CA Angers, ch. a - com., 4 mars 2025, n° 20/01675
ANGERS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
CC/CG
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 20/01675 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EXNZ
jugement du 30 Octobre 2020
Tribunal de Commerce du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 17/05675
ARRET DU 04 MARS 2025
APPELANT :
Monsieur [I] [V]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Me Alain Léopold STIBBE, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A.S. INGENIERIE FINANCIERE DU PATRIMOINE ET DE LA PREVO YANCE représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
S.A. MUTUELLES DU MANS IARD représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentées par Me Nicolas MARIEL, substituant Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocats postulants au barreau d'ANGERS - N° du dossier 21A00475 et par Me Gilles LASRY, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 03 Décembre 2024 à 14H00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme GANDAIS, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 04 mars 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société Ingénierie financière du patrimoine et de la prévoyance (dite IFPP), assurée par la société Covéa Risks aux droits de laquelle vient la société MMA IARD, exerce une activité de conseiller en investissement financier et en gestion de patrimoine.
Elle conseillait M. [I] [V], rugbyman professionnel, pour la souscription de produits de défiscalisation ou la réalisation de placements financiers. Dans ce cadre, elle lui a proposé d'investir dans un produit d'investissement dans l'énergie photovoltaïque, proposé par la société (SA) Solabios. L'investissement proposé portait sur le financement d'une ou plusieurs centrales photovoltaïques, d'un prix unitaire de 17 677 euros HT, qui étaient acquises par une ou plusieurs sociétés en participation (SEP) et étaient exploitées par la SA Solabios en vertu d'un contrat de location. La SA Solabios revendait ensuite l'énergie électrique produite à EDF. Le loyer de la location revenant à l'investisseur était fixé à 8% de la valeur HT de l'investissement, revalorisé annuellement de 1,5%, payable 'comptant par trimestre échu, sans escompte d'avance et le premier de chaque trimestre'. La SA Solabios s'engageait à procéder au rachat de matériel au terme de la première période de 10 ans et à un montant équivalent à 87% du prix d'acquisition HT.
Le 11 mai 2011, la SARL IFPP a établi une 'attestation de reconnaissance de conseils donnés' à M. [V]. Le même jour, par son intermédiaire, M. [V] a conclu avec la SA Solabios un contrat (n°4738) par lequel il a investi une somme de 84 566,77 euros TTC correspondant à l'achat de quatre centrales photovoltaïques. M. [V] est ainsi devenu associé d'une SEP, et en l'occurrence détenteur de 400 parts sociales de la SEP 39. Il était prévu que le premier loyer serait versé par la SA Solabios au deuxième trimestre 2012.
La SA Solabios a connu d'importantes difficultés financières qui l'ont conduite à suspendre le paiement des loyers dus aux SEP. Par lettre du 11 juillet 2012, M. [S] [M], mandataire ad hoc de la SA Solabios désigné par le tribunal de commerce de Paris, a informé l'ensemble des investisseurs, dont M. [V], du gel du versement des loyers, et que des solutions seraient proposées en septembre 2012.
Selon contrat 'd'émission obligations convertibles en actions' daté du 3 janvier 2013, la SA Solabios, indiquant qu'elle réalisait jusqu'à présent son activité au travers de SEP, réunissant plusieurs investisseurs, a entendu émettre au profit des investisseurs des obligations convertibles en actions nouvelles de la SA Solabios qui seraient souscrites par compensation avec les créances provenant du rachat par elle-même des parts de la SEP détenues par les investisseurs. Selon bulletin de souscription daté du 3 janvier 2013, M. [V] a souscrit à 82 986 obligations de la SA Solabios et a déclaré libérer sa souscription, soit 84 567 euros, par compensation avec une créance certaine, liquide et exigible de 84 567 euros détenue par la SA Solabios, provenant du rachat, par ladite société de l'ensemble des parts de la société en participation SEP détenues par l'investisseur, intervenu conformément à l'acte de cession de parts sociales daté du 3 janvier 2013.
Par jugement du 17 octobre 2013, le tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SA Solabios. Le 20 décembre 2013, le redressement judiciaire de la SA Solabios a été prononcé, converti, le 4 février 2015, la SA Solabios en liquidation judiciaire. Par suite, par jugement du 29 juin 2015, un plan de cession a été adopté au profit d'une société Réaton qui a repris toutes les participations, droits et créances des SEP du groupe Solabios. La SA Solabios a cessé son activité.
