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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 6 mars 2025, n° 23/14022

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/14022

6 mars 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 06 MARS 2025

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14022 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIECH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 mai 2023 - Juge des contentieux de la protection de [Localité 6] - RG n° 11-22-001195

APPELANTS

Monsieur [K] [M]

né le 7 mars 1965 à [Localité 7] (35)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS

ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

Madame [C] [E] épouse [M]

née le 11 mai 1972 à [Localité 8] (78)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS

ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉS

Monsieur [J] [W] en qualité de mandataire liquidateur de la société PLANET SOLAIRE, société par action simplifiée à associé unique prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

DÉFAILLANT

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, venant aux droits de la société SOLFINEA anciennement dénommée BANQUE SOLFEA

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Hélène BUSSIERE, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 29 octobre 2012, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [K] [M] a signé avec la société Planet Solaire un bon de commande portant sur une installation photovoltaïque au prix de 23 500 euros.

Cet équipement a été financé au moyen d'un crédit affecté de même montant souscrit le même jour par M. [K] [M] et Mme [C] [E] épouse [M] auprès de la société Banque Solfea aux droits de laquelle vient désormais la société BNP Paribas Personal Finance ci-après société BNPPPF, remboursable sur 180 mois, soit après un différé en 169 mensualités de 215 euros hors assurance au taux contractuel annuel de 5,79 %, soit un TAEG de 5,95 %.

Les panneaux photovoltaïques ont été installés et les fonds débloqués par la banque au profit du vendeur au vu d'une attestation de fin de travaux signée par M. [M] le 29 novembre 2012.

Le raccordement au réseau électrique a été effectué et de l'électricité est revendue, la première facture de revente d'électricité ayant été émise le 10 mars 2016.

Par jugement du 25 juillet 2013, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société Planet Solaire et a désigné Me [W] [J] en qualité de mandataire liquidateur.

Par acte du 11 mai 2022, M. et Mme [M] ont fait assigner le mandataire liquidateur du vendeur et la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Bobigny en nullité du contrat de vente et subséquemment du contrat de crédit, privation de cette dernière de sa créance de restitution et condamnation à leur payer le prix de vente de l'installation, les intérêts et frais payés en exécution du contrat de prêt, 10'000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation, 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 3 mai 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny, a :

- déclaré irrecevable la demande de M. et Mme [M] aux fins de nullité des contrats,

- rejeté la demande présentée par M. et Mme [M] d'engagement de la responsabilité contractuelle de la banque,

- condamné in solidum M. et Mme [M] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande présentée par M. et Mme [M]'sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [M] aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil.

Après avoir rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil prévoyant une prescription de cinq ans, le juge a relevé que la demande d'annulation du contrat pour non-respect du formalisme contractuel intervenait plus de cinq ans après la signature de celui-ci. Il a souligné que si M. et Mme [M] indiquaient qu'il convenait de prendre en considération la date à laquelle ils avaient effectivement eu connaissance des irrégularités du contrat de vente, ils n'indiquaient pas quelle était cette date et que dès la signature, les requérants disposaient de toutes les informations utiles pour introduire leur action en justice.

S'agissant de l'action fondée sur un dol, il a considéré que M. et Mme [M] connaissaient la rentabilité de l'installation à compter de la date de la première facture d'électricité et produisaient une facture du 10 mars 2016. Il a donc considéré la demande prescrite depuis le 10 mars 2021.

Il a écarté toute atteinte à l'égalité des armes en soulignant que le délai de prescription de l'action de M. et Mme [M] était de cinq ans tandis que la banque devait agir dans les deux ans.

S'agissant de l'action en responsabilité à l'encontre de la banque, il a relevé qu'il ne résultait d'aucune pièce que l'installation ne satisfaisait pas aux exigences contractuelles dès lors qu'aucune preuve de promesse particulière de rentabilité n'était produite et qu'il n'était pas davantage établi que l'installation ne permettait pas d'atteindre de tels objectifs. Il a considéré que la preuve des préjudices invoquées n'étaient pas rapportée.

Par déclaration électronique du 4 août 2023, M. et Mme [M] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions n° 2 déposée électroniquement le 18 novembre 2024 auxquelles il convient de se rapporter, ils demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il déclaré irrecevables comme prescrites leurs demandes en annulation des contrats, en ce qu'il a rejeté leurs demandes aux fins d'engagement de la responsabilité contractuelle de la banque, en ce qu'il les a condamnés à payer la somme totale de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance, en ce qu'il a rejeté leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et rappelé que l'exécution provisoire était de droit et statuant à nouveau,

- de déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,

- de prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société Planet Solaire et la nullité du contrat de prêt,

- de constater que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et de la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,

- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à leur payer les sommes de :

- 23 500 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,

- 16 534,24 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux en exécution du prêt souscrit,

- 10 000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation, et de la remise en état de l'immeuble,

- 5 000 euros au titre du préjudice moral ,

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea et la société Planet Solaire de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires,

- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à supporter les dépens de l'instance.

