CA Metz, 6e ch., 6 mars 2025, n° 23/02222
METZ
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 23/02222 - N° Portalis DBVS-V-B7H-GCCM
Minute n° 25/00024
[V], [V], NEE [G]
C/
MAÏTRE [C], S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE, MINISTÈRE PUBLIC
Ordonnance Au fond, origine Juge commissaire de [Localité 6], décision attaquée en date du 21 Novembre 2023, enregistrée sous le n° FI 17/33
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 06 MARS 2025
APPELANTS :
Monsieur [P] [V]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ
Madame [F] [G] épouse [V]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Maître [Y] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de Monsieur [P] [V] et de Madame [F] [G], épouse [V]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Non représentée
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE représentée par son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean-luc HENAFF, avocat au barreau de METZ
Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de METZ
[Adresse 2]
[Localité 5]
DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Novembre 2024 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 06 Mars 2025, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nejoua TRAD-KHODJA
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Réputé Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Nejoua TRAD-KHODJA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé des faits et de la procédure :
Par jugement du 10 mars 2017, le tribunal judiciaire de Thionville a prononcé le redressement judiciaire de M. [P] [V] et de Mme [F] [G], épouse [V] et a désigné, en qualité de mandataire judiciaire Mme [Y] [C].
Par courrier du 28 mars 2017, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe (ci-après la "Caisse d'Epargne") a déclaré sa créance à titre privilégié pour la somme totale de 431 086,46 euros.
Par ordonnance en date du 08 février 2018, le juge commissaire au redressement judiciaire de M. et Mme [V], saisi de la contestation de créance déclarée par la Banque s'agissant du capital et des intérêts en remboursement d'un prêt, a :
Débouté M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs prétentions,
Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective de M. et Mme [V],
Précisé les modalités de notification de l'ordonnance.
Par déclaration au greffe en date du 23 février 2018, ces derniers ont fait appel de la décision devant la cour d'appel de Metz.
Par jugement en date du 05 octobre 2018, le tribunal judiciaire de Thionville a homologué le plan de redressement de M. et Mme [V] et a désigné Maître [Y] [C] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par ordonnance en date du 18 octobre 2018, le conseiller de la mise en état devant la cour d'appel de Metz a déclaré 1'appel de M. et Mme [V] caduc.
Par requête en date du 31 octobre 2018, M. et Mme [V] ont déféré cette ordonnance devant la cour d'appel de Metz.
Par arrêt en date du 09 mai 2019, la cour d'appel de Metz a confirmé 1'ordonnance rendue le 18 octobre 2018.
M. et Mme [V] se sont pourvus en cassation.
Par décision en date du 02 juillet 2020, la deuxième chambre civile de la cour de cassation a rejeté le pourvoi.
Par requête enregistrée au greffe le 09 octobre 2020, la Banque a saisi le juge commissaire d'une rectification d'une omission matérielle visant à admettre sa créance en complétant le dispositif de l'ordonnance du 08 février 2018.
Par ordonnance en date du 25 février 2021, le juge commissaire a fait droit à cette demande et a modifié le dispositif de cette ordonnance en ce sens que la créance de la Banque était admise.
M. et Mme [V] ont fait appel de cette ordonnance.
Par arrêt en date du 24 février 2022, la cour d'appel de Metz a infirmé l'ordonnance rendue par le juge commissaire en date du 25 février 2021, débouté la Banque de sa demande en rectification d'omission matérielle et déclaré irrecevable la requête en omission de statuer formée à titre subsidiaire par la Banque.
La Banque a formé un pourvoi devant la cour de cassation.
Par décision en date du 05 juillet 2023, la cour de cassation a rejeté ce pourvoi.
Par requête enregistrée au greffe le 10 août 2023, la Banque a saisi le juge commissaire aux 'ns d'admission de sa créance.
Par ordonnance contradictoire rendue le 21 novembre 2023, le juge commissaire près le tribunal judiciaire de Thionville a :
Rejeté les exceptions d'irrecevabilité formées par M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V], tirées de la saisine du juge commissaire et de l'autorité de la chose jugée ;
Déclaré, en conséquence, recevable la demande en admission de créance formée par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe ;
Admis la créance de la Caisse d'Epargne et de prévoyance Grand Est Europe au passif de la procédure de redressement judiciaire de M. [P] [V] et de Mme [F] [G], épouse [V], pour un montant de 431 086,46 euros à titre privilégié ;
Débouté la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe de sa demande d'admission au titre du solde débiteur du compte courant ;
Débouté M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V], de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Rejeté la demande d'amende civile ;
Débouté M. [P] [V] et de Mme [F] [G], épouse [V] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective de M. [P] [V] et de Mme [F] [G], épouse [V] ;
Dit que la présente ordonnance sera noti'ée par lettre recommandée avec avis de réception, par les soins du gref'er, à :
M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V] ;
Maître [K]
la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe
Maître [D]
Maître [Y] [C]
Par déclaration du 27 novembre 2023, enregistrée au greffe de la cour d'appel de Metz le 28 novembre 2023, M. et Mme [V] ont interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation, de l'ordonnance du 21 novembre 2023 rendue par le tribunal judiciaire de Thionville et visé toutes ses dispositions, sauf celle ayant débouté la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe de sa demande d'admission au titre du solde débiteur du compte courant.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2024.
Exposé des prétentions et moyens des parties :
Par conclusions du 16 septembre 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. et Mme [V] demandent à la cour d'appel de :
« Recevoir en la forme l'appel interjeté par M. et Mme [V] contre l'ordonnance FI 17/33 rendue le 21 novembre 2023 par le juge commissaire près le tribunal judiciaire de Thionville
Dire cet appel bien fondé,
Y faisant droit, Vu les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile,
Annuler l'ordonnance entreprise pour non-respect du principe du contradictoire, voire pour excès de pouvoir,
En tout état de cause,
Infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle:
Rejette les exceptions d'irrecevabilité formées par M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V], tirées de la saisine du Juge Commissaire et de l'autorité de la chose jugée,
Déclare en conséquence, recevable la demande en admission de créance formée par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe,
Admet la créance de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe au passif de la procédure de redressement judiciaire de M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V], pour un montant de 431 086, 46 euros à titre privilégié,
Déboute M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V] de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive,
Rejette la demande d'amende civile,
Déboute M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective de M. [P] [V] et de Mme [F] [G], épouse [V],
Dit que la présente ordonnance sera notifiée par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier à M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V], à Maître [K], à Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe, à Maître [D] et à Maître [Y] [C] ;
Statuant à nouveau,
Déclarer irrecevable la requête aux fins d'admission de sa créance de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne saisissant le Juge Commissaire de la procédure de redressement judiciaire de M. et Mme [V], dont la mission a pris fin,
Vu les dispositions de l'article 1355 du code civil et les principes « ne bis idem » et d'autorité de la chose jugée,
Déclarer irrecevable la requête aux fins d'admission de sa créance présentée par la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne ;
En tant que de besoin,
Déclarer la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne, irrecevable, en l'ensemble de ses prétentions, demandes, fins et conclusions,
L'en débouter,
Condamner la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne à payer à Mme et M. [V] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire outre la somme de 1 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance,
Ajoutant à l'ordonnance entreprise,
Condamner la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne à payer à Mme et M. [V] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ainsi qu'à supporter les entiers frais et dépens de première instance et d'appel,
Vu les dispositions de l'article 905- 2 du code de procédure civile,
Déclarer les conclusions du Ministère Public en date du 11 avril 2024, irrecevables,
En tout état de cause,
Déclarer le Ministère Public mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
L'en débouter,
A titre infiniment subsidiaire,
Réserver aux M. et Mme [V] le droit à contester la créance de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne.»
Au soutien de leurs prétentions, sur l'annulation de l'ordonnance, M. et Mme [V] se prévalent de l'article 16 du code de procédure civile et soutiennent que le juge commissaire a relevé un moyen d'office sans provoquer la contradiction des parties. M. et Mme [V] précisent que, au vu de l'ordonnance, le juge commissaire évoque se fonder sur une jurisprudence constante selon laquelle la procédure en complément de décision, prévue à l'article 460 du code de procédure civile, n'exclut pas que le chef de demande sur lequel le juge ne s'est pas prononcé soit l'objet d'une nouvelle instance introduite selon la procédure de droit commun, même après l'expiration du délai prévu par ce même article 460. M. et Mme [V] ajoutent qu'il n'est fait aucune référence à cette jurisprudence et qu'il ne peut d'ailleurs en être étant donné que l'article 460 du code de procédure civile ne vise nullement la requête en omission de statuer dont le régime est gouverné par les dispositions de l'article 463 du même code, mais la recevabilité de la demande aux fins de nullité d'un jugement.
