CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 6 mars 2025, n° 23/14374
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 6 MARS 2025
(n° / 2025, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14374 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIFER
Décision déférée à la Cour : Sur renvoi parès cassation du du 05 Juillet 2023 (Pourvoi n° P22-13.049 - Arrêt n° 492 F-D) d'un arrêt du 6 janvier 2022 de la chambre 9 du pôle 5 de la cour d'appel de Paris ( RG 20/15520) sur appel d'un jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 23 octobre 2020 ( RG 2020L00768)
APPELANTES
S.E.L.A.R.L. ASTEREN, venant aux droits de la SELAFA MJA suivant ordonnance du Président du Tribunal de commerce de BOBIGNY du 1er juillet 2023, prise en la personne de Maître [H] [C] [Z], en qualité de mandataire liquidateur de la société SAS HK GROUP, immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 823 598 651,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 981 863 103,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 7]
S.E.L.A.S. MJS PARTNERS, prise en la personne de Maître [K] [V], en qualité de mandataire liquidateur de la société HK GROUP,
Dont le siège social est situé [Adresse 2]
[Localité 7]
Représentées par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480,
Assistées de Me François PESTRE, avocat au barreau de PARIS, toque P311,
INTIMÉE
S.A.S. LEASEPLAN FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 313 606 477,
Dont le siège social est situé [Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, Assistée de Me Philippe DE LA GATINAIS de la SELEURL CABINET DLG, avocat au barreau de PARIS, toque : C2028,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805, 905, et 1037-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la cour composée en double-rapporteur de Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et de Madame Constance LACHEZE, conseillère.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Constance LACHEZE, conseillère.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE:
Le 14 février 2017, la SAS Newco immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bordeaux sous le numéro 823 706 635, dont le siège social était situé [Adresse 4] à [Localité 5], a signé avec la société Loc-Action représentée par sa locataire gérante, la SAS Leaseplan France, les conditions générales et particulières d'un contrat de location longue durée sans option d'achat, portant sur quatre véhicules automobiles de marque Renault modèle Megane, immatriculés EK 334 KT, EK 464 KX, EK 207 KW et EK 537 LA, qui ont été mis à disposition de la société Newco le 8 mars 2017, la date de fin de location étant contractuellement fixée au 8 mars 2020, pour un kilométrage alloué de 150.000 kilomètres.
Le même jour, la société Newco a signé un prélèvement SEPA sur son compte bancaire ouvert auprès de la Banque LCL au profit de la société Leaseplan France, afin de payer chaque mois les loyers pour les quatre véhicules automobiles susvisés.
La société Newco a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation les 16 et 17 décembre 2017, dans le cadre d'une transmission universelle de son patrimoine vers une autre personne morale, la société HK Group, selon déclaration en date du 27 novembre 2017.
Sa radiation du registre du commerce et des sociétés a été publiée au BODACC le 27 avril 2018.
Par jugement du 19 décembre 2018, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société HK Group et désigné Maître [X] et la SCP Patrice Brignier, en qualité d'administrateurs judiciaires, avec mission d'assistance.
Ce jugement a été publié au BODACC le 28 décembre 2018.
Par jugement du 10 avril 2019, le redressement a été converti en liquidation judiciaire. La SELAFA MJA, aux droits de laquelle vient la SELARL Asteren, prise en la personne de Maître [Z], ainsi que la SELAS MJS Partners, prise en la personne de Maître [V], ont été désignées en qualité de liquidateurs judiciaires.
Par lettre du 24 juillet 2019, la société Leaseplan France a écrit à la SELAFA MJA, ès qualités, pour revendiquer les 4 véhicules automobiles de marque Renault modèle Mégane lui appartenant.
En réponse, le 21 août 2019, le co-liquidateur de la société HK a notifié à la société Leaseplan France son refus de lui restituer les quatre véhicules lui appartenant, en indiquant que ' le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société HK Group a été publié au Bodacc le 28 décembre 2018. Vous avez revendiqué la propriété du bien en question au-delà du délai préfix de trois mois prévu par les dispositions légales, votre revendication est hors délai. (Article L.624-9 du Code de commerce)'.
Par courriel du 21 août 2019, la société Leaseplan France a expliqué au liquidateur que la société Newco ne l'avait pas informée ni de sa dissolution, ni qu'elle avait transféré à son insu et sans son autorisation préalable et nécessaire le contrat vers la Société HK Group tout en continuant à régler les loyers via le compte bancaire de la société Newco.
Dans son courriel en réponse daté du même jour la SELAFA MJA a maintenu son refus en visant à nouveau le délai de trois mois prévu à l'article L.624-9 du code de commerce.
Après une mise en demeure délivrée le 11 septembre 2019 au liquidateur d'avoir à lui restituer les quatre véhicules, restée infructueuse, la société Leaseplan France a adressé, le 16 septembre 2019, au juge-commissaire une requête en revendication.
Par ordonnance du 5 février 2020, le juge-commissaire a déclaré irrecevable la requête en revendication aux motifs que le requérant est un professionnel averti qui ne peut se prévaloir de l'ignorance de la publication de la dissolution de la société Newco et du non exercice de son droit d'opposition dans le délai fixé par l'article 1844-5 alinéa 3 du code civil, que le délai de revendication a expiré le 28 mars 2019 compte tenu de la date de publication du jugement d'ouverture au BODACC du 28 décembre 2018, concernant la SAS HK Group, que le délai prévu par l'article L.624-9 du code de commerce est un délai préfix qui ne peut donner lieu à un relevé de forclusion, que l'ignorance du revendiquant, quant au prononcé de la liquidation judiciaire d'un débiteur, ne constitue pas une impossibilité absolue d'exercer l'action en revendication dans le délai préfix imparti par ledit article, que par ailleurs, l'absence de revendication n'entraine pas l'extinction du droit de propriété du revendiquant, mais seulement son inopposabilité à la procédure collective du débiteur.