M. [V] a déclaré une créance de 84 566,77 euros au passif de la procédure collective de la SA Solabios.
Les 6 et 9 juin 2017, M. [V] a fait assigner la société IFPP et son assureur, la société MMA IARD, devant le tribunal de commerce du Mans en indemnisation de son préjudice consécutif aux prétendus manquements de la société IFPP.
Le 16 septembre 2019, le mandataire judiciaire de la SA Solabios a adressé à M. [V] un certificat d'irrecouvrabilité.
En l'état de ses dernières écritures devant le tribunal, M. [V] lui a demandé la condamnation de la SAS IFPP et de la société MMA IARD à lui payer 100% de sa perte de chance de mieux investir, soit la somme de 84 566,77 euros, correspondant au montant investi, actualisée à un taux moyen de 5% depuis la date de souscription de chaque contrat jusqu'à parfait paiement et la somme de 22 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.
En réponse, la société IFPP et la société MMA IARD ont sollicité du tribunal, qu'il déclare irrecevables ces demandes, subsidiairement, qu'il les rejette.
Par jugement du 30 octobre 2020, le tribunal de commerce du Mans a :
- débouté la SAS IFPP de sa demande d'irrecevabilité de l'action engagée par M. [V],
- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné M. [V] à payer à la SAS IFPP, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] à payer aux sociétés MMA IARD venant aux droits de la société Covéa Risks, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] aux entiers dépens de l'instance,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par déclaration du 26 novembre 2020, M. [V] a relevé appel de ce jugement sauf en ce qu'il déclare ses demandes recevables ; intimant la SAS IFPP et la SA MMA IARD venant aux droits de la société Covéa Risks.
La société IFPP et la société MMA IARD, qui ont constitué avocat, ont formé appel incident.
Selon avis adressé à leurs conseils respectifs le 29 septembre 2021, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel d'Angers a invité les parties à s'interroger sur l'opportunité de mettre en oeuvre une mesure de médiation judiciaire pour trouver une solution à leur différend. Les parties se sont opposées à l'instauration d'une telle mesure.
Une ordonnance du 18 novembre 2024 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [V] sollicite de la cour qu'elle :
vu les articles 1147 et 1315 du code civil,
vu l'article L. 124-3 du code des assurances,
vu les articles L. 228-54 et L. 622-20 du code de commerce,
vu les articles 325-3, 325-4 et 325-7 du règlement général de l'Autorité des Marchés Financiers,
- confirme le jugement du tribunal de commerce du Mans du 30 octobre 2020 en ce qu'il a débouté l'IFPP de sa demande d'irrecevabilité fondée sur les articles L. 228-54 et L. 622-20 du code de commerce,
- infirme le jugement du tribunal de commerce du Mans du 30 octobre 2020 pour le surplus,
statuant à nouveau,
- condamne la société IFPP et la société MMA IARD à lui payer la somme de 84 566,77 euros,
- condamne la société IFPP et la société MMA IARD à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- déboute les sociétés IFPP et MMA IARD de leur appel incident et de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamne la société IFPP et la société MMA IARD à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société IFPP et la société MMA IARD aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société IFPP et la société MMA IARD venant aux droits de la société Covéa Risks demandent à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS IFPP de sa demande d'irrecevabilité de l'action engagée par M. [V],
statuant à nouveau,
vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile,
vu l'article L. 228-54 du code de commerce,
tenant la désignation de la société Wise en qualité de représentant des obligataires,
tenant l'action de M. [V] qui s'inscrit dans la défense des intérêts communs des obligataires,
- le déclarer irrecevable en ses demandes ;
vu l'article L. 622-20 du code de commerce,
tenant la volonté de M. [V] d'obtenir paiement par un tiers des sommes dont ils sont créanciers à l'égard de la société Solabios,
tenant la nécessité de reconstituer l'actif social qui n'appartient qu'au liquidateur,
- dire et juger M. [V] irrecevable à agir ;
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes et rejeté l'action en responsabilité d'IFPP,
en tant que de besoin,
