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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 6 mars 2025, n° 24/08609

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Enterprise Holdings France (SAS)

Défendeur :

Kopster Porte De Versailles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rispe

Conseillers :

M. Najem, Mme Georget

Avocats :

Me Fertier, Me Heber-Suffrin, Me Meynard, Me Zelmati, SCP Brodu - Cicurel - Meynard - Gauthier - Marie, SELARL JRF & Teytaud Saleh

TC Paris, du 2 avr. 2024, n° 2024004731

2 avril 2024

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

La société Entreprise Holdings France exploite divers locaux commerciaux situés au [Adresse 3] à [Localité 8] pour son activité de location de courte durée de tous véhicules ou engins automobiles, aux termes d'un bail commercial conclu le 1er juin 2018. Ces locaux étant dépourvus de places de stationnement, à compter du 1er octobre 2018, elle a sous-loué dix emplacements de parking, moyennant le versement de 130 euros par voiture et par mois, auprès de la société Median, qui en disposait en vertu d'une convention d'occupation d'une dépendance du domaine public qui lui avait été consentie par la SNCF Réseau.

Par jugement du 26 juin 2020, la société Median a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris. Par jugement du 25 juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de cession du fonds de la société Median. Par acte du 6 juillet 2021 et à effet du 27 avril 2022, le fonds de commerce de la société Median a été vendu à la société Kopster Porte de Versailles.

Par contrat à effet du 1er juillet 2021, la société Kopster Porte de Versailles a mis à disposition de la société Entreprise Holdings France, jusqu'au 31 décembre 2023, les dix places de stationnement qui étaient l'objet du précédent contrat moyennant le versement de 200 euros par voiture et par mois.

Avec l'accord de la société Kopster Porte de Versailles, la société Entreprise Holdings France a fait procéder à la réalisation d'une dalle en béton et à l'édification d'une station de lavage close et couverte moyennant un montant de 59.058,14 euros toutes taxes comprises (TTC).

Les parties ont alors conclu un nouveau contrat portant à quatorze le nombre de places de stationnement concernées, à compter du 1er mars 2022 et jusqu'au 31 décembre 2023, pour un tarif par véhicule inchangé.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 octobre 2023, la société Kopster Porte de Versailles a notifié à la société Entreprise Holdings France la résiliation du contrat en application de son article II-2-2, à effet du 1er novembre 2023, après application d'un préavis de quinze jours.

Par acte de commissaire de justice du 19 décembre 2023, la société Entreprise Holdings France a fait assigner la société Kopster Porte de Versailles devant le tribunal judiciaire de Paris devant la 18ème chambre, 1ère section, notamment aux fins d'entendre juger nul le congé du 17 octobre 2023 en l'absence de tout pouvoir de représentation de Mme [E], et de juger que le contrat conclu est soumis au statut des baux commerciaux. Dans le cadre de l'instance ainsi nouée, par une ordonnance du 12 décembre 2024, le juge de la mise en état a écarté l'exception d'incompétence soulevée par la société Kopster Porte de Versailles au motif que le litige qui porte sur l'existence ou non et l'exécution d'un bail, qui serait fondé sur le statut des baux commerciaux, relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

Par ailleurs, suivant un acte de commissaire de justice du 20 février 2024, la société Kopster Porte de Versailles a fait assigner la société Entreprise Holdings France devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins notamment de l'entendre :

se déclarer compétent,

juger que le contrat de mise à disposition est désormais caduc,

juger que la société Entreprise Holdings France occupe un emplacement sans droit ni titre,

juger que cette occupation constitue un trouble manifestement illicite,

ordonner à la société Entreprise Holdings France de quitter les lieux occupés de 14 places de parking jouxtant l'hôtel exploité par la société Kopster Porte de Versailles situé [Adresse 2] à [Localité 8] cadastré [Cadastre 1] EX, au plus sous 48 heures à compter de la signification de la présente ordonnance, et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard,

se réserver la liquidation de l'astreinte,

condamner la société Entreprise Holdings France à payer à la société Kopster Porte de Versailles à titre de provision la somme de 10.000 euros à titre de préjudice d'exploitation, faute de pouvoir utiliser ledit emplacement,

condamner la société Entreprise Holdings France à payer à la société Kopster Porte de Versailles la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens, comprenant ceux de la sommation de quitter les lieux ainsi que les frais de constat des lieux de sortie.

