CA Rennes, 4e ch., 6 mars 2025, n° 24/03816
RENNES
Arrêt
Autre
4ème Chambre
ARRÊT N° 65
N° RG 24/03816
N° Portalis DBVL-V-B7I-U5V6
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 MARS 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : M. Alain DESALBRES, Président de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Décembre 2024, devant M. Alain DESALBRES, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Mars 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [J] [I] [F] [T] [N]
né le 29 Août 1950 à [Localité 5] (44)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Jean-Marc LE MASSON, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 5] représenté par son syndic en exercice, la société CDJ21 exerçant sous le nom commercial CENTURY 21 TALENSAC ayant son siège social
[Adresse 1]
Représentée par Me Vincent CHUPIN de la SELARL PUBLI-JURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
M. [J] [N] a acquis un terrain à bâtir par acte authentique du 1er décembre 1988 situé à l'arrière d'un immeuble en copropriété sur lequel il a fait édifier une maison.
Le règlement de copropriété de cet immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 5] indique, depuis une modification de l'état descriptif de division du 25 mars 1991, que la copropriété est composée de trois bâtiments, dont le bâtiment C, la maison appartenant à M. [N].
M. [N] a sollicité de l'assemblée générale des copropriétaires une délibération favorable afin d'être autorisé à sortir de la copropriété, mais un refus lui a été opposé lors d'un vote qui a eu lieu le 12 février 2021.
Par exploit du 9 février 2023, M. [N] a assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à Nantes devant le tribunal judiciaire de Nantes afin de faire reconnaître qu'il ne fait pas partie de la copropriété et qu'il est dès lors le seul propriétaire de l'assiette foncière de sa maison.
Suivant des conclusions d'incident du 26 juin 2023, le syndicat des copropriétaires a sollicité du juge de la mise en état de déclarer irrecevables les demandes de M. [N] en raison de leur prescription mais également pour défaut de qualité à agir et d'intérêt à agir de celui-ci.
Par ordonnance en date du 13 juin 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes a :
- déclaré irrecevable la demande principale de M. [N] de juger que la maison qu'il occupe ne fait pas partie de la copropriété du [Adresse 2] à [Localité 5],
- condamné M. [J] [N] aux entiers dépens,
- rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- renvoyé à l'audience de mise en état du 25 septembre 2024 pour les conclusions de maître Jean-Marc Le Masson,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
M. [J] [N] a relevé appel de cette décision le 28 juin 2024.
L'avis de fixation à bref délai du 10 juillet 2024 a fixé la clôture et l'examen de l'affaire au 17 décembre 2024 conformément aux articles 904-1 et 905 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions du 14 novembre 2024, M. [J] [N] demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance et, statuant à nouveau :
- de débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes,
- de juger recevables ses demandes,
- de condamner l'intimé au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens du présent incident.
Selon ses dernières conclusions du 3 décembre 2024, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 5], représenté par son syndic en exercice, la société CDJ21, demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :
- déclaré irrecevable la demande principale de M. [N] de juger que la maison qu'il occupe ne fait pas partie de la copropriété du [Adresse 2] à [Localité 5],
- condamné M. [N] aux entiers dépens de première instance,
Y additant :
- condamner M. [N] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles d'appel et des entiers dépens de la présente procédure d'appel qui seront recouvrés par maître Vincent Chupin qui bénéficiera des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes, écrits, fins et conclusions plus amples ou contraires.
MOTIVATION
La parcelle EW [Cadastre 4] appartenant initialement à M. et Mme [N] a été rattachée à la copropriété voisine cadastrée EW [Cadastre 3] suivant un acte notarié dressé le 25 mars 1991. Dans cet acte valant également modification du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division du 21 septembre 1982, il est indiqué que les époux [N] sont les personnes requérantes 'comparant de première part' et les copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 2], les comparants 'de seconde part'. L'appelant ne peut donc contester avoir été à l'initiative du rattachement de sa propriété à la copropriété voisine.
L'acte notarié susvisé, régulièrement publié au service de la publicité foncière, a consacré les abandons par 'le comparant de première part' de la servitude de passage constituée au profit de son fonds, grevant la parcelle EW n°[Cadastre 3], en contrepartie de l'abandon par le 'comparant de seconde part' de la servitude non aedificandi partielle qui grevait le fonds EW [Cadastre 4], sans indemnisation de part et d'autre.
Ainsi, contrairement à ce qu'affirme l'appelant, des servitudes réciproques ont bien été contractuellement supprimées.
L'acte précité fait également état d'une 'refonte de l'état descriptif et du règlement de copropriété de l'immeuble collectif, [Adresse 2] à [Localité 5], désormais étendus à la parcelle des époux [N], suite à la mise en communauté des assiettes foncières et partage au travers de l'attribution de tantièmes de copropriété'. Il indique en outre que 'les soussignés conviennent, afin de restructurer l'organisation de la vie collective des propriétaires de biens et droits immobiliers ayant leur accès au numéro [Adresse 2], de mettre en commun leurs droits concurrents sur l'assiette foncière de leur propriété bâtie ou leur droit de construire', s'agissant des parcelles EW n°[Cadastre 3] et EW n°[Cadastre 4]. Il stipule enfin que, 'par suite de cette mise en communauté, les comparants aux présentes conviennent de soumettre leurs droits de propriété concurrents au régime de la copropriété des immeubles bâtis'.
En conséquence, la copropriété du [Adresse 2] était composée dès 1991 de 3 bâtiments :
- le bâtiment A : bâtiment en façade sur rue qui comprenait les lots de copropriété n°32 à 61 ;
- le bâtiment B situé à la suite du bâtiment A, le long de la limite sud-ouest, et qui constituait le lot n°62 de la copropriété ;
- le bâtiment C, s'agissant de l'immeuble des époux [N] qui constituait le lot n°63 de la copropriété.
La constitution de cette copropriété horizontale, par absorption d'une propriété au départ étrangère à celle-ci, n'est absolument pas prohibée par la loi 65-557 du 10 juillet 1965 et le décret 67-223 du 17 mars 1967 comme le soutient M. [J] [N] dans ses dernières conclusions, étant ajouté que le plan versé aux débats par l'intimé permet de constater qu'une cour commune sépare les deux parcelles EW [Cadastre 3] et EW [Cadastre 4].
M. [N] a saisi le tribunal judiciaire de Nantes pour juger :
- qu'il ne fait pas, et n'a jamais fait partie, du syndicat des copropriétaires conformément aux règles d'ordre public du statut de la copropriété ;
- qu'il est donc seul et plein propriétaire de l'assiette foncière d'implantation de sa maison.
En réponse, le syndicat de copropriété soulève plusieurs fins de non-recevoir.
L'article 122 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Sur l'intérêt à agir de M. [J] [N]
Si la parcelle section EW [Cadastre 4] a bien été acquise en 1988 par M. [N] et son épouse Mme [O], l'appelant dispose bien de la qualité à agir seul dans le cadre de la présente instance dans la mesure où, suite au divorce du couple, sa pleine propriété lui a été attribuée selon un acte liquidatif du 4 juin 1997.
Sur la prescription de l'action
Le juge de la mise en état a considéré que l'action de M. [J] [N] tendant à obtenir l'annulation des actes modificatifs de copropriété (règlement et état descriptif de division) n'était pas imprescriptible mais soumise à une prescription quinquennale. Il a considéré que celle-ci s'avérait prescrite depuis le 19 juin 2013.
L'appelant conteste toute irrecevabilité de ses demandes. Il expose que ces prétentions sont uniquement fondées sur les dispositions de l'article 43 de la loi 65-557 du 10 janvier 1965 qui sont d'ordre public et imprescriptibles.
En réponse, le syndicat objecte que les demandes présentées par l'appelant ne sont pas fondées sur les dispositions de l'article 43 précité mais se rattachent à une action de droit commun soumise au délai quinquennal de prescription. Il estime en outre que, par les effets de la confirmation prévue à l'article 1182 du Code civil, M. [J] [N] a accepté depuis plus de trente ans de renoncer à toute nullité de l'acte critiqué. Il sollicite en conséquence la confirmation de l'ordonnance critiquée.
Les éléments suivants doivent être relevés :
L'article 1338 du Code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 en date du 10 février 2016 dispose que : 'l'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.
A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée'.
Ce texte a été abrogé et remplacé le 1er octobre 2016 par l'article 1182 du même Code qui énonce que : 'la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.
L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers'.
Cependant, la confirmation suppose tout d'abord qu'un acte mentionne expressément les raisons pour lesquelles la nullité des obligations qui pèsent sur une partie pourrait être prononcée ou l'existence d'un vice lui permettant d'agir en nullité. Or, aucun document confirmatif n'est versé aux débats.
En outre, si M. [J] [N] a bien exécuté depuis plus de trente ans les obligations qui lui incombaient en sa qualité de copropriétaire, aucun élément ne permet d'indiquer qu'il a agi ainsi en connaissance d'une cause d'une nullité qui affecterait l'acte notarié du 25 mars 1991.
Dès lors, les règles relatives à la confirmation ne peuvent fonder la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat.
Comme l'affirme à raison l'appelant, l'action en constatation du caractère illicite d'une clause du règlement de copropriété n'est enfermée dans aucun délai (Civ;, 3ème, 10 septembre 2020 n° 19-17.045).
Pour autant, il n'établit pas que son action devant le tribunal judiciaire de Nantes est fondée sur les dispositions de l'article 43 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965.
En effet, il convient de constater à la lecture de son assignation en justice (cf ses propres écritures p4) qu'il n'invoque pas dans le dispositif de celle-ci le caractère non écrit d'une clause du règlement de copropriété ou de l'état descriptif de division qui ont été modifiés le 25 mars 1991. En conséquence, en l'absence de toute demande sur ce point, l'une ou plusieurs des stipulations doivent recevoir application (Civ. 3eme, 6 juillet 2023, n° 22-18.697).
Dans ses dernières conclusions d'incident, M. [J] [N] ne précise pas quelles seraient les clauses qui méconnaîtraient les dispositions d'ordre public de la loi du 10 juillet 1965 et du décret 67-223 du 17 mars 1967 pris pour son application.
En définitive, l'action en justice de l'appelant ne tend qu'à obtenir l'annulation de l'acte du 25 mars 1991, modifiant également le règlement intérieur et l'état descriptif de division, qui est tout à la fois extinctif de servitudes et translatif de droits au niveau du sol avec modification de l'assiette foncière.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai trentenaire de prescription a été ramené à une durée de 5 ans.
Au regard du délai déjà écoulé qui a été raccourci par le texte précité, l'action de M. [J] [N] apparaît donc prescrite à compter du 19 juin 2013. Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance critiquée sans qu'il soit nécessaire d'aborder la question du défaut d'intérêt à agir soulevée par l'intimé.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Si la décision de première instance doit être confirmée, il y a lieu en cause d'appel de mettre à la charge de M. [J] [N] le versement au profit du syndicat d'une indemnité de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter les autres demandes présentées sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 13 juin 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes (RG 23/00602) ;
Y ajoutant ;
- Condamne M. [J] [N] à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 5], représenté par son syndic en exercice la société CDJ21, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
- Condamne M. [J] [N] au paiement des dépens d'appel qui pourront être directement recouvrés par les avocats qui en ont fait la demande en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
ARRÊT N° 65
N° RG 24/03816
N° Portalis DBVL-V-B7I-U5V6
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 MARS 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : M. Alain DESALBRES, Président de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Décembre 2024, devant M. Alain DESALBRES, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Mars 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [J] [I] [F] [T] [N]
né le 29 Août 1950 à [Localité 5] (44)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Jean-Marc LE MASSON, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 5] représenté par son syndic en exercice, la société CDJ21 exerçant sous le nom commercial CENTURY 21 TALENSAC ayant son siège social
[Adresse 1]
Représentée par Me Vincent CHUPIN de la SELARL PUBLI-JURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
M. [J] [N] a acquis un terrain à bâtir par acte authentique du 1er décembre 1988 situé à l'arrière d'un immeuble en copropriété sur lequel il a fait édifier une maison.
Le règlement de copropriété de cet immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 5] indique, depuis une modification de l'état descriptif de division du 25 mars 1991, que la copropriété est composée de trois bâtiments, dont le bâtiment C, la maison appartenant à M. [N].
M. [N] a sollicité de l'assemblée générale des copropriétaires une délibération favorable afin d'être autorisé à sortir de la copropriété, mais un refus lui a été opposé lors d'un vote qui a eu lieu le 12 février 2021.
Par exploit du 9 février 2023, M. [N] a assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à Nantes devant le tribunal judiciaire de Nantes afin de faire reconnaître qu'il ne fait pas partie de la copropriété et qu'il est dès lors le seul propriétaire de l'assiette foncière de sa maison.
Suivant des conclusions d'incident du 26 juin 2023, le syndicat des copropriétaires a sollicité du juge de la mise en état de déclarer irrecevables les demandes de M. [N] en raison de leur prescription mais également pour défaut de qualité à agir et d'intérêt à agir de celui-ci.
Par ordonnance en date du 13 juin 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes a :
- déclaré irrecevable la demande principale de M. [N] de juger que la maison qu'il occupe ne fait pas partie de la copropriété du [Adresse 2] à [Localité 5],
- condamné M. [J] [N] aux entiers dépens,
- rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- renvoyé à l'audience de mise en état du 25 septembre 2024 pour les conclusions de maître Jean-Marc Le Masson,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
M. [J] [N] a relevé appel de cette décision le 28 juin 2024.
L'avis de fixation à bref délai du 10 juillet 2024 a fixé la clôture et l'examen de l'affaire au 17 décembre 2024 conformément aux articles 904-1 et 905 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions du 14 novembre 2024, M. [J] [N] demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance et, statuant à nouveau :
- de débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes,
- de juger recevables ses demandes,
- de condamner l'intimé au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens du présent incident.
Selon ses dernières conclusions du 3 décembre 2024, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 5], représenté par son syndic en exercice, la société CDJ21, demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :
- déclaré irrecevable la demande principale de M. [N] de juger que la maison qu'il occupe ne fait pas partie de la copropriété du [Adresse 2] à [Localité 5],
- condamné M. [N] aux entiers dépens de première instance,
Y additant :
- condamner M. [N] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles d'appel et des entiers dépens de la présente procédure d'appel qui seront recouvrés par maître Vincent Chupin qui bénéficiera des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes, écrits, fins et conclusions plus amples ou contraires.
MOTIVATION
La parcelle EW [Cadastre 4] appartenant initialement à M. et Mme [N] a été rattachée à la copropriété voisine cadastrée EW [Cadastre 3] suivant un acte notarié dressé le 25 mars 1991. Dans cet acte valant également modification du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division du 21 septembre 1982, il est indiqué que les époux [N] sont les personnes requérantes 'comparant de première part' et les copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 2], les comparants 'de seconde part'. L'appelant ne peut donc contester avoir été à l'initiative du rattachement de sa propriété à la copropriété voisine.
L'acte notarié susvisé, régulièrement publié au service de la publicité foncière, a consacré les abandons par 'le comparant de première part' de la servitude de passage constituée au profit de son fonds, grevant la parcelle EW n°[Cadastre 3], en contrepartie de l'abandon par le 'comparant de seconde part' de la servitude non aedificandi partielle qui grevait le fonds EW [Cadastre 4], sans indemnisation de part et d'autre.
Ainsi, contrairement à ce qu'affirme l'appelant, des servitudes réciproques ont bien été contractuellement supprimées.
L'acte précité fait également état d'une 'refonte de l'état descriptif et du règlement de copropriété de l'immeuble collectif, [Adresse 2] à [Localité 5], désormais étendus à la parcelle des époux [N], suite à la mise en communauté des assiettes foncières et partage au travers de l'attribution de tantièmes de copropriété'. Il indique en outre que 'les soussignés conviennent, afin de restructurer l'organisation de la vie collective des propriétaires de biens et droits immobiliers ayant leur accès au numéro [Adresse 2], de mettre en commun leurs droits concurrents sur l'assiette foncière de leur propriété bâtie ou leur droit de construire', s'agissant des parcelles EW n°[Cadastre 3] et EW n°[Cadastre 4]. Il stipule enfin que, 'par suite de cette mise en communauté, les comparants aux présentes conviennent de soumettre leurs droits de propriété concurrents au régime de la copropriété des immeubles bâtis'.
En conséquence, la copropriété du [Adresse 2] était composée dès 1991 de 3 bâtiments :
- le bâtiment A : bâtiment en façade sur rue qui comprenait les lots de copropriété n°32 à 61 ;
- le bâtiment B situé à la suite du bâtiment A, le long de la limite sud-ouest, et qui constituait le lot n°62 de la copropriété ;
- le bâtiment C, s'agissant de l'immeuble des époux [N] qui constituait le lot n°63 de la copropriété.
La constitution de cette copropriété horizontale, par absorption d'une propriété au départ étrangère à celle-ci, n'est absolument pas prohibée par la loi 65-557 du 10 juillet 1965 et le décret 67-223 du 17 mars 1967 comme le soutient M. [J] [N] dans ses dernières conclusions, étant ajouté que le plan versé aux débats par l'intimé permet de constater qu'une cour commune sépare les deux parcelles EW [Cadastre 3] et EW [Cadastre 4].
M. [N] a saisi le tribunal judiciaire de Nantes pour juger :
- qu'il ne fait pas, et n'a jamais fait partie, du syndicat des copropriétaires conformément aux règles d'ordre public du statut de la copropriété ;
- qu'il est donc seul et plein propriétaire de l'assiette foncière d'implantation de sa maison.
En réponse, le syndicat de copropriété soulève plusieurs fins de non-recevoir.
L'article 122 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Sur l'intérêt à agir de M. [J] [N]
Si la parcelle section EW [Cadastre 4] a bien été acquise en 1988 par M. [N] et son épouse Mme [O], l'appelant dispose bien de la qualité à agir seul dans le cadre de la présente instance dans la mesure où, suite au divorce du couple, sa pleine propriété lui a été attribuée selon un acte liquidatif du 4 juin 1997.
Sur la prescription de l'action
Le juge de la mise en état a considéré que l'action de M. [J] [N] tendant à obtenir l'annulation des actes modificatifs de copropriété (règlement et état descriptif de division) n'était pas imprescriptible mais soumise à une prescription quinquennale. Il a considéré que celle-ci s'avérait prescrite depuis le 19 juin 2013.
L'appelant conteste toute irrecevabilité de ses demandes. Il expose que ces prétentions sont uniquement fondées sur les dispositions de l'article 43 de la loi 65-557 du 10 janvier 1965 qui sont d'ordre public et imprescriptibles.
En réponse, le syndicat objecte que les demandes présentées par l'appelant ne sont pas fondées sur les dispositions de l'article 43 précité mais se rattachent à une action de droit commun soumise au délai quinquennal de prescription. Il estime en outre que, par les effets de la confirmation prévue à l'article 1182 du Code civil, M. [J] [N] a accepté depuis plus de trente ans de renoncer à toute nullité de l'acte critiqué. Il sollicite en conséquence la confirmation de l'ordonnance critiquée.
Les éléments suivants doivent être relevés :
L'article 1338 du Code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 en date du 10 février 2016 dispose que : 'l'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.
A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée'.
Ce texte a été abrogé et remplacé le 1er octobre 2016 par l'article 1182 du même Code qui énonce que : 'la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.
L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers'.
Cependant, la confirmation suppose tout d'abord qu'un acte mentionne expressément les raisons pour lesquelles la nullité des obligations qui pèsent sur une partie pourrait être prononcée ou l'existence d'un vice lui permettant d'agir en nullité. Or, aucun document confirmatif n'est versé aux débats.
En outre, si M. [J] [N] a bien exécuté depuis plus de trente ans les obligations qui lui incombaient en sa qualité de copropriétaire, aucun élément ne permet d'indiquer qu'il a agi ainsi en connaissance d'une cause d'une nullité qui affecterait l'acte notarié du 25 mars 1991.
Dès lors, les règles relatives à la confirmation ne peuvent fonder la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat.
Comme l'affirme à raison l'appelant, l'action en constatation du caractère illicite d'une clause du règlement de copropriété n'est enfermée dans aucun délai (Civ;, 3ème, 10 septembre 2020 n° 19-17.045).
Pour autant, il n'établit pas que son action devant le tribunal judiciaire de Nantes est fondée sur les dispositions de l'article 43 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965.
En effet, il convient de constater à la lecture de son assignation en justice (cf ses propres écritures p4) qu'il n'invoque pas dans le dispositif de celle-ci le caractère non écrit d'une clause du règlement de copropriété ou de l'état descriptif de division qui ont été modifiés le 25 mars 1991. En conséquence, en l'absence de toute demande sur ce point, l'une ou plusieurs des stipulations doivent recevoir application (Civ. 3eme, 6 juillet 2023, n° 22-18.697).
Dans ses dernières conclusions d'incident, M. [J] [N] ne précise pas quelles seraient les clauses qui méconnaîtraient les dispositions d'ordre public de la loi du 10 juillet 1965 et du décret 67-223 du 17 mars 1967 pris pour son application.
En définitive, l'action en justice de l'appelant ne tend qu'à obtenir l'annulation de l'acte du 25 mars 1991, modifiant également le règlement intérieur et l'état descriptif de division, qui est tout à la fois extinctif de servitudes et translatif de droits au niveau du sol avec modification de l'assiette foncière.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai trentenaire de prescription a été ramené à une durée de 5 ans.
Au regard du délai déjà écoulé qui a été raccourci par le texte précité, l'action de M. [J] [N] apparaît donc prescrite à compter du 19 juin 2013. Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance critiquée sans qu'il soit nécessaire d'aborder la question du défaut d'intérêt à agir soulevée par l'intimé.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Si la décision de première instance doit être confirmée, il y a lieu en cause d'appel de mettre à la charge de M. [J] [N] le versement au profit du syndicat d'une indemnité de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter les autres demandes présentées sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 13 juin 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes (RG 23/00602) ;
Y ajoutant ;
- Condamne M. [J] [N] à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 5], représenté par son syndic en exercice la société CDJ21, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
- Condamne M. [J] [N] au paiement des dépens d'appel qui pourront être directement recouvrés par les avocats qui en ont fait la demande en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,