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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 6 mars 2025, n° 23/13782

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/13782

6 mars 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 06 MARS 2025

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/13782 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIDRU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 mai 2023 - Juge des contentieux de la protection d'AUBERVILLIERS - RG n° 11-22-000418

APPELANTS

Monsieur [P] [G]

né le 5 janvier 1957 à [Localité 8] (25)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS

ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

Madame [F] [I] épouse [G]

née le 28 septembre 1968 à [Localité 7] (25)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS

ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉES

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, venant aux droits de la société SOLFINEA anciennement dénommée BANQUE SOLFEA

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

S.C.P. MOYRAND - [R] en la personne de Maître [E] [R], en qualité de mandataire liquidateur de la société NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE, société par actions simplifiée prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Hélène BUSSIERE, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 9 février 2012, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [P] [G] a signé avec la société Nouvelle Régie des Jonctions de France (ci-après NRJEF) sous l'enseigne Groupe Solaire de France un bon de commande portant sur une installation photovoltaïque au prix de 19 800 euros.

Cet équipement a été financé au moyen d'un crédit affecté de même montant souscrit le même jour par M. [G] et Mme [F] [I] épouse [G] auprès de la société Banque Solfea aux droits de laquelle vient désormais la société BNP Paribas Personal Finance, remboursable sur 180 mois, en 7 mensualités de 98 euros chacune hors assurance puis 162 mensualités de 184 euros chacune hors assurance au taux contractuel annuel de 5,60 %, soit un TAEG de 5,75 %.

Les panneaux photovoltaïques ont été installés et les fonds débloqués par la banque au profit du vendeur au vu d'une attestation de fin de travaux signée par M. [G] le 17 février 2012.

Le raccordement au réseau électrique a été effectué et de l'électricité est revendue, M. [G] ayant signé le 1er juin 2014 un contrat de rachat d'électricité avec la société EDF.

Par jugement du 12 novembre 2014, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société NRJEF et désigné la SCP Moyrand - [R] en la personne de Maître [E] [R] en qualité de mandataire liquidateur.

Le 1er septembre 2016, la Selarlu [R] MJ a été nommée en remplacement de la SCP Moyrand ' [R] en qualité de mandataire liquidateur.

Par acte du 28 mars 2022, M. et Mme [G] ont fait assigner le mandataire de la société NRJEF et la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Aubervilliers en nullité du contrat de vente et subséquemment du contrat de crédit, enlèvement du matériel à la charge du mandataire du vendeur, constat de la faute de la banque, privation de cette dernière de sa créance de restitution et condamnation à leur payer le prix de vente de l'installation, les intérêts et frais payés en exécution du contrat de prêt, 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 15 mai 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du tribunal de proximité d'Aubervilliers, a :

- déclaré irrecevables les demandes en nullité des contrats,

- rejeté les autres demandes présentées par M. et Mme [G],

- condamné M. et Mme [G] aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Après avoir rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil prévoyant une prescription de cinq ans, le juge a relevé que la demande d'annulation du contrat pour non-respect du formalisme contractuel intervenait plus de cinq ans après la signature de celui-ci qui constituait le point de départ de la prescription et que M. et Mme [G] ne justifiaient pas que cette date devait être reportée.

S'agissant de l'action fondée sur un dol, il a considéré que le point de départ était la date à laquelle M. et Mme [G] avaient découvert ou auraient dû découvrir l'erreur les ayant déterminés à contracter. Il a souligné qu'ils ne justifiaient d'aucune réclamation et produisaient le contrat de rachat de l'électricité du 1er juin 2014 et a considéré qu'ils connaissaient la rentabilité de l'installation dans l'année. Il a donc considéré la demande prescrite. Il a considéré que les autres demandes découlant de la nullité devaient être rejetées.

Par déclaration électronique du 1er août 2023, M. et Mme [G] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions n° 2 déposée électroniquement le 22 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter, ils demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il déclaré irrecevables comme prescrites leurs demandes en annulation des contrats, en ce qu'il a rejeté leurs autres demandes en ce qu'il les a condamnés aux dépens de l'instance, et rappelé que l'exécution provisoire était de droit et statuant à nouveau,

- de déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,

- de prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société NRJEF et la nullité du contrat de prêt,

- de mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la NRJEF l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble à ses frais,

- de constater que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et de la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,

- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à leur payer les sommes de :

- 19 800 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,

- une somme à parfaire correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux,

- 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea et la société NRJEF de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires,

- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à supporter les dépens de l'instance.

