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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 6 mars 2025, n° 23/14078

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/14078

6 mars 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 06 MARS 2025

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14078 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIEGN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 juin 2023 - Juge des contentieux de la protection de VILLEJUIF - RG n° 11-22-000521

APPELANTE

La société CREATIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représetants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 5]

[Adresse 8]

[Localité 4]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉS

Monsieur [J] [W]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 9] (75)

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté et assisté de Me Edmond PAILLOUX, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 207

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/504647 du 16/11/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Madame [G] [U] épouse [W]

née le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 7] (89)

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée et assistée de Me Edmond PAILLOUX, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 207

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Hélène BUSSIERE, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 9 novembre 2015, la société Creatis a consenti à M. [J] [W] et à Mme [G] [U] épouse [W] un crédit personnel destiné pour partie au regroupements de crédits d'un montant en capital de 107 200 euros remboursable en 180 mensualités de 893,07 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 5,80 %, le TAEG s'élevant à 7,24 %, soit une mensualité avec assurance de 1 010,40 euros.

Le 10 décembre 2018, la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne a déclaré M. et Mme [W] recevables au bénéfice de la procédure de surendettement et le 17 novembre 2020 elle a imposé des mesures sur 70 mois. Par jugement du 4 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villejuif a prévu un plan différent et s'agissant de cette créance, un paiement en 9 mensualités de 1 641,47 euros suivies de 61 mensualités de 1 184,01 euros.

Arguant de ce que le plan n'avait pas été respecté, la société Creatis s'est prévalue de la déchéance du terme et par actes du 7 avril 2022 elle a fait assigner M. et Mme [W] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villejuif en paiement du solde du crédit lequel, par jugement contradictoire du 28 juin 2023, a constaté que la société Creatis ne comparaissait pas, a écarté des débats les pièces déposées par la société Creatis au greffe, l'a déboutée de ses demandes, a débouté M. et Mme [W] de leurs demandes et a condamné la société Creatis aux dépens.

Le premier juge qui a refusé la demande de renvoi de la société Creatis, a retenu qu'elle ne comparaissait pas suite à la réouverture des débats, qu'elle avait adressé son bordereau de pièces en cours de délibéré, a rappelé qu'aucune note en délibéré ne pouvait être déposée en l'absence d'autorisation et a débouté la société Creatis de ses demandes.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 4 août 2023, la société Creatis a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 8 février 2024, la société Creatis demande à la cour :

- de déclarer M. et Mme [W] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions, et les en débouter,

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- d'infirmer le jugement,

- de condamner M. et Mme [W] solidairement à lui payer la somme de 92 634,86 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,80 % l'an à compter du jour de la mise en demeure du 15 décembre 2021,

- subsidiairement si la déchéance du terme ne devait pas être considérée comme acquise, de constater les manquements graves et réitérés de M. et Mme [W] à leur obligation contractuelle de remboursement du prêt, de prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil et,

- de les condamner solidairement à lui payer la somme de 92 634,86 euro avec intérêts au taux contractuel de 5,80 % l'an à compter de l'arrêt à intervenir,

- en tout état de cause de condamner M. et Mme [W] solidairement à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient avoir valablement prononcé la caducité du plan faute pour M. et Mme [W] d'avoir réglé les mensualités prévues et soutient à titre subsidiaire que les manquements de M. et Mme [W] justifient le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat et s'estime bien fondée à obtenir les sommes qu'elle réclame.