- dire et juger que M. [V] a obtenu tout renseignement nécessaire de la part d'IFPP qui a satisfait au devoir de conseil lui incombant notamment en faisant signer au client une reconnaissance d'avis donné,
- dire et juger que M. [V] est un investisseur aguerri qui a contracté en connaissance de cause,
- dire et juger que la société IFPP n'a commis aucune faute,
- dire et juger qu'IFPP ne pouvait prévoir ni la déconfiture de Solabios ni les fraudes commises par les dirigeants de Solabios,
- dire et juger que la faillite de Solabios est due aux malversations de ses dirigeants et qu'IFPP y est étrangère,
- dire et juger que l'échec de l'investissement effectué par M. [V] résulte de la déconfiture de Solabios,
- dire et juger que M. [V] ne justifie d'aucun préjudice direct actuel et certain,
- dire et juger que M [V] ne justifie d'aucun préjudice imputable à IFPP et en relation directe de causalité,
en conséquence,
- le débouter de ses demandes,
en toutes hypothèses,
- condamner M. [V] à leur payer la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties au soutien de leur prétentions, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 9 août 2021 pour M. [V],
- le 7 mai 2021 pour les sociétés IFPP et MMA IARD venant aux droits de la société Covéa Risks.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'action au regard du monopole d'action dévolu au liquidateur judiciaire
Il résulte des dispositions des articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce que seul le représentant des créanciers a qualité pour agir en justice en vue de demander réparation du préjudice collectivement subi par les créanciers du fait de la procédure collective, et que ce préjudice collectif ne peut donner lieu à une action individuelle d'un créancier.
Les intimés soutiennent que l'action de l'appelant est irrecevable en ce qu'elle s'oppose au monopole d'action dévolu au liquidateur judiciaire de Solabios qui a seul qualité pour agir dans l'intérêt collectif des créanciers en application de l'article L. 622-20 du code de commerce. Ils considèrent que M. [V], qui, d'une part, a déclaré une créance dans la procédure collective de la société Solabios et, d'autre part, a opté pour la conversion des parts de SEP en obligations de la société Solabios, en sorte que sa créance est devenue une créance obligataire directe contre la société Solabios, réclame, sous couvert d'un préjudice indemnitaire, le remboursement, par un tiers, d'une créance qu'il détient à l'égard de la société Solabios en demandant l'allocation d'une somme correspondant au montant de son investissement, quand seul le liquidateur judiciaire a qualité à agir contre les tiers pour reconstituer l'actif social aux lieu et place de M. [V].
M. [V] répond exactement que son action n'a pas pour finalité de réparer le préjudice résultant de l'impossibilité de recouvrer sa créance contre la société Solabios mais l'indemnisation d'un préjudice propre résultant des fautes de la société IPFP à l'origine d'une perte de chance de mieux investir ses capitaux, ce qui est étranger à la reconstitution du gage commun des créanciers de la société Solabios. Il a donc un intérêt distinct de l'intérêt collectif des créanciers de Solabios.
Sur la recevabilité de l'action au regard du monopole d'action du représentant de la masse des obligataires de la société Solabios :
L'article L. 228-54 du code de commerce dispose que : 'Les représentants de la masse, dûment autorisés par l'assemblée générale des obligataires, ont seuls qualité pour engager, au nom de ceux-ci, les actions en nullité de la société ou des actes et délibérations postérieurs à sa constitution, ainsi que toutes autres actions en justice ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires, et notamment requérir la mesure prévue à l'article L.237-14.
Les actions en justice dirigées contre l'ensemble des obligataires d'une même masse ne peuvent être intentées que contre le représentant de cette masse.'
Les intimés, après avoir relevé que M. [V] a opté pour la conversion de ses parts qu'il détenait dans les sociétés en participation en obligations convertibles en actions Solabios, font valoir qu'en tant qu'obligataires de Solabios, il aurait dû agir par l'intermédiaire du représentant de la masse, seul recevable pour agir dans l'intérêt commun des obligataires, pour engager une action en responsabilité contre le conseil en gestion de patrimoine.
M. [V] répond que son action ne tend pas à la conservation de sa créance obligataire et, ainsi, à la sauvegarde des intérêts de l'ensemble des obligataires.