Le 17 février 2020, la société Leaseplan France a formé opposition à cette ordonnance et par jugement du 23 octobre 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a déclaré recevable la demande faite sur le fondement de l'article R621-21 du code de commerce, réformé l'ordonnance rendue par le juge-commissaire et ordonné aux co- liquidateurs de la société HK Group de restituer sans délai à la société Leaseplan France les quatre véhicules de marque Renault modèle Megane, immatriculés : [Immatriculation 9], [Immatriculation 10], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 11] lui appartenant dans le cadre du contrat de location longue durée sans option d'achat, sous astreinte journalière de 100 euros par véhicule, à défaut d'exécution volontaire dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement plafonnée à trois mois.
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que la société Leaseplan France n'avait jamais donné son accord à une quelconque transmission du patrimoine, conformément à l'article 14-3 des conditions générales, qu'il est incontestable que la société Newco a transféré le contrat de location de façon illicite à la société HK Group, que la société Leaseplan France n'a jamais eu la société HK Group comme cocontractant, que le délai de 3 mois visé à l'article L624-9 du code de commerce ne peut être juridiquement opposable à la société Leaseplan France puisqu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité absolue d'agir avant le 24 juillet 2019 par méconnaissance totale de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société HK Group en date du 28 décembre 2018, que ce n'est que le 23 juillet 2019 que la société Leaseplan France avait appris que la société Newco avait été radiée du registre du commerce et des sociétés, que les 4 cartes grises ne sont pas au nom de la société Newco et que le liquidateur judiciaire de la société HKGroup avait procédé à un enrichissement sans cause d'un actif selon les dispositions de l'article 1303 du code civil.
En exécution de ce jugement les véhicules ont été restitués à la société Leaseplan France.
Sur appel des liquidateurs, la cour, par arrêt du 6 janvier 2022, a confirmé le jugement déféré en retenant que le transfert du contrat de location à la société HK Group avait été réalisé en violation des droits contractuellement garantis du bailleur et que même si les décisions de transmission universelle de patrimoine font l'objet de mesures de publicité, la société Lease plan, qui n'a pas reçu l'information préalable exigée par le contrat, a pu légitimement ignorer que le bénéfice du contrat qu'elle avait conclu avec la société Newco avait été transféré à la société HK Group et que dans ces conditions, il y avait lieu de considérer qu'elle était dans l'impossibilité d'agir dans le délai de 3 mois prévu par l'article L624-9 qui a couru à compter de la publication le 28 décembre 2018 du jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société HK Group.
Les liquidateurs judiciaires ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 5 juillet 2023 la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris pour défaut de base légale et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée .
La Cour de cassation a considéré que la transmission universelle de patrimoine de la société Newco à son associée unique HK Group ne constituait pas une cession de bail et ne requérait donc pas l'accord préalable et écrit du bailleur, et que la cour d'appel aurait dû rechercher, comme elle y était invitée, si la société LeasePlan, en sa qualité de professionnel averti, pouvait légitimement ignorer la disparition de sa locataire au profit de la société HK Group à la suite de l'ouverture de la procédure collective de celle-ci, et si ce n'est pas par négligence qu'elle avait attendu de ne plus être réglée des loyers pour constater la transmission universelle de patrimoine de sa locataire initiale et la procédure collective de l'absorbante.
Par déclarations en date des 4 août 2023 et 12 septembre 2023, les liquidateurs judiciaires de la société HK Group ont saisi la cour de renvoi. Les deux procédures nées de ces déclarations de saisine ont été jointes le 5 décembre 2023,
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 20 février 2024, la SELARL Asteren, prise en la personne de Maître [Z] désignée en remplacement de la SELAFA MJA, le1er juillet 2023, et la SELAS MJS Partners, prise en la personne de Maître [V], en leur qualité de liquidateurs judiciaires de la société HK Group, demandent à la cour de débouter la société Leaseplan France de ses demandes, fins et conclusions, infirmer le jugement en ce qu'il a réformé l'ordonnance et leur a ordonné de restituer sans délai à la société Leaseplan France les quatre véhicules de marque Renault modèle Megane, immatriculés : [Immatriculation 9], [Immatriculation 10], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 11], sous astreinte journalière de 100 euros par véhicule à défaut d'exécution volontaire dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement plafonnée à trois mois, statuant à nouveau, juger la requête en revendication de la société Leaseplan France des 4 véhicules de marque Renault modèle Megane irrecevable, ordonner à la société Leaseplan France de leur restituer sans délai en nature ou en valeur les quatre véhicules de marque Renault modèle Megane, immatriculés : [Immatriculation 9], [Immatriculation 10], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 11] sous astreinte journalière de 100 euros par véhicule, à défaut d'exécution volontaire dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement plafonnée à trois mois, condamner la société Leaseplan France au paiement d'une indemnité de procédure de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 22 novembre 2023, la société Leaseplan France demande à la cour de la recevoir en ses conclusions et l'y déclarer bien fondée, y faisant droit, débouter les liquidateurs judiciaires de la société HK Group de leur appel en ce qu'il est mal fondé, et de toutes leurs demandes, en conséquence, confirmer en toutes ses dispositions le jugement, y ajoutant condamner solidairement les liquidateurs judiciaires de la société HK Group aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et dire que ces sommes seront passées en frais privilégiés de procédure collective.
