus généralement, débouter la société SPS [P] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins, et conclusions ;

En tout état de cause,

- Débouter la société SPS [P] [U] de toutes demandes contraires ;

- Condamner la société SPS [P] [U] au paiement d'une somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers frais et dépens, de première instance, d'appel, de cassation et de renvois après cassation.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 novembre 2024.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les limites de la saisine

Le tribunal a :

- Condamné la société CTB à payer à la société SPS [P] [U] la somme de 40 599 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales établies entre les sociétés ;

- Condamné la société CTB à communiquer à la société SPS [P] [U], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour calendaire suivant la notification du jugement, les pièces justifiant du chiffre d'affaires encaissé et devant être reversé, après imputation des charges de fonctionnement, à la société SPS [P] [U] et l'a condamnée à payer à la société SPS [P] [U] la somme devant lui revenir à ce titre, augmentée des intérêts légaux à compter du 28 septembre 2012, date de l'assignation et ce jusqu'à parfait paiement ;

- Réservé au tribunal la liquidation éventuelle de l'astreinte ;

- Condamné la société CTB à payer à la société SPS [P] [U] la somme de 28 784 euros au titre du remboursement de la part du capital social détenu par la société SPS [P] [U] ;

- Prononcé l'exécution provisoire ;

- Condamné la société CTB au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

- Débouté la société SPS [P] [U] de toutes ses autres demandes plus amples ou contraires.

A la suite de l'arrêt du 8 février 2017 de la Cour de cassation, la disposition ayant condamné la société CTB à payer à la société SPS [P] [U] la somme de 28 784 euros au titre du remboursement de la part du capital social détenu par la société SPS [P] [U] est définitive.

Par arrêt du 12 mars 2020, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement et :

- Débouté la société SPS [P] [U] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la décision de son exclusion de la coopérative ;

- Déclaré irrecevable la demande de la société SPS [P] [U] fondée sur l'article L.442-6, l,5° du code de commerce ;

- Condamné la société SPS [P] [U] à payer à la société CTB la somme de 46 762 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause d'exclusivité ;

- Débouté la société CTB de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la violation de la clause d'engagement de non concurrence ;

- Rejeté la demande de la société CTB d'imputation des pertes s'élevant à 13 604,83 euros sur la valeur des parts sociales de la société SPS [P] [U] ;

- Condamné la société CTB à communiquer à la société SPS [P] [U], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, les pièces certifiées par un expert-comptable justifiant du calcul de la somme susceptible d'être allouée à la société SPS [P] [U] au titre de sa quote-part de résultats acquise du fait de l'activité de la Coopérative sur le fondement de l'article 14 des statuts ;

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté toute autre demande.

A la suite de l'arrêt du 9 novembre 2022 de la Cour de cassation, les dispositions relatives à l'irrecevabilité de la demande de la société SPS [P] [U] fondée sur l'article L.442-6, l,5° du code de commerce, au rejet de la demande de la société CTB en dommages et intérêts sur le fondement de la violation de la clause d'engagement de non concurrence, au rejet de la demande de la société CTB d'imputation des pertes s'élevant à 13 604,83 euros sur la valeur des parts sociales de la société SPS [P] [U], et en condamnation de la société CTB à communiquer à la société SPS [P] [U], sous astreinte, des pièces certifiées par un expert-comptable justifiant du calcul de la somme susceptible d'être allouée à la société SPS [P] [U] au titre de sa quote-part de résultats acquise du fait de l'activité de la Coopérative sur le fondement de l'article 14 des statuts, sont définitives.

La saisine de la cour d'appel est limitée à la demande de la société SPS [P] [U] en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la décision de son exclusion de la Coopérative et à celle de la société CTB en paiement de la somme de 46 762 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause d'exclusivité, outre les dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande de la société CTB en indemnisation au titre de la violation de la clause d'exclusivité

La société CTB fait valoir que l'exclusion de la société SPS [P] [U] était légitime, celle-ci ayant utilisé à des fins personnelles le « porte mobil-homes » affecté à la coopérative, sans autorisation de la coopérative, et ayant détourné la clientèle de « mobil-homes » qui appartenait à la coopérative, en violation de l'article 25 des statuts et des articles 2 et 16 du règlement intérieur.