Aux termes de ses conclusions déposées électroniquement le 29 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter, la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea demande à la cour :

- de confirmer le jugement,

- à titre principal, de déclarer irrecevables l'action et l'ensemble des demandes formées par M. et Mme [G] au vu de la prescription quinquennale et de rejeter toutes les demandes dont le bien-fondé dépend des demandes prescrites,

- à défaut de déclarer la demande en nullité du contrat de vente irrecevable et en conséquence irrecevable la demande en nullité du contrat de crédit, de déclarer irrecevable l'action en responsabilité et toutes les autres demandes formées à son encontre, de dire et juger à tout le moins que les demandes en nullité des contrats ne sont pas fondées, de débouter M. et Mme [G] de leurs demandes en nullité du contrat de vente et du contrat de crédit,

- subsidiairement en cas de nullité des contrats, de déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [G] visant à la décharge de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins de les en débouter et de condamner, en conséquence, M. et Mme [G] à lui régler la somme de 19 900 euros en restitution du capital prêté,

- en tout état de cause, de déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [G] visant à la privation de sa créance ainsi que leurs demandes de dommages et intérêts, à tout le moins de les en débouter,

- très subsidiairement, de limiter la réparation qui serait due par elle eu égard au préjudice effectivement subi par M. et Mme [G] et eu égard à leur faute ayant concouru à leur propre préjudice, de limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. et Mme [G] d'en justifier, en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, de limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, de dire et juger que M. et Mme [G] restent tenus de restituer l'entier capital à hauteur de 19 900 euros et d'ordonner la compensation des créances réciproques à due concurrence,

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait prononcer la nullité des contrats et ne pas ordonner la restitution du capital prêté à charge des emprunteurs, de condamner M. et Mme [G] à lui payer la somme de 19 800 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable et de leur enjoindre de restituer, à leur frais, le matériel installé au liquidateur judiciaire de la société NRJEF dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d'électricité, et de dire et juger qu'à défaut de restitution, ils resteront tenus du remboursement du capital prêté, subsidiairement, de les priver de leur créance en restitution des sommes réglées du fait de leur légèreté blâmable,

- de débouter M. et Mme [G] de leur demande de dommages et intérêts,

- de dire et juger que les autres griefs formés par M. et Mme [G] ne sont pas fondés, de les débouter de toutes autres demandes, fins et conclusions formées à son encontre,

- d'ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,

- de condamner M. et Mme [G] in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel et les conclusions de M. et Mme [G] ont été signifiées au mandataire liquidateur de la société venderesse par acte du 30 octobre 2023 délivré à personne morale. Les conclusions de la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea ont été signifiées au mandataire liquidateur de la société venderesse par acte du 5 février 2024délivré à domicile.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 novembre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 17 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate :

- que le contrat de vente conclu le 9 février 2012 entre la société NRJEF et M. et Mme [G] est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour du contrat, issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile,

- que le contrat de crédit affecté conclu le même jour entre est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,

- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la recevabilité des demandes

En nullité des contrats

La banque soulève la prescription de l'action en nullité formelle comme de l'action en nullité pour dol ce à quoi M. et Mme [G] s'opposent en faisant valoir que si le contrat a été conclu le 9 février 2012, il sont des consommateurs profanes et :

- qu'ils ne sont pas en mesure de déceler par eux-mêmes les irrégularités dénoncées,

- qu'il résulte clairement de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription quinquennale extinctive de droit commun n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder une action en justice mais que par principe ce point de départ doit être reporté à la date à laquelle le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître, la loi présumant que le justiciable a nécessairement et légitimement ignoré les faits qui lui permettent d'agir, et se prévalent à cet égard d'une consultation des Professeurs [B] [T] et [Z] [K] ainsi que d'une formule du Professeur [U] selon laquelle le délai de prescription doit être un délai utile,

- que dès lors le point de départ ne peut être que le moment où le titulaire du droit d'agir a eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi et ce dans toute son ampleur, ou de son aggravation, mais encore de surcroît du fait générateur de responsabilité,