Par ordonnance contradictoire du 2 avril 2024, le dit juge des référés :

s'est dit compétent,

a dit que la société Entreprise Holdings France n'a plus de droit à occuper le parking objet du litige,

a ordonné à la société Entreprise Holdings France de quitter les lieux dans la quinzaine de la signification de la présente décision et ce sous astreinte de 3.000 euros pendant 90 jours,

laissé la liquidation au juge de l'exécution,

condamné la société Entreprise Holdings France à payer à la société Kopster Porte de Versailles la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

condamné en outre la société Entreprise Holdings France aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 2 mai 2024, la société Entreprise Holding France a relevé appel de l'ensemble des chefs du dispositif de cette décision.

Par ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 19 septembre 2024, au visa des articles 12, 100, 101, 872 et 873 alinéa 2 du code de procédure civile, et des articles L.145-1 et suivants du code de commerce, la société Entreprise Holding France a demandé à la cour de :

recevoir la société Entreprise Holdings France en toutes ses demandes, fins et prétentions et de :

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

'Dit le juge des référés compétent,

Dit que la SAS Entreprise Holdings France n'a plus le droit d'occuper le parking objet du litige,

Ordonné à la SAS Entreprise Holdings France de quitter les lieux dans la quinzaine de la signification de la présente décision et ce, sous astreinte de 3.000 euros pendant 90 jours,

Laissé la liquidation au juge de l'exécution,

Condamné la SAS Entreprise Holdings France à payer à la société Kopster porte de Versailles la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires de la SAS Entreprise Holdings France,

Condamné la SAS Entreprise Holdings France aux dépens.' ;

et statuant à nouveau :

In limine litis,

à titre principal, relever l'incompétence du tribunal de commerce de Paris pour connaître des demandes de la société Kopster, et renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris ;

à titre subsidiaire, dire et juger connexe la présente instance et celles introduites par la société Entreprise Holdings France devant le tribunal judiciaire de Paris ; se dessaisir de la présente instance au profit du tribunal judiciaire de Paris ;

à titre infiniment subsidiaire, dire et juger dépendantes les instances introduites, en premier lieu, par celle initiée préalablement devant le tribunal judiciaire de Paris ; se dessaisir de la présente instance au profit du tribunal judiciaire de Paris;

à titre principal, débouter la société Kopster Porte de Versailles de l'ensemble de ses demandes;

en tout état de cause,

ordonner à la société Kopster Porte de Versailles d'avoir à, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, réintégrer la société Entreprise Holdings France dans les lieux et rétablir l'accès aux emplacements de parking loués ;

ordonner à la société Kopster Porte de Versailles d'avoir à, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, faire réinstaller à ses frais l'aire de préparation des véhicules, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

autoriser, à défaut pour la société Kopster Porte de Versailles d'avoir fait procéder à ses frais à la réinstallation de l'aire de préparation des véhicules dans le délai de 15 jours précité, la société Entreprise Holdings France à faire réaliser cette réinstallation aux frais de la société Kopster Porte de Versailles ;

rejeter les demandes nouvelles de la société Kopster Porte de Versailles ;

rejeter les demandes de la société Kopster Porte de Versailles tendant à la condamnation de la société Entreprise Holdings France à un prétendu préjudice d'exploitation, ces demandes ayant déjà été rejetées par le juge des référés dans l'ordonnance dont la société Kopster sollicite la confirmation ;

réserver les droits de la société Entreprise Holdings France quant aux conséquences de l'exécution par la société Kopster Porte de Versailles de la décision du Juge des référés ;

débouter la société Kopster Porte de Versailles de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Kopster Porte de Versailles au paiement d'une somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Kopster Porte de Versailles aux dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par la SELARL JRF & Associés représentée par Me Stéphane Fertier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 2 janvier 2024, la société Kopster Porte de Versailles a demandé à la cour de :

confirmer l'ordonnance dont appel ;

débouter la société Entreprise Holdings France ;

en toute hypothèse,

se déclarer compétente ;

débouter en tant que de besoin la société Entreprise Holdings France de toutes ses demandes;

juger que le contrat de mise à disposition est désormais caduc ;

juger que la société Entreprise Holdings France a occupé un emplacement sans droit ni titre, à compter du 1er janvier 2024 jusqu'à sa libération le 14 mai 2024, après la signification de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Paris du 2 avril 2024 ;

juger que cette occupation constitue un trouble manifestement illicite ;

juger l'astreinte sans objet vu la libération des lieux ;

condamner la société Entreprise Holdings France à payer à la société Kopster Porte de Versailles à titre de provision la somme de 18.000 euros par à titre de préjudice d'exploitation, faute de pouvoir utiliser lesdits emplacements ;

condamner la société Entreprise Holdings France à payer à la société Kopster Porte de Versailles la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les s dépens, comprenant ceux de la sommation de quitter les lieux ainsi que les frais de constat des lieux de sortie.

