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Décisions

CA Rouen, ch. soc., 6 mars 2025, n° 23/02745

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 23/02745

6 mars 2025

N° RG 23/02745 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JN5Y

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 06 MARS 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 18 Juillet 2023

APPELANT :

Monsieur [G] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant, assisté de Me Guillaume DE SAINT SERNIN de la SELARL GUILLAUME DE SAINT SERNIN AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. EPISCOPE FINANCE

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Laurent LAGARDETTE de l'AARPI TERSOU LAGARDETTE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 Janvier 2025 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Monsieur LABADIE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 28 janvier 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 mars 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 06 Mars 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Madame DUBUC, Greffière.

EXPOSE DU LITIGE

M. [G] [Y] a été engagé par la société Mertz Conteneurs en qualité de directeur de Mertz Conteneurs par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 22 septembre 2008.

En application d'un protocole d'accord portant mutation de société du 28 août 2018, le contrat de travail de M. [G] [Y] a été transféré à la société Episcope Finance, société mère de Mertz Conteneur, avec reprise d'ancienneté.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transporteurs routiers et activités auxiliaires de transport.

Par courrier remis en mains propres le 03 décembre 2020, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 14 décembre 2020.

Le licenciement pour insuffisances professionnelles a été notifié au salarié le 17 décembre 2020.

Par requête du 19 novembre 2021, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en contestation du licenciement et paiement de rappels de salaire et indemnités.

Par jugement du 18 juillet 2023, le conseil de prud'hommes a :

- jugé que la convention forfait jours de M. [Y] est licite et opposable

- débouté M. [Y] de ses demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et congés payés y afférents

- débouté M. [Y] de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour l'ensemble de la période non prescrite

- débouté M. [Y] au titre de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé

- débouté M. [Y] au titre de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale des règles en matière de forfait jours

- débouté M. [Y] de sa demande d'indemnité en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un plan d'intéressement au capital de la société

- constaté que M. [Y] a atteint 63% de ses objectifs pour l'année 2020

- ordonné à la société Episcope Finance de verser à M. [Y] une prime de 6 600 euros bruts et 660 euros de congés payés y afférents

- fixé le salaire de référence du salarié à 9 869,72 euros bruts

- dit et jugé que le licenciement de M. [Y] repose sur des insuffisances professionnelles

- ordonné à la société Episcope Finance la remise de nouveaux documents sous astreinte de 20 euros par jour à compter de 30 jours après la notification du jugement

- débouté M. [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement pour ses dispositions qui n'en bénéficieraient pas de plein droit en application de l'article R.1454-28 du code du travail

- partagé les entiers dépens de l'instance entre les parties

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Le 04 août 2023, M. [Y] a interjeté un appel limité de ce jugement.

Par conclusions remises le 25 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, M. [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

en conséquence,

sur l'exécution du contrat de travail,

- constater que la convention individuelle de forfait jours est nulle et ne peut lui être opposée

- condamner la société Episcope Finance à lui verser les sommes suivantes :

rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires : 61 641,45 euros

congés payés afférents : 6 164,14 euros

contrepartie obligatoire en repos : 12 540,41 euros nets

indemnité pour travail dissimulé : 59 218,34 euros

dommages et intérêts pour exécution déloyale des règles en matière de forfait jours : 15 000 euros nets

- constater que ses objectifs ont été atteints à 80% pour l'année 2020 et condamner la société Episcope Finance à lui verser la somme de 8 381,24 euros bruts à titre de prime d'objectifs 2020, outre 838,12 euros bruts à titre de congés payés afférents

- fixer le salaire de référence à 12 042,97 euros à titre principal et à 9 869,72 euros à titre subsidiaire

sur la rupture du contrat de travail,

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en ce qu'il porte, dans son cas particulier, une atteinte disproportionnée aux droits de ce dernier et en ce qu'il est, en tout état de cause, non conforme au droit de l'Union Européenne

en conséquence,

- condamner la société Episcope Finance à lui verser en réparation de son entier préjudice une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse équivalant à 24 mois de salaire, soit une somme nette de 289 031,30 euros ou subsidiairement 236 873,34 euros

- Subsidiairement, appliquer le barème issu de l'article L.1235-3 du Code du travail

et condamner la société à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse équivalant à 11 mois de salaire, soit une somme nette de 132.472,68 euros ou subsidiairement 108 566,95 euros

- condamner la société Episcope Finance à lui verser les sommes suivantes :

rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement : 11 222,62 euros nets

préavis : 9 937,53 euros

congés payés afférents : 993,75 euros

dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire : 36 128,91 euros nets ou subsidiairement 29 609,17 euros nets

indemnité en réparation de la perte de chance de bénéficier d'un plan d'intéressement au capital de la Société et notamment celle d'obtenir 300 000 actions gratuites et de réaliser une plus-value de cession de l'ensemble de ces titres Episcope Finance : 407 910,00 euros

en tout état de cause,

- condamner la société Episcope Finance à la remise des documents de fin de contrat conformes à l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard après 15 jours après la notification de l'arrêt

- condamner la société Episcope Finance à lui payer 4 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner la société Episcope Finance aux entiers dépens

- ordonner la condamnation de la Société au versement des intérêts aux taux légaux avec capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du Code civil.

Par conclusions remises le 08 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, la société Episcope Finance demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

à titre subsidiaire,

- juger que les demandes de M. [Y] visant à solliciter sa condamnation à lui verser des sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires ainsi que des droits à repos compensateurs sont, pour la période antérieure au 19 novembre 2018, prescrites et, en tout état de cause pour l'ensemble, injustifiées

- condamner M. [Y] à lui rembourser la somme de 16 387, 53 euros correspondant aux jours de RTT ayant été réglés en exécution de sa convention individuelle de forfait jours

- limiter le montant de la condamnation prise à son encontre en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail à hauteur de la somme de 29 607 euros bruts

- débouter M. [Y] de toutes ses autres demandes

en tout état de cause,

- condamner M. [Y] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 janvier 2025.