Elle reproche à la société SPS [P] [U] de ne pas avoir déclaré un chiffre d'affaires en violation de la clause d'exclusivité sur l'activité de transport mobil-homes, qui revenait à la coopérative.

Elle soutient que la société SPS [P] [U] n'a pu commencer l'activité de transporteur de mobil-homess qu'à compter de son adhésion à la coopérative et que la société SPS [P] [U] n'a apporté aucune clientèle à la coopérative.

Elle conclut que la clientèle « mobil-homes » est une clientèle appartenant à la coopérative, de sorte que l'utilisation du « porte mobil-homes » au seul bénéfice de la société SPS [P] [U] et à l'insu de la coopérative est une violation de l'article 25 des statuts et des articles 2 et 16 du règlement intérieur, sanctionnée par l'exclusion.

La société SPS [P] [U] conteste son exclusion, soutenant n'avoir commis aucun manquement à une obligation d'exclusivité, aucune faute, ni aucun détournement de clientèle.

Elle prétend que la société CTB n'était pas propriétaire d'une clientèle, ne détient aucune licence de transport de mobil-homes, cette activité n'entrant pas dans son objet social.

Aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

La société CTB est une société coopérative d'entreprises de transport routier relevant des articles L3441-2 et suivants du code des transports et de la loi du 10 septembre 1947.

L'article 35 de la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d'économie sociale, dans sa version applicable, disposait que :

« Les sociétés coopératives d'entreprises de transports ont pour objet l'exercice de toutes les activités des entreprises de transports publics de marchandises et de voyageurs à l'exception de celles formées par les personnes physiques en vue de l'exploitation en commun d'un fonds de commerce de transport routier de marchandises et de voyageurs régies par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production. »

L'article L. 3441-2 du code des transports, créé par l'ordonnance no2010-1307 du 28 octobre 2010, dispose que :

« Les sociétés coopératives d'entreprises de transport routier sont formées en vue d'exercer toutes les activités des entreprises de transport public routier de marchandises ou de personnes.

Elles sont régies par les dispositions du titre Ier de la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d'économie sociale, sous réserve des dispositions de l'article L. 3441-3. »

L'article 16 du règlement intérieur de la société CTB énonce :

« Chaque entreprise sociétaire s'engage à placer son personnel et son parc de véhicules, sous l'autorité de la Direction de CTB qui les utilise, conformément à l'article 8.

Elle s'interdit en conséquence d'utiliser l'un ou l'autre pour son seul compte, sans l'accord de la Direction.

La responsabilité commerciale appartient à la Coopérative' »

En vertu de ces stipulations, l'adhérent est tenu d'une obligation d'exclusivité pour l'ensemble du parc routier mis à la disposition de la coopérative.

L'article 18 du règlement intérieur précise que « tous les transporteurs (sic) sont facturés aux clients et encaissés par CTB. »

L'article 24 du règlement intérieur dispose que :

« La coopérative CTB est une personne juridique distincte des coopérateurs qui la compose. Sa clientèle, c'est-à-dire par opposition à la clientèle des sociétaires qui est visée à l'article 26 ci-après, celle qu'elle a créée elle-même et dont elle satisfait les besoins, en sa qualité de transporteur ou de loueur de véhicules, avec son matériel ou avec le matériel mis à sa disposition par les sociétaires est la propriété collective et indivisible de ceux-ci ».

L'article 26 de ce règlement, dans sa version du 17 février 1993 antérieure à sa mise à jour au 15 décembre 2007, précise :

« Toute clientèle appartenant à un sociétaire avant son entrée dans CTB reste sa propriété exclusive mais le seul fait de son adhésion à CTB et de l'organisation de celle-ci, implique pour toute la durée de cette adhésion, l'existence tacite d'un mandat de gestion de cette clientèle par CTB.

'

La liste actuelle des clients des sociétaires, faisant l'objet de mandats de gestion figure en annexe 1 du présent règlement intérieur.

Elle sera complétée éventuellement lors de toute adhésion. »

L'annexe 1 mentionne la « liste des clients amenés chez CTB par M. [X] [I] à la création de la coopérative ».

L'article 26 dans sa version mise à jour au 15 décembre 2007 prévoit que « toute clientèle appartenant à un sociétaire avant son entrée dans CTB, devient, par le seul fait de son adhésion à CTB et de l'organisation de celle-ci, la propriété collective et indivisible de l'ensemble des coopérateurs ».