En effet, M. [V] reproche un défaut d'information et de conseil de la société IFPP au moment de réaliser l'option pour la conversion de ses parts de société en participation en obligations de la société Solabios. Le préjudice résultant d'un défaut d'information qui découle de la seule prestation du conseil en gestion de patrimoine n'a rien de commun avec le préjudice collectif des obligataires et constitue un préjudice personnel de M. [V], comme celui tenant à la perte de chance d'avoir pu mieux investir leurs fonds. M. [V] est donc en droit d'agir en justice pour obtenir la réparation de ce préjudice.
Sur les manquements reprochés à la société IFPP
M. [V] rappelle qu'il incombe au conseil en gestion de patrimoine de rapporter la preuve qu'il a rempli l'obligation d'information et de conseil qui pèse sur lui, consistant à fournir à son client un renseignement neutre et objectif sur l'investissement proposé, plus objectif que les seules informations fournies par les promoteurs du produit d'investissement, à le conseiller sur l'opportunité de réaliser l'investissement et à l'alerter sur les aléas de l'investissement proposé, d'autant plus lorsqu'il n'est pas averti.
Il fait valoir que l' 'attestation de reconnaissance de conseils donnés' produite par IFPP est sans valeur dans la mesure où elle est standardisée et ne précise ni les conseils prodigués ni les avertissements donnés sur les risques encourus par le signataire.
Déclarant que les investissements jusqu'alors effectués par lui étaient traditionnels et peu risqués, ce qui ne lui conférait pas la qualité d'investisseur averti, et qu'il n'avait aucune connaissance du produit Solabios, alternatif défiscalisant, de sorte qu'il s'en est remis entièrement à l'expertise de la société IFPP, M. [V] reproche à celle-ci d'avoir manqué à son obligation d'information en se bornant à lui remettre les seules informations fournies par Solabios dans sa plaquette commerciale, qui plus est, présentant faussement les produits comme étant sans contrainte et avec une rentabilité garantie de 8 % par an, revalorisée, alors que le rendement final n'était en réalité que de 5,80 %, sans lui avoir signalé les risques liés notamment à la baisse du prix de rachat de l'électricité, pourtant annoncée dès janvier 2010, susceptible de ruiner la rentabilité du projet objet de l'investissement ou ceux liés à la déconfiture de la société Solabios dont les difficultés financières étaient déjà connues et de ne pas l'avoir mis en garde contre les risques de non perception des loyers auxquels il s'exposait en cas de déconfiture de la société Solabios, alors que la sécurité du placement telle que présentée par l'IFPP constituait une caractéristique essentielle pour lui, qui l'a déterminé à investir dans les produits Solabios.
Il reproche à la société IFPP, également, de ne pas avoir rempli son obligation de conseil en s'étant abstenue de vérifier si les conditions de rentabilité étaient réalisables lors de la souscription et, lors des difficultés rencontrées par la société Solabios, de ne pas l'avoir conseillé sur le choix de maintenir son investissement ou de devenir actionnaire de la société Solabios.
La société IFPP et son assureur contestent tout manquement de la part de la première.
Ils rappellent que si un conseiller en gestion de patrimoine doit fournir le conseil le plus adéquat à la situation de son client et mettre ce dernier en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du produit souscrit, il n'est pas tenu de garantir la bonne exécution du contrat ou de l'opération ni de prémunir l'investisseur de tout aléa financier et n'engage sa responsabilité que dans la mesure où il a donné des informations juridiques et fiscales erronées, ou conseillé à son client des placements hasardeux ou extrêmement risqués, sans l'informer complètement sur la nature de ceux-ci ou bien encore s'il ne l'a pas alerté sur les risques liés aux difficultés financières et à la solvabilité des parties prenantes à l'opération ; que le devoir d'information, tout comme le devoir de conseil, ne s'applique pas à ce qui est nécessairement de la connaissance de tous et se limite à l'état des connaissances au jour où l'opération est réalisée ; que le conseiller en gestion de patrimoine n'est pas tenu envers son client, même non averti, d'une obligation de mise en garde s'il lui propose d'investir ses capitaux dans des produits financiers qui, bien que soumis aux variations des produits financiers, ne présentent pas de caractère spéculatif.