A l'audience, le conseil de M. [G] [Y] a indiqué renoncer à sa demande d'infirmation de la disposition relative à la prime sur les objectifs 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail

I- 1- Sur la prime sur objectifs 2020

Alors que la société Episcope Finance sollicite la confirmation du jugement l'ayant condamnée au paiement d'une prime sur les objectifs 2020 pour un montant de 6 600 euros et les congés payés afférents et que le salarié en a sollicité l'infirmation sur le montant, avant de se rétracter à l'audience, la cour confirme le jugement entrepris sur ce point.

I-2- Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

A- Sur la prescription des demandes

L'employeur soulève la prescription des demandes antérieures au 19 novembre 2018 en considération de la date de saisine du conseil de prud'hommes du 19 novembre 2021, alors que le salarié s'y oppose, considérant qu'il est recevable à solliciter des rappels de salaire au titre des trois années ayant précédé la rupture du contrat de travail.

Selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-2 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

Aussi, au regard de la date d'exigibilité des créances en fin de mois, et alors que le conseil de prud'hommes a été saisi le 19 novembre 2021 et que la rupture du contrat de travail est intervenue le 17 décembre 2020, l'action est recevable et la demande en paiement peut porter sur les demandes de rappel de salaire portant sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture, de sorte qu'aucune prescription n'est encourue en ce que M. [G] [Y] sollicite paiement des heures supplémentaires à compter de décembre 2017.

B- Sur les demandes pour la période antérieure au 28 août 2018

Alors que le salarié n'opère aucune distinction sur le régime en terme de durée de travail qui lui est applicable sur la période de réclamation, la société Episcope Finance fait valoir qu'il était soumis à un forfait en heures dont la durée n'a jamais été dépassée, de sorte que la demande est infondée.

Il résulte du contrat de travail liant le salarié à l'employeur que du 22 septembre 2008 au 28 août 2018, la rémunération était fixée sur la base d'un horaire mensuel de 190 heures.

Or, outre que la régularité de ce forfait heures n'est pas remise en cause, au vu des éléments produits par le salarié, son temps de travail n'a jamais dépassé cette limite, de sorte qu'il est débouté de sa demande de rappel de salaire antérieure à septembre 2018.

C- Sur la nullité et l'inopposabilité de la convention de forfait jours

M. [G] [Y], soutenant que la convention de forfait à laquelle il était soumis par le contrat de travail du 28 août 2018 est nulle comme ne prévoyant, ni la nature du forfait, ni le nombre de jours, puis qu'ensuite l'accord d'entreprise conclu le 19 novembre 2018 ne lui a jamais été communiqué à la date de la signature de l'avenant au contrat de travail du 15 janvier 2019, et, qu'en tout état de cause, la société n'a organisé ni le suivi régulier de sa charge de travail, ni les entretiens annuels sur sa charge, s'il était considéré que la convention de forfait est valable, elle lui est en tout état de cause inopposable.

La société Episcope Finance soutient que la convention de forfait jours était valide en ce que l'accord d'entreprise du 19 novembre 2018 a été porté à la connaissance du salarié, que l'avenant régularisé le 15 janvier 2019, se référant à cet accord, a été signé par le salarié, que dans la suite des entretiens annuels d'évaluation, un entretien spécifique réservé aux seuls salariés en forfait jours a eu lieu les 18 février 2019 et 27 janvier 2020, que le suivi de l'activité était assuré depuis 2017 par une application intranet RH permettant de contrôler le planning et la charge de travail de l'ensemble des effectifs sédentaires, permettant d'inscrire les absences et au responsable de les valider, comme en atteste Mme [T], responsable RH.

Selon l'article L. 3121-63 du code du travail, les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche et en vertu de l'article L. 3121-64 :

I.-L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine:

1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;

2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;

3° Le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;

4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;

5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.

II.- L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine:

1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;

2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise;

3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17.

L'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l'article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.

Enfin, selon l'article L. 3121-65, I.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :

1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;

2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

II.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l'article L. 3121-64, les modalités d'exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l'employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l'article L. 2242-17.

Par ailleurs, le droit à la santé et au repos étant au nombre des exigences constitutionnelles, il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Il s'en déduit que l'accord collectif doit instituer un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé.

En l'espèce, lors du transfert du contrat de travail, les parties ont régularisé un contrat de travail le 28 août 2018 au terme duquel il était précisé que les horaires du salarié ne pouvant être prédéterminés du fait de la nature de ses fonctions, du niveau de responsabilités et du degré d'autonomie dont il dispose dans l'organisation de son emploi du temps, il sera libre d'organiser son temps de travail à condition de respecter les dispositions légales notamment en terme de repos journalier et hebdomadaire, et à condition que cette organisation reste compatible avec une durée de travail et une amplitude de la journée de travail raisonnables.

A cet effet, il s'engage à déclarer dans le cadre du système auto-déclaratif mis en place dans l'entreprise, le nombre de jours de travail et de repos.

La société Episcope dispose d'un accord d'entreprise relatif à l'instauration du forfait jour en application des dispositions des articles L.3121-63 et suivants du code du travail daté du 19 novembre 2018 pour les cadres disposant d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et fixant le nombre de jours travaillés à 218 jours.

Par avenant au contrat de travail signé le 15 janvier 2019 pour prise d'effet au 1er janvier 2019, a été prévue la mise en place du forfait jours conforme à l'accord d'entreprise.

Il en résulte que la convention de forfait prévue au contrat de travail du 28 août 2018 n'était pas conforme aux dispositions légales telles que rappelées, faute d'accord collectif prévoyant son recours dans des conditions assurant la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

A compter du 28 août 2018, le salarié était donc soumis aux règles de droit commun relatives à la durée du travail.

Alors qu'il n'est pas soutenu que l'accord collectif régularisé le 19 novembre 2018 n'a pas été soumis aux règles de publicité pour le rendre opposable aux salariés et dès lors qu'il est expressément visé dans l'avenant du 15 janvier 2019, le salarié ne peut prétendre ne pas en avoir eu connaissance.

Le salarié n'évoque pas précisément une insuffisance de l'accord collectif, mais critique la mise en oeuvre du contrôle effectif opéré par l'employeur.

A ce titre, formellement l'employeur a fait signer au salarié un 'entretien d'évaluation charge de travail' les 18 février 2019 et 27 janvier 2020, prévoyant les items suivants :

- évaluation de la charge de travail en cours de mois et sur l'année

- problématique éventuelle des repos hebdomadaires

- problématique éventuelle sur la relation vie privée/vie professionnelle repos hebdomadaires

- contraintes particulières de la fonction.