Il résulte de ces dispositions, applicables lors de l'adhésion de la société SPS [P] [U] avant la mise à jour du règlement intérieur de la société CTB que, durant l'adhésion à la coopérative, la clientèle du sociétaire est gérée par la coopérative et que l'adhérent doit respecter la clause d'exclusivité, quand bien même cette clientèle appartiendrait au sociétaire.

La société SPS [P] [U] fait valoir qu'elle a acquis, par acte de cession du 16 avril 2007, le fonds de commerce appartenant aux établissements [P] [U], comprenant la clientèle et le matériel servant à l'exploitation du fonds de commerce, et prétend que la société CTB n'était pas à l'origine de la création de la clientèle « mobil-home ».

Cette cession a été conclue entre la société Etablissements [P] [U] et la société SPH Transports, ces deux sociétés étant sociétaires de la société CTB.

La désignation du fonds de commerce vise « un fonds de commerce d'entreprise générale des transports et camionnages ».

La société CTB soutient que la création de la clientèle « mobil-homes » est nécessairement postérieure à l'adhésion de la société Etablissements [P] [U] à la coopérative. Elle fait valoir que le plateau servant à transporter les mobil-homess lui appartient, et produit un acte de location entre elle et la société [U] du 17 février 1994, soit antérieur à l'acquisition du fonds de commerce par la société SPS [P] [U].

La société SPS [P] [U] ne conteste pas que M. [P] [U] fût adhérent de la CTB en 1993.

Elle ne justifie pas ses allégations selon lesquelles aucune commission n'était « exigée de la Coopérative sur les prestations effectuées auprès des clients particuliers, qui se trouvaient être hors de la gestion de la CTB, et ce pour une question d'opportunité financière (éviter les impayés) », « cette clientèle de particuliers ne rentrait donc en tout état de cause pas dans le cadre de la Coopérative », alors que l'objet social de la société CTB portait sur toutes les activités de transports, sans exclure une clientèle de particuliers.

Par ailleurs, la société SPS [P] [U] reconnaît qu'en vertu d'un accord des parties elle « facturait par le biais de la CTB quelques transports de mobil-homes pour permettre à la CTB d'y imputer le coût de l'assurance rendue obligatoire par le règlement intérieur et dont les adhérents devaient obligatoirement souscrire l'adhésion ».

La société CTB fait valoir que la société SPS [P] [U] a déclaré un sinistre survenu à l'occasion de l'activité de transport de « mobil-homes », ce qui n'est pas contesté.

Il résulte de ces éléments que la clientèle générée par l'activité de transport de « mobil-homes » était soumise à la gestion de la société CTB et la société SPS [P] [U] devait respecter la clause d'exclusivité de l'article 16, quand bien même la société CTB n'aurait pas créé cette clientèle.

La société CTB a observé une baisse significative de son chiffre d'affaires relatif à l'activité de transport de mobil-homes.

Alors que la clientèle, comme le personnel ou le parc de véhicule, devaient être dédiés à la société CTB, la société SPS [P] [U] n'a pas déclaré la part de son chiffre d'affaires réalisé par cette activité de transport de mobil-homes, ce qu'elle ne conteste pas.

La société SPS [P] [U], en soustrayant en grande partie la gestion de cette clientèle à la Coopérative, a ainsi violé la clause d'exclusivité.

Son exclusion était dès lors justifiée.

En vertu de l'article L. 3441-5 du code des transports, les sociétés coopératives d'entreprises de transport public routier de marchandises ont la qualité de voiturier.

L'article R. 433-1, alinéa 1er, du code de la route dispose que le transport ou la circulation de marchandises, engins ou véhicules présentant un caractère exceptionnel en raison de leurs dimensions ou de leur masse excédant les limites réglementaires, doit faire l'objet d'une autorisation préalable.

La société CTB prétend qu'elle a toujours été titulaire d'une autorisation préfectorale « de transport de marchandise de 1ère catégorie » qui inclut le transport de « mobil-homes », agrément dont elle a fait bénéficier son associé.