M. et Mme [V] soutiennent un second moyen de nullité et invoquent le fait que le juge commissaire ne pouvait pas, après avoir admis la recevabilité des prétentions de la Caisse d'Epargne, statuer sur l'admission de la créance sans rouvrir au préalable les débats afin qu'ils puissent faire valoir leurs contestations éventuelles sur le bien fondé de la créance invoquée.
Sur le fond, M. et Mme [V] se prévalent de l'article R. 631-43 du code de commerce et précisent que les fonctions de juge commissaire et celles de commissaire à l'exécution du plan de redressement ne se confondent pas, celles du premier prenant fin une fois le plan de redressement adopté. Ils exposent que le compte rendu de fin de mission, établi le 02 mai 2019 par le mandataire judiciaire de la procédure de redressement judiciaire a été signé par le juge commissaire le 20 mai 2019 et n'a fait l'objet d'aucun recours et que, en application de l'article précité, l'ordonnance de clôture a nécessairement été rendue.
M. et Mme [V] poursuivent en exposant que l'intimée est mal fondée à se prévaloir de l'article R.621-45 du code de commerce au soutien de la recevabilité de sa demande alors qu'en l'espèce le juge commissaire avait purgé son pouvoir juridictionnel et qu'il était donc dépourvu de tout pouvoir pour statuer sur l'admission d'une nouvelle créance. Ils ajoutent qu'il est erroné de considérer que le rapport annuel de l'exécution du plan prévue à l'article R.626-43 du code de commerce portant sur le plan de sauvegarde et de redressement doit être établi à l'attention du juge commissaire alors que dans le cas présent le rapport doit être déposé au greffe du tribunal en charge de la procédure collective et communiqué au ministère public en vertu du même article.
M. et Mme [V] ajoutent que, en application de l'article R.626-38 alinéa 2 du code de commerce, le mandataire judiciaire rend compte de sa mission au juge commissaire qui met fin à celle-ci, après avoir constaté l'achèvement de la vérification des créances et le versement des sommes dues aux salariés en application de l'article L. 143-11-7 du code du travail.
Sur le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée, M. et Mme [V] affirment, à l'appui de l'article 1355 du code civil, que ce principe induit celui de l'irrévocabilité de la chose jugée correspondant au degré d'intangibilité de la chose jugée. Principe qui, ajoutent-t-ils, a valeur supra législative et a été consacré par la cour Européenne des Droits de l'Homme. Ils évoquent ensuite que si l'autorité de la chose jugée s'attache seulement au dispositif des arrêts et non à leurs motifs, elle s'étend à ce qui est implicitement compris dans le dispositif. Ils exposent que la cour d'appel de Metz, par son arrêt du 24 février 2022, avait définitivement statué sur la non admission de la créance de la Caisse d'Epargne au passif de la procédure collective ce pourquoi ils ont conclu à l'irrecevabilité de la requête déposé par cette dernière tendant à voir prononcer l'admission de sa créance.
Selon M. et Mme [V], le premier juge a, en statuant sur la nouvelle demande de la Caisse d'Epargne, commis un excès de pouvoir non seulement à leur préjudice mais également à celui de l'intérêt collectif des créanciers.
M. et Mme [V] soulignent que le juge commissaire, aux termes de sa seconde décision du 25 février 2021, a bien statué que l'admission des créances de la Caisse d'Epargne et prononcé l'admission de la créance de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne au passif de M. et Mme [V] pour un montant de 431 086,46 euros à titre privilégié et 226,10 euros à titre chirographaire, mais que cette décision a été infirmée en toutes ses dispositions par la cour d'appel de Metz par arrêt du 24 février 2022. Les appelants en déduisent que la nouvelle requête de la Caisse d'Epargne, enregistrée le 10 août 2023 tendant à voir prononcer l'admission de sa créance devant la même juridiction que celle saisie par voie de requête en omission matérielle, subsidiairement en omission de statuer, dans le cadre d'un litige opposant les mêmes parties et ayant le même objet à savoir l'admission de sa créance est irrecevable par application des dispositions de l'article 1355 du code civil.
M. et Mme [V] arguent ensuite que, aux dires de l'intimée, la partie victime dispose d'une option entre adresser une requête en rectification selon la procédure de l'article 463 du code de procédure ou introduire une nouvelle instance selon la procédure de droit commun non soumise au délai d'un an prévu par l'article précité et qu'en l'espèce la Caisse d'Epagne a choisi la première option. Ils ajoutent que, dès lors que la Caisse d'Epargne a opté pour la requête en omission de statuer qui a été définitivement déclarée irrecevable, elle ne pouvait plus présenter une nouvelle requête en admission de sa créance sans méconnaitre l'autorité de la chose jugée attaché à l'arrêt définitif de la cour d'appel de Metz du 24 février 2022.
Les appelants qualifient d'abusive la procédure menée par la Caisse d'Epargne en ce qu'elle n'aurait pas d'autre objectif que de temporiser le plan de redressement et la restitution des fonds détenus par le commissaire à l'exécution du plan. Ils estiment dilatoire et abusive la requête de la Caisse d'Epargne, déposée qu'après que le 17 juillet 2023 Maître [C] ait été sollicitée aux fins de remboursement par M. et Mme [V], ainsi que l'interdiction faite par cette dernière de restituer les fonds par elle à Maître [C] de restituer les fonds comme sollicité par les débiteurs. M. et Mme [V] considèrent donc être en droit de solliciter la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
M. et Mme [V] soutiennent que les conclusions du ministère public du 11 avril 2024 sont irrecevables pour avoir été notifiées au-delà du délai d'un mois visé à l'article 905-2 du code de procédure civile. Les appelants les estiment en tout état de cause mal fondée et renvoient à leurs moyens développés contre les conclusions de la Caisse d'Epargne.
A titre infiniment subsidiaire, dans le cas où la cour viendrait à confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté les exceptions d'irrecevabilité et déclarer, en conséquence, recevable la demande en admission de créance, M. et Mme [V] affirment que leur demande de réserver de leur droit de contester la créance est recevable sur le fondements des articles 910-4 et 564 du code de procédure civile, d'une part parce que cette demande a été formulée dans leurs conclusions justificatives d'appel et, d'autre part, car elle a bien pour finalité de faire écarter à terme les prétentions de l'intimée.
Par conclusions du 12 septembre 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la Caisse d'Epargne demande à la cour d'appel de :
« Dire recevable mais mal fondé l'appel interjeté le 27 novembre 2023 par Mme et M. [V] contre l'ordonnance rendue le 21 novembre 2023 par Mme le juge commissaire de la procédure collective de M. et Mme [V]
Débouter Mme et M. [V] de toutes leurs demandes fins et conclusions
Con'rmer l'ordonnance en toutes ses dispositions
Condamner Mme et M. [V] à verser à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamner Mme et M. [V] en tous les frais et dépens d'instance et d'appel »
Au soutien de ses prétentions, sur la recevabilité de sa demande, la Caisse d'Epargne se prévaut des articles R. 621-25 et R. 626-51 du code de commerce ainsi que L. 626-27 et L. 626-28 du même code et en déduit que si un plan de sauvegarde ou de redressement est adopté, tant que ce plan est en cours d'exécution, le commissaire à l'exécution du plan ne peut établir de compte rendu de fin de mission de sorte que le juge commissaire est toujours en fonction et peu important que le mandataire judiciaire ait établi, auparavant, un compte rendu de fin de mission dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire. Appliquant ce raisonnement à l'espèce, la Caisse d'Epargne affirme que le plan de redressement de M. et Mme [V] est toujours en cours d'exécution et que par conséquent le juge commissaire est toujours en fonction de sorte que la demande qui lui est adressée est recevable.
Sur l'autorité de la chose jugée, la Caisse d'Epargne soutient que le juge commissaire, dans son dispositif de l'ordonnance du 08 février 2018, n'a nullement statué sur sa demande d'admission, ce que confirme l'arrêt de la cour d'appel du 24 février 2022. La Caisse d'Epargne ajoute que le juge commissaire n'a pas davantage statué sur l'admission des créances par son ordonnance du 25 février 2021, celle-ci ayant été infirmée en toutes ses dispositions par l'arrêt du 24 février 2022, d'autant qu'il ressort de cet arrêt que ladite ordonnance n'avait pas été rendue sur le fondement de l'omission de statuer mais sur celui d'une omission matérielle considérée inexistante par la cour. Rappelant que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a déjà fait l'objet d'un jugement, la Caisse d'Epargne allègue que c'est à juste titre que le juge commissaire a rejeté cette exception d'irrecevabilité.