L'ordonnance de clôture du 19 décembre 2024 a été révoquée de l'accord des parties le 21 janvier 2025, et a été prononcée le même jour une nouvelle ordonnance de clôture.

Sur ce,

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il sera rappelé que les demandes tendant à voir donner acte, constater, juger ou encore dire et juger, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais des moyens au soutien de celles-ci en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ces chefs.

En outre, selon une jurisprudence constante, les juges ne sont pas tenus de répondre à un simple argument, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni encore de répondre à une simple allégation dépourvue d'offre de preuve.

Sur l'exception d'incompétence matérielle du tribunal de commerce

Selon l'article 75 du code de procédure civile, 'S'il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée.'

Selon l'article 74 du même code, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.

Il en résulte que le défendeur représenté en première instance, qui aurait pu invoquer, à ce stade de la procédure, l'incompétence de la juridiction saisie et qui ne l'a pas valablement fait, est irrecevable à soulever une telle exception pour la première fois en cause d'appel (cf. Cass. 1ère Civ., 14 avril 2010, pourvoi n° 09-12.477, Bull. 2010, I, n° 96).

En outre, aux termes de l'article L. 721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent:

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

L'article L. 210-1 du même code dispose que le caractère commercial d'une société est déterminé par sa forme ou par son objet. 'Sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions'.

Par ailleurs, aux termes de l'article R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire a compétence exclusive en matière de baux commerciaux à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnels et conventions d'occupation précaire en matière commerciale.

L'article R. 145-23 du même code prévoit qu'en effet, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace.

Au cas présent, la société Entreprise Holdings France soulève l'incompétence matérielle du tribunal de commerce au profit du tribunal judiciaire.

Cependant, aux termes de la décision entreprise, il apparaît que devant le premier juge, au visa des articles 12, 100, 101, 871 et 873 du code de procédure civile, L.145-1 et suivants du code de commerce, 1104 du code civil et L.2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques, la société Entreprise Holdings France a soutenu ses conclusions écrites remises au greffe qui tendaient :

'In limine litis, à titre principal

Vu l'article 101 du code de procédure civile

Constater la connexité entre la présente instance et celles introduites par Entreprise Holdings France devant le tribunal judiciaire de Paris,

Se dessaisir de la présente instance au profit du tribunal judiciaire de Paris,

In limine litis, à titre subsidiaire,

Vu l'article 100 du code de procédure civile,

Constater la saisine préalable du tribunal judiciaire de Paris,

Se dessaisir de la présente instance au profit du tribunal judiciaire de Paris;

A titre principal,

Débouter Kopster Porte de Versailles de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

Renvoyer l'affaire au fond devant le tribunal de commerce de Paris [...]'.

Il s'en déduit que l'exception d'incompétence matérielle de la juridiction commerciale est présentée pour la première fois en appel et après des conclusions au fond soutenues par la société Entreprise Holdings France.

Or, cette exception aurait dû être soulevée, à peine d'irrecevabilité, simultanément avec les autres exceptions soumises au premier juge et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Dans ces conditions, l'exception d'incompétence matérielle de la juridiction commerciale sera déclarée irrecevable.

Sur les exceptions de connexité et de litispendance

L'article 100 du code de procédure civile prévoit que 'Si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office.'

Selon l'article 101du même code, 'S'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction.'

Dès lors, la litispendance correspond au cas où deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître se trouvent saisies de deux affaires identiques, caractérisées par le cumul de la triple identité de parties, d'objet et de cause. Mais, tel n'est pas le cas, en présence de deux instances, l'une engagée au fond, l'autre en référé, dont l'objet est distinct par nature.

Et, si la connexité concerne deux affaires différentes, dont les parties, l'objet ou la cause peuvent différer, comme pour la litispendance, elle correspond nécessairement à un conflit entre deux juridictions également compétentes et disposant des mêmes pouvoirs pour en connaître. Et, tel n'est pas le cas en présence d'actions respectivement engagées devant une juridiction du fond et une juridiction de référé.

Au cas présent, la société Entreprise Holdings France fait valoir que ses demandes portées devant le tribunal judiciaire et celles soumises au juge des référés par la société Kopster Porte de Versailles découlant des mêmes contrats, portant sur les mêmes lieux et les mêmes actes, il existe indéniablement un lien de connexité entre ces instances. Elle ajoute que l'issue des procédures engagées par elle devant le tribunal judiciaire est susceptible d'avoir des conséquences indéniables sur les demandes présentées par la société Kopster Porte de Versailles devant le juge des référés, voire d'entraîner une contrariété de décisions. Elle en déduit que la décision entreprise doit être infirmée de ce chef et que la cour, statuant à nouveau, doit se dessaisir de l'affaire au profit du tribunal judiciaire de Paris.