Ils font valoir que M. [V] était un investisseur aguerri, qui a contracté en connaissance de cause après avoir obtenu tous les renseignements nécessaires y compris sur la rentabilité de l'investissement, à distinguer avec le revenu annuel, et a, d'ailleurs, signé une attestation de reconnaissance de conseils donnés. Ils précisent que le contrat de rachat de l'électricité est d'une durée de 20 ans, que le prix de rachat est fixe et garanti pendant toute cette durée, de sorte que la baisse du prix de vente de l'électricité ne s'applique qu'aux contrats souscrits après le décret la prévoyant, et que l'associé de la SEP demeurée occulte, n'est pas tenu solidairement et indéfiniment des engagements souscrits au nom de la SEP par un autre associé, en l'espèce, la société Solabios. Partant de ce que le marché des panneaux photovoltaïques était porteur, que la société Solabios venait d'être cotée en bourse en mars 2011, ce qui est un gage de solvabilité, que ses comptes pour l'exercice 2010 n'ont été déposés qu'après la conclusion du contrat avec M. [V] et qu'elle a été mise en procédure de sauvegarde plus de deux ans après l'opération en cause, ils en concluent qu'aucun élément objectif ne permettait à la société IFPP de soupçonner que l'investissement proposé par Solabios pouvait se révéler désastreux, ce qui ne s'est avéré être le cas qu'en raison de la déconfiture de Solabios liée aux malversations de ses dirigeants, ce qui est totalement étranger à IFPP.
Sur ce,
Selon la fiche patrimoniale établie par la société IFPP, M. [V], dont les revenus annuels s'élevaient à 49 200 euros, disposait d'un patrimoine constitué d'une résidence principale d'une valeur de 138 000 euros, de divers placements dont le plus important (100 000 euros) sous forme de SCPI Scellier intermédiaire, les autres étant constitués de FCPI, d'un PEA, d'une assurance vie, et d'un investissement locatif dans un appartement.
Il ressort des différents messages électroniques qu'il a échangés avec le conseiller en gestion de patrimoine, avec qui il était en relation depuis au moins octobre 2009, que M. [V] recherchait activement des placements avantageux en s'informant sur les diverses possibilités offertes. S'il ne peut être considéré comme particulièrement averti en matière d'investissement, pour autant, il n'était pas dans l'ignorance des mécanismes des produits d'investissement courants, ce qu'il admet. Il souhaitait diversifier ses placements en acceptant de prendre des risques de perte de capital, tout en recherchant à les limiter par le choix d'acteurs financiers fiables, ce qui ressort d'un courriel envoyé quelques mois plus tard, le 9 décembre 2011. Il était donc ouvert aux propositions de placements à risques non spéculatifs.
M. [V] était informé des mécanismes de l'investissement dans l'énergie solaire à travers des matériels industriels photovoltaïques, proposé par Solabios, qui ressortent clairement de la plaquette d'information établie par elle. Il y est indiqué non seulement que les investisseurs deviennent associés d'une SEP mais aussi le rôle et les engagements de la société Solabios, à savoir qu'elle prenait en location les modules photovoltaïques acquis par la SEP moyennant un loyer qu'elle lui versait et produisait l'électricité qu'elle vendait à EDF, se chargeant de récupérer la TVA pour les investisseurs.
Il importe peu que l'existence d'un risque d'un engagement illimité, qui résulterait du statut d'associé d'une société en participation, n'ait pas été signalé dès lors qu'il ne s'est pas réalisé. Et d'ailleurs, M. [V] admet que ce point est sans lien de causalité avec le préjudice qu'il invoque.
M. [V] était également informé que le rachat pouvait se faire au terme des dix ans, ce qui ressort d'un courriel du 9 mai 2011.
La plaquette de présentation du produit élaborée par la société Solabios met en avant des 'revenus garantis' et revalorisés pendant vingt ans, en indiquant, juste en dessous, que Solabios s'engage contractuellement à verser à tout investisseur 8 % HT durant vingt ans, ce revenu étant revalorisé chaque année sur la base de 1,5 % annuel à la date anniversaire du contrat et qu'elle propose un rachat des centrales au terme d'une période de 120 mois, la valeur de rachat correspondant à 87 % de l'investissement.