SUR CE
Pour soutenir qu'elle était dans l'impossibilité absolue d'agir en revendication dans le délai de 3 mois du jugement d'ouverture visé à l'article L624-9 du code de commerce, la société Leaseplan France expose qu'elle pouvait légitimement ignorer la disparition de sa locataire au profit de la société HK Group, qu'elle n'a appris que le 23 juillet 2019 que la société Newco avait été radiée du RCS de Bordeaux et que la société HK Group, qui n'a jamais été sa co-contractante, était en liquidation judiciaire. Elle précise qu'elle n'a pas été informée de la transmission universelle de patrimoine, alors que la société Newco devait, aux termes du contrat, solliciter son accord écrit préalable, qu'à la date du 25 avril 2018, la société Newco était à jour du paiement de ses loyers, qu'elle n'était donc pas créancière de la société, que le premier incident régularisé date de février 2019 et que les prélèvements consécutifs à l'ordre de prélèvement automatique du 14 février 2017, ont été réglés globalement sans difficulté jusqu'au 5 juillet 2019.
Elle souligne que le contrat souscrit par la société Newco était un contrat de location sans option d'achat et que par voie de conséquence, ni la société Newco, qui a violé sciemment les dispostions impératives contractuelles à son préjudice, ni la société HK Group qui a volontairement laissé opérer une confusion de façon frauduleuse, ne sont devenues juridiquement propriétaire des 4 véhicules qui lui appartiennent, de sorte qu'ils n'ont jamais fait partie des actifs de la liquidation judiciaire de la société HK Group et qu'il n'appartient pas aux créanciers de la liquidation de la société HK Group de s'accaparer des biens qui ne font pas partie de la liquidation judiciaire.
Les liquidateurs judiciaires répliquent que la société Leaseplan France n'était pas dans l'impossibilité d'agir en revendication dans le délai préfix de l'article L624-9 du code de commerce, que le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société HK Group du 19 décembre 2018 a été publié au BODACC le 28 décembre 2018, et qu'ainsi le délai de revendication a expiré le 28 mars 2019, que la question dont la cour est saisie est de déterminer si un établissement financier, propriétaire de véhicules donnés en location peut se prévaloir de son ignorance de la disparition publiée de la société locataire et de l'ouverture d'une procédure collective, également publiée, à l'égard de la société bénéficiaire de la transmission universelle de patrimoine, pour échapper à l'application du délai préfix de l'article L 624-9 du code de commerce. Ils précisent que la dissolution de la société Newco, locataire, a été publiée au BODACC des 16 et 17 décembre 2017, que sa radiation a également été publiée le 27 avril 2018, la mention au K Bis étant du 25 avril 2018, que l'objet de ces formalités est l'opposabilité aux tiers.
Ils allèguent que le désintérêt de la société Leaseplan France, professionnel averti, filiale du groupe Société Générale, pour ses locataires cocontractants ne constitue pas une impossibilité à agir et encore moins l'impossibilité exigée par la Cour de cassation, que son seul critère de vigilance à l'égard de ses locataires est la perception des loyers et qu'il lui importe peu de savoir qui paie. Ils ajoutent que les règles relatives aux procédures collectives sont d'ordre public, que la société Leaseplan France ne peut invoquer les stipulations contractuelles, alors qu'au surplus la transmission universelle de patrimoine n'est pas prévue au contrat et que l'absence de revendication dans le délai est le résultat de sa négligence et qu'elle aurait pu en outre faire publier le contrat de location financière. Ils indiquent que les deux premiers impayés de janvier et de février 2019, qui suivent immédiatement le jugement d'ouverture de redressement judiciaire, constituaient autant d'alertes qui auraient dû provoquer une réaction de la société Leaseplan France, au plus tard le 28 mars 2019 .
Ils exposent que la solution retenue par le jugement du tribunal de commerce de Bobigny et par l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui a été cassé est contraire à l'objectif de célérité des procédures collectives et que cette solution cautionne la négligence des établissements financiers alors que ces derniers disposent de moyens techniques et humains pour pouvoir obtenir la restitution des biens loués conformément à la loi qu'il s'agisse de la publication du contrat ou de la surveillance des publications légales des locataires.
Sur ce la cour:
Selon l'article L 624-9 du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire en application de l'article L631-18,'La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure'
Le délai de 3 mois imposé par l'article L624-9 est un délai préfix non susceptible d'interruption ou de suspension. Toutefois, il ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir .
Le jugement ouvrant le redressement judiciaire ayant été publié au BODACC le 28 décembre 2018, la demande en revendication des véhicules, formée pour la première fois par courrier du 24 juillet 2019, n'est pas intervenue dans le délai de 3 mois fixé par l'article sus visé, qui expirait le 28 mars 2019.
Pour apprécier si la société Leaseplan France, comme elle le soutient, était dans l'impossibilité d'agir dans le délai de trois mois, il convient de rechercher si cette dernière en sa qualité de professionnel averti pouvait légitimement ignorer la disparition de sa locataire au profit de la société HK Finance Group bénéficiaire de la transmission universelle de patrimoine.
