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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 1, 6 mars 2025, n° 23/01851

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 23/01851

6 mars 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 06/03/2025

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/01851 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U3OD

Ordonnance (N° 2023000789) rendue le 28 mars 2023 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Douai

APPELANTE

SAS Anortep prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Stéphane Campagne, avocat au barreau de Béthune, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur le Comptable public chargé du pôle de recouvrement spécialisé du Nord

demeurant en cette qualité [Adresse 3]

[Adresse 4]

représenté par Me François-Xavier Wibault, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué

SCP Alpha MJ prise en la personne de Me [J] [P] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SAS Anortep

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 08 janvier 2025 tenue par Aude Bubbe magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Béatrice Capliez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Aude Bubbe, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 mars 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Béatrice Capliez, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 décembre 2024

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement du 5 février 2020, le tribunal de commerce de Douai a ouvert au bénéfice de la SAS Anortep une procédure de redressement judiciaire et désigné la SCP Alpha MJ, prise en la personne de Me [J] [P], en qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception reçue le 9 avril 2020, le comptable public chargé du pôle de recouvrement spécialisé du Nord (le PRSN) a déclaré une créance d'un montant de 424 457,70 euros, dont 53 428,70 euros à titre privilégié et 371 029 euros à titre provisionnel, entre les mains du mandataire.

Lors de la vérification du passif, la société Anortep a contesté cette créance, ne se reconnaissant débitrice que de la somme de 28 847 euros.

Par lettres recommandées avec demande d'accusé de réception reçues les 18 mai, 2 novembre, 23 novembre et 8 décembre 2020, le PRSN a demandé l'admission à titre définitif de créances déclarées à titre provisionnel au titre des impôts sur le revenu, de la TVA et de la CFE pour les montants de 325 euros, 17 502 euros, 28 847 euros et 1 375 euros, abandonnant le surplus des créances initialement déclarées à titre provisionnel.

Par jugement du 3 novembre 2021, la société Anortep a bénéficié d'un plan de redressement par voie de continuation, qui a désigné la SCP Alpha MJ, prise en la personne de Me [J] [P], en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par ordonnance du 28 mars 2023, le juge-commissaire a :

- jugé la contestation de la société Anortep partiellement fondée,

- admis la créance du PRSN à la somme de 101 727,70 euros, dont 101 477,70 euros à titre privilégié et 250 euros à titre provisionnel,

- dit qu'il en sera fait mention par les soins du greffe sur l'état des créances en application de l'article R.624-8 du code de commerce,

- ordonné la notification de l'ordonnance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 avril 2023, la société Anortep, représentée par son président, a relevé appel de l'ensemble des chefs de cette ordonnance aux fins d'infirmation ou d'annulation, intimant le PRSN et le commissaire à l'exécution du plan.

Par ordonnance du 30 mai 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident en irrecevabilité d'appel dont le PRSN l'avait saisi et l'a condamné à verser à la société Anortep la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'incident.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 23 juillet 2024, la société Anortep demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a admis au passif de sa procédure collective une créance au bénéfice du PRSN à la somme de 101 727,70 euros, dont 101 477,70 euros à titre privilégié et 250 euros à titre provisionnel,

Statuant à nouveau,

- juger que cette créance est dénuée de tout fondement,

- la rejeter purement et simplement,

- condamner le PRSN à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le

11 octobre 2023, le commissaire à l'exécution du plan demande à la cour de lui donner acte qu'il s'en rapporte sur les mérites de l'appel et de débouter toutes parties de toutes demandes à son encontre.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le

23 septembre 2024, le PRSN demande à la cour de :

In limine litis,

- déclarer irrecevables comme nouvelles l'ensemble des demandes formulées par la société Anortep en cause d'appel,

A titre subsidiaire,

- déclarer irrecevables les demandes formulées par la société Anortep en cause d'appel compte tenu de son acquiescement en première instance,

En tout état de cause,

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

- condamner la société Anortep à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 18 décembre 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 8 janvier 2025.

MOTIFS

Sur le caractère nouveau des demandes

Sur le fondement des articles 564 et 565 du code de procédure civile, le PRSN souligne que la société Anortep ne peut solliciter le rejet de sa créance en cause d'appel alors qu'elle a acquiescé à l'audience devant le juge-commissaire aux montants actualisés déclarés et que la demande de rejet constitue dès lors une demande nouvelle. Elle fait valoir que la demande de rejet ne constitue ni l'accessoire, ni le complément de celles formées en première instance.

Visant les articles 408 et 384 du code de procédure civile, la société Anortep expose que les dispositions relatives aux procédures collectives sont d'ordre public et que par conséquent, elle ne pouvait valablement acquiescer aux demandes du PRSN dans le cadre de la procédure de déclaration et de vérification des créances. Elle souligne qu'aucun désistement n'a été acté et qu'elle n'a pas pu valablement acquiescer au montant actualisé en l'absence de pièces produites par le PRSN. Elle indique avoir sollicité les observations de l'URSSAF sur le montant actualisé par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 22 mai 2023.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

En l'espèce, si la société Anortep demande pour la première fois devant la cour d'appel le rejet pur et simple de la créance déclarée par le PRSN, il apparaît que cette demande tend à faire écarter les prétentions de ce dernier.

Dès lors, il n'y aura pas lieu de considérer que cette demande est irrecevable comme nouvelle.