La Caisse d'Epargne expose ensuite que la victime de l'omission de statuer dispose d'une option, et non d'une alternative, soit adresser une requête en recti'cation selon la procédure de l'article 463 du code de procédure civile, ou introduire une nouvelle instance selon la procédure de droit commun, non soumise au délai d'un an prévu par ce même article. La Caisse d'Epargne estime donc que rien ne l'empêchait d'introduire une nouvelle instance en omission de statuer selon la procédure de droit commun dès lors que la cour d'appel de Metz avait déclaré sa demande formée selon la procédure de l'article 463 précité non pas mal fondée mais irrecevable comme tardive. L'intimée ajoute que la recevabilité de la demande n'est pas subordonnée à la saisie de la juridiction de droit commun.
Sur la demande d'annulation formée par M. et Mme [V], la Caisse d'Epargne soutient qu'à aucun moment le débat sur la recevabilité n'a porté en première instance sur la question de savoir si la victime de l'omission de statuer disposait ou non d'une option entre la requête en rectification selon la procédure de l'article 463 et l'introduction d'une nouvelle instance. L'intimée ajoute que les parties se sont implicitement mais nécessairement accordées sur l'existence de cette option, ce que le juge commissaire n'a fait que con'rmer en soulignant qu'il existait une jurisprudence en ce sens. Cette constatation ne constitue, selon la Caisse d'Epargne, nullement un moyen soulevé d'of'ce d'autant plus qu'elle est sans emport sur les demandes d'irrecevabilité tirées de l'inexistence du juge commissaire ou de l'autorité de la chose jugée qui sont les seules qui ont été tranchées et ainsi les seules visées dans l'acte d'appel. La Caisse d'Epargne rappelle qu'en tout état de cause, l'article 562 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement.
Sur la demande de réserve des droits à contester la créance formée par M. et Mme [V], la Caisse d'Epargne se prévaut de l'article 910-4 du code de procédure civile rappelant que, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées à l'article 905-2 du même code, l'ensemble de leurs prétentions sur le fonds. L'intimée ajoute que l'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées les prétentions ultérieures. La Caisse d'Epargne soutient que cette demande de réserve est une demande nouvelle de M. et Mme [V], en application de l'article 564 du code de procédure civile.
La Caisse d'Epargne affirme ensuite que, par ordonnance du 08 décembre 2018, M. et Mme [V] ont été déboutés de l'ensemble de leurs contestations, que l'appel contre cette ordonnance du juge commissaire a été déclaré caduc par arrêt du 09 mai 2019 de la cour d'appel de Metz et que le pourvoi formé contre cet arrêt a fait l'objet d'une décision de rejet rendue le 02 juillet 2020 par la cour de Cassation. L'intimée en déduit que les contestations ultérieures formées par M. et Mme [V] se heurteront à l'autorité de la chose jugée. L'intimé estime enfin produire les éléments justifiant sa créance.
Par conclusions du 11 avril 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le ministère public demande à la cour d'appel de :
« Déclarer l'appel recevable,
Confirmer l'ordonnance rendue le 21 novembre 2023 par le juge commissaire du tribunal judiciaire de Thionville. »
Au soutien de ses prétentions, le ministère public considère l'appel de M. et Mme [V] recevable pour avoir été interjeté dans le délai de dix jours prévus à l'article R. 661-3 du code de commerce.
Sur le maintien des fonctions du juge commissaire, le ministère public se prévaut de l'article R. 621-25 du code de commerce et considère qu'en l'espèce le plan de redressement était en cours d'exécution au moment où la requête a été déposée et que donc rien ne s'opposait la saisine du juge commissaire pour faire admettre une créance au passif de la procédure puisque, conformément aux articles L. 626-27 et L. 626-28 du code de commerce, sa mission est toujours en cours. Le ministère public en déduit que la demande aux fins d'admettre la créance ne souffre d'aucune irrecevabilité.
Sur l'autorité de la chose jugée, le ministère soulève l'application des articles 1355 du code civil et 463 du code de procédure civile et ajoute qu'il est de jurisprudence constante que la procédure en complément de décision, prévue à l'article 460 du code de procédure civile, permet que le chef de demande sur lequel le juge ne s'est pas prononcé soit l'objet d'une nouvelle instance. En l'espèce, le ministère public relève que le juge commissaire, par ordonnance du 08 février 2018, n'a pas statué sur la demande concernant l'admission de la créance de la Caisse d'Epargne et que, par arrêt du 24 février 2022, la cour d'appel a déclaré irrecevable la demande sur le fondement invoqué et sur les délais impartis. Considérant que la procédure est toujours en cours et que la demande n'a finalement jamais été tranchée, le ministère public estime que la Caisse d'Epargne est en droit d'introduire une nouvelle instance sur la base de la même demande.
Le ministère public ajoute que, dans le but d'éviter un déni de justice, c'est à bon droit que le juge commissaire à tranché cette demande.
MOTIFS DE LA DECISION :
A titre liminaire, il est observé que chacune des parties sollicite la recevabilité de l'appel principal. Il y a donc lieu de le déclarer recevable.
Enfin, il est observé que si l'infirmation du chef de l'ordonnance ayant rejeté la demande d'amende civile est sollicitée, aucune demande ni aucun moyen au titre de l'amende civile n'est évoqué contrairement aux exigences de l'article 954 du code de procédure civile.
Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance sur ce point.
Sur la demande de nullité de l'ordonnance
L'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
L'article 542 du code de procédure civile dispose que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
Il est constant que l'atteinte au principe du contradictoire est une cause de nullité du jugement.
En l'espèce, aucune des conclusions de première instance ne sont produites à hauteur d'appel de sorte que la cour n'est pas en mesure de relever un éventuel moyen relevé d'office et non soumis à la contradiction par le juge commissaire.
Il est précisé en outre que le seul fait que la jurisprudence évoquée par le juge-commissaire ne soit pas précisément citée ne suffit pas à établir l'existence d'une atteinte au principe du contradictoire.
Encore, M. et Mme [V] étaient parties à la procédure de première instance, dont il est rappelé qu'elle a été initiée par une requête en admission d'une créance. Ils ont ainsi pu présenter leurs conclusions de sorte qu'ils étaient en mesure d'exposer leurs éventuelles contestations de la créance et cela même s'ils avaient pour demande principale la fin de non recevoir de la requête de la Caisse d'Epargne. Le juge-commissaire n'a donc pas violé le principe du contradictoire en statuant sur l'admission de la créance sans rouvrir les débats après avoir statué sur la recevabilité de la requête en admission.
L'atteinte au principe du contradictoire n'est donc pas démontré et la demande de nullité doit en conséquence être rejetée.
Sur la demande d'irrecevabilité des conclusions du ministère public
Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 905-2 du code de procédure civile, en sa version applicable à l'espèce, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
Toutefois, il est constant que les délais de procédure s'appliquent au ministère public dès lors qu'il est partie principale à l'instance.
Il convient donc dans un premier temps de déterminer si le ministère public agit dans l'espèce en tant que tel.
En application des articles 422 et 423 du code de procédure civile, le ministère public agit d'office dans les cas spécifiés par la loi et, en dehors de ces cas, peut agir pour la défense de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci. Il agit dans ces circonstances en tant que partie principale.
L'article 424 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le ministère public est partie jointe lorsqu'il intervient pour faire connaître son avis sur l'application de la loi dans une affaire dont il a communication.
Enfin, en application de l'article 425 du code de procédure civile, le ministère public doit notamment avoir communication des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.
De plus, aucun texte ne permet au ministère public d'agir d'office en matière de vérification des créances.
En l'espèce, s'agissant d'un appel sur une ordonnance du juge commissaire statuant en matière de vérification des créances dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le ministère public n'intervient pas dans la procédure en tant que partie principale mais en tant que partie jointe. Il n'est donc pas soumis aux délais prescrits par l'article 905-2 précité.
La demande d'irrecevabilité des conclusions du ministère public est donc rejetée.
Sur les demandes d'irrecevabilité de la requête de la Caisse d'Epargne
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il est constant que l'article précité ne procède pas à une énumération exhaustive des fins de non recevoir.
M. et Mme [V], au soutien de leur demande d'irrecevabilité de la requête de la Caisse d'Epargne, évoquent l'autorité de la chose jugée et le défaut de pouvoir juridictionnel du juge commissaire. Il convient d'étudier ces moyens successivement.
Sur le fondement de la chose jugée
L'article 1355 du code civil dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 463 du code de procédure civile, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité.
Il est constant que l'autorité de chose jugée ne s'attache que sur ce qui a été tranché par une juridiction.