S'agissant tout d'abord du moyen pris du manquement aux dispositions contractuelles, en ce que la société Newco n'a pas informé le bailleur de la transmission universelle de patrimoine en vertu de l'article 14 des conditions générales du contrat de location selon lequel: ' 14.1 La LOCATAIRE s'interdit de céder ou de transférer le bénéfice de la location, droits et obligations, sans l'accord préalable et écrit du LOUEUR. En cas d'agrément par le LOUEUR, il restera solidairement et indéfiniment tenu avec son cessionnaire, de la bonne exécution des obligations résultant des présentes CONDITIONS GENERALES.'
La transmission universelle de patrimoine en vertu de laquelle la société HK Group, a absorbé le patrimoine de la société Newco avec ses droits et obligations, quand bien même elle a transféré l'ensemble du patrimoine de Newco, ne correspond pas à une opération de cession du bail au sens des dispositions contractuelles susvisées et n'imposait pas à Newco, en sus des formalités propres à la transmission universelle de patrimoine prévues par la loi de requérir l'accord préalable de Leaseplan France. L'opposabilité de la transmission universelle de patrimoine à l'égard de tous est en effet par ailleurs assurée, selon la loi alors en vigueur, par la publicité dans un journal d'annonces légales et le délai d'opposition d'un mois dont disposent les créanciers à compter de cette publication pour faire valoir leurs droits.
La dissolution sans liquidation de la société Newco, décidée par l'associé unique le 27 novembre 2017, est parue le 6 décembre 2017 dans le journal d'annonces légales La Vie Economique, a été mentionnée sur le Kbis le 13 décembre 2017. La dissolution a été publiée au BODACC des 16 et 17 décembre 2017 et la radiation au BODACC du 27 avril 2018. La publication de ces opérations et leur mention au RCS rendent opposable à tous la transmission universelle de patrimoine.
Ainsi, l'absence de notification préalable à Leaseplan France ne saurait caractériser une impossibilité absolue pour le loueur de former une demande de revendication.
Il n'est pas contesté que la SAS Leaseplan France, filiale du groupe Société Générale, est un professionnel de la location longue durée de véhicules et qu'elle a donc la qualité de professionnel averti. A ce titre, elle doit faire preuve d'une vigilance particulière à l'égard de la situation de ses clients et des évolutions possibles et à cette fin est censée disposer des moyens nécessaires pour assurer un tel suivi, notamment par le biais d'alertes.
S'il n'est pas contesté qu'après la transmission universelle de patrimoine la société HK Group a poursuivi le contrat que Newco avait conclu avec la société Lease plan France et a réglé les loyers en vertu de l'autorisation qui avait été signée le 14 février 2017, il ressort de l'édition du compte locataire établie par la société Leaseplan France que des incidents de paiement sont apparus en janvier 2019. En effet, le loyer du 7 janvier 2019 (2.283,63 euros) n'a pas été payé, le prélèvement du 7 janvier étant revenu impayé, de sorte que le montant du loyer a été porté au débit du compte le 8 janvier 2019 majoré des frais de rejet de 18 euros, qu'il en a été de même pour le virement du loyer du 5 février 2019, rejeté le 6 février. La situation n'a été régularisée que par un virement de 4.585,26 euros le 14 février 2019, et a été suivie d'un nouveau prélevement impayé le 6 mars 2019 correspondant au loyer du 5 mars 2019.
Ainsi, avant l'expiration, le 29 mars 2019, du délai de 3 mois fixé par l'article L624-9 du code de commerce, ces incidents de paiement successifs étaient de nature à alerter la société Leaseplan France dans le cadre du suivi de la gestion des dossiers qui incombe à tout professionnel averti.
Le moyen pris de la privation du droit de propriété est inopérant dès lors que l'irrecevabilité de la demande de revendication rend seulement inopposable ce droit de propriété à la procédure collective.
Il s'ensuit qu'en sa qualité de professionnel averti, la société Leaseplan France manque à établir qu'elle s'est légitimement trouvée dans l'impossibilité absolue d'agir en revendication avant le 29 mars 2019.
Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu'il a réformé l'ordonnance du juge-commissaire, qui avait à bon droit déclaré la requête en revendication irrecevable. La cour, statuant à nouveau, déboutera la société Leaseplan France de son recours à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 5 février 2020.
Il sera en conséquence ordonné à la société Leaseplan France de restituer aux liquidateurs judiciaires, ès qualités, en nature ou en valeur, les quatre véhicules automobiles immatriculés [Immatriculation 9], [Immatriculation 10], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 11], sous astreinte journalière de 50 euros par véhicule, à défaut d'exécution volontaire dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, l'astreinte courant pendant un délai de trois mois
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de la solution donnée au litige, la société Leaseplan France sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, laquelle ne peut prétendre au paiement d'une indemnité procédurale.
