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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. civ., 6 mars 2025, n° 24/02708

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Buckaroo (SARL)

Défendeur :

Buckaroo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Torrecillas

Conseillers :

Mme Bourdon, Mme Carlier

Avocats :

Me Codognes, Me Piret, SCP Vial-Pech de Laclause-Escale-Knoepffler-Huot-Piret-Joubes

TJ Perpignan, du 30 avr. 2024, n° 23/004…

30 avril 2024

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par acte authentique en date du 18 décembre 2003, Mme [V] [H] et M. [X] [H] ont donné à bail, à titre commercial, à la SARL Buckaroo, dont le gérant est

M. [L] [U], un local d'environ 130 m², situé au rez-de-chaussée des bâtis (tel que délimité sur le schéma annexé) de la parcelle cadastrée AW n°[Cadastre 1], lieudit [Localité 8] à [Localité 5] (66), pour une durée de neuf années, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 4 584 euros.

Le contrat de bail prévoit que la destination doit être exclusivement être consacrés par le preneur à l'exploitation de son commerce de sellerie, bourrellerie, achat, vente, fabrication et réparation de vêtements et accessoire de coutellerie, librairie, fabrication, réparation, import, export et de vente et distribution d'aliments et fourrage pour animaux, litières, location et vente de vans, à l'exclusion de tout autre même temporairement.

Saisi par les consorts [H], le président du tribunal judicaire de Perpignan a, par ordonnance de référé, en date du 30 novembre 2022, :

- ordonné l'expulsion de M. [L] [U] et de la SARL Buckaroo, des parcelles AW [Cadastre 4] et [Cadastre 3] sur la commune de [Localité 5] lieu-dit [Localité 8], ainsi que de tous occupants de leur chef ;

- condamné M. [L] [U] et la SARL Buckaroo, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance, à enlever tous les animaux, les bâtiments, les clôtures et les matériels engins et véhicules installés sur les parcelles AW [Cadastre 4] et [Cadastre 3] ;

- ordonné l'expulsion de la SARL Buckaroo et de tous occupants de son chef du premier étage du bâtiment du local attenant au local loué et des deux hangars situés sur la parcelle AW [Cadastre 1] ;

- condamné la SARL Buckaroo, sous astreinte de 100 euros par jours de retard à compter de la signification de la présente ordonnance, à enlever tous les matériels, mobiliers, engins et véhicules entreposés au premier étage du bâtiment dans le local attenant au local loué dans les deux hangars;

- débouté les consorts [H] de leurs demandes de provision ;

- débouté les consorts [H] de leurs demandes d'indemnités d'occupation ;

- condamné M. [U] aux entiers dépens ;

- condamné M. [U] à payer à chacun des consorts [H];

la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de droit de l'exécution provisoire par application de l'article 514-1 alinéa 3 du code de procédure civile.

Par acte du 20 juin 2023, les consorts [H] ont assigné la société Buckaroo et M. [U] devant le président du tribunal judiciaire de Perpignan afin de leur ordonner de libérer les lieux sous astreinte et d'enlever les biens occupant les parcelles AW [Cadastre 1] et AW [Cadastre 2] et de procéder à la remise en état, outre le versement d'une provision.

Par ordonnance en date du 30 avril 2024, le président du tribunal judiciaire de Perpignan, statuant en référé a :

- rejeté la demande tendant à obtenir la libération des lieux formée par les consorts [H];

- rejeté la demande des consorts [H] tendant à enlever les biens sous astreinte de la parcelles AW[Cadastre 1] et AW [Cadastre 2] s'agissant des objets et engins agricoles;

- dit n'y avoir lieu à référé compte tenu d'une contestation sérieuse concernant la présence de véhicule devant le hangar sur la parcelle AW [Cadastre 1];

- débouté les consorts [H] de leurs demandes de provision;

- condamné les consorts [H] aux dépens avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;

- condamné les consorts [H] à payer à la SARL Buckaroo et M. [L] [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- rappelé que la présente décision bénéficie de droit de l'exécution provisoire par application de l'article 514-1 alinéa 3 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 26 mai 2024, M. et Mme [H] ont relevé appel de cette ordonnance.