Il n'est pas démontré que le montant de la rémunération annuelle annoncée de 8 % serait inexact, telle qu'elle apparaît sur la plaquette fournie et sur le tableau édité par Solabios, le montant du loyer reversé (rendement en cours de contrat) étant à distinguer du taux de rentabilité interne (TRI) de l'investissement. Le caractère mensonger de cette plaquette ne ressort pas non plus de la décision de l'AMF comme cela sera vu plus loin. Contrairement à ce que prétend M. [V], la société IFPP ne s'est pas limitée à lui remettre la plaquette qui l'aurait trompé sur le rendement de son investissement puisqu'il ressort d'un courriel que lui a envoyé le conseiller en gestion de patrimoine, le 9 mai 2011, que celui-ci a discuté avec lui d'une fiche de calcul établie sur le taux de rendement interne de l'investissement. La société IFPP produit à cet égard une simulation du rendement de l'investissement d'un montant de 84 566,77 euros qui fait apparaître un rendement annuel capitalisé de 6,88 % sur dix ans (option 1) et de 5,80 % sur vingt ans (option 2,) sur la base de revenus de 8 % par an.
Il n'en reste pas moins que même cette simulation présente toujours comme 'garantie' la rémunération de 8% annuelle, revalorisée de 1,5 % chaque année. Et que dans ce même courriel du 9 mai 2011, le conseiller en investissement financier lui annonçait que son calcul était en dessous de la réalité, en ajoutant 'Mais bon, le TRI, permet de se rapprocher de la réalité, et basé sur les entrées et sorties de trésorerie... 'Pour moi je retiens 8% ans, 1,5 % de revalo et un rachat de 87 %, sans impôt, et garanti ! Est-ce que j'ai répondu à ta question '''.
De même si M. [V] a signé, le 11 mai 2011, une 'attestation de reconnaissance de conseils donnés' établie par la société IFPP par laquelle elle indiquait avoir réalisé un travail d'information et de conseils dans le cadre d'un investissement portant sur un module photovoltaïque, après notamment étude de la 'situation patrimoniale' de M. [V], de ses 'exigences, contraintes, besoins, objectifs et expériences en manière de placement et de financement.', cette attestation ne précise en rien la nature et l'étendue de l'information donnée en dehors de la seule 'remarque' suivante : 'Revenus BIC, comme décrit dans le contrat, garanti par Solabios'.
Le respect de l'engagement de la société Solabios de garantir le rendement de l'investissement était naturellement subordonné à sa capacité financière d'y faire face, ce dont il se déduit que ce produit n'était pas sécurisé. Il ne ressort d'ailleurs d'aucune pièce versée aux débats que cet investissement aurait été présenté comme étant entièrement sécurisé. La plaquette Solabios ne l'affirmait pas, ne comportant qu'un engagement personnel d'assurer une rentabilité très importante aux investissements, mettant en avant qu'il s'agissait d'un investissement sans contrainte mais n'ajoutait pas qu'il s'agissait d'un investissement sans risques.
La défaillance de la Solabios sur laquelle reposait la garantie de la rentabilité de l'investissement, qui était la partenaire des SEP dans lesquelles il était proposé à M. [V] d'investir, liée à elles par un contrat de location, est un risque inhérent à toute exploitation industrielle ou commerciale. M. [V], particulièrement impliqué dans l'examen de toutes les offres d'investissement depuis plusieurs années, ne pouvait ignorer ce risque et ne prétend d'ailleurs pas clairement ne pas en avoir eu conscience. Il reproche seulement à la société IFPP de ne pas lui avoir signalé les risques particuliers auxquels était exposé son investissement, tenant à la baisse du tarif de l'électricité et de ne pas avoir vérifié la situation financière de la société Solabios qui avait déposé en retard ses comptes de l'année 2010.