La société Leaseplan France sera condamnée à payer aux liquidateurs judiciaires, ès qualités, pris ensemble, une indemnité procédurale de 3.500 euros.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a dit recevable le recours de la société Leaseplan France à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire et en ce qu'il a débouté la société Leaseplan France de sa demande en paiement d'une indemnité procédurale,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 5 février 2020,
Ordonne à la société Leaseplan France de restituer aux liquidateurs judiciaires de la société HK Group, ès qualités, en nature ou en valeur, les quatre véhicules automobiles immatriculés [Immatriculation 9], [Immatriculation 10], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 11], sous astreinte journalière de 50 euros par véhicule, à défaut d'exécution volontaire dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, l'astreinte courant pendant un délai de trois mois
Condamne la société Leaseplan France aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société Leaseplan France à payer une indemnité procédurale de 3.500 euros à la SELARL Asteren et à la SELAS mandataires judiciaires Partners, prises ensemble en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société HK Group,
Déboute la société Leaseplan France de sa demande en paiement d'une indemnité procédurale.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 6 MARS 2025
(n° / 2025, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14374 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIFER
Décision déférée à la Cour : Sur renvoi parès cassation du du 05 Juillet 2023 (Pourvoi n° P22-13.049 - Arrêt n° 492 F-D) d'un arrêt du 6 janvier 2022 de la chambre 9 du pôle 5 de la cour d'appel de Paris ( RG 20/15520) sur appel d'un jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 23 octobre 2020 ( RG 2020L00768)
APPELANTES
S.E.L.A.R.L. ASTEREN, venant aux droits de la SELAFA MJA suivant ordonnance du Président du Tribunal de commerce de BOBIGNY du 1er juillet 2023, prise en la personne de Maître [H] [C] [Z], en qualité de mandataire liquidateur de la société SAS HK GROUP, immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 823 598 651,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 981 863 103,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 7]
S.E.L.A.S. MJS PARTNERS, prise en la personne de Maître [K] [V], en qualité de mandataire liquidateur de la société HK GROUP,
Dont le siège social est situé [Adresse 2]
[Localité 7]
Représentées par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480,
Assistées de Me François PESTRE, avocat au barreau de PARIS, toque P311,
INTIMÉE
S.A.S. LEASEPLAN FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 313 606 477,
Dont le siège social est situé [Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, Assistée de Me Philippe DE LA GATINAIS de la SELEURL CABINET DLG, avocat au barreau de PARIS, toque : C2028,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805, 905, et 1037-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la cour composée en double-rapporteur de Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et de Madame Constance LACHEZE, conseillère.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Constance LACHEZE, conseillère.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
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FAITS ET PROCÉDURE:
Le 14 février 2017, la SAS Newco immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bordeaux sous le numéro 823 706 635, dont le siège social était situé [Adresse 4] à [Localité 5], a signé avec la société Loc-Action représentée par sa locataire gérante, la SAS Leaseplan France, les conditions générales et particulières d'un contrat de location longue durée sans option d'achat, portant sur quatre véhicules automobiles de marque Renault modèle Megane, immatriculés EK 334 KT, EK 464 KX, EK 207 KW et EK 537 LA, qui ont été mis à disposition de la société Newco le 8 mars 2017, la date de fin de location étant contractuellement fixée au 8 mars 2020, pour un kilométrage alloué de 150.000 kilomètres.
Le même jour, la société Newco a signé un prélèvement SEPA sur son compte bancaire ouvert auprès de la Banque LCL au profit de la société Leaseplan France, afin de payer chaque mois les loyers pour les quatre véhicules automobiles susvisés.
La société Newco a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation les 16 et 17 décembre 2017, dans le cadre d'une transmission universelle de son patrimoine vers une autre personne morale, la société HK Group, selon déclaration en date du 27 novembre 2017.
Sa radiation du registre du commerce et des sociétés a été publiée au BODACC le 27 avril 2018.
Par jugement du 19 décembre 2018, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société HK Group et désigné Maître [X] et la SCP Patrice Brignier, en qualité d'administrateurs judiciaires, avec mission d'assistance.
Ce jugement a été publié au BODACC le 28 décembre 2018.
Par jugement du 10 avril 2019, le redressement a été converti en liquidation judiciaire. La SELAFA MJA, aux droits de laquelle vient la SELARL Asteren, prise en la personne de Maître [Z], ainsi que la SELAS MJS Partners, prise en la personne de Maître [V], ont été désignées en qualité de liquidateurs judiciaires.
Par lettre du 24 juillet 2019, la société Leaseplan France a écrit à la SELAFA MJA, ès qualités, pour revendiquer les 4 véhicules automobiles de marque Renault modèle Mégane lui appartenant.
En réponse, le 21 août 2019, le co-liquidateur de la société HK a notifié à la société Leaseplan France son refus de lui restituer les quatre véhicules lui appartenant, en indiquant que ' le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société HK Group a été publié au Bodacc le 28 décembre 2018. Vous avez revendiqué la propriété du bien en question au-delà du délai préfix de trois mois prévu par les dispositions légales, votre revendication est hors délai. (Article L.624-9 du Code de commerce)'.
Par courriel du 21 août 2019, la société Leaseplan France a expliqué au liquidateur que la société Newco ne l'avait pas informée ni de sa dissolution, ni qu'elle avait transféré à son insu et sans son autorisation préalable et nécessaire le contrat vers la Société HK Group tout en continuant à régler les loyers via le compte bancaire de la société Newco.
Dans son courriel en réponse daté du même jour la SELAFA MJA a maintenu son refus en visant à nouveau le délai de trois mois prévu à l'article L.624-9 du code de commerce.
Après une mise en demeure délivrée le 11 septembre 2019 au liquidateur d'avoir à lui restituer les quatre véhicules, restée infructueuse, la société Leaseplan France a adressé, le 16 septembre 2019, au juge-commissaire une requête en revendication.
Par ordonnance du 5 février 2020, le juge-commissaire a déclaré irrecevable la requête en revendication aux motifs que le requérant est un professionnel averti qui ne peut se prévaloir de l'ignorance de la publication de la dissolution de la société Newco et du non exercice de son droit d'opposition dans le délai fixé par l'article 1844-5 alinéa 3 du code civil, que le délai de revendication a expiré le 28 mars 2019 compte tenu de la date de publication du jugement d'ouverture au BODACC du 28 décembre 2018, concernant la SAS HK Group, que le délai prévu par l'article L.624-9 du code de commerce est un délai préfix qui ne peut donner lieu à un relevé de forclusion, que l'ignorance du revendiquant, quant au prononcé de la liquidation judiciaire d'un débiteur, ne constitue pas une impossibilité absolue d'exercer l'action en revendication dans le délai préfix imparti par ledit article, que par ailleurs, l'absence de revendication n'entraine pas l'extinction du droit de propriété du revendiquant, mais seulement son inopposabilité à la procédure collective du débiteur.