Il convient d'observer que chaque rubrique a été systématiquement renseignée par la mention dactylographiée 'RAS', ce qui laisse augurer l'absence de véritable questionnement sur ces sujets.

Par ailleurs, il n'est pas établi que l'employeur opérait un suivi des jours effectivement travaillés, ce qui ne peut résulter de la seule utilisation d'un logiciel permettant d'enregistrer les demandes de congés, quelque soit leur nature, comme ne suffisant pas à t exercer un contrôle effectif sur la charge réelle de travail les jours travaillés et leur amplitude de telle sorte à permettre de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable dans le temps, du travail de l'intéressé.

Aussi, l'absence de contrôle réel de la charge de travail du salarié et des jours effectivement travaillés rend à tout le moins inopposable la convention de forfait jours au salarié.

Il en résulte que M. [G] [Y] relève des dispositions de droit commun relatives à la durée du travail à compter du 1er septembre 2018.

D- Sur les heures supplémentaires

M. [G] [Y] explique qu'il occupait un poste qui impliquait un très fort investissement en termes de temps et produit un tableau qui recence pour chaque jour son temps de travail précisant l'heure de début et fin de journée, avec retrait du temps de pause déjeuner, reconstitué à partir des mails qu'il a envoyés, produisant ses agendas pour les corroborer, faisant ainsi un décompte a minima de son temps de travail.

Il s'oppose à l'argument de l'employeur selon lequel il a perçu un salaire supérieur au salaire minimum conventionnel ayant eu pour effet d'opérer paiement des sommes demandées, ce qui ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires et par conséquent, il considère que la majoration doit porter sur son salaire de base réel.

La société Episcope Finance fait valoir que le salarié ne rapporte pas la preuve des heures supplémentaires alléguées compte tenu de la grande autonomie dont il disposait pour organiser son travail, faisant observer que le salarié ne s'est jamais plaint de ses horaires, ni n'a jamais réclamé des heures supplémentaires, qu'il a bénéficié de RTT, réglés mensuellement à hauteur de 528,63 euros, lesquels doivent être soustraits des demandes, que les plannings produits viennent en contradiction avec le décompte des heures supplémentaires, que sa rémunération excédait très largement la rémunération conventionnelle ce qui a eu pour effet d'opérer paiement des sommes réclamées.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Doivent donner lieu à rémunération les heures supplémentaires accomplies à la demande ou pour le compte de l'employeur ou, à tout le moins, avec son accord implicite et celles pour lesquelles il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches confiées au salarié.

En l'espèce, les éléments produits par le salarié qui, pour chaque journée, précisent l'heure de début et de fin de journée, en déduisant le temps de pause méridienne, communiquant aussi ses agendas décrivant ses activités et de nombreux courriels qu'il a adressés, permettent à l'employeur d'y répondre utilement.

La société Episcope Finance qui n'avait mis en oeuvre aucun système d'enregistrement des horaires de travail du salarié, n'apporte aucun élément relatif à sa durée de travail.

Néanmoins, il relève des incohérences en ce que le salarié compte des journées de travail, alors qu'en réalité il a travaillé des demi-journées, voire n'a pas travaillé du tout.

Alors que le salarié n'est pas tenu de mentionner au jour le jour l'ensemble des activités lui incombant dans l'agenda outlook et que dès lors les mentions n'y sont pas nécessairement exhaustives, ni même de justifier de la réalité de son activité par la seule exploitation des mails qu'il produit, compte tenu de la diversité des missions d'un directeur d'exploitation, sauf à faire peser sur lui la charge de la preuve des heures supplémentaires accomplies, et qu'il ne résulte pas de l'analyse des documents produits que le salarié aurait prétendu avoir accompli des heures supplémentaires à des moments au cours desquels il ne pouvait effectivement pas en accomplir, comme notamment les 9 et 16 septembre 2020, puisqu'il était en congé et que, contrairement aux allégations de l'employeur, il le mentionne comme tel dans son tableau récapitulatif des heures accomplies, la cour a la conviction que M. [G] [Y] a accompli des heures supplémentaires suivant le décompte qu'il présente.

Aussi, alors que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, sur la base d'un taux horaire de 57,6 euros, compte tenu des majorations prévues par l'article L.3121-36 du code du travail, il est dû à M. [G] [Y] :

- à compter du 1er septembre 2018 au 31 décembre 2018 : 95,8 heures supplémentaires majorée à 25% et 11,2 majorées à 50%

- en 2019 : 263,5 heures supplémentaires majorées à 25% et 70,4 heures supplémentaires majorées à 50%

- en 2020 : 206,2 heures supplémentaires majorées à 25 % et 33,2 heures supplémentaires majorées à 50 %,

pour un montant de 565,50 x 71,95 +114,80 x 86,40 = 40 687, 72 euros + 9 918,72 euros

soit un total de 50 606,44 euros.

Par arrêt infirmatif, la société Episcope Finance est condamnée au paiement de cette somme et aux congés payés afférents.

I-3 Sur la contrepartie obligatoire en repos

M. [G] [Y] sollicite paiement de la contrepartie obligatoire en repos pour les heures accomplies au delà du contingent conventionnel annuel de 130 heures, à hauteur de 12 540,41 euros.

Compte tenu des heures supplémentaires telles que retenues, auxquelles il convient d'ajouter pour la période antérieure au 1er septembre 2018 39,33 heures supplémentaires par mois, compte tenu du forfait heures de 190 heures, mais statuant dans les limites de la demande, il convient de retenir que M. [G] [Y] a accompli au-delà du contingent annuel :

- 122,5 heures en 2018

- 203,90 heures en 2019

- 109,30 heures en 2020, de sorte qu'il lui est dû la somme de 12 540,41 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos.

I-4 Sur le travail dissimulé

M. [G] [Y] sollicite paiement de l'indemnité pour travail dissimulé au motif que l'employeur avait connaissance du grand nombre d'heures réalisées au regard des missions qui lui été affectées, ce qui établit le caractère intentionnel de la dissimulation.