La société Kopster Porte de Versailles conteste cette demande adverse. Elle fait observer qu'il n'y a pas lieu de faire échec à la saisine du juge des référés par le truchement de cette exception, qui serait d'ailleurs plutôt une litispendance, mais qui est inopérante, eu égard au fait qu'il ne s'agit pas d'une juridiction au fond et que les procédures sont différentes et formées devant des tribunaux d'ordres différents.

Au cas d'espèce, il convient de relever que du fait de la nature différente des actions respectivement engagées devant le tribunal judiciaire de Paris et le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, les conditions pour accueillir favorablement les exceptions de litispendance et de connexité soulevées par la société Entreprise Holdings France ne sont pas réunies.

Dans ces conditions, la décision entreprise sera confirmée de ces chefs.

Sur la demande d'expulsion de la société Entreprise Holdings France et les demandes subséquentes

Selon l'article 872 du code de procédure civile, 'Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.'

Et, selon l'article 873 du même code, 'Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'

Par ailleurs, l'article 1353 du code civil dispose que :

'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit et le dommage imminent s'entend de celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure. La charge de la preuve de l'illicéité du trouble et de son caractère manifeste comme celle du dommage imminent incombe à celui qui s'en prévaut.

Si le juge des référés peut toujours tirer les conséquences des stipulations claires et précises d'un contrat ne nécessitant aucune interprétation, lorsque ces conditions ne sont pas réunies, il n'a pas le pouvoir de trancher la contestation et de retenir que le caractère illicite du trouble invoqué est manifeste.

Au cas d'espèce, alors que la société Kopster Porte de Versailles sollicitait de la juridiction des référés qu'elle juge caduc le contrat de mise à disposition conclu entre les parties et juge que la société Entreprise Holdings France occupe un emplacement sans droit ni titre, ce qui constitue un trouble manifestement illicite, la défenderesse faisait valoir qu'elle avait été autorisée à poser sur l'aire de parking, une station de lavage, ce qui était de nature à changer la nature du contrat, précisant qu'une instance au fond étant par ailleurs engagée afin de voir reconnaître le statut de bail commercial de son titre.

Le premier juge a retenu que le dit contrat comportait une 'durée de validité' et 'une échéance au 31 décembre 2023', outre la faculté ouverte aux parties de le résilier à tout moment. Il a encore retenu qu'au vu des pièces versées, en particulier des échanges de courriels, il ne pouvait être en aucune façon conclu que les parties aient entendu modifier les termes du contrat qui les lie et en a déduit que les stipulations de l'article 2.2 relatives à la durée du contrat et à son échéance au 31 décembre 2023 étaient incontestablement toujours opposables à la défenderesse par la demanderesse, ce qui la fondait à demander la restitution des places de parking objet de la relation contractuelle à compter du 1er janvier 2024.

A hauteur d'appel, les parties s'opposent de nouveau sur la nature de la convention conclue entre elles, dont la société Entreprise Holdings France soutient qu'elle est soumise au statut des baux commerciaux, ce que conteste la société Kopster Porte de Versailles.

La cour observe qu'en présence d'une telle contestation, le juge des référés ne pouvait sans excéder ses pouvoirs retenir sa compétence, sauf à être à même de constater que la nature du contrat ne présentait aucune ambiguïté, ce qu'au demeurant il n'a pas fait.

Or, il est manifeste que la question de l'existence d'un bail commercial revendiquée par la société Entreprise Holdings France et contestée par la société Kopster Porte de Versailles, portée devant le juge des référés, ne relevait pas de sa compétence, s'agissant d'une appréciation qui appartient au juge du fond, lequel en était par ailleurs déjà saisi.

Dès lors, saisi dans ces conditions, d'une demande relative à un trouble manifestement illicite nécessitant une interprétation d'un contrat qui échappait à sa compétence, le juge des référés qui ne pouvait se fonder sur les éléments qu'il a retenus, devait déclarer qu'il n' y avait pas lieu à référé.

Il s'ensuit que la décision entreprise sera infirmée de ce chef.

Sur la demande de provision de la société Kopster Porte de Versailles au titre de la perte d'exploitation

Aux motifs qu'elle n'a pas pu exploiter son hôtel normalement, ayant besoin des places de stationnement pour ses clients et ayant été privée de celles-ci durant quatre mois et demi, du 1er janvier au 14 mai 2024 du fait de l'occupation illicite de la société Entreprise Holdings France, la société Kopster Porte de Versailles invoque un préjudice subi plus important que la somme qui était facturée soit 200 euros par mois, par emplacement et réclame une provision de 18.000 euros à ce titre.