La société SPS [P] [U] fait valoir qu'elle détenait en nom propre ses propres licences, qui sont strictement personnelles, et ne peuvent donc être louées, prêtées ou cédées à un autre coopérateur, ainsi qu'une autorisation individuelle de transport de marchandise. Elle en conclut que la société CTB ne détenait aucune licence de transport de mobil-home et n'assumait aucunement les risques en cas d'accident.

L'objet social de la société CTB, qui porte sur les activités de transport, n'exclut pas l'activité de transport de mobil-homes.

La société CTB produit deux « autorisations individuelles permanentes d'effectuer un transport exceptionnel » de 1ère catégorie du 19 juin 2006 pour 60 mois, puis du 25 juillet 2011 pour 60 mois.

La société SPS [P] [U] produit une « autorisation individuelle d'effectuer un transport exceptionnel au voyage de 2ème catégorie » du 26 janvier 2023, valable du 2 mars 2023 au premier mars 2026 pour 72 voyages, postérieure à son exclusion, et une « licence pour le transport international de marchandises par route pour le compte d'autrui » valable du 8 avril 2022 au 7 avril 2027, postérieure à son exclusion.

Elle ne justifie pas qu'elle aurait détenu en nom propre, durant sa période d'adhésion à la société CTB, ses propres licences de transport et autorisations de convoi exceptionnel, ni que celles détenues par la société CTB n'auraient pas permis le transport de mobil-homes.

En outre, la société SPS [P] [U] reconnaît qu'elle « facturait par le biais de la société CTB quelques transports de mobil-homes pour permettre à la société CTB d'y imputer le coût de l'assurance rendue obligatoire par le règlement intérieur et dont les adhérents devaient obligatoirement souscrire l'adhésion » et a déclaré auprès de la société CTB un sinistre survenu à l'occasion de l'activité de transport de « mobil-homes ».

Il résulte de la comparaison des chiffres d'affaires réalisés de 2008 à 2011 par la société SPS [P] [U] et des chiffres d'affaires dédiés à la société CTB des écarts de 66 890 euros, 81 860 euros, 76 296 euros et 127 050 euros au titre des années 2008 à 2011.

La rémunération de la coopérative est constituée d'un pourcentage de 12,5 % du chiffre d'affaires.

La violation fautive de la clause d'exclusivité par la société SPS [P] [U] a causé un préjudice à la société CTB en ce que le chiffre d'affaires apporté par la société SPS [P] [U] a été moindre que celui escompté.

Au regard des éléments produits, il convient de fixer le montant des dommages et intérêts à 12,5 % de l'écart constaté entre les chiffres d'affaires réalisés par la société [U] entre 2008 et 2011 et les chiffres d'affaires dédiés à la coopérative, soit 44 011 euros, outre une somme de 2 751 euros pour la période janvier à mars 2012 selon un préjudice estimé calculé sur la moyenne annuelle.

La société SPS [P] [U] sera condamnée à payer à la société CTB la somme de 46 762 euros (44 011+2 751) à titre de dommages et intérêts et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes de la société SPS [P] [U] en indemnisation au titre de son exclusion

La société SPS [P] [U] prétend qu'elle a été privée d'un chiffre d'affaires lié au transport de bennes qu'elle ne peut plus exploiter à compter de son éviction.

L'exclusion de la société SPS [P] [U] par la société CTB, justifiée par la violation de la clause d'exclusivité, n'est pas fautive.

La société SPS [P] [U] ne démontre pas que la perte de chiffre d'affaires lié au transport de bennes serait imputable à une faute commise par la société CTB.

Elle allègue un comportement déloyal et vexatoire de la société CTB qui n'est pas établi par les éléments du dossier.

Ses demandes en indemnisation ne sont pas fondées et seront rejetées.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société SPS [P] [U], partie perdante, sera tenue aux dépens.

Il apparaît équitable de la condamner à payer à la société CTB la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement en ce qu'il a jugé sans motif réel et sérieux l'exclusion de [P] [U] et débouté la société Coopérative des Transporteurs en Benne de ses moyens, fins et conclusions, et en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société SPS [P] [U] à payer à la société Coopérative des Transporteurs en Benne la somme de 46 762 euros à titre de dommages et intérêts ;

Rejette les demandes de la société SPS [P] [U] en dommages et intérêts ;

Condamne la société SPS [P] [U] à payer à la société Coopérative des Transporteurs en Benne la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SPS [P] [U] aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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