Le 17 février 2020, la société Leaseplan France a formé opposition à cette ordonnance et par jugement du 23 octobre 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a déclaré recevable la demande faite sur le fondement de l'article R621-21 du code de commerce, réformé l'ordonnance rendue par le juge-commissaire et ordonné aux co- liquidateurs de la société HK Group de restituer sans délai à la société Leaseplan France les quatre véhicules de marque Renault modèle Megane, immatriculés : [Immatriculation 9], [Immatriculation 10], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 11] lui appartenant dans le cadre du contrat de location longue durée sans option d'achat, sous astreinte journalière de 100 euros par véhicule, à défaut d'exécution volontaire dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement plafonnée à trois mois.
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que la société Leaseplan France n'avait jamais donné son accord à une quelconque transmission du patrimoine, conformément à l'article 14-3 des conditions générales, qu'il est incontestable que la société Newco a transféré le contrat de location de façon illicite à la société HK Group, que la société Leaseplan France n'a jamais eu la société HK Group comme cocontractant, que le délai de 3 mois visé à l'article L624-9 du code de commerce ne peut être juridiquement opposable à la société Leaseplan France puisqu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité absolue d'agir avant le 24 juillet 2019 par méconnaissance totale de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société HK Group en date du 28 décembre 2018, que ce n'est que le 23 juillet 2019 que la société Leaseplan France avait appris que la société Newco avait été radiée du registre du commerce et des sociétés, que les 4 cartes grises ne sont pas au nom de la société Newco et que le liquidateur judiciaire de la société HKGroup avait procédé à un enrichissement sans cause d'un actif selon les dispositions de l'article 1303 du code civil.
En exécution de ce jugement les véhicules ont été restitués à la société Leaseplan France.
Sur appel des liquidateurs, la cour, par arrêt du 6 janvier 2022, a confirmé le jugement déféré en retenant que le transfert du contrat de location à la société HK Group avait été réalisé en violation des droits contractuellement garantis du bailleur et que même si les décisions de transmission universelle de patrimoine font l'objet de mesures de publicité, la société Lease plan, qui n'a pas reçu l'information préalable exigée par le contrat, a pu légitimement ignorer que le bénéfice du contrat qu'elle avait conclu avec la société Newco avait été transféré à la société HK Group et que dans ces conditions, il y avait lieu de considérer qu'elle était dans l'impossibilité d'agir dans le délai de 3 mois prévu par l'article L624-9 qui a couru à compter de la publication le 28 décembre 2018 du jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société HK Group.
Les liquidateurs judiciaires ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 5 juillet 2023 la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris pour défaut de base légale et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée .
La Cour de cassation a considéré que la transmission universelle de patrimoine de la société Newco à son associée unique HK Group ne constituait pas une cession de bail et ne requérait donc pas l'accord préalable et écrit du bailleur, et que la cour d'appel aurait dû rechercher, comme elle y était invitée, si la société LeasePlan, en sa qualité de professionnel averti, pouvait légitimement ignorer la disparition de sa locataire au profit de la société HK Group à la suite de l'ouverture de la procédure collective de celle-ci, et si ce n'est pas par négligence qu'elle avait attendu de ne plus être réglée des loyers pour constater la transmission universelle de patrimoine de sa locataire initiale et la procédure collective de l'absorbante.
Par déclarations en date des 4 août 2023 et 12 septembre 2023, les liquidateurs judiciaires de la société HK Group ont saisi la cour de renvoi. Les deux procédures nées de ces déclarations de saisine ont été jointes le 5 décembre 2023,
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 20 février 2024, la SELARL Asteren, prise en la personne de Maître [Z] désignée en remplacement de la SELAFA MJA, le1er juillet 2023, et la SELAS MJS Partners, prise en la personne de Maître [V], en leur qualité de liquidateurs judiciaires de la société HK Group, demandent à la cour de débouter la société Leaseplan France de ses demandes, fins et conclusions, infirmer le jugement en ce qu'il a réformé l'ordonnance et leur a ordonné de restituer sans délai à la société Leaseplan France les quatre véhicules de marque Renault modèle Megane, immatriculés : [Immatriculation 9], [Immatriculation 10], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 11], sous astreinte journalière de 100 euros par véhicule à défaut d'exécution volontaire dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement plafonnée à trois mois, statuant à nouveau, juger la requête en revendication de la société Leaseplan France des 4 véhicules de marque Renault modèle Megane irrecevable, ordonner à la société Leaseplan France de leur restituer sans délai en nature ou en valeur les quatre véhicules de marque Renault modèle Megane, immatriculés : [Immatriculation 9], [Immatriculation 10], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 11] sous astreinte journalière de 100 euros par véhicule, à défaut d'exécution volontaire dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement plafonnée à trois mois, condamner la société Leaseplan France au paiement d'une indemnité de procédure de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 22 novembre 2023, la société Leaseplan France demande à la cour de la recevoir en ses conclusions et l'y déclarer bien fondée, y faisant droit, débouter les liquidateurs judiciaires de la société HK Group de leur appel en ce qu'il est mal fondé, et de toutes leurs demandes, en conséquence, confirmer en toutes ses dispositions le jugement, y ajoutant condamner solidairement les liquidateurs judiciaires de la société HK Group aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et dire que ces sommes seront passées en frais privilégiés de procédure collective.