Il est également constant que la requête en omission de statuer n'exclue pas que le chef de demande sur lequel le juge ne s'est pas prononcé soit l'objet d'une nouvelle instance introduite selon la procédure de droit commun, même après l'expiration du délai prévu à l'article 463 du code de procédure civile.
En l'espèce, il ressort de l'arrêt du 24 février 2022 rendu par la cour d'appel de Metz que celle-ci a statué sur les requêtes en omission matérielle et en omission de statuer, déposées par la Caisse d'Epargne contre l'ordonnance du juge commissaire du 08 février 2018 en ce qu'elle n'a pas statué sur l'admission de sa créance. La cour d'appel a rejeté la requête en omission matérielle, constatant dans sa motivation qu'il ne s'agissait pas d'une erreur matérielle mais d'une omission de statuer sur la demande d'admission des créances, et déclaré irrecevable la requête en omission de statuer pour cause de prescription.
Il apparait ainsi que si l'arrêt précité revêt l'autorité de la chose jugée, celle-ci ne s'attache qu'à l'irrecevabilité de la requête en omission de statuer mais non au bien fondé de l'admission ou non de la créance. De même, si l'ordonnance du 08 février 2018 revêt également l'autorité de la chose jugée, celle-ci n'est attachée qu'à ce qu'elle tranche dans son dispositif, or aucun chef d'admission ou de rejet de la créance n'y figure.
De plus, le rejet des contestations de M. et Mme [V], tranché dans l'ordonnance du 08 février 2018, ne saurait valoir implicitement admission ou rejet de la créance, d'autant qu'une demande en ce sens avait été précisément formulée mais qu'elle n'a pas été tranchée.
Ainsi, étant constaté que ni l'ordonnance du 08 février 2018, ni l'arrêt de la cour d'appel de Metz du 24 février 2022 n'a statué sur l'admission de la créance de la Caisse d'Epargne et alors même que cette prétention avait été soulevée par la Caisse d'Epargne à l'occasion de la procédure de vérification des créances, la saisine du juge commissaire par requête aux fins de voir déclarer sa créance admise présentée par la Caisse d'Epargne le 10 aout 2023 ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée.
De plus, étant établi que la requête en admission de statuer ne se heurte à aucune autorité de la chose jugée, le juge commissaire, en statuant sur cette demande, n'a pas excédé son pouvoir juridictionnel.
Ensuite, l'option évoquée par M. et Mme [V] entre la requête en omission de statuer et la procédure de droit commun, si elle existe effectivement, n'emporte pas exclusion de celle des deux voies de droit qui n'a pas été choisie. Le choix initial de la requête en omission de statuer par la Caisse d'Epargne ne fait donc pas obstacle à ce que cette dernière initie une nouvelle procédure afin qu'il soit statué sur sa demande d'admission.
De plus, le terme de « droit commun » doit être entendu non pas au sens stricte et exclusif de tout droit spécial, tel le droit commercial, mais comme marquant la différence avec la voie de recours dérogatoire énoncée par l'article 463 du code de procédure civile. Il s'en suit que rien ne s'oppose à ce que la Caisse d'Epargne puisse initier une nouvelle instance auprès du juge commissaire, quand bien même celle-ci relève du droit spécial des entreprises en difficulté.
En définitive, l'autorité de la chose jugée attachée à l'irrecevabilité de la requête en omission de statuer ne fait pas obstacle à la nouvelle action initiée par la Caisse d'Epargne devant le juge commissaire par requête du 10 aout 2023.
Le moyen est donc rejeté.
Sur la compétence juridictionnelle du juge-commissaire
Aux termes de l'article L.624-2 du code de commerce, le juge commissaire est notamment compétent pour statuer sur l'admission ou le rejet des créances, ou de constater soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.
L'article R. 621-25 du code de commerce, applicable à la procédure de redressement judiciaire en vertu de l'article R. 631-16 du même code, dispose que les fonctions du juge-commissaire et des contrôleurs prennent fin au jour où le compte rendu de fin de mission de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et, le cas échéant, du commissaire à l'exécution du plan, a été approuvé.
Il est constant que le juge commissaire dispose d'une compétence exclusive en matière d'admission ou de rejet des créances et que le défaut de pouvoir juridictionnelle est une fin de non recevoir.
D'abord, si les fonctions de juge commissaire et de commissaire à l'exécution du plan ne se confondent effectivement pas, la mission du premier ne prend fin que lorsqu'il approuve le compte rendu de fin de mission du second. La mission du juge commissaire se poursuit donc même après la désignation du commissaire à l'exécution du plan lors de l'homologation du plan de redressement.
En l'espèce, il apparait que le mandataire judiciaire a déposé un compte rendu de fin de mission qui a été approuvé par le juge commissaire le 20 mai 2019.
Cependant, alors que M. et Mme [V] bénéficient d'une procédure de redressement judiciaire pour laquelle un commissaire à l'exécution du plan a été désigné, en la personne de Mme [C], par jugement du tribunal de grande instance de Thionville du 05 octobre 2018, aucun compte rendu de fin de mission de ce dernier n'est produit.
S'il y a identité de personne entre le mandataire judiciaire et le commissaire à l'exécution du plan, en la personne de Mme [C], le rapport de fin de mission approuvé par le juge commissaire le 20 mai 2019 n'a été déposé qu'en ce qui concerne la mission de mandataire judiciaire.
Le dépôt d'un compte rendu de fin de mission par le commissaire à l'exécution du plan, approuvé par le juge-commissaire, n'est donc pas établi de sorte que la procédure est encore en cours et, par conséquent, le juge-commissaire toujours compétent s'agissant de l'admission des créances.
Ce moyen d'irrecevabilité doit donc également être rejeté.
La requête en admission de la créance présentée par la Caisse d'Epargne doit donc être déclarée recevable.
L'ordonnance sera confirmée sur ce point.
Sur l'admission de la créance
Pour rappel, l'article L. 624-2 du code de commerce dispose que, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.
En l'espèce, la Caisse d'Epargne a déclaré sa créance le 28 mars 2017 pour la somme de 431 086,46 euros à titre privilégié, M. et Mme [V] ont contesté cette créance et le juge commissaire, par ordonnance du 08 février 2018, a rejeté leurs contestations, en omettant néanmoins de statuer sur l'admission ou le rejet de la créance déclarée.
D'abord, il est observé que les moyens soulevés par la Caisse d'Epargne à l'encontre de la demande de réserves formée par M. et Mme [V] reposent sur des hypothèses de demandes adverses futures et leur potentielle irrecevabilité. Cependant, la cour ne peut statuer sur l'avenir de sorte que ces moyens sont actuellement inopérants.
Ensuite, même à supposer que l'autorité de la chose jugée sur les contestations de créance de M. et Mme [V] ne soit pas acquise, rien ne justifie de leur réserver le droit de présenter ultérieurement leurs contestations alors qu'ils le pourraient dès à présent.
La demande de réserve du droit à contestation de la créance est donc rejetée. Il y sera ajouté à l'ordonnance qui n'a pas statué sur ce point.
Ceci étant, il apparait qu'aucune contestation de la créance n'est soulevée hormis les fins de non recevoir qui ont été rejetées.
Rien de s'oppose donc à ce que la créance de la Caisse d'Epargne, s'élevant à 431 086,46 euros à titre privilégié soit admise au passif de la procédure collective de M. et Mme [V].
Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance sur ce point.
Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive
Il résulte des articles 1240 et 1241 du code civil que l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, le seul fait qu'il soit fait droit à la demande d'admission de la créance suffit à démontrer l'absence de tout abus dans l'action en justice initiée par la Caisse d'Epargne.
La demande est donc rejetée.
L'ordonnance est confirmée sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La cour confirme l'ordonnance rendue par le juge-commissaire près le tribunal judiciaire de Thionville le 21 novembre 2023 en ce qu'il a débouté M. [P] [V] et de Mme [F] [G], épouse [V] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
Cependant il a été omis de les condamner aux dépens de première instance, il y sera ajouté.
Y ajoutant, M. et Mme [V] succombant à hauteur de cour, l'équité commande de les condamner à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. et Mme [V] aux dépens d'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
Déclare recevable l'appel principal ;
Rejette la demande de nullité de l'ordonnance ;
Déclare recevable la requête en contestation de créance ;
Rejette la demande d'irrecevabilité des conclusions du ministère public ;
Confirme l'ordonnance rendue le 21 novembre 2023 par le juge commissaire près le tribunal judiciaire de Thionville en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute les M. [P] [V] et Mme [F] [V] née [G] de leur demande de réserve du droit de contestation de la créance ;
Condamne M. [P] [V] et Mme [F] [V] née [G] aux dépens de première instance et d'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective ;
Condamne M. [P] [V] et Mme [F] [V] née [G] à payer à la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Le Greffier La Présidente de Chambre
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 23/02222 - N° Portalis DBVS-V-B7H-GCCM
Minute n° 25/00024
[V], [V], NEE [G]
C/
MAÏTRE [C], S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE, MINISTÈRE PUBLIC
Ordonnance Au fond, origine Juge commissaire de [Localité 6], décision attaquée en date du 21 Novembre 2023, enregistrée sous le n° FI 17/33
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 06 MARS 2025
APPELANTS :
Monsieur [P] [V]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ
Madame [F] [G] épouse [V]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Maître [Y] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de Monsieur [P] [V] et de Madame [F] [G], épouse [V]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Non représentée
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE représentée par son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean-luc HENAFF, avocat au barreau de METZ
Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de METZ
[Adresse 2]
[Localité 5]
DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Novembre 2024 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 06 Mars 2025, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nejoua TRAD-KHODJA
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Réputé Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Nejoua TRAD-KHODJA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé des faits et de la procédure :
Par jugement du 10 mars 2017, le tribunal judiciaire de Thionville a prononcé le redressement judiciaire de M. [P] [V] et de Mme [F] [G], épouse [V] et a désigné, en qualité de mandataire judiciaire Mme [Y] [C].
Par courrier du 28 mars 2017, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe (ci-après la "Caisse d'Epargne") a déclaré sa créance à titre privilégié pour la somme totale de 431 086,46 euros.
Par ordonnance en date du 08 février 2018, le juge commissaire au redressement judiciaire de M. et Mme [V], saisi de la contestation de créance déclarée par la Banque s'agissant du capital et des intérêts en remboursement d'un prêt, a :
Débouté M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs prétentions,
Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective de M. et Mme [V],
Précisé les modalités de notification de l'ordonnance.
Par déclaration au greffe en date du 23 février 2018, ces derniers ont fait appel de la décision devant la cour d'appel de Metz.
Par jugement en date du 05 octobre 2018, le tribunal judiciaire de Thionville a homologué le plan de redressement de M. et Mme [V] et a désigné Maître [Y] [C] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par ordonnance en date du 18 octobre 2018, le conseiller de la mise en état devant la cour d'appel de Metz a déclaré 1'appel de M. et Mme [V] caduc.
Par requête en date du 31 octobre 2018, M. et Mme [V] ont déféré cette ordonnance devant la cour d'appel de Metz.
Par arrêt en date du 09 mai 2019, la cour d'appel de Metz a confirmé 1'ordonnance rendue le 18 octobre 2018.
M. et Mme [V] se sont pourvus en cassation.
Par décision en date du 02 juillet 2020, la deuxième chambre civile de la cour de cassation a rejeté le pourvoi.
Par requête enregistrée au greffe le 09 octobre 2020, la Banque a saisi le juge commissaire d'une rectification d'une omission matérielle visant à admettre sa créance en complétant le dispositif de l'ordonnance du 08 février 2018.
Par ordonnance en date du 25 février 2021, le juge commissaire a fait droit à cette demande et a modifié le dispositif de cette ordonnance en ce sens que la créance de la Banque était admise.
M. et Mme [V] ont fait appel de cette ordonnance.
Par arrêt en date du 24 février 2022, la cour d'appel de Metz a infirmé l'ordonnance rendue par le juge commissaire en date du 25 février 2021, débouté la Banque de sa demande en rectification d'omission matérielle et déclaré irrecevable la requête en omission de statuer formée à titre subsidiaire par la Banque.
La Banque a formé un pourvoi devant la cour de cassation.
Par décision en date du 05 juillet 2023, la cour de cassation a rejeté ce pourvoi.
Par requête enregistrée au greffe le 10 août 2023, la Banque a saisi le juge commissaire aux 'ns d'admission de sa créance.
Par ordonnance contradictoire rendue le 21 novembre 2023, le juge commissaire près le tribunal judiciaire de Thionville a :
Rejeté les exceptions d'irrecevabilité formées par M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V], tirées de la saisine du juge commissaire et de l'autorité de la chose jugée ;
Déclaré, en conséquence, recevable la demande en admission de créance formée par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe ;
Admis la créance de la Caisse d'Epargne et de prévoyance Grand Est Europe au passif de la procédure de redressement judiciaire de M. [P] [V] et de Mme [F] [G], épouse [V], pour un montant de 431 086,46 euros à titre privilégié ;
Débouté la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe de sa demande d'admission au titre du solde débiteur du compte courant ;
Débouté M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V], de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Rejeté la demande d'amende civile ;
Débouté M. [P] [V] et de Mme [F] [G], épouse [V] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective de M. [P] [V] et de Mme [F] [G], épouse [V] ;
Dit que la présente ordonnance sera noti'ée par lettre recommandée avec avis de réception, par les soins du gref'er, à :
M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V] ;
Maître [K]
la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe
Maître [D]
Maître [Y] [C]
Par déclaration du 27 novembre 2023, enregistrée au greffe de la cour d'appel de Metz le 28 novembre 2023, M. et Mme [V] ont interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation, de l'ordonnance du 21 novembre 2023 rendue par le tribunal judiciaire de Thionville et visé toutes ses dispositions, sauf celle ayant débouté la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe de sa demande d'admission au titre du solde débiteur du compte courant.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2024.
Exposé des prétentions et moyens des parties :
Par conclusions du 16 septembre 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. et Mme [V] demandent à la cour d'appel de :
« Recevoir en la forme l'appel interjeté par M. et Mme [V] contre l'ordonnance FI 17/33 rendue le 21 novembre 2023 par le juge commissaire près le tribunal judiciaire de Thionville
Dire cet appel bien fondé,
Y faisant droit, Vu les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile,
Annuler l'ordonnance entreprise pour non-respect du principe du contradictoire, voire pour excès de pouvoir,
En tout état de cause,
Infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle:
Rejette les exceptions d'irrecevabilité formées par M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V], tirées de la saisine du Juge Commissaire et de l'autorité de la chose jugée,
Déclare en conséquence, recevable la demande en admission de créance formée par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe,
Admet la créance de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe au passif de la procédure de redressement judiciaire de M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V], pour un montant de 431 086, 46 euros à titre privilégié,
Déboute M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V] de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive,
Rejette la demande d'amende civile,
Déboute M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective de M. [P] [V] et de Mme [F] [G], épouse [V],
Dit que la présente ordonnance sera notifiée par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier à M. [P] [V] et Mme [F] [G], épouse [V], à Maître [K], à Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe, à Maître [D] et à Maître [Y] [C] ;
Statuant à nouveau,
Déclarer irrecevable la requête aux fins d'admission de sa créance de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne saisissant le Juge Commissaire de la procédure de redressement judiciaire de M. et Mme [V], dont la mission a pris fin,
Vu les dispositions de l'article 1355 du code civil et les principes « ne bis idem » et d'autorité de la chose jugée,
Déclarer irrecevable la requête aux fins d'admission de sa créance présentée par la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne ;
En tant que de besoin,
Déclarer la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne, irrecevable, en l'ensemble de ses prétentions, demandes, fins et conclusions,
L'en débouter,
Condamner la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne à payer à Mme et M. [V] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire outre la somme de 1 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance,
Ajoutant à l'ordonnance entreprise,
Condamner la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne à payer à Mme et M. [V] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ainsi qu'à supporter les entiers frais et dépens de première instance et d'appel,
Vu les dispositions de l'article 905- 2 du code de procédure civile,
Déclarer les conclusions du Ministère Public en date du 11 avril 2024, irrecevables,
En tout état de cause,
Déclarer le Ministère Public mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
L'en débouter,
A titre infiniment subsidiaire,
Réserver aux M. et Mme [V] le droit à contester la créance de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne.»
Au soutien de leurs prétentions, sur l'annulation de l'ordonnance, M. et Mme [V] se prévalent de l'article 16 du code de procédure civile et soutiennent que le juge commissaire a relevé un moyen d'office sans provoquer la contradiction des parties. M. et Mme [V] précisent que, au vu de l'ordonnance, le juge commissaire évoque se fonder sur une jurisprudence constante selon laquelle la procédure en complément de décision, prévue à l'article 460 du code de procédure civile, n'exclut pas que le chef de demande sur lequel le juge ne s'est pas prononcé soit l'objet d'une nouvelle instance introduite selon la procédure de droit commun, même après l'expiration du délai prévu par ce même article 460. M. et Mme [V] ajoutent qu'il n'est fait aucune référence à cette jurisprudence et qu'il ne peut d'ailleurs en être étant donné que l'article 460 du code de procédure civile ne vise nullement la requête en omission de statuer dont le régime est gouverné par les dispositions de l'article 463 du même code, mais la recevabilité de la demande aux fins de nullité d'un jugement.