Par ordonnance rendue en date du 4 juin 2024, l'affaire a été fixée à l'audience du 3 décembre 2024 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Par conclusions du 21 novembre 2024, M. et Mme [H] demandent à la cour, au visa des articles 835 et 700 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle rejeté la demande de libération des lieux, rejeté la demande tendant à enlever les biens sous astreinte, dit n'y avoir lieu à référé, les a déboutés de leurs demandes de provision et les a condamnés à payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens;

- et statuant à nouveau:

- ordonner la libération des lieux par M. [L] [U] et la SARL Buckaroo sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir;

- condamner M. [L] [U] et la SARL Buckaroo sous astreinte de 200 euros par jour de retard à enlever les biens occupant les parcelles AW145 et AW146 et à procéder à la remise en état, même conservatoire, en ce compris la dépollution ;

- condamner M. [L] [U] et la SARL Buckaroo à payer à Mme [V] [H] et à M. [X] [H] la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur leur préjudice de jouissance;

- en toute hypothèse, débouter M. [L] [U] et la SARL Buckaroo de leur demande de condamnation sous astreinte à rétablir l'accès;

- débouter M. [L] [U] et la SARL Buckaroo de toutes leurs demandes;

- condamner M. [L] [U] et la SARL Buckaroo aux entiers dépens;

- condamner M. [L] [U] et la SARL Buckaroo à payer à Mme [V] [H] et à M. [X] [H] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leur appel, ils font essentiellement valoir que :

- M. [U] n'a aucun droit ni titre à occuper les lieux, seul le local commercial situé sur la parcelle [Cadastre 1], fait l'objet du bail;

- le procès-verbal de constat du 27 février 2023 rapporte la présence de divers éléments sur cette parcelle en dehors du local loué;

- l'expulsion du premier étage et du hangar du bâtiment situé sur la parcelle AW [Cadastre 1] ne peut se confondre avec celle demandée de la partie non bâtie de cette parcelle;

- le juge des référés n'a pas le pouvoir d'interpréter le bail ; or l'objet du bail est clairement déterminé par le contrat, il est de toute évidence limité à un local de 130 m², aucun élément justifiant d'une commune intention des parties contraire n'est rapporté;

- la présence de véhicules, de palettes, d'un râtelier, d'un van et de la barrière métallique du fait du locataire est établie (procès-verbal de constat du 2 octobre 2023);

- l'occupation sans droit ni titre de la parcelle AW [Cadastre 1] comme aire de stationnement et aire de stockage est à l'origine de nuisances, la clôture a été dégradée;

- malgré les travaux engagés par la communauté des communes, l'accès a été maintenu et préservé.

Par conclusions du 22 novembre 2024, formant appel incident, M. [U] et la société Buckaroo demandent à la cour au visa de l'article 835 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance rendue en ce que celle-ci a rejeté la demande tendant à obtenir la libération des lieux formée par les consorts [H] et la demande tendant à enlever les biens sous astreinte de la parcelle AW145 et AW146, s'agissant des objet et engins agricoles, dit n'y avoir lieu à référé compte tenu d'une contestation sérieuse concernant la présence de véhicules devant le hangar sur la parcelle AW145, débouté les consorts [H] de leur demande de provision et les a condamné aux dépens, avec distraction et à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer l'ordonnance rendue en ce que celle-ci n'a pas fait droit à la demande de libération sous astreinte de l'accès routier menant au local commercial dont est locataire la SARL Buckaroo,

- et statuant à nouveau, débouter les consorts [H] de toutes demandes,

- condamner les consorts [H], sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir, à libérer l'accès routier au local commercial qu'ils ont condamné,

- condamner les consorts [H] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les consorts [H] aux entiers dépens d'instance, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner toujours sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, « le requis à lui rembourser toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge en application des dispositions du décret n° 2001-212 du 08 mars 2001, modifiant le décret 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement mis à la charge des créanciers ».

Ils exposent en substance que :

- l'auteur des prétendus nuisances n'est pas désigné, ils contestent être à l'origine de toute dégradation,

- il n'est pas démontré que les éléments présents sur place leur appartiennent ou n'ont pas été enlevés,

- l'aire de stationnement fait partie intégrante du bail commercial, au regard de la commune intention des parties et de son activité,

- le seul chemin d'accès a été condamné, le nouvel accès est dangereux, l'activité est en baisse de ce fait.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est en date du 26 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- Sur les demande de libération des lieux et de remise en état du bailleur et de libération de l'accès routier menant au local commercial du preneur

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 835 alinéa 1 de ce code prévoit que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en cas de contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage, qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait, qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

La cour doit apprécier l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l'exécution de l'ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.

Il est établi que le bail commercial concerne un local d'environ 130 m², situé au rez-de-chaussée de bâtiments. L'ordonnance de référé en date du 30 novembre 2022 a, d'ores et déjà, enjoint au preneur de limiter son occupation des lieux aux seuls locaux loués, prononçant son expulsion des parcelles AW [Cadastre 4] et [Cadastre 3] et du premier étage du bâtiment du local attenant au local loué et des deux hangars situés sur la parcelle AW [Cadastre 1].

1.1 La dégradation de la clôture, constituée d'un grillage à mailles souples, constatée par un procès-verbal de constat de commissaires de justice en date du 27 février 2023 ne peut, en l'absence de tout autre élément, être imputée aux intimés.