S'agissant de la remise de la FIPEN, elle indique qu'elle verse aux débats une correspondance transmise aux emprunteurs en date du 5 novembre 2015 par lequel elle leur a transmis la liasse contractuelle complète comportant le contrat ainsi que tous les éléments exigés par le code de la consommation, notamment un bordereau de rétractation, et surtout une FIPEN, que cette liasse contractuelle personnalisée comprend, d'une part, des documents « à conserver » et, d'autre part, des documents « à renvoyer » et que les documents qui sont conservés par l'emprunteur n'ont pas à être signés, que les emprunteurs lui ont renvoyé l'exemplaire prêteur « à renvoyer » signé ainsi que la fiche de dialogue également signée et qu'il en résulte qu'en date du 5 novembre 2015, elle a transmis, et donc remis, aux emprunteurs un document complet, comportant notamment un bordereau de rétractation et une FIPEN remplie et que si elle a reçu en retour l'exemplaire « à renvoyer » signé, cela signifie que les emprunteurs ont bel et bien reçu l'intégralité du document, comprenant la FIPEN. Elle déduit du fait que les emprunteurs lui aient retourné l'exemplaire prêteur montre que ce document n'émane pas uniquement de la banque mais aussi des emprunteurs. Elle conclut donc à l'absence de déchéance du droit aux intérêts contractuels.

Sur le devoir de mise en garde, elle relève que la fiche de dialogue ne fait pas apparaître de risque d'endettement, que la consultation du FICP n'a pas révélé d'inscription et que surtout le crédit consistait en une opération de regroupement.

Elle insiste sur son droit à l'indemnité de résiliation de 8 % du capital restant dû.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2023, M. et Mme [W] demandent à la cour :

- de les recevoir en leur appel incident,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts et statuant à nouveau,

- de juger que la société Creatis a manqué à son devoir de mise en garde et en conséquence, de la condamner à leur payer la somme de 47 001,43 euros en réparation du préjudice subi et d'ordonner la compensation des créances réciproques des parties,

- de déchoir totalement la société Creatis de son droit aux intérêts,

- de juger la clause pénale abusive et en conséquence non écrite et subsidiairement vu l'article 1343-5 du code civil,

- de réduire la pénalité contractuelle à un euro,

- de débouter la société Creatis de toutes ses demandes contraires,

- de prononcer une condamnation en derniers ou quittance, compte tenu des règlements par eux effectués jusqu'à la décision à intervenir,

- de leur accorder un échelonnement de 24 mois pour le paiement des sommes dues.

Ils demandent la déchéance du droit aux intérêts contractuels en faisant valoir que la FIPEN n'est pas signée et que dès lors la preuve de sa remise n'est pas apportée.

Ils soutiennent que la société Creatis n'a pas respecté son obligation de mise en garde, qu'avec l'assurance, les mensualités s'élevaient à la somme de 1 010,40 euros, que le crédit permettait de rembourser 52 265,77 euros de crédits mais ouvrait également une ligne complémentaire de 47 001,43 euros, que l'établissement de crédit n'ignorait donc pas qu'ils étaient déjà gravement endettés en raison des crédits à la consommation qu'ils avaient contractés puisqu'ils étaient redevables, pour l'ensemble de ces crédits, d'une somme de 60 480,97 euros, représentant une charge mensuelle de 1 688,38 euros, que l'octroi d'une ligne de crédit supplémentaire de 47 001,43 euros était tout à fait irresponsable et même dangereux dès lors qu'ils se trouvaient dans une situation financière compromise en raison des nombreux crédits à la consommation contractés ce qui a d'ailleurs conduit à la réalisation d'un plan de surendettement. Ils font valoir que la société Creatis a donc commis une faute qui leur a fait perdre une chance de ne pas contracter ce crédit et estiment leur préjudice à hauteur de la part complémentaire de 47 004,43 euros.

Ils font valoir que dans sa recommandation CCA, n° 21-01 du 10 mai 2021, la commission des clauses abusives a mis en exergue le caractère abusif d'une clause pénale mettant à la charge du débiteur défaillant une indemnité égale à 8 % du capital restant dû au jour de la défaillance en plus de la possibilité pour le créancier d'obtenir sur sa créance en remboursement des intérêts au taux conventionnel, bien supérieurs au taux légal et au surplus capitalisés. Subsidiairement, ils demandent sa réduction à un euro.