M. et Mme [V] soutiennent un second moyen de nullité et invoquent le fait que le juge commissaire ne pouvait pas, après avoir admis la recevabilité des prétentions de la Caisse d'Epargne, statuer sur l'admission de la créance sans rouvrir au préalable les débats afin qu'ils puissent faire valoir leurs contestations éventuelles sur le bien fondé de la créance invoquée.
Sur le fond, M. et Mme [V] se prévalent de l'article R. 631-43 du code de commerce et précisent que les fonctions de juge commissaire et celles de commissaire à l'exécution du plan de redressement ne se confondent pas, celles du premier prenant fin une fois le plan de redressement adopté. Ils exposent que le compte rendu de fin de mission, établi le 02 mai 2019 par le mandataire judiciaire de la procédure de redressement judiciaire a été signé par le juge commissaire le 20 mai 2019 et n'a fait l'objet d'aucun recours et que, en application de l'article précité, l'ordonnance de clôture a nécessairement été rendue.
M. et Mme [V] poursuivent en exposant que l'intimée est mal fondée à se prévaloir de l'article R.621-45 du code de commerce au soutien de la recevabilité de sa demande alors qu'en l'espèce le juge commissaire avait purgé son pouvoir juridictionnel et qu'il était donc dépourvu de tout pouvoir pour statuer sur l'admission d'une nouvelle créance. Ils ajoutent qu'il est erroné de considérer que le rapport annuel de l'exécution du plan prévue à l'article R.626-43 du code de commerce portant sur le plan de sauvegarde et de redressement doit être établi à l'attention du juge commissaire alors que dans le cas présent le rapport doit être déposé au greffe du tribunal en charge de la procédure collective et communiqué au ministère public en vertu du même article.
M. et Mme [V] ajoutent que, en application de l'article R.626-38 alinéa 2 du code de commerce, le mandataire judiciaire rend compte de sa mission au juge commissaire qui met fin à celle-ci, après avoir constaté l'achèvement de la vérification des créances et le versement des sommes dues aux salariés en application de l'article L. 143-11-7 du code du travail.
Sur le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée, M. et Mme [V] affirment, à l'appui de l'article 1355 du code civil, que ce principe induit celui de l'irrévocabilité de la chose jugée correspondant au degré d'intangibilité de la chose jugée. Principe qui, ajoutent-t-ils, a valeur supra législative et a été consacré par la cour Européenne des Droits de l'Homme. Ils évoquent ensuite que si l'autorité de la chose jugée s'attache seulement au dispositif des arrêts et non à leurs motifs, elle s'étend à ce qui est implicitement compris dans le dispositif. Ils exposent que la cour d'appel de Metz, par son arrêt du 24 février 2022, avait définitivement statué sur la non admission de la créance de la Caisse d'Epargne au passif de la procédure collective ce pourquoi ils ont conclu à l'irrecevabilité de la requête déposé par cette dernière tendant à voir prononcer l'admission de sa créance.
Selon M. et Mme [V], le premier juge a, en statuant sur la nouvelle demande de la Caisse d'Epargne, commis un excès de pouvoir non seulement à leur préjudice mais également à celui de l'intérêt collectif des créanciers.
M. et Mme [V] soulignent que le juge commissaire, aux termes de sa seconde décision du 25 février 2021, a bien statué que l'admission des créances de la Caisse d'Epargne et prononcé l'admission de la créance de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne au passif de M. et Mme [V] pour un montant de 431 086,46 euros à titre privilégié et 226,10 euros à titre chirographaire, mais que cette décision a été infirmée en toutes ses dispositions par la cour d'appel de Metz par arrêt du 24 février 2022. Les appelants en déduisent que la nouvelle requête de la Caisse d'Epargne, enregistrée le 10 août 2023 tendant à voir prononcer l'admission de sa créance devant la même juridiction que celle saisie par voie de requête en omission matérielle, subsidiairement en omission de statuer, dans le cadre d'un litige opposant les mêmes parties et ayant le même objet à savoir l'admission de sa créance est irrecevable par application des dispositions de l'article 1355 du code civil.
M. et Mme [V] arguent ensuite que, aux dires de l'intimée, la partie victime dispose d'une option entre adresser une requête en rectification selon la procédure de l'article 463 du code de procédure ou introduire une nouvelle instance selon la procédure de droit commun non soumise au délai d'un an prévu par l'article précité et qu'en l'espèce la Caisse d'Epagne a choisi la première option. Ils ajoutent que, dès lors que la Caisse d'Epargne a opté pour la requête en omission de statuer qui a été définitivement déclarée irrecevable, elle ne pouvait plus présenter une nouvelle requête en admission de sa créance sans méconnaitre l'autorité de la chose jugée attaché à l'arrêt définitif de la cour d'appel de Metz du 24 février 2022.
Les appelants qualifient d'abusive la procédure menée par la Caisse d'Epargne en ce qu'elle n'aurait pas d'autre objectif que de temporiser le plan de redressement et la restitution des fonds détenus par le commissaire à l'exécution du plan. Ils estiment dilatoire et abusive la requête de la Caisse d'Epargne, déposée qu'après que le 17 juillet 2023 Maître [C] ait été sollicitée aux fins de remboursement par M. et Mme [V], ainsi que l'interdiction faite par cette dernière de restituer les fonds par elle à Maître [C] de restituer les fonds comme sollicité par les débiteurs. M. et Mme [V] considèrent donc être en droit de solliciter la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
M. et Mme [V] soutiennent que les conclusions du ministère public du 11 avril 2024 sont irrecevables pour avoir été notifiées au-delà du délai d'un mois visé à l'article 905-2 du code de procédure civile. Les appelants les estiment en tout état de cause mal fondée et renvoient à leurs moyens développés contre les conclusions de la Caisse d'Epargne.
A titre infiniment subsidiaire, dans le cas où la cour viendrait à confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté les exceptions d'irrecevabilité et déclarer, en conséquence, recevable la demande en admission de créance, M. et Mme [V] affirment que leur demande de réserver de leur droit de contester la créance est recevable sur le fondements des articles 910-4 et 564 du code de procédure civile, d'une part parce que cette demande a été formulée dans leurs conclusions justificatives d'appel et, d'autre part, car elle a bien pour finalité de faire écarter à terme les prétentions de l'intimée.
Par conclusions du 12 septembre 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la Caisse d'Epargne demande à la cour d'appel de :
« Dire recevable mais mal fondé l'appel interjeté le 27 novembre 2023 par Mme et M. [V] contre l'ordonnance rendue le 21 novembre 2023 par Mme le juge commissaire de la procédure collective de M. et Mme [V]
Débouter Mme et M. [V] de toutes leurs demandes fins et conclusions
Con'rmer l'ordonnance en toutes ses dispositions
Condamner Mme et M. [V] à verser à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamner Mme et M. [V] en tous les frais et dépens d'instance et d'appel »
Au soutien de ses prétentions, sur la recevabilité de sa demande, la Caisse d'Epargne se prévaut des articles R. 621-25 et R. 626-51 du code de commerce ainsi que L. 626-27 et L. 626-28 du même code et en déduit que si un plan de sauvegarde ou de redressement est adopté, tant que ce plan est en cours d'exécution, le commissaire à l'exécution du plan ne peut établir de compte rendu de fin de mission de sorte que le juge commissaire est toujours en fonction et peu important que le mandataire judiciaire ait établi, auparavant, un compte rendu de fin de mission dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire. Appliquant ce raisonnement à l'espèce, la Caisse d'Epargne affirme que le plan de redressement de M. et Mme [V] est toujours en cours d'exécution et que par conséquent le juge commissaire est toujours en fonction de sorte que la demande qui lui est adressée est recevable.
Sur l'autorité de la chose jugée, la Caisse d'Epargne soutient que le juge commissaire, dans son dispositif de l'ordonnance du 08 février 2018, n'a nullement statué sur sa demande d'admission, ce que confirme l'arrêt de la cour d'appel du 24 février 2022. La Caisse d'Epargne ajoute que le juge commissaire n'a pas davantage statué sur l'admission des créances par son ordonnance du 25 février 2021, celle-ci ayant été infirmée en toutes ses dispositions par l'arrêt du 24 février 2022, d'autant qu'il ressort de cet arrêt que ladite ordonnance n'avait pas été rendue sur le fondement de l'omission de statuer mais sur celui d'une omission matérielle considérée inexistante par la cour. Rappelant que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a déjà fait l'objet d'un jugement, la Caisse d'Epargne allègue que c'est à juste titre que le juge commissaire a rejeté cette exception d'irrecevabilité.