- qu'ils se sont engagés sur la base d'un contrat de vente irrégulier car ne comprenant pas toutes les mentions obligatoires, ce qui a entraîné pour eux un défaut d'information préjudiciable dont ils n'ont pu se rendre compte que bien après la signature du bon de commande et relèvent que si la loi impose à la banque de vérifier la régularité du bon de commande avant le déblocage des fonds, c'est précisément parce qu'un consommateur normalement diligent ne peut identifier les irrégularités que l'instrumentum pourrait renfermer,

- que le point de départ de la prescription soit la date du contrat, il eut fallu qu'ils aient été en mesure de déceler par eux-mêmes l'irrégularité affectant l'acte, c'est-à-dire sans l'intervention d'un tiers sachant ou d'un expert et que l'irrégularité ressorte de la seule lecture de l'acte, c'est-à-dire sans devoir procéder à des calculs ou des analyses et que tel n'était pas le cas et se prévalent de la jurisprudence relative à la confirmation, soulignant que dès lors que la Cour de cassation reconnaît que la reproduction des articles relatifs à la nullité ne suffit pas à permettre au consommateur de connaître les causes de nullité affectant l'acte et de le confirmer, le même raisonnement doit être retenu en ce qui concerne le point de départ de la prescription et soulignent qu'il est question de mentions absentes,

- que dès lors le point de départ de la prescription ne peut donc être, en matière de nullité formelle, celle de la signature du contrat d'autant que la banque ne leur a pas signalé les causes de nullité, ce qu'il lui appartenait pourtant de faire,

- que le principe de l'égalité des armes, composante du droit à un procès équitable, implique pour le juge de s'assurer que chacune des parties soit en mesure d'agir et de se défendre dans les mêmes conditions, notamment au regard d'une éventuelle prescription et qu'il existe donc un risque que le consommateur perde ses droits sans jamais en avoir eu connaissance. Ils estiment que dès lors que le contrat est toujours en cours d'exécution, la prescription ne peut être acquise,

- que s'agissant de l'action en nullité fondée sur un dol, le dommage consiste au premier chef pour eux dans le fait d'avoir été engagés dans une opération désavantageuse sur la base de fausses promesses, que l'appréciation de la rentabilité d'une installation ou de biens d'équipement censés produire un gain ou une économie d'énergie sur de nombreuses années suppose nécessairement un tant soit peu de recul et qu'à supposer même que l'on puisse considérer, et ce de façon totalement artificielle, qu'ils auraient eu conscience du dommage dans toute son ampleur dès la signature des contrats, ou plutôt même dès le déblocage des fonds, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ce seul élément était insuffisant pour mettre en cause la responsabilité de la banque, puisqu'il fallait encore qu'une faute puisse lui être imputée, ce qu'ils ignoraient,

- qu'en application de ces principes solidement établis, aucune prescription ne saurait leur être opposée.

En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Selon l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Les contrats dont l'annulation est demandée ont été conclus le 9 février 2012 et M. et Mme [G] ont engagé l'instance par une assignation délivrée le 28 mars 2022 au mandataire liquidateur du vendeur et à la société BNP Paribas Personal Finance qui vient aux droits de la société Banque Solfea.

Toute l'argumentation des appelants qui se gardent d'ailleurs de donner une date concrète de point de départ de la prescription qui pourrait leur être opposée, vise en fait à voir repousser le point de départ du délai de prescription de leur action en nullité formelle du contrat à la date à laquelle ils ont pu avoir connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme. Les suivre dans cette voie reviendrait à rendre imprescriptible une action en nullité purement formelle puisque seule la date à laquelle ils l' invoquent pourrait alors être retenue comme point de départ de la prescription.

En l'espèce le fait permettant d'agir en nullité est l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande et c'est donc la date de signature de ce bon de commande qui doit être retenue comme point de départ de prescription puisque cette absence y était parfaitement visible, et non la connaissance juridique des conséquences de cette absence. La jurisprudence de la Cour de cassation relative aux erreurs commises en matière de taux effectif global, selon laquelle le point de départ de la prescription quinquennale doit être reporté lorsque l'erreur n'était pas décelable lors de la conclusion du contrat n'est pas applicable, puisque précisément, en l'espèce, M. et Mme [G] étaient en mesure de constater dès ce moment que ne figuraient pas les mentions dont ils déplorent l'omission sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux. La jurisprudence relative à la confirmation du contrat n'est pas non plus transposable à la prescription, le mécanisme de la prescription et celui de la confirmation étant différents et répondant également à des objectifs différents.

Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne que le principe d'effectivité doive être interprété en ce sens qu'il impose à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes.

Les dispositions de droit interne relatives à la prescription sont conformes aux principes européens d'effectivité des droits, notamment ceux du consommateur, dans la mesure où il est prévu que le délai ne commence à courir à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits, et qu'est aménagé un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre efficacement.

Il n'y a pas non plus d'atteinte au principe d'égalité des armes, dès lors que les obligations dont l'emprunteur est créancier à l'égard du banquier dispensateur de crédit s'éteignent par la mise à disposition des fonds prêtés, alors que celles de l'emprunteur s'échelonnent pendant toute la durée de leur amortissement et qu'elles ne font pas obstacle à la faculté offerte au consommateur d'opposer ces mêmes droits au prêteur, par voie d'exception, pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant observé que les obligations des parties à un contrat de crédit ne sont pas identiques, le versement des fonds par l'établissement bancaire étant une obligation à exécution instantanée, alors que le remboursement des mensualités par l'emprunteur est une obligation à exécution successive de sorte que le régime de la prescription est nécessairement différencié. Cette absence d'atteinte au principe d'égalité des armes est patente dans la mesure où les dispositions des articles L. 311-52 du code de la consommation reprises à l'article R. 312-35 prévoient un délai de prescription abrégé de deux années pour les actions en paiement engagées par le prêteur à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur soit un délai plus court que celui prévu à l'article 2224 du code civil.

Plus de cinq années s'étant écoulées entre la date de signature du contrat et celle de l'action en nullité formelle qui n'était donc recevable que jusqu'au 8 février 2017 inclus, cette action est prescrite et M. et Mme [G] sont irrecevables à solliciter l'annulation du contrat sur le fondement des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable au litige.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que cette demande de nullité formelle était irrecevable.

S'agissant de la demande en nullité pour dol, commis par le vendeur ou la banque c'est à la date à laquelle le dol a été découvert et non là encore à la date à laquelle M. et Mme [G] ont pu avoir connaissance de ses conséquences juridiques à savoir le fait que le dol est en droit une cause de nullité du contrat, que doit être fixé le point du délai du délai de prescription.

Dès lors qu'ils invoquent des man'uvres et tromperies destinées à leur faire croire que l'installation serait autofinancée et rentable financièrement, le point de départ de la prescription doit être fixée à la date à laquelle ils connaissaient la production réelle de leur installation.

Le contrat de rachat d'électricité avec la société EDF a été signé le 1er juin 2014, et M. et Mme [G] qui ne contestent pas que l'installation leur procure des gains qu'ils estiment trop faibles ne produisent pas la moindre facture. Il doit être considéré qu'un an après la signature de ce contrat, ils étaient en mesure de connaître la production de leur installation soit plus de cinq ans avant d'assigner le vendeur et le prêteur dès lors cette demande est également prescrite, le jugement devant être confirmé sur ce point.

En responsabilité de la banque

M. et Mme [G] imputent à la banque des fautes dans le déblocage des fonds sans vérification du bon de commande comme sur la foi d'une attestation incomplète ce à quoi la banque oppose une prescription.

Le fait générateur est celui du déblocage des fonds qui a été réalisé dans les suites de la demande faite à la banque par M. [G] le 17 février 2012 et cette demande est donc également prescrite. Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes lesquelles doivent aussi être déclarées irrecevables comme prescrites, étant au demeurant observé que M. et Mme [G] ne pouvaient ignorer que les fonds avaient été débloqués puisqu'ils ont commencé à rembourser et ce bien plus de cinq ans avant d'avoir assigné. Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

M. et Mme [G] qui succombent doivent être condamnés aux dépens d'appel.

Il apparaît en outre équitable de leur faire supporter in solidum la charge des frais irrépétibles engagés par la société BNP Paribas Personal Finance à hauteur de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [P] [G] et Mme [F] [I] épouse [G] in solidum à payer la somme de 3 000 euros à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [P] [G] et Mme [F] [I] épouse [G] in solidum aux dépens d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente

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