Ils font état de leur situation pour solliciter des délais de paiement.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 novembre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 17 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 9 novembre 2015 que les parties ont soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

Il résulte de l'article L. 311-52 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (devenu R. 312-35), que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion et que cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

Il précise que lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 331-7 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L. 331-7-1.

La recevabilité de l'action de la société Creatis au regard de la forclusion n'a pas été vérifiée par le premier juge. Or en application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office même en dehors de toute contestation sur ce point que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

En l'espèce, il résulte de l'historique de compte que le premier impayé non régularisé postérieur à la procédure de surendettement date du 7 juillet 2021. Dès lors la banque qui a assigné le 7 avril 2022 n'est pas forclose en son action et doit être déclarée recevable.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Il résulte de l'article L. 311-6 devenu L. 312-12 du code de la consommation applicable au cas d'espèce que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

Cette fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts par l'article L. 341-1 devenu L. 341-1 du même code, étant précisé qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'information.

A cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle les emprunteurs reconnaissent avoir pris connaissance de la fiche d'informations précontractuelles normalisées européennes, n'est qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Il a toutefois été jugé qu'un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l'offre de prêt pour apporter la preuve de l'effectivité de la remise (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552).

La société Creatis produit non pas une liasse vierge mais la liasse qu'elle a envoyée à M. et Mme [W] le 5 novembre 2015 qui comprend 56 pages qui se suivent, portent toutes la référence du contrat 28937000 qui est celui qui a été signé par M. et Mme [W], comporte en première page un document intitulé « votre dossier de financement » et explique en page 2 le « mode d'emploi » du dossier de crédit qui indique ce qui doit être renvoyé, en page 3 un courrier spécialement adressé aux emprunteurs, et comprend'notamment :

- en page 5, une lettre d'engagement à ne pas verser de rémunération à un intermédiaire à signer par M. et Mme [W],

- en pages 7 à 9 la fiche de dialogue renseignée,

- en pages 9 à 14 des courriers relatifs à l'assurance,

- en pages 15 à 18 la FIPEN remplie,

- en pages 19 à 21 la fiche d'information spécifique au regroupement de crédits remplie avec les éléments concernant les emprunteurs,

- en pages 24 à 25 le contrat avec la mention « à renvoyer »,

- en pages 27 à 30 le contrat avec la mention « à conserver » qui comprend un bordereau de rétractation,

- en pages 31 à 34 un second exemplaire du contrat avec la mention « à conserver » qui comprend un bordereau de rétractation,

- en page 37 un courrier d'information sur la cession de salaire à mettre en place,

- en page 39 un mandat de prélèvement rempli avec les éléments fournis par M. et Mme [W] à signer,

- en pages 41 à 44, les fiches conseil en assurance, et notice,

- en pages 45 à 54, des demandes de résiliation des contrats du fait du remboursement par le biais de ce nouveau crédit,

- en pages 55 à 56 des documents récapitulatifs « comment vérifier que votre dossier est complet ' ».

M. et Mme [W] ont notamment renvoyé et signé la lettre d'engagement, la fiche de dialogue et un des exemplaires du contrat « à renvoyer » qui figurent dans cette liasse personnalisée qui comporte le numéro de contrat. Dès lors il doit être admis que la société Creatis a bien remis aux emprunteurs la FIPEN qu'elle produit et comporte le numéro de contrat et la numérotation 15 à 18/56.

La société Creatis produit en outre le justificatif de la consultation du FICP avant le déblocage des fonds ainsi que les justificatifs de revenus, de domicile et d'identité des emprunteurs s'agissant d'un contrat conclu à distance.

Il n'y a donc pas lieu à déchéance du droit aux intérêts contractuels sur ce fondement.

Sur le montant des sommes dues

En application de l'article L. 311-24 (devenu L. 312-39) du code de la consommation en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 (de l'article 1231-5 du code civil), est fixée suivant un barème déterminé par décret.