La Caisse d'Epargne expose ensuite que la victime de l'omission de statuer dispose d'une option, et non d'une alternative, soit adresser une requête en recti'cation selon la procédure de l'article 463 du code de procédure civile, ou introduire une nouvelle instance selon la procédure de droit commun, non soumise au délai d'un an prévu par ce même article. La Caisse d'Epargne estime donc que rien ne l'empêchait d'introduire une nouvelle instance en omission de statuer selon la procédure de droit commun dès lors que la cour d'appel de Metz avait déclaré sa demande formée selon la procédure de l'article 463 précité non pas mal fondée mais irrecevable comme tardive. L'intimée ajoute que la recevabilité de la demande n'est pas subordonnée à la saisie de la juridiction de droit commun.
Sur la demande d'annulation formée par M. et Mme [V], la Caisse d'Epargne soutient qu'à aucun moment le débat sur la recevabilité n'a porté en première instance sur la question de savoir si la victime de l'omission de statuer disposait ou non d'une option entre la requête en rectification selon la procédure de l'article 463 et l'introduction d'une nouvelle instance. L'intimée ajoute que les parties se sont implicitement mais nécessairement accordées sur l'existence de cette option, ce que le juge commissaire n'a fait que con'rmer en soulignant qu'il existait une jurisprudence en ce sens. Cette constatation ne constitue, selon la Caisse d'Epargne, nullement un moyen soulevé d'of'ce d'autant plus qu'elle est sans emport sur les demandes d'irrecevabilité tirées de l'inexistence du juge commissaire ou de l'autorité de la chose jugée qui sont les seules qui ont été tranchées et ainsi les seules visées dans l'acte d'appel. La Caisse d'Epargne rappelle qu'en tout état de cause, l'article 562 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement.
Sur la demande de réserve des droits à contester la créance formée par M. et Mme [V], la Caisse d'Epargne se prévaut de l'article 910-4 du code de procédure civile rappelant que, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées à l'article 905-2 du même code, l'ensemble de leurs prétentions sur le fonds. L'intimée ajoute que l'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées les prétentions ultérieures. La Caisse d'Epargne soutient que cette demande de réserve est une demande nouvelle de M. et Mme [V], en application de l'article 564 du code de procédure civile.
La Caisse d'Epargne affirme ensuite que, par ordonnance du 08 décembre 2018, M. et Mme [V] ont été déboutés de l'ensemble de leurs contestations, que l'appel contre cette ordonnance du juge commissaire a été déclaré caduc par arrêt du 09 mai 2019 de la cour d'appel de Metz et que le pourvoi formé contre cet arrêt a fait l'objet d'une décision de rejet rendue le 02 juillet 2020 par la cour de Cassation. L'intimée en déduit que les contestations ultérieures formées par M. et Mme [V] se heurteront à l'autorité de la chose jugée. L'intimé estime enfin produire les éléments justifiant sa créance.
Par conclusions du 11 avril 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le ministère public demande à la cour d'appel de :
« Déclarer l'appel recevable,
Confirmer l'ordonnance rendue le 21 novembre 2023 par le juge commissaire du tribunal judiciaire de Thionville. »
Au soutien de ses prétentions, le ministère public considère l'appel de M. et Mme [V] recevable pour avoir été interjeté dans le délai de dix jours prévus à l'article R. 661-3 du code de commerce.
Sur le maintien des fonctions du juge commissaire, le ministère public se prévaut de l'article R. 621-25 du code de commerce et considère qu'en l'espèce le plan de redressement était en cours d'exécution au moment où la requête a été déposée et que donc rien ne s'opposait la saisine du juge commissaire pour faire admettre une créance au passif de la procédure puisque, conformément aux articles L. 626-27 et L. 626-28 du code de commerce, sa mission est toujours en cours. Le ministère public en déduit que la demande aux fins d'admettre la créance ne souffre d'aucune irrecevabilité.
Sur l'autorité de la chose jugée, le ministère soulève l'application des articles 1355 du code civil et 463 du code de procédure civile et ajoute qu'il est de jurisprudence constante que la procédure en complément de décision, prévue à l'article 460 du code de procédure civile, permet que le chef de demande sur lequel le juge ne s'est pas prononcé soit l'objet d'une nouvelle instance. En l'espèce, le ministère public relève que le juge commissaire, par ordonnance du 08 février 2018, n'a pas statué sur la demande concernant l'admission de la créance de la Caisse d'Epargne et que, par arrêt du 24 février 2022, la cour d'appel a déclaré irrecevable la demande sur le fondement invoqué et sur les délais impartis. Considérant que la procédure est toujours en cours et que la demande n'a finalement jamais été tranchée, le ministère public estime que la Caisse d'Epargne est en droit d'introduire une nouvelle instance sur la base de la même demande.
Le ministère public ajoute que, dans le but d'éviter un déni de justice, c'est à bon droit que le juge commissaire à tranché cette demande.
MOTIFS DE LA DECISION :
A titre liminaire, il est observé que chacune des parties sollicite la recevabilité de l'appel principal. Il y a donc lieu de le déclarer recevable.
Enfin, il est observé que si l'infirmation du chef de l'ordonnance ayant rejeté la demande d'amende civile est sollicitée, aucune demande ni aucun moyen au titre de l'amende civile n'est évoqué contrairement aux exigences de l'article 954 du code de procédure civile.
Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance sur ce point.
Sur la demande de nullité de l'ordonnance
L'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
L'article 542 du code de procédure civile dispose que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
Il est constant que l'atteinte au principe du contradictoire est une cause de nullité du jugement.
En l'espèce, aucune des conclusions de première instance ne sont produites à hauteur d'appel de sorte que la cour n'est pas en mesure de relever un éventuel moyen relevé d'office et non soumis à la contradiction par le juge commissaire.
Il est précisé en outre que le seul fait que la jurisprudence évoquée par le juge-commissaire ne soit pas précisément citée ne suffit pas à établir l'existence d'une atteinte au principe du contradictoire.
Encore, M. et Mme [V] étaient parties à la procédure de première instance, dont il est rappelé qu'elle a été initiée par une requête en admission d'une créance. Ils ont ainsi pu présenter leurs conclusions de sorte qu'ils étaient en mesure d'exposer leurs éventuelles contestations de la créance et cela même s'ils avaient pour demande principale la fin de non recevoir de la requête de la Caisse d'Epargne. Le juge-commissaire n'a donc pas violé le principe du contradictoire en statuant sur l'admission de la créance sans rouvrir les débats après avoir statué sur la recevabilité de la requête en admission.
L'atteinte au principe du contradictoire n'est donc pas démontré et la demande de nullité doit en conséquence être rejetée.
Sur la demande d'irrecevabilité des conclusions du ministère public
Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 905-2 du code de procédure civile, en sa version applicable à l'espèce, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
Toutefois, il est constant que les délais de procédure s'appliquent au ministère public dès lors qu'il est partie principale à l'instance.
Il convient donc dans un premier temps de déterminer si le ministère public agit dans l'espèce en tant que tel.
En application des articles 422 et 423 du code de procédure civile, le ministère public agit d'office dans les cas spécifiés par la loi et, en dehors de ces cas, peut agir pour la défense de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci. Il agit dans ces circonstances en tant que partie principale.
L'article 424 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le ministère public est partie jointe lorsqu'il intervient pour faire connaître son avis sur l'application de la loi dans une affaire dont il a communication.
Enfin, en application de l'article 425 du code de procédure civile, le ministère public doit notamment avoir communication des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.
De plus, aucun texte ne permet au ministère public d'agir d'office en matière de vérification des créances.
En l'espèce, s'agissant d'un appel sur une ordonnance du juge commissaire statuant en matière de vérification des créances dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le ministère public n'intervient pas dans la procédure en tant que partie principale mais en tant que partie jointe. Il n'est donc pas soumis aux délais prescrits par l'article 905-2 précité.
La demande d'irrecevabilité des conclusions du ministère public est donc rejetée.
Sur les demandes d'irrecevabilité de la requête de la Caisse d'Epargne
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il est constant que l'article précité ne procède pas à une énumération exhaustive des fins de non recevoir.
M. et Mme [V], au soutien de leur demande d'irrecevabilité de la requête de la Caisse d'Epargne, évoquent l'autorité de la chose jugée et le défaut de pouvoir juridictionnel du juge commissaire. Il convient d'étudier ces moyens successivement.
Sur le fondement de la chose jugée
L'article 1355 du code civil dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 463 du code de procédure civile, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité.
Il est constant que l'autorité de chose jugée ne s'attache que sur ce qui a été tranché par une juridiction.
Il est également constant que la requête en omission de statuer n'exclue pas que le chef de demande sur lequel le juge ne s'est pas prononcé soit l'objet d'une nouvelle instance introduite selon la procédure de droit commun, même après l'expiration du délai prévu à l'article 463 du code de procédure civile.
En l'espèce, il ressort de l'arrêt du 24 février 2022 rendu par la cour d'appel de Metz que celle-ci a statué sur les requêtes en omission matérielle et en omission de statuer, déposées par la Caisse d'Epargne contre l'ordonnance du juge commissaire du 08 février 2018 en ce qu'elle n'a pas statué sur l'admission de sa créance. La cour d'appel a rejeté la requête en omission matérielle, constatant dans sa motivation qu'il ne s'agissait pas d'une erreur matérielle mais d'une omission de statuer sur la demande d'admission des créances, et déclaré irrecevable la requête en omission de statuer pour cause de prescription.
Il apparait ainsi que si l'arrêt précité revêt l'autorité de la chose jugée, celle-ci ne s'attache qu'à l'irrecevabilité de la requête en omission de statuer mais non au bien fondé de l'admission ou non de la créance. De même, si l'ordonnance du 08 février 2018 revêt également l'autorité de la chose jugée, celle-ci n'est attachée qu'à ce qu'elle tranche dans son dispositif, or aucun chef d'admission ou de rejet de la créance n'y figure.
De plus, le rejet des contestations de M. et Mme [V], tranché dans l'ordonnance du 08 février 2018, ne saurait valoir implicitement admission ou rejet de la créance, d'autant qu'une demande en ce sens avait été précisément formulée mais qu'elle n'a pas été tranchée.
Ainsi, étant constaté que ni l'ordonnance du 08 février 2018, ni l'arrêt de la cour d'appel de Metz du 24 février 2022 n'a statué sur l'admission de la créance de la Caisse d'Epargne et alors même que cette prétention avait été soulevée par la Caisse d'Epargne à l'occasion de la procédure de vérification des créances, la saisine du juge commissaire par requête aux fins de voir déclarer sa créance admise présentée par la Caisse d'Epargne le 10 aout 2023 ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée.
De plus, étant établi que la requête en admission de statuer ne se heurte à aucune autorité de la chose jugée, le juge commissaire, en statuant sur cette demande, n'a pas excédé son pouvoir juridictionnel.
Ensuite, l'option évoquée par M. et Mme [V] entre la requête en omission de statuer et la procédure de droit commun, si elle existe effectivement, n'emporte pas exclusion de celle des deux voies de droit qui n'a pas été choisie. Le choix initial de la requête en omission de statuer par la Caisse d'Epargne ne fait donc pas obstacle à ce que cette dernière initie une nouvelle procédure afin qu'il soit statué sur sa demande d'admission.
De plus, le terme de « droit commun » doit être entendu non pas au sens stricte et exclusif de tout droit spécial, tel le droit commercial, mais comme marquant la différence avec la voie de recours dérogatoire énoncée par l'article 463 du code de procédure civile. Il s'en suit que rien ne s'oppose à ce que la Caisse d'Epargne puisse initier une nouvelle instance auprès du juge commissaire, quand bien même celle-ci relève du droit spécial des entreprises en difficulté.
En définitive, l'autorité de la chose jugée attachée à l'irrecevabilité de la requête en omission de statuer ne fait pas obstacle à la nouvelle action initiée par la Caisse d'Epargne devant le juge commissaire par requête du 10 aout 2023.
Le moyen est donc rejeté.
Sur la compétence juridictionnelle du juge-commissaire
Aux termes de l'article L.624-2 du code de commerce, le juge commissaire est notamment compétent pour statuer sur l'admission ou le rejet des créances, ou de constater soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.
L'article R. 621-25 du code de commerce, applicable à la procédure de redressement judiciaire en vertu de l'article R. 631-16 du même code, dispose que les fonctions du juge-commissaire et des contrôleurs prennent fin au jour où le compte rendu de fin de mission de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et, le cas échéant, du commissaire à l'exécution du plan, a été approuvé.
Il est constant que le juge commissaire dispose d'une compétence exclusive en matière d'admission ou de rejet des créances et que le défaut de pouvoir juridictionnelle est une fin de non recevoir.
D'abord, si les fonctions de juge commissaire et de commissaire à l'exécution du plan ne se confondent effectivement pas, la mission du premier ne prend fin que lorsqu'il approuve le compte rendu de fin de mission du second. La mission du juge commissaire se poursuit donc même après la désignation du commissaire à l'exécution du plan lors de l'homologation du plan de redressement.
En l'espèce, il apparait que le mandataire judiciaire a déposé un compte rendu de fin de mission qui a été approuvé par le juge commissaire le 20 mai 2019.
Cependant, alors que M. et Mme [V] bénéficient d'une procédure de redressement judiciaire pour laquelle un commissaire à l'exécution du plan a été désigné, en la personne de Mme [C], par jugement du tribunal de grande instance de Thionville du 05 octobre 2018, aucun compte rendu de fin de mission de ce dernier n'est produit.
S'il y a identité de personne entre le mandataire judiciaire et le commissaire à l'exécution du plan, en la personne de Mme [C], le rapport de fin de mission approuvé par le juge commissaire le 20 mai 2019 n'a été déposé qu'en ce qui concerne la mission de mandataire judiciaire.
Le dépôt d'un compte rendu de fin de mission par le commissaire à l'exécution du plan, approuvé par le juge-commissaire, n'est donc pas établi de sorte que la procédure est encore en cours et, par conséquent, le juge-commissaire toujours compétent s'agissant de l'admission des créances.
Ce moyen d'irrecevabilité doit donc également être rejeté.
La requête en admission de la créance présentée par la Caisse d'Epargne doit donc être déclarée recevable.
L'ordonnance sera confirmée sur ce point.
Sur l'admission de la créance
Pour rappel, l'article L. 624-2 du code de commerce dispose que, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.
En l'espèce, la Caisse d'Epargne a déclaré sa créance le 28 mars 2017 pour la somme de 431 086,46 euros à titre privilégié, M. et Mme [V] ont contesté cette créance et le juge commissaire, par ordonnance du 08 février 2018, a rejeté leurs contestations, en omettant néanmoins de statuer sur l'admission ou le rejet de la créance déclarée.
D'abord, il est observé que les moyens soulevés par la Caisse d'Epargne à l'encontre de la demande de réserves formée par M. et Mme [V] reposent sur des hypothèses de demandes adverses futures et leur potentielle irrecevabilité. Cependant, la cour ne peut statuer sur l'avenir de sorte que ces moyens sont actuellement inopérants.
Ensuite, même à supposer que l'autorité de la chose jugée sur les contestations de créance de M. et Mme [V] ne soit pas acquise, rien ne justifie de leur réserver le droit de présenter ultérieurement leurs contestations alors qu'ils le pourraient dès à présent.
La demande de réserve du droit à contestation de la créance est donc rejetée. Il y sera ajouté à l'ordonnance qui n'a pas statué sur ce point.
Ceci étant, il apparait qu'aucune contestation de la créance n'est soulevée hormis les fins de non recevoir qui ont été rejetées.
Rien de s'oppose donc à ce que la créance de la Caisse d'Epargne, s'élevant à 431 086,46 euros à titre privilégié soit admise au passif de la procédure collective de M. et Mme [V].
Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance sur ce point.
Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive
Il résulte des articles 1240 et 1241 du code civil que l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, le seul fait qu'il soit fait droit à la demande d'admission de la créance suffit à démontrer l'absence de tout abus dans l'action en justice initiée par la Caisse d'Epargne.
La demande est donc rejetée.
L'ordonnance est confirmée sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La cour confirme l'ordonnance rendue par le juge-commissaire près le tribunal judiciaire de Thionville le 21 novembre 2023 en ce qu'il a débouté M. [P] [V] et de Mme [F] [G], épouse [V] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
Cependant il a été omis de les condamner aux dépens de première instance, il y sera ajouté.
Y ajoutant, M. et Mme [V] succombant à hauteur de cour, l'équité commande de les condamner à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. et Mme [V] aux dépens d'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
Déclare recevable l'appel principal ;
Rejette la demande de nullité de l'ordonnance ;
Déclare recevable la requête en contestation de créance ;
Rejette la demande d'irrecevabilité des conclusions du ministère public ;
Confirme l'ordonnance rendue le 21 novembre 2023 par le juge commissaire près le tribunal judiciaire de Thionville en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute les M. [P] [V] et Mme [F] [V] née [G] de leur demande de réserve du droit de contestation de la créance ;
Condamne M. [P] [V] et Mme [F] [V] née [G] aux dépens de première instance et d'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective ;
Condamne M. [P] [V] et Mme [F] [V] née [G] à payer à la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Le Greffier La Présidente de Chambre