Le procès-verbal de constat de commissaires de justice du 2 octobre 2023 montre que la majorité des palettes, le râtelier, le tracteur et les poteaux de bois, effectivement présents le 27 février 2023 sur les parcelles AW [Cadastre 1] et [Cadastre 2], ont été enlevés.

L'activité du preneur, notamment celle, à titre général, de fabrication et de vente, nécessite un accès par ses fournisseurs et sa clientèle, aux locaux loués, qui, au regard de leur isolement et de l'absence de toute aire de stationnement proche, doivent pouvoir stationner, charger ou décharger à proximité.

La présence des palettes, du van et de la barrière métallique, constatée par le procès-verbal de constat de commissaires de justice en date du 27 février 2023, est liée à l'activité commerciale de la société Buckaroo. Il en va pareillement de la présence (constatée à une seule occasion non datée par le bailleur) de véhicules automobiles sur la parcelle cadastrée AW [Cadastre 4].

Le non-respect de l'assiette du bail, telle que contractuellement définie, relève de l'appréciation du juge du fond et ne constitue, pas, en l'espèce, un trouble manifestement illicite.

Il n'y a pas lieu à référé sur les demandes des consorts [H] relatives à la libération des lieux, à l'enlèvement des biens occupant les parcelles AW [Cadastre 1] et AW [Cadastre 2] et à la remise en état de celles-ci sous astreinte.

1.2 Pareillement, M. [L] [U] et la société Buckaroo ne rapportent pas l'existence d'un trouble manifestement illicite, qu'ils subiraient en terme d'accès à leur fonds de commerce. En effet, les procès-verbaux de constat de commissaires de justice en date des 12 décembre 2023 et 17 septembre 2024 montrent que l'accès, s'il a été modifié, notamment, par les travaux de voirie engagés par la communauté des communes et la pose d'une clôture par le bailleur, est toujours possible dans des conditions praticables et qu'il est précisément indiqué sur les lieux (panneau indiquant la direction avec un plan et la distance).

Par ailleurs, la comparaison des chiffre d'affaires de la société Buckaroo pour les mois de janvier et février 2022, janvier et février 2023 et janvier et février 2024 est insuffisamment probante, en ce que, d'une part, il ne s'agit pas du résultat de la société sur l'exercice, et d'autre part, les deux premiers chiffrages (79 819,79 euros et 75 685,60 euros) sont proches tandis que le dernier chiffrage (48 450,01 euros), établi en mars 2024, n'est pas définitif en l'absence de l'arrêté des comptes. Au demeurant, les documents comptables de la société Buckaroo, produits par les appelants, montrent un résultat net comptable négatif pour l'exercice 2022 (- 25 372,16 euros) et un résultat positif pour l'exercice 2024 (4 616,57 euros). Il ne peut en être déduit une baisse d'activité découlant d'un accès prétendument devenu impossible.

Ainsi, la violation par le bailleur de son obligations de délivrance n'est pas établie et ne peut être à l'origine du trouble manifestement illicite. Il n'y a pas lieu à référé sur la demande de libération de l'accès routier au local commercial sous astreinte.

2- Sur la demande de provision

L'article 835 alinéa 2 précise que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il appartient à la partie, qui sollicite une provision, d'établir l'existence de l'obligation, qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Au regard des éléments ci-dessus retenus, la demande de provision à valoir sur le préjudice de jouissance, que sollicite le bailleur, se heurte elle-même à une contestation sérieuse.

L'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions, sauf à préciser qu'il n'y a pas lieu à référé concernant l'ensemble des demandes des parties.

3- Sur les autres demandes

Le droit proportionnel, fixé par l'article A. 444-32 du code de commerce (ancien article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 abrogé par l'article 10 du décret n°2016-230 du 26 février 2016) reste à la charge du créancier, sauf lorsque la dette est due par un contrefacteur (article R. 444-55 du même code) ou un professionnel (article R. 631-4 du code de la consommation) sans qu'aucune autre dérogation ne soit prévue, la demande de M. [U] et de la société Buckaroo tendant à ce qu'il soit dérogé aux dispositions régissant les charges de frais de commissaires de justice sera donc rejetée.

Succombant sur leur appel, les consorts [H] seront condamnés aux dépens et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme dans toutes ses dispositions l'ordonnance de référé déférée, sauf à préciser qu'il n'y a pas lieu à référé concernant l'ensemble des demandes des parties ;

Y ajoutant,

Condamne M. [X] [H] et Mme [V] [H] à payer à M. [L] [U] et à la SARL Buckaroo à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de M. [L] [U] et de la SARL Buckaroo relative à l'application de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 ;

Condamne M. [X] [H] et Mme [V] [H] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

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