Mais il n'est démontré par aucun élément du dossier que le respect de l'engagement pris en mai 2011 par la société Solabios à l'égard des investisseurs dépendait de l'évolution des tarifs de vente de l'électricité annoncée en janvier 2010, ce qui n'apparaît pas dans l'explication donnée par le mandataire ad'hoc, dans une lettre du 27 septembre 2012, qui identifiait alors les difficultés rencontrées par la société Solabios comme provenant du retard pris dans le raccordement au réseau des centrales construites. Les intimés expliquent, sans être démenties sur ce point, que la défaillance de la société Solabios a pour cause des fautes de gestion de ses dirigeants, ce que la société IFPP ne pouvait prévoir. Il n'est pas prouvé, au vu des éléments produits, que la société IFPP aurait dû avoir des raisons de suspecter une mauvaise santé financière de la société Solabios, ce qui ne pouvait résulter du simple retard dans le dépôt de ses comptes de l'année 2009, dont les résultats étaient positifs, et alors que les comptes de l'année 2010 n'étaient pas encore connus, étant observé que le délai pour déposer n'était pas écoulé au jour de la souscription. Il n'est donc pas établi qu'au moment où le conseil en gestion de patrimoine a proposé l'investissement en cause, auraient pu être obtenues des informations mettant en doute la fiabilité du modèle économique de la société Solabios.
La décision de l'autorité des marchés financiers (AMF) sanctionnant la société Solabios pour avoir manqué en tant que concepteur et gestionnaire des SEP proposant directement et indirectement, à titre habituel, par voie de publicité ou de démarchage la souscription de parts de ces SEP, à ses obligations professionnelles en tant qu'intermédiaire en biens divers n'est intervenue que le 23 juillet 2013. Sa lecture ne fait pas apparaître, comme l'affirme M. [V], que l'AMF aurait alerté les professionnels dès 2011 sur les dangers du produit Solabios et encore moins, avant le 11 mai 2011, mais seulement que l'AMF avait décidé, le 21 février 2011, de faire une enquête sur le respect par la société Solabios des règles applicables à l'intermédiation en biens divers tenant seulement à la forme de la société avant d'être transformée, en avril 2009, en société anonyme, à la diffusion de la documentation à destination du public sans l'avoir soumise préalablement à l'AMF et à la teneur de cette documentation qui n'attirait pas spécialement l'attention, comme l'imposent les articles L. 550-3 et R. 550-1 du code monétaire et financier, sur la responsabilité indéfinie et solidaire des associés d'une SEP, sur le caractère non liquide de l'investissement, sur sa durée et donnait une information sur le taux de l'investissement pouvant être considérée comme trompeuse tenant à ce que dans le document examiné, qui n'apparaît pas correspondre à la plaquette remise à M. [V], l'indication selon laquelle, à travers un exemple, le taux de rendement final de l'opération était de 5,8 % ne compensait pas l'information donnée selon laquelle le 'produit' proposé par Solabios était présenté comme un placement aux revenus réguliers et à fort rendement (8 %), chiffre de 8 % également mentionné de matière très visible sur un schéma en première page des explications.
Il découle de ce qui précède que M. [V] disposait des informations claires, exactes et non trompeuses lui permettant raisonnablement de comprendre la nature du produit d'investissement défiscalisé proposé ainsi que les risques y afférents, et a été en mesure de prendre une décision au vu des éléments connus, étant par ailleurs relevé qu'il n'est pas contesté que le type d'investissement proposé était adapté à sa situation et correspondait à ses objectifs au regard du risque qu'il était prêt à prendre.
Enfin, M. [V] affirme, sans le démontrer, que la société IFPP aurait engagé, lors des difficultés rencontrées par la société Solabios, sa responsabilité pour ne pas l'avoir conseillé sur le choix de maintenir son investissement ou de devenir actionnaire de la société Solabios. Il n'établit pas même que la société IFPP se serait engagée envers lui à le conseiller à cette occasion.
Le jugement qui rejette la demande de M. [V] sera donc confirmé.
Partie perdante, M. [V] sera condamné aux dépens et à payer à la société IFPP et aux MMA Iard la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. M. [V]
PAR CES MOTIFS :
la cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne M. [V] à payer à la société IFPP et aux MMA Iard, ensemble, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [V] aux dépens.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
CC/CG
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 20/01675 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EXNZ
jugement du 30 Octobre 2020
Tribunal de Commerce du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 17/05675
ARRET DU 04 MARS 2025
APPELANT :
Monsieur [I] [V]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Me Alain Léopold STIBBE, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A.S. INGENIERIE FINANCIERE DU PATRIMOINE ET DE LA PREVO YANCE représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
S.A. MUTUELLES DU MANS IARD représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentées par Me Nicolas MARIEL, substituant Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocats postulants au barreau d'ANGERS - N° du dossier 21A00475 et par Me Gilles LASRY, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 03 Décembre 2024 à 14H00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme GANDAIS, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 04 mars 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société Ingénierie financière du patrimoine et de la prévoyance (dite IFPP), assurée par la société Covéa Risks aux droits de laquelle vient la société MMA IARD, exerce une activité de conseiller en investissement financier et en gestion de patrimoine.