SUR CE
Pour soutenir qu'elle était dans l'impossibilité absolue d'agir en revendication dans le délai de 3 mois du jugement d'ouverture visé à l'article L624-9 du code de commerce, la société Leaseplan France expose qu'elle pouvait légitimement ignorer la disparition de sa locataire au profit de la société HK Group, qu'elle n'a appris que le 23 juillet 2019 que la société Newco avait été radiée du RCS de Bordeaux et que la société HK Group, qui n'a jamais été sa co-contractante, était en liquidation judiciaire. Elle précise qu'elle n'a pas été informée de la transmission universelle de patrimoine, alors que la société Newco devait, aux termes du contrat, solliciter son accord écrit préalable, qu'à la date du 25 avril 2018, la société Newco était à jour du paiement de ses loyers, qu'elle n'était donc pas créancière de la société, que le premier incident régularisé date de février 2019 et que les prélèvements consécutifs à l'ordre de prélèvement automatique du 14 février 2017, ont été réglés globalement sans difficulté jusqu'au 5 juillet 2019.
Elle souligne que le contrat souscrit par la société Newco était un contrat de location sans option d'achat et que par voie de conséquence, ni la société Newco, qui a violé sciemment les dispostions impératives contractuelles à son préjudice, ni la société HK Group qui a volontairement laissé opérer une confusion de façon frauduleuse, ne sont devenues juridiquement propriétaire des 4 véhicules qui lui appartiennent, de sorte qu'ils n'ont jamais fait partie des actifs de la liquidation judiciaire de la société HK Group et qu'il n'appartient pas aux créanciers de la liquidation de la société HK Group de s'accaparer des biens qui ne font pas partie de la liquidation judiciaire.
Les liquidateurs judiciaires répliquent que la société Leaseplan France n'était pas dans l'impossibilité d'agir en revendication dans le délai préfix de l'article L624-9 du code de commerce, que le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société HK Group du 19 décembre 2018 a été publié au BODACC le 28 décembre 2018, et qu'ainsi le délai de revendication a expiré le 28 mars 2019, que la question dont la cour est saisie est de déterminer si un établissement financier, propriétaire de véhicules donnés en location peut se prévaloir de son ignorance de la disparition publiée de la société locataire et de l'ouverture d'une procédure collective, également publiée, à l'égard de la société bénéficiaire de la transmission universelle de patrimoine, pour échapper à l'application du délai préfix de l'article L 624-9 du code de commerce. Ils précisent que la dissolution de la société Newco, locataire, a été publiée au BODACC des 16 et 17 décembre 2017, que sa radiation a également été publiée le 27 avril 2018, la mention au K Bis étant du 25 avril 2018, que l'objet de ces formalités est l'opposabilité aux tiers.
Ils allèguent que le désintérêt de la société Leaseplan France, professionnel averti, filiale du groupe Société Générale, pour ses locataires cocontractants ne constitue pas une impossibilité à agir et encore moins l'impossibilité exigée par la Cour de cassation, que son seul critère de vigilance à l'égard de ses locataires est la perception des loyers et qu'il lui importe peu de savoir qui paie. Ils ajoutent que les règles relatives aux procédures collectives sont d'ordre public, que la société Leaseplan France ne peut invoquer les stipulations contractuelles, alors qu'au surplus la transmission universelle de patrimoine n'est pas prévue au contrat et que l'absence de revendication dans le délai est le résultat de sa négligence et qu'elle aurait pu en outre faire publier le contrat de location financière. Ils indiquent que les deux premiers impayés de janvier et de février 2019, qui suivent immédiatement le jugement d'ouverture de redressement judiciaire, constituaient autant d'alertes qui auraient dû provoquer une réaction de la société Leaseplan France, au plus tard le 28 mars 2019 .
Ils exposent que la solution retenue par le jugement du tribunal de commerce de Bobigny et par l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui a été cassé est contraire à l'objectif de célérité des procédures collectives et que cette solution cautionne la négligence des établissements financiers alors que ces derniers disposent de moyens techniques et humains pour pouvoir obtenir la restitution des biens loués conformément à la loi qu'il s'agisse de la publication du contrat ou de la surveillance des publications légales des locataires.
Sur ce la cour:
Selon l'article L 624-9 du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire en application de l'article L631-18,'La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure'
Le délai de 3 mois imposé par l'article L624-9 est un délai préfix non susceptible d'interruption ou de suspension. Toutefois, il ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir .
Le jugement ouvrant le redressement judiciaire ayant été publié au BODACC le 28 décembre 2018, la demande en revendication des véhicules, formée pour la première fois par courrier du 24 juillet 2019, n'est pas intervenue dans le délai de 3 mois fixé par l'article sus visé, qui expirait le 28 mars 2019.
Pour apprécier si la société Leaseplan France, comme elle le soutient, était dans l'impossibilité d'agir dans le délai de trois mois, il convient de rechercher si cette dernière en sa qualité de professionnel averti pouvait légitimement ignorer la disparition de sa locataire au profit de la société HK Finance Group bénéficiaire de la transmission universelle de patrimoine.
S'agissant tout d'abord du moyen pris du manquement aux dispositions contractuelles, en ce que la société Newco n'a pas informé le bailleur de la transmission universelle de patrimoine en vertu de l'article 14 des conditions générales du contrat de location selon lequel: ' 14.1 La LOCATAIRE s'interdit de céder ou de transférer le bénéfice de la location, droits et obligations, sans l'accord préalable et écrit du LOUEUR. En cas d'agrément par le LOUEUR, il restera solidairement et indéfiniment tenu avec son cessionnaire, de la bonne exécution des obligations résultant des présentes CONDITIONS GENERALES.'