L'article D. 311-6 devenu D. 312-16 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance. Aucune autre pénalité notamment de retard ne peut être exigée par le prêteur.

La société Créatis justifie avoir mis M. et Mme [W] en demeure de respecter les modalités du plan par lettres recommandées avec accusé de réception du 13 octobre 2021 en les informant qu'à défaut pour eux d'avoir payé le retard de 6 588,54 euros sous quinze jours le plan serait caduc. Elle a ensuite par lettres recommandées avec accusé de réception du 15 décembre 2021 tiré les conséquences de prononcé la caducité et la déchéance du terme. La légitimité de la caducité et de la déchéance du terme ne sont pas contestées par M. et Mme [W]. Ils ne contestent pas non plus devoir la somme en principal de 85 773,02 euros correspondant au capital restant dû à hauteur de 76 164,17 euros et de 9 608,85 euros au titre des mensualités impayées suite au plan. Ils doivent donc être solidairement condamnés à payer cette somme avec intérêts au taux de 5,80 % à compter du 15 décembre 2021. La condamnation doit être prononcée en deniers ou quittances pour toute somme versée après cette date.

S'agissant de l'indemnité de résiliation, la commission des clauses abusives dans son avis n° 21-01 du 10 mai 2021 a rappelé qu'elle était licite et a seulement pour les crédits ordinaires préconisé que la notion de clause « légale » soit supprimée et qu'il soit précisé qu'il s'agissait d'une clause pénale. Les clauses considérées comme abusives sont celles qui ajoutent une majoration de l'intérêt à la pénalité de résiliation. En outre aucune capitalisation des intérêts n'est réclamée. La clause du contrat querellée n'est donc pas abusive.

Cette indemnité sollicitée à hauteur de 6 861,84 euros qui est une clause pénale apparaît cependant excessive au regard de la situation financière obérée de M. et Mme [W] et du préjudice subi par la société Creatis. Elle doit être réduite à la somme de 1 euro et produire intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2021.

La cour condamne donc M. et Mme [W] solidairement à payer ces sommes à la société Creatis.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement au devoir de mise en garde

M. et Mme [W] soutiennent que la banque a manqué à ses obligations de conseil et de mise en garde et réclame des dommages et intérêts pour octroi abusif de crédit.

Il est admis que dans la relation entre un professionnel du crédit et son client, le premier a un devoir de mise en garde du second lorsque l'opération litigieuse présente un risque d'endettement excessif et lorsque le second n'est pas un emprunteur averti.

Ce devoir oblige le banquier, avant d'apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client et à l'alerter des risques encourus. Le devoir de mise en garde n'existe donc qu'à l'égard de l'emprunteur profane et n'existe qu'en cas de risque d'endettement excessif.

La transposition en droit interne de la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 a renforcé les obligations formelles imposées au fournisseur de crédit dans le but manifeste de protéger les intérêts du consommateur face au professionnel en imposant des modalités spécifiques d'information et d'explication notamment dans la phase précontractuelle.

Pour autant, ces dispositions spéciales ne prévoient pas de dispenser le fournisseur professionnel de crédit de ses obligations de droit commun, ce qui serait contraire à l'esprit du texte, ni de s'y substituer.

Il s'induit que le respect des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation n'exclut pas, par lui-même, l'existence d'un devoir général de mise en garde du prêteur en présence d'un emprunteur non averti exposé à un risque d'endettement excessif.

En revanche, dès lors que toutes les dispositions précitées ont été satisfaites, il incombe à l'emprunteur qui se prévaut d'un défaut de mise en garde, de rapporter la preuve que des circonstances de fait particulières, connues du prêteur requéraient du professionnel un avertissement spécifique au-delà des exigences des articles L. 311-1 et suivants précités.

En l'espèce, le contrat qui portait sur un capital de 107'200 euros ne portait que partiellement sur un regroupement de crédits et leur octroyait un prêt de trésorerie de 47 000,43 euros. Il ne peut donc être considéré que la souscription de ce crédit entraînait automatiquement un désendettement des emprunteurs puisqu'il leur ajoutait une charge de crédit supplémentaire même si le montant de la mensualité était divisé par deux, les sommes invoquées par les intimées de 60 480,97 euros et de 1 688,38 euros correspondant aux sommes qui auraient dû être remboursées en totalité et par mois en l'absence de regroupement et auxquelles se substituaient donc les nouvelles conditions.

Leurs revenus étaient de 3 687,27 euros, leurs charges figurant sur la fiche de solvabilité de 907,72 euros (impôts 199,58 euros, loyer 378,36 euros et 3 « autres charges » à hauteur de 105 euros, 124,80 euros et 100 euros par mois). Les mensualités prévues étaient de 1 010,40 euros. Ce montant représentait donc avec les autres charges dont il faut considérer qu'il s'agissait de crédits une somme de 1 340,20 euros, laquelle rapportée aux revenus, représentait 36 % de ceux-ci. Il convient en outre de constater que le loyer a été minimisé alors que des documents remis par M. et Mme [W] lors de la souscription du crédit et produits par la société Creatis qui avait donc vérifié leur solvabilité en obtenant les documents nécessaires, il résulte que le loyer n'était pas de 378,34 euros mais oscillait entre 491,41 euros et 523,65 euros si bien que les charges étaient supérieures à celles mentionnées.

Il doit donc être considéré qu'il existait un risque d'endettement et que la société Creatis aurait dû mettre en garde M. et Mme [W] ce qu'elle ne justifie pas avoir fait. Il résulte toutefois de la procédure de surendettement que M. et Mme [W] ont malgré cet apport de trésorerie poursuivi un endettement déraisonnable ou n'ont pas déclaré tout leur endettement, le plan portant également sur de nombreux autres crédits. Dès lors il convient de ne faire droit à leur demande de dommages et intérêts qu'à hauteur d'une somme de 5 000 euros. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts.

Il convient de prévoir la compensation des créances réciproques.

Sur la demande de délais de paiement

M. et Mme [W] ont déjà bénéficié d'une procédure de surendettement et n'ont pas réglé la première mensualité. Ils ont depuis bénéficié de délais de fait importants qu'ils ne justifient pas avoir mis à profit. Ils doivent donc être déboutés de leur demande de délais.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société Creatis aux dépens de première instance et en ce qu'il a rejeté la demande de la société Creatis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, celle-ci n'ayant pas comparu dans le cadre d'une procédure orale.

M. et Mme [W] qui succombent doivent être condamnés aux dépens d'appel.

Il apparaît équitable compte tenu de ce qui précède, de laisser supporter à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Creatis aux dépens'et a rejeté la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société Creatis recevable en sa demande ;

Dit que la déchéance du terme a été valablement prononcée ;

Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne M. [J] [W] et Mme [G] [U] épouse [W] solidairement à payer à la société Creatis la somme de 85 773,02 euros avec intérêts au taux de 5,80 % à compter du 15 décembre 2021 au titre du solde du prêt'en deniers ou quittances pour les versements effectués après le 15 décembre 2021 ;

Dit que la clause pénale de résiliation n'est pas abusive mais la réduit à 1 euro et condamne M. [J] [W] et Mme [G] [U] épouse [W] solidairement à payer à la société Creatis cette somme de 1 euro avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2021 ;

Condamne la société Creatis à payer à M. [J] [W] et Mme [G] [U] épouse [W] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde ;

Prononce la compensation des créances réciproques ;

Rejette la demande de délais de paiement présentée par M. [J] [W] et Mme [G] [U] épouse [W] ;

Condamne M. [J] [W] et Mme [G] [U] épouse [W] aux dépens d'appel ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Creatis ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente

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