Sur l'acquiescement

Pour fixer au passif de la procédure la créance du PRSN, le juge-commissaire a fait mention des montants déclarés initialement, de la contestation de la société Anortep ne se reconnaissant débitrice que de la somme de 28 847 euros, des montants actualisés déclarés par le PRSN et de l'acquiescement de la société Anortep à ces montants actualisés lors de l'audience.

Au visa des articles 408 et 410 du code de procédure civile, le PRSN souligne que l'ordonnance querellée mentionne que la société Anortep a acquiescé aux montants actualisés qu'il a déclarés à l'audience devant le juge-commissaire. Il expose que cet acquiescement fait obstacle à ce qu'elle conteste désormais sa créance. Il fait valoir que le conseiller de la mise en état a précisé que l'ordre public attaché à la procédure de déclaration de créances interdisait de se prévaloir de l'acquiescement uniquement au stade de la recevabilité de l'appel. Il indique que la société Anortep était représentée par son représentant légal et son conseil lors de l'audience devant le juge-commissaire et que l'acquiescement a été formé en parfaite connaissance de cause. Il en conclut que les demandes de la société Anortep en appel sont irrecevables. Sur le fond, il expose que les sommes réclamées au titre de la TVA, du prélèvement à la source et de la CFE sont reprises dans les avis de mise en recouvrement, qui valent titre exécutoire en application de l'article L.252A du livre des procédures fiscales et qu'il a produits dans le délai légal au mandataire judiciaire.

Sur le fondement des articles 914 et 916 du code de procédure civile, la société Anortep soulève l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du conseiller de la mise en état, qui est devenue définitive, pour faire écarter les demandes du PRSN tendant à nouveau à déclarer ses demandes irrecevables. Elle affirme que l'acquiescement était impossible alors que les règles de vérification des créances sont d'ordre public. Elle fait valoir que peut être révoqué l'acquiescement vicié par une erreur de droit manifeste alors qu'elle a cru que les sommes pouvaient être inscrites au passif, ce qu'elle estime désormais impossible en l'absence de titre exécutoire prévu par les articles L.622-24 et L.624-1 du code de commerce.

Aux termes de l'article 408 du code de procédure civile, 'l'acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action.

Il n'est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition.'

Pour l'application de ce texte, peut être révoqué l'acquiescement à la demande que vicie une erreur de droit (Civ. 2e, 20 oct. 1982, no 81-14.296).

En l'espèce, si le conseiller de la mise en état a débouté le PRSN de sa demande tendant à voir déclarer l'appel irrecevable, il ne se prononce pas sur la recevabilité des demandes présentées par la société Anortep.

En conséquence, l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée au PRSN de ce chef.

Par ailleurs, si les règles concernant la procédure de déclaration et de vérification des créances sont d'ordre public en ce qui concerne la recevabilité de l'appel, aucune règle n'interdit au débiteur qui vérifie le passif de le contester ou non et de ne plus le contester si le créancier déclarant justifie de sa créance, ce qui constitue l'objectif même de la procédure de vérification de créance.

En outre, si la société Anortep invoque l'existence d'une erreur de droit concernant la possibilité pour les sommes déclarées par le PRSN d'être inscrites au passif de sa procédure collective, elle ne conteste pas l'existence-même de son acquiescement relevé par l'ordonnance du juge-commissaire, l'absence de mention d'un désistement consécutif à l'acquiescement constaté étant sans effet sur la validité de celui-ci.

Or, il ressort de l'ordonnance querellée que la société Anortep était représentée à l'audience par son président et assistée de son conseil.

En outre, les dispositions de l'article L.622-24 du code de commerce prévoyant la nécessité pour le Trésor public de procéder à la déclaration de ses créances à titre définitif dans le délai d'un an suivant la publication du jugement d'ouverture sont anciennes et dénuées de toute ambiguïté.

Enfin, si plus de deux ans après l'audience du 3 mars 2021 devant le juge-commissaire, la société Anortep a demandé à l'URSSAF de justifier du montant de ses créances par courrier recommandé adressé le 22 mai 2023, il résulte tant de la déclaration initiale que des déclarations complémentaires que le PRSN n'a déclaré aucune somme correspondant à des cotisations sociales impayées mais uniquement des impôts (TVA, CFE et impôts sur le revenu), dont la société Anortep avait connaissance puisqu'elle évoquait la somme de 28 847 euros, reprise dans l'avis de mise en recouvrement du 30 octobre 2020, qui constitue un titre exécutoire en application de l'article L.252A du livre des procédures fiscales, établi pour la rectification de la TVA due de juin 2016 à mars 2019.

Dès lors, l'existence d'une erreur de droit ne peut être retenue et l'acquiescement constaté par le juge-commissaire est parfait et rend irrecevable l'ensemble des demandes de la société Anortep.

Sur les demandes accessoires

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Anortep sera condamnée à verser la somme de 2 500 euros, en cause d'appel.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Anortep sera condamnée aux dépens d'instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevables les demandes de la société Anortep tendant à l'infirmation, au rejet pur et simple de la créance du comptable public chargé du pôle de recouvrement spécialisé du Nord et à sa condamnation aux frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens,

Condamne la société Anortep à verser au comptable public chargé du pôle de recouvrement spécialisé du Nord la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Anortep aux dépens.

Le greffier

Béatrice Capliez

Le président

Dominique Gilles

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