La transmission universelle de patrimoine en vertu de laquelle la société HK Group, a absorbé le patrimoine de la société Newco avec ses droits et obligations, quand bien même elle a transféré l'ensemble du patrimoine de Newco, ne correspond pas à une opération de cession du bail au sens des dispositions contractuelles susvisées et n'imposait pas à Newco, en sus des formalités propres à la transmission universelle de patrimoine prévues par la loi de requérir l'accord préalable de Leaseplan France. L'opposabilité de la transmission universelle de patrimoine à l'égard de tous est en effet par ailleurs assurée, selon la loi alors en vigueur, par la publicité dans un journal d'annonces légales et le délai d'opposition d'un mois dont disposent les créanciers à compter de cette publication pour faire valoir leurs droits.
La dissolution sans liquidation de la société Newco, décidée par l'associé unique le 27 novembre 2017, est parue le 6 décembre 2017 dans le journal d'annonces légales La Vie Economique, a été mentionnée sur le Kbis le 13 décembre 2017. La dissolution a été publiée au BODACC des 16 et 17 décembre 2017 et la radiation au BODACC du 27 avril 2018. La publication de ces opérations et leur mention au RCS rendent opposable à tous la transmission universelle de patrimoine.
Ainsi, l'absence de notification préalable à Leaseplan France ne saurait caractériser une impossibilité absolue pour le loueur de former une demande de revendication.
Il n'est pas contesté que la SAS Leaseplan France, filiale du groupe Société Générale, est un professionnel de la location longue durée de véhicules et qu'elle a donc la qualité de professionnel averti. A ce titre, elle doit faire preuve d'une vigilance particulière à l'égard de la situation de ses clients et des évolutions possibles et à cette fin est censée disposer des moyens nécessaires pour assurer un tel suivi, notamment par le biais d'alertes.
S'il n'est pas contesté qu'après la transmission universelle de patrimoine la société HK Group a poursuivi le contrat que Newco avait conclu avec la société Lease plan France et a réglé les loyers en vertu de l'autorisation qui avait été signée le 14 février 2017, il ressort de l'édition du compte locataire établie par la société Leaseplan France que des incidents de paiement sont apparus en janvier 2019. En effet, le loyer du 7 janvier 2019 (2.283,63 euros) n'a pas été payé, le prélèvement du 7 janvier étant revenu impayé, de sorte que le montant du loyer a été porté au débit du compte le 8 janvier 2019 majoré des frais de rejet de 18 euros, qu'il en a été de même pour le virement du loyer du 5 février 2019, rejeté le 6 février. La situation n'a été régularisée que par un virement de 4.585,26 euros le 14 février 2019, et a été suivie d'un nouveau prélevement impayé le 6 mars 2019 correspondant au loyer du 5 mars 2019.
Ainsi, avant l'expiration, le 29 mars 2019, du délai de 3 mois fixé par l'article L624-9 du code de commerce, ces incidents de paiement successifs étaient de nature à alerter la société Leaseplan France dans le cadre du suivi de la gestion des dossiers qui incombe à tout professionnel averti.
Le moyen pris de la privation du droit de propriété est inopérant dès lors que l'irrecevabilité de la demande de revendication rend seulement inopposable ce droit de propriété à la procédure collective.
Il s'ensuit qu'en sa qualité de professionnel averti, la société Leaseplan France manque à établir qu'elle s'est légitimement trouvée dans l'impossibilité absolue d'agir en revendication avant le 29 mars 2019.
Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu'il a réformé l'ordonnance du juge-commissaire, qui avait à bon droit déclaré la requête en revendication irrecevable. La cour, statuant à nouveau, déboutera la société Leaseplan France de son recours à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 5 février 2020.
Il sera en conséquence ordonné à la société Leaseplan France de restituer aux liquidateurs judiciaires, ès qualités, en nature ou en valeur, les quatre véhicules automobiles immatriculés [Immatriculation 9], [Immatriculation 10], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 11], sous astreinte journalière de 50 euros par véhicule, à défaut d'exécution volontaire dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, l'astreinte courant pendant un délai de trois mois
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de la solution donnée au litige, la société Leaseplan France sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, laquelle ne peut prétendre au paiement d'une indemnité procédurale.
La société Leaseplan France sera condamnée à payer aux liquidateurs judiciaires, ès qualités, pris ensemble, une indemnité procédurale de 3.500 euros.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a dit recevable le recours de la société Leaseplan France à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire et en ce qu'il a débouté la société Leaseplan France de sa demande en paiement d'une indemnité procédurale,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 5 février 2020,
Ordonne à la société Leaseplan France de restituer aux liquidateurs judiciaires de la société HK Group, ès qualités, en nature ou en valeur, les quatre véhicules automobiles immatriculés [Immatriculation 9], [Immatriculation 10], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 11], sous astreinte journalière de 50 euros par véhicule, à défaut d'exécution volontaire dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, l'astreinte courant pendant un délai de trois mois
Condamne la société Leaseplan France aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société Leaseplan France à payer une indemnité procédurale de 3.500 euros à la SELARL Asteren et à la SELAS mandataires judiciaires Partners, prises ensemble en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société HK Group,
Déboute la société Leaseplan France de sa demande en paiement d'une indemnité procédurale.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT