Livv
Décisions

CA Orléans, ch. com., 6 mars 2025, n° 24/02040

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 24/02040

6 mars 2025

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 06/03/2025

SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES

M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL

SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES

ARRÊT du : 06 MARS 2025

N° : 56 - 25

N° RG 24/02040 -

N° Portalis DBVN-V-B7I-HBKY

DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance du juge commissaire d'ORLEANS en date du 18 Juin 2024

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265309418740041

S.A.S. KING JOUET LOGISTIQUE

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 9]

[Localité 1]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS et ayant pour avocat plaidant Me Cédric LENUZZA, membre de la SCP LSC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

D'UNE PART

INTIMÉS :

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL

[Adresse 7]

[Localité 2]

En la personne de Mme Christine TEXIDO, Avocat Général

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265309113600157

S.A.S. SAN ESTORIAN

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 6]

[Localité 8]

Ayant pour avocat Me Elsa FERLING membre de la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

La SAS [J]-[B] et ASSOCIES,

En la personne de Maître [Y] [B]représentant de la Société SAN ESTORIAN, ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire

[Adresse 4]

[Localité 2]

Ayant pour avocat Me Elsa FERLING, membre de la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

S.A.R.L. HSBS,

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 5]

[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Elsa FERLING, membre de la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau D'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 28 Juin 2024

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 19 Décembre 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 16 JANVIER 2025, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 06 MARS 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La société San Estorian, qui exerçait une activité de vente au détail de jeux, jouets et autres articles pour enfants à [Localité 8] (45), sous la dénomination commerciale King jouet, a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 1er février 2023, qui a désigné en qualité d'administrateur judiciaire la SELARL AJAssociés, en la personne de Maître [G] [E] et en qualité de mandataire judiciaire la SAS [J]-[B] et associés, en la personne de Maître [Y] [B].

Le même tribunal a prononcé la conversion de cette procédure de redressement en liquidation judiciaire par jugement du 24 janvier 2024, en autorisant la poursuite de l'activité jusqu'au 28 février 2024 et en désignant en qualité de liquidateur judiciaire la SAS [J]-[B] et associés, en la personne de Maître [Y] [B].

Par ordonnance du 18 juin 2024 rendue sur requête du liquidateur en date du 4 juin précédent, le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société San Estorian a':

- ordonné la vente aux enchères publiques de l'intégralité des biens mobiliers subsistants cessibles dépendant de la liquidation judiciaire San Estorian, par ministère de Maître [R], commissaire-priseur à [Localité 2],

- ordonné au commissaire-priseur de restituer autant que faire se peut les locaux dans un état de propreté normale et sans nouvelle dégradation,

- autorisé le commissaire-priseur à engager sous le contrôle préalable du mandataire des frais spécifiques de nettoyage, gardiennage, frais de transport ou autres, dans la mesure où ils seraient jugés nécessaires,

- dit que les dépens seront mis en frais de procédure.

La société King jouet logistique a relevé appel de cette décision par déclaration du 28 juin 2024, en critiquant expressément tous les chefs de l'ordonnance en cause, en intimant la société San Estorian, la société [B]-[J] et associés ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société San Estorian, la SARL HSBS [présidente de la société San Estorian] et M. le procureur général.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2024, la société King jouet logistique demande à la cour, au visa des articles L. 624-9 et suivants du code de commerce et de l'article R. 624-13 du même code, de':

- juger recevable et bien fondée la demande de la société King Jouet Logistique,

En conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 18 juin 2024 relative à la mise aux enchères des biens matériels de la SAS San Estorian,

- dire n'y avoir lieu à la vente aux enchères au titre des marchandises objet de la clause de réserve de propriété,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 14 novembre 2024, la société San Estorian, la société HSBS et la société [J]-[B] et asociés, ès qualités, demandent à la cour de':

- déclarer mal fondé l'appel de la société King jouet logistique à l'encontre de la décision rendue le 18 juin 2024 par le juge-commissaire,

Par conséquent,

- confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

- débouter la société King jouet logistique de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant,

- condamner la société King jouet logitique à régler aux concluants la somme de 3'000 euros chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société King jouet logistique aux entiers dépens avec allocation au profit de la SELARL Acte avocats associés du bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 8 novembre 2024, M. le procureur général demande à la cour de':

- débouter la SAS King jouet logistique de ses demandes,

- confirmer l'ordonnance rendue le 18 juin 2024 par le juge-commissaire relative à la mise aux enchères des biens matériels de la SAS San Estorian,

- statuer sur ce que de droit, les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 décembre 2024, pour l'affaire être plaidée à l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle elle avait été fixée en application de l'article 905 du code de procédure civile.

A l'audience, la cour a observé que la société King jouet logistique, qui indique avoir déclaré sa créance au passif de la procédure collective de la société San Estorian et avoir déposé le 13 juillet 2023 une requête en revendication produit en pièce 3, ainsi que l'ont relevé les intimés, une déclaration de créance au passif d'une société dénommée San Semalo, puis en pièce 5, le certificat de dépôt d'une requête en revendication qui concerne là encore, non pas la société San Estorian, mais la société San Semalo.

En application de l'article 16 du code de procédure civile, la cour a en conséquence autorisé les parties à présenter leurs observations, au moyen d'une note en délibéré à transmettre sous quinzaine, sur le fait que, à hauteur d'appel, la société King jouet ne justifie pas avoir saisi le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société Estorian d'une requête en revendication.

Par une note transmise le 29 janvier 2025 par voie électronique, la société King jouet logistique a adressé le justificatif du dépôt d'une requête en revendication en indiquant que cette requête concernait bien la société San Estorian et en assurant que cette pièce constituait sa pièce 5.

La société San Estorian, son liquidateur judiciaire et son ancienne dirigeante, la société HSBS, n'ont formulé aucune observation -leur conseil a seulement transmis le 30 janvier 2025 par voie électronique un extrait Kbis de la société San Estorian, présenté comme ayant été sollicité par la cour.

Le Ministère public n'a lui non plus formulé aucune observation.

SUR CE, LA COUR :

La cour observe à titre liminaire que la pièce 5 transmise en cours de délibéré par l'appelante, qui est un certificat de dépôt d'une requête en revendication déposée le 13 juillet 2023 au greffe du tribunal de commerce d'Orléans, qui concerne effectivement le redressement judiciaire de la société San Estorian, n'est pas la pièce 5 remise par la société King jouet logistique dans son dossier de plaidoirie.

La pièce 5 que l'appelante a remise à la cour est en effet un certificat de dépôt qui concerne, non pas la société San Estorian, mais la société San Semalo.

Dès lors que les intimés, dont les observations ont été sollicitées à cet effet, n'ont pas contesté avoir reçu communication d'une pièce 5 valant justificatif de la requête en revendication déposée par la société King jouet logistique au juge-commissaire du redressement judiciaire de la société San Estorian, il sera retenu que cette pièce leur a été contradictoirement communiquée, que l'erreur de production n'a concerné que la pièce 5 remise à la cour et qu'il a été remédié à cette erreur en cours de délibéré.

S'il peut être ainsi retenu que l'appelante justifie du dépôt d'une requête en revendication dans la procédure collective de la société San Estorian, il reste que la société King jouet logistique ne justifie, ni avoir déclaré sa créance à la procédure collective de la société San Estorian, ni d'aucune clause de réserve propriété opposable à cette procédure collective.

Alors que la société San Estorian, son ancienne présidente, la société HSBC et le liquidateur judiciaire de la société San Estorian ont relevé en page 2 de leurs conclusions qu'à l'appui de son appel, la société King jouet logistique produisait des conditions générales de vente signées avec la société «'San Semalo'» et une déclaration de créance au passif de cette société «'San Semalo'» puis que, dans ses écritures, le ministère public a conclu à la confirmation de l'ordonnance entreprise en soulignant que les sociétés San Estorian et San Semalo sont des personnes morales distinctes puis en faisant valoir que la société King jouet logistique ne justifiait d'aucune déclaration de créance à la procédure collective de la société San Estorian, ni d'aucune clause de réserve de propriété opposable à ladite procédure collective, puisqu'elle produisait en pièce 2 ses conditions générales de vente acceptées, non pas par la société San Estorian, mais par la société San Semalo, puis en pièce 3 une déclaration de créance à la procédure collective de la société San Semalo, et non de la société San Estorian, l'appelante n'a pas cru utile de remédier à cette carence de production en communiquant contradictoirement le justificatif de sa déclaration de créance à la procédure collective de la société San Estorian et le justificatif d'un droit de propriété opposable à la procédure collective de la société San Estorian.

Si l'absence de déclaration de créance n'est pas dirimant en ce sens que l'action en revendication n'est pas réservée aux créanciers de la procédure collective, elle peut le devenir lorsque, comme en l'espèce, le revendiquant se prévaut d'une clause de réserve de propriété accessoire à sa créance.

En l'espèce, la société King jouet logistique se prévaut d'une clause de réserve de propriété sans justifier d'aucune clause opposable à la procédure collective de la société San Estorian, puisque les conditions générales de vente qu'elle produit sont celles qui ont été acceptées par la société San Semalo, et non par la société San Esporian.

Outre qu'elle ne justifie ainsi d'aucun droit de propriété pouvant justifier son action en revendication, il apparaît que la société King jouet logistique a également méconnu les règles applicables à l'action en revendication, qui instaurent une procédure à deux temps.

En effet, si l'article L. 624-9 du code du commerce prévoit que la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure, l'article L. 624-17 du même code précise que la demande de revendication doit être exercée d'abord amiablement auprès de l'administrateur, et à défaut, auprès du débiteur.

Ce préalable est obligatoire de sorte que l'action directement introduite devant le juge-commissaire est irrecevable.

En l'espèce, le jugement du 1er février 2023 par lequel le tribunal de commerce d'Orléans a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société San Estorian a été publié le 17 février 2023 au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

La société King jouet logistique affirme «'avoir respecté les délais en exerçant son action en revendication'» le 28 avril 2023 et en offre pour preuve un courrier recommandé qu'elle produit en pièce 4.

L'examen de ce courrier adressé le 28 avril 2023 sous pli recommandé n° AR 1A 206 553 0416 2 montre cependant que la société King jouet logistique a adressé sa demande amiable de revendication, non pas à l'administrateur désigné, la société AjAssociés, mais à la société [J]-[B] et associés, le mandataire judiciaire.

Dès lors que, faute d'avoir été précédée d'une demande de revendication adressée à l'administrateur au redressement judiciaire de la société San Estorian comme il est prévu à l'article L. 624-17 du code du commerce et au premier alinéa de l'article R. 624-13 du même code, l'action en revendication que la société King jouet logistique a exercée le 13 juillet 2023 devant juge-commissaire était irrecevable, et que l'appelante, on l'a dit, ne justifie de toute façon d'aucune clause de réserve de propriété opposable à la procédure collective de la société San Estobian, son recours exercé contre l'ordonnance du 18 juin 2024 par laquelle le juge-commissaire a ordonné la vente des biens de la société San Estobian ne peut qu'être rejeté.

L'ordonnance déféré sera en conséquence confirmée.

La société King jouet logistique, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance et sera condamnée à payer à la société [B]-[J] et associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société San Estorian, une indemnité de procédure de 1'500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Rien ne justifie en revanche d'allouer une indemnité de procédure à la société HSBS, qui n'a exercé aucun droit propre et qui sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise en tous ses chefs critiqués,

Y ajoutant,

Condamne la société King jouet logistique à payer à la société [B]-[J] et associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société San Estorian, la somme de 1'500'euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société HSBS formée sur le même fondement,

Condamne la société King jouet logistique aux dépens.

Accorde à la SELARL Acte avocats associés le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site