La société Episcope Finance s'y oppose, contestant tout volonté de dissimulation compte tenu de la grande autonomie du salarié, auquel il a été appliqué un forfait dans le respect de l'accord d'entreprise.

Il résulte de l'article L. 8221-5 du Code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Selon l'article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, alors que M. [G] [Y] n'a jamais remis en cause son forfait et sa rémunération au cours de la relation contractuelle, ni, de manière spontanée, critiqué son rythme de travail, alors qu'il percevait une rémunération bien supérieure au minimum conventionnel applicable pour la classification de son emploi, ne se trouve caractérisée aucune volonté de dissimulation de l'employeur, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté la demande au titre du travail dissimulé.

I-5 Sur les dommages et intérêts pour non-respect des règles applicables au forfait-jours

M. [G] [Y] soutient que le non-respect des dispositions légales relatives à la durée du travail lui cause nécessairement un préjudice, faute pour l'employeur d'avoir évalué sa charge de travail, son organisation et l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, lui causant un préjudice en terme de santé et sécurité dont il sollicite réparation à hauteur de 15 000 euros.

En absence de tout contrôle de l'employeur sur la durée effective de travail du salarié, M. [G] [Y] a été amené à accomplir des durées de travail supérieure à la limite de 48 heures hebdomadaires à huit reprises au cours des années 2018 à 2020, ce qui lui cause nécessairement un préjudice comme affectant sa santé, que la cour indemnise à hauteur de 800 euros.

Le jugement déféré est infirmé sur ce point.

I-6 Sur la demande de remboursement des RTT

Dès lors que la convention de forfait jours est inopposable au salarié, c'est de manière indue que le salarié a perçu mensuellement des RTT à hauteur de 528,63 euros, de sorte que par arrêt infirmatif, il est fait droit à la demande de l'employeur visant à obtenir son remboursement pour la somme non discutée de 16 387,53 euros.

II Sur le licenciement

II-1 Sur le motif du licenciement

M. [G] [Y] fait valoir que les éléments invoqués au soutien du licenciement ne constituent qu'un prétexte grossier dans le cadre d'une opération d'éviction dont il a été victime, les motifs d'insuffisance étant contredits par les termes mêmes de son évaluation du 27 janvier 2020, laquelle ne fait état d'aucune des insuffisances énoncées dans l'email du 20 octobre 2019. Au contraire, il établit qu'il entretenait d'excellentes relations commerciales avec les clients de la société et conteste les griefs.

La société Episcope Finance considère que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse au regard de la dégradation des résultats des exercices 2019 et 2020, observant que l'entretien d'évaluation du 27 janvier 2020 se rapporte à l'année 2019 qu'il convient de mettre en relation avec celui du 18 février 2019 au titre de l'année 2018, que dans le courant de l'année 2019, alors que le salarié faisait l'objet deux fois par mois de réunions individuelles avec la Direction et d'une revue de résultats mensuelle, il était apparu qu'il n'avait pas procédé ou finalisé plusieurs plans d'actions correctives, ce qui avait donné lieu au mail du 20 octobre 2019, ce qui s'est poursuivi en 2020, de sorte qu'il est établi que malgré les moyens mis à sa disposition, le salarié n'a pas fourni les efforts requis pour mener à bien les multiples plans d'action relevant de son périmètre, faisant ainsi preuve d'un manque d'implication manifeste dans le pilotage opérationnel des opérations conteneur.

Selon l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L.1235-1 du même code, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et pour ce faire, il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement à condition que l'incompétence alléguée repose sur des éléments concrets et suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail en ce qu'elle perturbe la bonne marche de l'entreprise ou le fonctionnement du service, sans qu'il soit pour autant nécessaire d'établir l'existence d'un préjudice chiffrable pour l'entreprise.

Entrent en ligne de compte la qualification professionnelle, l'ancienneté de services, les circonstances de l'engagement, les relations antérieures.

En l'espèce, il résulte de la fiche de fonction afférente au directeur des opérations conteneur, qu'en cette qualité, le salarié est responsable de la qualité des prestations et de la performance économique de son site, dans le respect de la politique RSE et sécurité du Groupe. Il est le garant de la mise en oeuvre et du respect des procédures opérationnelles et administratives du groupe Merzt et le représente auprès des clients.

Il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, qu'il est reproché au salarié des insuffisances professionnelles relativement à :

- la gestion des processus opérationnels

- le développement commercial

- le suivi des indicateurs opérationnels

- la gestion du parc de matériels roulants

- le suivi des procédures comptables

- la gestion QHSE

- la gestion proactive sur les frais fixes

- le suivi administratif rigoureux de ses absences.

Par mail du 20 octobre 2019, M. [X] [V] a fait part au salarié de ses préoccupations puisqu'il constatait que nombre de projets et plans d'actions n'avaient pas encore avancés, ce qui était d'autant plus préoccupant que les résultats étaient en baisse depuis plusieurs mois, lui indiquant que :

- malgré une relance en ce sens pour former des conducteurs à d'autres métiers pour profiter d'activités supplémentaires, cette polyvalence n'était toujours pas mise en oeuvre, ce qui a conduit à l'affrètement de commandes de bitume à d'autres confrères et à refuser d'autres commandes,

- des approximations et absences de mise à jour dans le tableau des effectifs et une absence de plan significatif d'action sur les effectifs au vu de la baisse de l'activité, outre la mise en place de la polyvalence,

- les effets des garanties horaires de certains conducteurs à hauteur de 186 heures lors de la dernière NAO ont généré de nombreuses heures payées et non travaillées en raison de la non adaptation de l'exploitation à cette contrainte,

- le non respect de son engagement de mettre en place et utiliser le logiciel d'exploitation OPEN TRM,

- l'absence d'amélioration du contrôle et suivi de [A] [I], sujet récurrent depuis plusieurs mois, lui demandant de formaliser les échanges avec lui et obtenir des résultats probants sur ce poste QHSE,

- l'absence de suivi régulier du contrôle des pneus malgré le plan d'action mis en place,

- le non aboutissement de l'engagement de réparer les boitiers transics qui dysfonctionnent et à équiper les 9 derniers tracteurs,

- suivi insuffisant des tableaux de bord qui doivent être commentés chaque jour aux exploitants en l'absence de mise à jour de plusieurs indicateurs,

- absence de mise à jour du livre de caisse et de la liste des chèques émis malgré les demandes et rappels de la comptabilité.

Lors de l'entretien annuel d'évaluation qui s'est tenu le 27 janvier 2020 pour l'année écoulée, alors qu'au titre des faits marquants de celle-ci il était mentionné la baisse d'activités, l'ajustement des effectifs en fin d'année 2019, la décision de fermer le site d'[Localité 4] et la forte baisse du chiffre d'affaire et des résultats, même si l'évaluation de la performance au titre des objectifs atteignait seulement 15%, en l'absence de l'atteinte de l'Ebitda budgété et de développement du CA, il convient d'observer qu'en dépit des constats actés en octobre 2019, dans aucune rubrique, le salarié n'a été estimé comme insuffisant, M. [V], qui a procédé à son évaluation, le considérant a minima, comme 'prenant en charge' les différents aspects de ses missions et définissant les axes de progrès comme suit :

- plus de rigueur à apporter dans la mise en place des actions et dans le contrôle

- faire plus de contrôle des tâches réalisées par son équipe

- aider son équipe à se structurer dans leur journée type et leur mission

- mesurer les actions d'améliorations de son équipe

- développer du CA (sur les métiers et diversifications), concrétisation dans le conteneur vrac et diversification.

Au soutien du licenciement, l'employeur verse au débat le mail de Mme [B] [D], consultante opérationnelle transport ' Droite ligne' du 27 novembre 2020 qui attire l'attention de M. [V] sur plusieurs points et notamment s'agissant du MCO [Localité 3], lieu d'affectation du salarié. Elle rappelle qu'elle l'alerte depuis des mois déjà sur le fait que ce site n'est pas managé en proximité, que depuis deux ans qu'ils co-animent ce site sur les enjeux stratégiques, M. [V] assure le pilotage opérationnel quasi quotidiennement et ils ont bataillé pour faire évoluer et utiliser les process opérationnels Groupe et plus particulièrement le passage à l'informatisation de l'exploitation (déploiement Open) ; elle attire son attention sur le fait que l'ensemble des sujets abordés en réunion est traité avec une inertie épouvantable voire dangereuse ; concernant le développement commercial, il est déploré un manque et il a fallu attendre des mois pour que [G] daigne engager une action de prospection, citant comme point symptomatique de son inertie l'activité Isotank dont le développement avait été décidé début 2019 avec des débuts encourageants puis plus rien depuis 1 an ; elle évoque le manque de suivi et d'animation sur l'ensemble des Kpi opérationnels, des manquements dans l'application et le suivi du plan de maintenance.

Elle conclut en écrivant que M. [V] n'est pas dans son rôle et [G] encore moins, qu'ils ont amené et porté toutes les pistes, propositions et décisions, qu'ils ont été ensemble particulièrement pédagogues sur l'accompagnement de [G] et qu'il n'est pas acceptable qu'à ce niveau de poste et d'ancienneté, ils en soient à ce niveau de 'maternage'.

M. [G] [Y] remet en cause la valeur probante de cette déclaration, compte tenu de la collaboration étroite entre Mme [D] et M. [V] depuis plusieurs années, précisant qu'elle a collaboré avec M. [V] à la révocation de l'ancien président de Mertz, s'étonnant aussi que son mail, étrangement accablant, ait été adressé le 27 novembre 2020, quelques jours avant la convocation en entretien préalable.

Si Mme [D] intervenait en qualité de consultante, disposant d'une expertise en matière d'organisation du fonctionnement opérationnel des entreprises de transport routier disposant d'une indépendance dans son analyse par son regard extérieur, néanmoins, son analyse portant sur son constat depuis près de deux ans, sans mettre en exergue particulièrement la persistance d'insuffisances postérieurement au rappel opéré en octobre 2019, à quelques jours de l'engagement de la procédure de licenciement, non doublée d'une attestation comportant l'ensemble des mentions décrites à l'article 202 du code de procédure civile et notamment les sanctions encourues en cas de fausses déclarations, doit dans ces conditions être appréciée avec prudence.

Il convient d'examiner les motifs d'insuffisances évoqués par l'employeur.

Insuffisance de la gestion des processus opérationnels

Les sociétés du Groupe ont recours à un logiciel de gestion des transports (OPEN) permettant de centraliser et mettre à jour quotidiennement l'ensemble des plannings et des affectations.

Il n'est pas sérieusement contredit que M. [G] [Y] a été à plusieurs reprises rappelé à l'ordre au cours de l'année 2019 pour des données insuffisamment mises à jour sur le dit logiciel.

En novembre 2019, le salarié a établi un plan d'action prévoyant au titre du déploiement carnet planning Open la formation des exploitants les 18 et 19 novembre et la mise en production le 1er décembre, laquelle a été confirmée dans le cadre de la revue mensuelle réalisée le 17 décembre 2019.

Néanmoins, au cours de l'année 2020, ont été à nouveau constatées des carences à ce titre les 27 février, 5 mars, 19 mars, 26 octobre, que le salarié reconnaît tout en précisant qu'elles ne concernaient qu'un seul exploitant, avec action corrective immédiate, sauf pour les circuits Renault des 26 et 27 octobre 2020, pour un motif indépendant de sa volonté, puisqu'il explique sans être contredit que pour affecter un voyage à l'ensemble matériel et conducteur, il faut renseigner le numéro du conteneur et que concernant Renault ces numéros ne sont connus qu'en fin de journée au retour du conducteur dans la mesure où ce client charge au fil de l'eau les conteneurs mis à sa disposition en fonction des urgences.

insuffisance du développement commercial

Dans un contexte de baisse du chiffre d'affaire, il a été demandé au salarié de développer des activités complémentaires notamment dans le domaine du conteneur citerne.

Par mail du jeudi 1er octobre 2020, M. [V] faisait part de ses interrogations à la suite de la réunion de la veille au sujet de l'activité Isotank, constatant que les motifs invoqués par le salarié pour expliquer le manque d'activité n'étaient pas réels, se demandant si cela relevait d'un manque de transparence ou d'implication, lui demandant alors un plan d'action à lui présenter pour le lundi suivant.

Le 2 octobre 2020, le salarié répondait en réfutant tout manque de transparence ou d'implication, expliquant qu'un salarié travaille sur le développement de cette activité depuis le 1er trimestre 2020 et il fournissait des explications sur l'état actuel de l'activité, lesquelles ont été néanmoins contredites par M. [V] qui écrivait par retour qu'ils étaient plusieurs à avoir entendu [W] dire qu'il pourrait faire rouler rapidement 8 à 9 conducteurs s'il les avait et non seulement 5 comme indiqué par M. [G] [Y] et que [N] lui indiquait avoir des difficultés à gérer les H+ des conducteurs ISO du fait que les autres conducteurs formés ne veulent pas en faire et font ce qu'il faut pour ne pas en faire, lui donnant rendez-vous lundi pour partager le plan d'action.

Il convient d'observer que si les explications fournies par le salarié sont contredites par d'autres sans qu'il n'y réponde davantage après les précisions apportées par M. [V], il n'est pas indiqué si comme attendu, il n'a pas répondu à la demande de plan d'action pour y remédier, ce alors même que cette activité a été développée et a permis d'obtenir un chiffre d'affaires supérieur aux prévisions, ce qui ne permet pas de retenir une insuffisance quand bien même le potentiel de développement aurait pu être plus important.

Si l'employeur reproche au salarié de ne pas l'avoir avisé de ses contacts avec la société Simastock et de n'avoir pas mis en place une relation commerciale avec ce potentiel client, outre que l'employeur n'apporte aucun élément, le salarié explique qu'il s'agissait d'un prospect avec lequel il a seulement eu une conversation téléphonique et auquel il a proposé d'organiser un rendez-vous au port [Localité 3] pour avoir une parfaite compréhension des contraintes opérationnelles compte tenu des volumes potentiels annoncés, ce qui constitue une démarche préalable pertinente compte tenu de la particularité de l'activité.

Insuffisance de suivi des indicateurs opérationnels

Il est reproché au salarié de ne pas procéder à la mise à jour et au suivi de différents indicateurs opérationnels répertoriés dans des tableaux de bord mis en place à compter de juillet 2017, portant notamment sur le suivi des effectifs, les heures payées non travaillées, les infractions constatées et les transitaires, malgré diverses relances par mails des 22 août 2019, 10 septembre 2019, 4 octobre 2019, 18 février 2020.

Il convient d'observer l'existence d'une seule relance postérieure au mail d'octobre 2019.

Le salarié ne le conteste pas mais explique qu'en début d'année 2020 il a dû faire face à des grèves affectant le port [Localité 3], ce qui l'a conduit à prioriser ses actions pour rechercher des solutions pour optimiser le chiffre d'affaires, ce à quoi il est parvenu au cours de cette période de crise.

Il est également produit des mails des 22 août 2019 et 10 septembre 2019 montrant que le salarié avait du retard dans la mise en place et la maîtrise du fichier quotidien automatisant l'estimation du chiffre d'affaires, important pour le suivi de l'activité.

Le salarié estime que ce grief n'est pas établi dès lors que l'automatisation de l'estimation du chiffre d'affaires a été adoptée début novembre 2020, ce que l'employeur ne contredit pas.

Insuffisance de gestion du parc de matériels roulants

Il est reproché au salarié un manque d'implication dans le suivi du plan de maintenance mis en place en 2019 concernant le contrôle des pneumatiques, ce qui entraîne des surcoûts, sans qu'aucune pièce ne le corroborre.

Insuffisance de suivi des procédures comptables

L'employeur reproche au salarié d'avoir poursuivi le manque de rigueur dans le suivi des procédures comptables en vigueur, contraignant notamment le service comptabilité à le relancer à plusieurs reprises depuis juin 2020 pour obtenir des justificatifs de sa carte bleue, contraignant M. [V] à le relancer une nouvelle fois par mail du 13 novembre 2020 et il est également justifié de difficultés dans le process de validation des factures ce qui a une incidence sur la récupération de la TVA, alors que cette difficulté avait déjà été remontée par mail du 26 mai 2020.

Le salarié n'oppose aucun argument.

Insuffisance de gestion QHSE

Selon la fiche de poste, en ce domaine, le directeur d'exploitation est garant sur son périmètre du respect des lois et règlements applicables aux transports du Groupe et, à ce titre, il doit notamment diffuser et s'assurer de l'application de la politique et des procédures QHSE du Groupe, devant s'assurer de la connaissance par le personnel de son agence et de la mise en oeuvre efficace du manuel Qualité.

Or, il est reproché au salarié de ne pas avoir pris les mesures nécessaires alors qu'il était avisé du manque de rigueur manifeste de M. [I], responsable QHSE, dans l'exercice de ses fonctions, avec aggravation de la situation du service QHSE en 2020 alors que M. [I] était en arrêt maladie, faute d'avoir pris les mesures pour réorganiser ce service.

M. [G] [Y] conteste toute insuffisance en ce domaine alors que le Groupe a obtenu des félicitations du ministère des transports le 3 mai 2019 pour avoir réduit ses émissions de CO2 et diverses certifications à la suite d'un audit.

S'il admet une certaine inertie concernant le traitement de la situation du responsable QHSE, il l'explique par des décisions en terme de management puisque M. [I] a été affecté pour 40% de son temps sur la filiale du Nord VDK à compter de mars 2019, l'employeur lui confiant la responsabilité de trouver une solution après avoir réalisé la mauvaise décision ainsi prise, concrétisée par la négociation d'une rupture conventionnelle.

Personne ne discute les difficultés posées par M. [I], responsable QHSE. D'ailleurs, M. [G] [Y] lui a notifié un avertissement le 25 octobre 2019 en lui reprochant la qualité de son travail et le retard considérable dans ses objectifs, mais aussi son comportement en ce qu'il a adressé des textes insultants et menaçants à l'égard de [R] [S] directeur VDK et [J] [H], responsable d'exploitation VDK.

Ce salarié a été en arrêt de travail à compter de janvier 2020.

Certes, il est établi que M. [I] a persisté dans ses carences puisqu'à quatre reprises en décembre 2019, il lui a été demandé par M. [G] [Y] de mettre à jour des documents en décembre 2019 ; néanmoins, dès lors qu'il était placé en arrêt maladie à compter de janvier 2020, il ne peut être reproché une inertie à M. [G] [Y], qui établit par ailleurs, qu'à la suite d'un mail adressé par M. [I] au cours de son arrêt maladie le 5 mai 2020 mettant en cause le comportement de l'employeur à son égard en des termes menaçants, il a cherché des solutions pour permettre de mettre un terme à la relation contractuelle dans des conditions apaisées à l'égard de ce salarié, ayant une grande ancienneté et qui devait faire valoir ses droits à retraite début 2021.

Concernant la désorganisation du service QHSE au cours de l'absence de M. [I], il n'est produit aucun élément.

insuffisance de gestion proactive sur les frais fixes

La société Episcope Finance reproche au salarié de s'être limité à présenter à la Direction une approche de la rentabilité du site d'[Localité 4], alors qu'il lui avait été aussi demandé de proposer un plan d'action et que compte tenu de son inertie dans la mise en place d'un plan, le site a finalement été fermé en janvier 2020.

Le salarié explique quant à lui que le site d'[Localité 4] était un sujet stratégique pour les clients de la Société qui construisent leur plan de transport et leur prix de traction route en fonction de l'implantation des dépots intérieurs, ce qui sert à l'élaboration de leur budget annuel, ce qui justifie la décision de fermeture en début d'année, une fermeture en cours d'année étant préjudiciable commercialement pour les clients de la Société. Par ailleurs, il a agi avec diligence auprès des clients pour s'assurer que cette fermeture n'avait pas entraîné de perte commerciale.

Il résulte effectivement des échanges de mails que la fermeture du site d'[Localité 4] a été organisée pour intervenir le 17 janvier 2020, ce depuis au moins le 13 novembre 2019.

Selon le mail du 20 octobre 2019, la question de la rentabilité de ce site avait été évoquée dès le 15 mars 2019 et il incombait au salarié de faire une analyse de celle-ci et de présenter des conclusions. Il a présenté pour la première fois une approche le 16 octobre sans définir de plan d'action à suivre suite à son constat. Il a présenté un document plus précis relatif à l'étude et l'analyse de rentabilité du site en novembre 2019.

Néanmoins, cette opération ayant eu lieu en janvier 2020, soit prés d'un an avant le licenciement et alors qu'elle n'a pas donné lieu à une appréciation négative lors de son évaluation du 27 janvier 2020 pour l'année écoulée, il n'y a pas lieu de retenir une insuffisance justifiant son licenciement en décembre 2020.

Il lui est reproché aussi une insuffisance manifeste dans la gestion des effectifs sédentaires au regard de la baisse du volume d'activité, ce qui résulte du mail de Mme [D] qui évoque que depuis quasiment deux ans, avec M. [V] ils ont réorganisé le service administratif surdimmensionné du fait de la baisse de volume d'activité de l'ordre de 25%.

Outre que l'employeur invoque des relances à plusieurs reprises pour y parvenir sans en justifier, il résulte de l'analyse de l'entretien d'évaluation qui s'est tenu le 27 janvier 2020 que l'ajustement des effectifs a été réalisé en fin d'année 2019, de sorte qu'au moment du licenciement, cette problématique n'existait plus.

Absence de suivi administratif rigoureux des absences

Il est reproché au salarié d'avoir dû être relancé à plusieurs reprises en 2020 pour justifier de ses absences et demandes de congés payés sur plusieurs mois et pour l'établir la société Episcope Finance verse au débat des mails adressés par M. [V] les 23 septembre 2020 et octobre 2020 s'agissant des congés d'août et septembre 2020.

M. [G] [Y] le conteste, indiquant avoir toujours informé son employeur de ses congés.

L'allégation de l'employeur est contredite par les mentions des bulletins de salaire qui établissent que des jours ont été décomptés au titre des congés payés au cours des mois d'août et septembre 2020, ce qui implique que l'employeur en ait eu connaissance concomittament.

Alors que M. [G] [Y] avait 12 ans d'ancienneté sans qu'aucun reproche ne lui ait été fait sur la qualité de son travail, dans un contexte de changement de direction et de contexte économique défavorable, impliquant des exigences nouvelles, alors qu'il résulte de ce qui précède que de nombreux griefs n'étaient plus d'actualité au moment du licenciement, le salarié ayant apporté généralement les solutions attendues de l'employeur à la suite de son mail d'octobre 2019, étant observé que ceux-ci n'étaient alors pas considéré comme des insuffisances du salarié comme cela ressort de l'évaluation de janvier 2020, il s'en déduit que les incompétences alléguées ne reposent pas sur des éléments concrets et suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

Aussi, par arrêt infirmatif, le licenciement est dit sans cause réelle et sérieuse.

II-2 Sur les conséquences du licenciement

1- Sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement

M. [G] [Y], en considération de son ancienneté et de ses états de service, considère que sa convocation en entretien préalable le 3 décembre 2020 par lettre remise en main propre, avec mise à pied à titre conservatoire alors qu'aucune faute grave ne lui était reprochée, sont des circonstances particulièrement brutales et vexatoires dont il sollicite réparation.

La société Episcope Finance dément tout caractère brutal et vexatoire du licenciement, le salarié n'ayant pas été mis à pied à titre conservatoire mais ayant été dispensé d'activité à sa demande.

Il est produit un document daté du 3 décembre 2020, signé du salarié et de M. [V] mentionnant que dans l'attente de l'issue de la procédure initiée par une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement et à la demande du salarié, l'employeur le dispense d'activité pour le compte de la société, avec maintien de sa rémunération et de l'ensemble des avantages liés à l'exécution du contrat de travail.

Il ne résulte ni des conditions dans lesquelles a été prise la décision de licenciement, ni dans celles dans lesquelles la procédure a été diligentée des circonstances revêtant un caractère brutal ou vexatoire, alors même qu'il n'est pas démenti que la dispense d'activité qui se distingue d'une mise à pied a été consentie sur demande du salarié.

Aussi, la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté la demande à ce titre.

2-Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Invoquant un préjudice financier lié à la perte de rémunération, le grave préjudice de carrière à près de 54 ans au moment de la rupture, ne retrouvant un emploi qu'en février 2022 et estimant que le barème issu de l'article L.1235-3 du code du travail porte une atteinte disprotionnée à ses droits et n'est pas conforme au droit de l'Union européenne, M. [G] [Y] sollicite à titre principal la condamnation de l'employeur à lui verser la somme nette de 289 031,30 euros ou 236 873,34 euros en l'absence d'heures supplémentaires, et à titre subsidiaire, en cas d'application du barème, celle de 132 472,68 euros ou 108 566,95 euros en l'absence d'heures supplémentaires.

La société Episcope Finance, s'opposant à l'argumentation visant à écarter l'application du barème issu de l'article L.1235-3 du code du travail, lequel a été validé par la Cour de cassation, le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel, considérant aussi que le salaire mensuel s'élevait à 9 869 euros et que la salarié a retrouvé un emploi en février 2022, sollicite que l'indemnisation soit limitée à la somme de 29 607 euros équivalent à 3 mois de salaires bruts.

Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Au contraire, les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.

Néanmoins, les dispositions des articles L. 1235-3 , L. 1235-3 -1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée, mais aussi avec le droit de l'Union européenne et il convient de rejeter la demande tendant à les voir écartées.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, le salarié, ayant 12 ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de onze salariés, peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 11 mois de salaire.

Sur la base d'un salaire moyen mensuel de 11 894,53 euros, calculé par le salarié sans critique de l'employeur, sauf à retenir une prime sur objectif de 6 600 euros et non 8 381,24 euros, alors qu'il a retrouvé un emploi de directeur général en contrat à durée indéterminée depuis février 2022, en considération des circonstances du licenciement et des effets sur la situation financière de la perte de l'emploi, la cour alloue à M. [G] [Y] la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les indemnités de rupture

M. [G] [Y] sollicite un rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement et de préavis, en ce qu'il convient d'intégrer ses heures supplémentaires et la prime d'objectifs 2020.

Compte tenu du salaire moyen retenu après intégration des heures supplémentaires et de la prime d'objectif 2020, le salarié est fondé à obtenir un rappel au titre de :

- l'indemnité compensatrice de préavis : 9 492,21 euros

- congés payés afférents : 949,22 euros

- indemnité conventionnelle de licenciement pour une ancienneté de 12 ans et 5 mois, préavis inclus : 58 084,94 euros dont à déduire la somme déjà perçue de 48 590,80 euros, soit un solde de 9 494,14 euros.

Les conditions de l'article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.

III Sur la perte de chance de bénéficier d'un plan d'intéressement

M. [G] [Y], expliquant que dans le cadre de l'opération de réduction et d'augmentation du capital de la Société du 31 juillet 2019, il était prévu la mise en place d'un intéressement sous forme d'actions gratuites, permettant aux actionnaires minoritaires évincés de retrouver à l'issue de l'opération la qualité d'actionnaire de la Société et dès lors que l'ensemble des mécanismes décrits par M. [V] n'ont jamais été mis en place à la date du licenciement, le privant ainsi du bénéfice de 300 000 actions, sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre.

La société Episcope Finance conteste tout engagement relatif à l'intéressement pris dans le cadre de la recapitalisation rendue nécessaire puisque les capitaux propres étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social et à laquelle M. [G] [Y] n'a pas souhaité participer et en tout état de cause, fait valoir que la procédure d'attribution gratuite d'actions n'a pas été validée par l'assemblée générale des actionnaires.

La perte de chance implique seulement la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable et non un caractère certain. La réparation de la perte d'une chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut jamais être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée.

En l'espèce, s'il résulte des échanges intervenus parallèlement au projet de recapitalisation de la société, qu'il était envisagé des modalités permettant la mise en place d'un intéressement dont devaient bénéficier les associés minoritaires perdant leurs actions par l'effet de la recapitalisation, néanmoins, en dépit de propositions assez précises à ce titre, en l'absence de validation par l'assemblée générale des actionnaires notamment au sujet de l'attribution gratuite d'actions, le salarié ne disposait d'aucun droit à un tel dispositif, de sorte que le licenciement intervenu n'a pas eu pour effet de l'en priver.

Aussi, la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté la demande à ce titre.

IV Sur les autres demandes

Les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions prononcées.

Les intérêts échus produiront intérêts à compter de la présente décision, dés lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Compte tenu de l'issue du litige, il convient d'ordonner la remise par l'employeur d'un bulletin de salaire récapitulatif des sommes dues, d'un certificat de travail et de l'attestation France travail mentionnant notamment comme date de début de la procédure le 3 décembre 2020, conformes au présent arrêt sans que les circonstances exigent d'y adjoindre une astreinte.

V Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie principalement succombante, la société Episcope Finance est condamnée aux entiers dépens y compris de première instance, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. [G] [Y] la somme de 3 500 euros en cause d'appel pour les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a statué sur la prime sur objectifs 2020 et les congés payés afférents, a rejeté les demandes au titre du travail dissimulé et des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;

L'infirme en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Episcope Finance à payer à M. [G] [Y] les sommes suivantes :

- rappel de salaire au titre des heures supplémentaires à compter du 1er septembre 2018 : 50 606,44 euros

- congés payés afférents : 5 060,64 euros

- contrepartie obligatoire en repos : 12 540,41 euros

- dommages et intérêts pour non-respect des règles applicables au forfait jour : 800 euros

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 100 000 euros

- indemnité compensatrice de préavis : 9 492,21 euros

- congés payés afférents : 949,22 euros

- indemnité conventionnelle de licenciement : 9 494,14 euros

Dit que les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau conciliation et d'orientation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions prononcées ;

Dit que les intérêts échus produiront intérêts dés lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière, et ce à compter de la présente décision ;

Ordonne la remise par la société Episcope Finance à M. [G] [Y] d'un bulletin de salaire récapitulatif des sommes dues, d'un certificat de travail et de l'attestation France travail conformes au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

Ordonne le remboursement par la société Episcope Finance aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à M. [G] [Y] dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision ;

Condamne M. [G] [Y] à rembourser à la société Episcope Finance la somme de 16 387,53 euros au titre des RTT indûment perçues ;

Condamne la société Episcope Finance aux entiers dépens de première d'instance et d'appel ;

Condamne la société Episcope Finance à payer à M. [G] [Y] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Déboute la société Episcope Finance de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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