Aux termes de ses conclusions déposées électroniquement le 22 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter, la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea demande à la cour :

- de confirmer le jugement,

- à titre principal, de déclarer la demande en nullité du contrat de vente irrecevable comme prescrite et en conséquence irrecevable comme prescrite la demande en nullité du contrat de crédit, et de déclarer irrecevable l'action en responsabilité de toutes les autres demandes formées à son encontre,

- à titre subsidiaire, de dire et juger que la nullité du bon de commande pour une irrégularité formelle n'est pas encourue, ou subsidiairement, de dire et juger que M. et Mme [M] ont renoncé à se prévaloir d'une irrégularité purement formelle du contrat et ont confirmé la nullité relative alléguée, de dire et juger que le dol allégué n'est nullement établi et que les conditions du prononcé de la nullité de ce chef n'est pas remplie et en conséquence, de déclarer la demande de nullité des contrats irrecevable, à tout le moins, de débouter M. et Mme [M] et de leur demande de nullité et de déclarer en conséquence irrecevables leurs autres demandes formées à son encontre,

- très subsidiairement, en cas de nullité des contrats, de déclarer irrecevable l'action en responsabilité de M. et Mme [M] à son encontre à raison de l'impossibilité pour eux de se prévaloir de fautes contractuelles en cas de nullité des contrats, et à défaut pour eux de démontrer une quelconque faute délictuelle de la banque, à défaut de dire et juger que la société Banque Solfea n'a commis aucune faute dans la vérification du bon de commande ni dans le versement des fonds prêtés, de dire et juger, de surcroît, que M. et Mme [M] n'établissent pas le préjudice qu'ils auraient subi en lien avec l'éventuelle irrégularité alléguée du bon de commande ou le versement des fonds, et donc avec la faute alléguée à l'encontre de la banque, ce alors même que l'installation fonctionne, de dire et juger, en conséquence, que les conditions d'engagement de la responsabilité de la banque ne sont pas réunies et de condamner, en conséquence, M. et Mme [M] à lui régler la somme de 23 500 euros en restitution du capital prêté,

- à titre infiniment subsidiaire, de limiter la réparation qui serait due par elle eu égard au préjudice effectivement subi par M. et Mme [M] et eu égard à leur faute ayant concouru à leur propre préjudice et de les condamner en conséquence à restituer l'entier capital à hauteur de 23 500 euros et d'ordonner la compensation des créances réciproques à due concurrence,

- à titre extraordinaire, si la cour devait prononcer la nullité des contrats et ne pas ordonner la restitution du capital prêté à charge des emprunteurs, de condamner M. et Mme [M] à lui payer la somme de 23 500 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable et de leur enjoindre de restituer, à leur frais, le matériel installé au liquidateur judiciaire de la société Planet Solaire dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d'électricité, et de dire et juger qu'à défaut de restitution, ils resteront tenus du remboursement du capital prêté,

- en tout état de cause, de débouter M. et Mme [M] de leur demande de dommages et intérêts et de leur demande de prise en charge des frais de l'enlèvement de l'installation, de dire et juger que les autres griefs formés par M. et Mme [M] ne sont pas fondés, de les débouter de toutes autres demandes, fins et conclusions formées à son encontre, d'ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence et de condamner M. et Mme [M] in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel et les conclusions de M. et Mme [M] ont été signifiées au mandataire liquidateur de la société venderesse par acte du 6 novembre 2023 délivré à domicile. Les conclusions de la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea ont été signifiées au mandataire liquidateur de la société venderesse par acte du 7 février 2024 délivré selon les mêmes modalités.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 7 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate :

- que le contrat de vente conclu le 29 octobre 2012 entre la société Planet Solaire et M. et Mme [M] est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour du contrat, issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile,

- que le contrat de crédit affecté conclu le même jour entre est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,

- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la recevabilité des demandes

En nullité des contrats

La banque soulève la prescription de l'action en nullité formelle comme de l'action en nullité pour dol ce à quoi M. et Mme [M] s'opposent en faisant valoir que si le contrat a été conclu le 29 octobre 2012, il sont des consommateurs profanes et :

- qu'ils ne sont pas en mesure de déceler par eux-mêmes les irrégularités dénoncées,

- qu'il résulte clairement de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription quinquennale extinctive de droit commun n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder une action en justice mais que par principe ce point de départ doit être reporté à la date à laquelle le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître, la loi présumant que le justiciable a nécessairement et légitimement ignoré les faits qui lui permettent d'agir, et se prévalent à cet égard d'une consultation des Professeurs [N] [R] et [G] [V] ainsi que d'une formule du Professeur [S] selon laquelle le délai de prescription doit être un délai utile,

- que dès lors le point de départ ne peut être que le moment où le titulaire du droit d'agir a eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi et ce dans toute son ampleur, ou de son aggravation, mais encore de surcroît du fait générateur de responsabilité,

- qu'ils se sont engagés sur la base d'un contrat de vente irrégulier car ne comprenant pas toutes les mentions obligatoires, ce qui a entraîné pour eux un défaut d'information préjudiciable dont ils n'ont pu se rendre compte que bien après la signature du bon de commande et relèvent que si la loi impose à la banque de vérifier la régularité du bon de commande avant le déblocage des fonds, c'est précisément parce qu'un consommateur normalement diligent ne peut identifier les irrégularités que l'instrumentum pourrait renfermer,

- que le point de départ de la prescription soit la date du contrat, il eut fallu qu'ils aient été en mesure de déceler par eux-mêmes l'irrégularité affectant l'acte, c'est-à-dire sans l'intervention d'un tiers sachant ou d'un expert et que l'irrégularité ressorte de la seule lecture de l'acte, c'est-à-dire sans devoir procéder à des calculs ou des analyses et que tel n'était pas le cas et se prévalent de la jurisprudence relative à la confirmation, soulignant que dès lors que la Cour de cassation reconnaît que la reproduction des articles relatifs à la nullité ne suffit pas à permettre au consommateur de connaître les causes de nullité affectant l'acte et de le confirmer, le même raisonnement doit être retenu en ce qui concerne le point de départ de la prescription et soulignent qu'il est question de mentions absentes,

- que dès lors le point de départ de la prescription ne peut donc être, en matière de nullité formelle, celle de la signature du contrat d'autant que la banque ne leur a pas signalé les causes de nullité, ce qu'il lui appartenait pourtant de faire,

- que le principe de l'égalité des armes, composante du droit à un procès équitable, implique pour le juge de s'assurer que chacune des parties soit en mesure d'agir et de se défendre dans les mêmes conditions, notamment au regard d'une éventuelle prescription et qu'il existe donc un risque que le consommateur perde ses droits sans jamais en avoir eu connaissance. Ils estiment que dès lors que le contrat est toujours en cours d'exécution, la prescription ne peut être acquise,

- que s'agissant de l'action en nullité fondée sur un dol, le dommage consiste au premier chef pour eux dans le fait d'avoir été engagés dans une opération désavantageuse sur la base de fausses promesses, que l'appréciation de la rentabilité d'une installation ou de biens d'équipement censés produire un gain ou une économie d'énergie sur de nombreuses années suppose nécessairement un tant soit peu de recul et qu'à supposer même que l'on puisse considérer, et ce de façon totalement artificielle, qu'ils auraient eu conscience du dommage dans toute son ampleur dès la signature des contrats, ou plutôt même dès le déblocage des fonds, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ce seul élément était insuffisant pour mettre en cause la responsabilité de la banque, puisqu'il fallait encore qu'une faute puisse lui être imputée, ce qu'ils ignoraient,

- qu'en application de ces principes solidement établis, aucune prescription ne saurait leur être opposée.

En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Selon l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Les contrats dont l'annulation est demandée ont été conclus le 29 octobre 2012 et M. et Mme [M] ont engagé l'instance par une assignation délivrée le 11 mai 2022 au mandataire liquidateur du vendeur et à la société BNP Paribas Personal Finance qui vient aux droits de la société Banque Solfea.

Toute l'argumentation des appelants qui se gardent d'ailleurs de donner une date concrète de point de départ de la prescription qui pourrait leur être opposée, vise en fait à voir repousser le point de départ du délai de prescription de leur action en nullité formelle du contrat à la date à laquelle ils ont pu avoir connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme. Les suivre dans cette voie reviendrait à rendre imprescriptible une action en nullité purement formelle puisque seule la date à laquelle ils l'invoquent pourrait alors être retenue comme point de départ de la prescription.

En l'espèce le fait permettant d'agir en nullité est l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande et c'est donc la date de signature de ce bon de commande qui doit être retenue comme point de départ de prescription puisque cette absence y était parfaitement visible, et non la connaissance juridique des conséquences de cette absence. La jurisprudence de la Cour de cassation relative aux erreurs commises en matière de taux effectif global, selon laquelle le point de départ de la prescription quinquennale doit être reporté lorsque l'erreur n'était pas décelable lors de la conclusion du contrat n'est pas applicable, puisque précisément, en l'espèce, M. et Mme [M] étaient en mesure de constater dès ce moment que ne figuraient pas les mentions dont ils déplorent l'omission sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux. La jurisprudence relative à la confirmation du contrat n'est pas non plus transposable à la prescription, le mécanisme de la prescription et celui de la confirmation étant différents et répondant également à des objectifs différents.

Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne que le principe d'effectivité doive être interprété en ce sens qu'il impose à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes.

Les dispositions de droit interne relatives à la prescription sont conformes aux principes européens d'effectivité des droits, notamment ceux du consommateur, dans la mesure où il est prévu que le délai ne commence à courir à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits, et qu'est aménagé un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre efficacement.

Il n'y a pas non plus d'atteinte au principe d'égalité des armes, dès lors que les obligations dont l'emprunteur est créancier à l'égard du banquier dispensateur de crédit s'éteignent par la mise à disposition des fonds prêtés, alors que celles de l'emprunteur s'échelonnent pendant toute la durée de leur amortissement et qu'elles ne font pas obstacle à la faculté offerte au consommateur d'opposer ces mêmes droits au prêteur, par voie d'exception, pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant observé que les obligations des parties à un contrat de crédit ne sont pas identiques, le versement des fonds par l'établissement bancaire étant une obligation à exécution instantanée, alors que le remboursement des mensualités par l'emprunteur est une obligation à exécution successive de sorte que le régime de la prescription est nécessairement différencié. Cette absence d'atteinte au principe d'égalité des armes est patente dans la mesure où les dispositions des articles L. 311-52 du code de la consommation reprises à l'article R. 312-35 prévoient un délai de prescription abrégé de deux années pour les actions en paiement engagées par le prêteur à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur soit un délai plus court que celui prévu à l'article 2224 du code civil.

Plus de cinq années s'étant écoulées entre la date de signature du contrat et celle de l'action en nullité formelle qui n'était donc recevable que jusqu'au 28 octobre 2017 inclus, cette action est prescrite et M. et Mme [M] sont irrecevables à solliciter l'annulation du contrat sur le fondement des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable au litige.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que cette demande de nullité formelle était irrecevable.

S'agissant de la demande en nullité pour dol, commis par le vendeur ou la banque c'est à la date à laquelle le dol a été découvert et non là encore à la date à laquelle M. et Mme [M] ont pu avoir connaissance de ses conséquences juridiques à savoir le fait que le dol est en droit une cause de nullité du contrat, que doit être fixé le point du délai du délai de prescription.

Dès lors qu'ils invoquent des man'uvres et tromperies destinées à leur faire croire que l'installation serait autofinancée et rentable financièrement, le point de départ de la prescription doit être fixée à la date à laquelle ils connaissaient la production réelle de leur installation.

Il résulte des propres écritures de M. et Mme [M] qui se plaignent de la faiblesse des productions de 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018 qu'ils connaissaient cette production plus de cinq ans avant d'assigner le vendeur et le prêteur dès lors cette demande est également prescrite, le jugement devant être confirmé sur ce point.

En responsabilité de la banque

M. et Mme [M] imputent à la banque des fautes de participation au dol du vendeur du fait de l'existence d'un différé de remboursement destiné à entretenir leur croyance légitime d'une rentabilité de l'opération mais aussi dans le déblocage des fonds sans vérification du bon de commande comme sur la foi d'une attestation incomplète ce à quoi la banque oppose une prescription.

L'action pour dol étant prescrite, l'action en responsabilité pour participation au dol l'est aussi son point de départ étant également la date à la laquelle M. et Mme [M] connaissaient la production de l'installation.

Pour le surplus, le fait générateur est celui du déblocage des fonds qui a été réalisé dans les suites de la demande faite à la banque par M. [M] le 29 novembre 2012 et cette demande est donc également prescrite. Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes lesquelles doivent aussi être déclarées irrecevables comme prescrites, étant au demeurant observé que M. et Mme [M] ne pouvaient ignorer que les fonds avaient été débloqués puisqu'ils ont commencé à rembourser et ce bien plus de cinq ans avant d'avoir assigné.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

M. et Mme [M] qui succombent doivent être condamnés aux dépens d'appel.

Il apparaît en outre équitable de leur faire supporter in solidum la charge des frais irrépétibles engagés par la société BNP Paribas Personal Finance à hauteur de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt rendu par défaut en dernier ressort,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes en responsabilité contractuelles contre la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea ;

Déclare ces demandes irrecevables comme prescrites ;

Condamne M. [K] [M] et Mme [C] [E] épouse [M] in solidum à payer la somme de 3 000 euros à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [K] [M] et Mme [C] [E] épouse [M] in solidum aux dépens d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente

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