La société Entreprise Holdings France observe que la société Kopster Porte de Versailles a demandé la confirmation de l'ordonnance entreprise et qu'elle avait déjà formulé une telle demande devant le premier juge, qui l'a rejetée. Elle soutient que la société Kopster Porte de Versailles ne peut à la fois solliciter la confirmation de l'ordonnance dont il est interjeté appel en toutes ses dispositions et dans le même temps former des demandes déjà rejetées par le juge des référés, concluant au rejet en conséquence de ces demandes.

Au cas d'espèce, il convient de rappeler que, concernant la demande de provision, le premier juge a retenu qu'il n'est pas dans les pouvoirs du juge des référés d'apprécier le montant de dommages et intérêts consécutifs à la non exécution d'un contrat qui ne soit pas justifié par un document établissant incontestablement le préjudice subi, en déboutant la société Kopster Porte de Versailles.

La cour rappelle que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif de la décision dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation de celle-ci, la décision entreprise ne peut que recevoir confirmation.

Etant constaté qu'au cas d'espèce, la société Kopster Porte de Versailles demande la confirmation de la décision entreprise, celle-ci sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de réintégration dans les lieux formée par la société Entreprise Holdings France

La société Entreprise Holdings France fait valoir que la décision du juge des référés, l'astreinte démesurée et l'exécution de la décision l'ont contrainte à devoir quitter les lieux alors même qu'elle bénéficiait d'un droit légitime à poursuivre l'exploitation des locaux loués, tout au moins jusqu'à l'issue de la procédure en requalification du contrat pendant devant le tribunal judiciaire de Paris. Elle sollicite de la cour, infirmant la décision entreprise, la remise des parties dans l'état précédant l'exécution de la décision. Elle soutient qu'afin de tirer toutes conséquences de l'irrégularité de la décision du juge des référés et de l'exécution de la décision, il y a lieu d'ordonner sa réintégration dans les lieux, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, en ce compris la réinstallation, aux frais de la société Kopster Porte de Versailles, de son aire de préparation sèche et humide.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En outre, aux termes des articles 564 et suivants du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Cependant, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Au cas d'espèce, il sera constaté que la société Entreprise Holdings France a sollicité de la cour pour la première fois à la faveur de ses dernières conclusions du 19 décembre 2024, qu'elle ordonne sa réintégration dans les lieux litigieux, alors que cette demande n'était pas formée dans ses premières conclusions du 2 juillet 2024, ni dans celles notifiées le 5 août suivant. Alors qu'il ne s'agit pas de prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées postérieurement aux premières conclusions, ces prétentions doivent être déclarées irrecevables.

Sur les frais et dépens

Il sera rappelé que la définition des dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution résulte des dispositions de l'article 695 du code de procédure civile, sans qu'il appartienne au juge de la modifier ni d'y ajouter.

En application de l'article 696 alinéa 1er du même code, de principe, les dépens doivent être mis à la charge de la partie perdante.

Et, en application de l'article 700 du même code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie, la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise doit être infirmée quant au sort des dépens et des frais non répétibles.

En l'espèce, partie perdante, la société Kopster Porte de Versailles devra supporter les dépens de première instance et d'appel ainsi que les frais irrépétibles qu'elle a exposés, avec faculté conférée au profit des avocats en ayant fait la demande de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société Kopster Porte de Versailles sera condamnée à payer la somme de trois mille cinq cents (3.500) euros à la société Entreprise Holdings France.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'elle a écarté les exceptions de connexité et de litispendance soulevées par la société Entreprise Holdings France et en ce qu'elle a débouté la société Kopster Porte de Versailles de sa demande de provision au titre de la perte d'exploitation ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable l'exception d'incompétence matérielle du juge des référés du tribunal de commerce soulevée par la société Entreprise Holdings France;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expulsion de la société Entreprise Holdings France et les demandes subséquentes ;

Déclare irrecevable la demande de réintégration dans les lieux formée par la société Entreprise Holdings France ;

Condamne la société Kopster Porte de Versailles aux dépens de première instance et d'appel, avec faculté conférée au profit des avocats en ayant fait la demande du droit recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Kopster Porte de Versailles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Kopster Porte de Versailles à payer à la société Entreprise Holdings France la somme de trois mille cinq cents (3.500) euros sur ce même fondement ;

Rejette les demandes contraires ou plus amples des parties.

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