Elle conseillait M. [I] [V], rugbyman professionnel, pour la souscription de produits de défiscalisation ou la réalisation de placements financiers. Dans ce cadre, elle lui a proposé d'investir dans un produit d'investissement dans l'énergie photovoltaïque, proposé par la société (SA) Solabios. L'investissement proposé portait sur le financement d'une ou plusieurs centrales photovoltaïques, d'un prix unitaire de 17 677 euros HT, qui étaient acquises par une ou plusieurs sociétés en participation (SEP) et étaient exploitées par la SA Solabios en vertu d'un contrat de location. La SA Solabios revendait ensuite l'énergie électrique produite à EDF. Le loyer de la location revenant à l'investisseur était fixé à 8% de la valeur HT de l'investissement, revalorisé annuellement de 1,5%, payable 'comptant par trimestre échu, sans escompte d'avance et le premier de chaque trimestre'. La SA Solabios s'engageait à procéder au rachat de matériel au terme de la première période de 10 ans et à un montant équivalent à 87% du prix d'acquisition HT.
Le 11 mai 2011, la SARL IFPP a établi une 'attestation de reconnaissance de conseils donnés' à M. [V]. Le même jour, par son intermédiaire, M. [V] a conclu avec la SA Solabios un contrat (n°4738) par lequel il a investi une somme de 84 566,77 euros TTC correspondant à l'achat de quatre centrales photovoltaïques. M. [V] est ainsi devenu associé d'une SEP, et en l'occurrence détenteur de 400 parts sociales de la SEP 39. Il était prévu que le premier loyer serait versé par la SA Solabios au deuxième trimestre 2012.
La SA Solabios a connu d'importantes difficultés financières qui l'ont conduite à suspendre le paiement des loyers dus aux SEP. Par lettre du 11 juillet 2012, M. [S] [M], mandataire ad hoc de la SA Solabios désigné par le tribunal de commerce de Paris, a informé l'ensemble des investisseurs, dont M. [V], du gel du versement des loyers, et que des solutions seraient proposées en septembre 2012.
Selon contrat 'd'émission obligations convertibles en actions' daté du 3 janvier 2013, la SA Solabios, indiquant qu'elle réalisait jusqu'à présent son activité au travers de SEP, réunissant plusieurs investisseurs, a entendu émettre au profit des investisseurs des obligations convertibles en actions nouvelles de la SA Solabios qui seraient souscrites par compensation avec les créances provenant du rachat par elle-même des parts de la SEP détenues par les investisseurs. Selon bulletin de souscription daté du 3 janvier 2013, M. [V] a souscrit à 82 986 obligations de la SA Solabios et a déclaré libérer sa souscription, soit 84 567 euros, par compensation avec une créance certaine, liquide et exigible de 84 567 euros détenue par la SA Solabios, provenant du rachat, par ladite société de l'ensemble des parts de la société en participation SEP détenues par l'investisseur, intervenu conformément à l'acte de cession de parts sociales daté du 3 janvier 2013.
Par jugement du 17 octobre 2013, le tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SA Solabios. Le 20 décembre 2013, le redressement judiciaire de la SA Solabios a été prononcé, converti, le 4 février 2015, la SA Solabios en liquidation judiciaire. Par suite, par jugement du 29 juin 2015, un plan de cession a été adopté au profit d'une société Réaton qui a repris toutes les participations, droits et créances des SEP du groupe Solabios. La SA Solabios a cessé son activité.
M. [V] a déclaré une créance de 84 566,77 euros au passif de la procédure collective de la SA Solabios.
Les 6 et 9 juin 2017, M. [V] a fait assigner la société IFPP et son assureur, la société MMA IARD, devant le tribunal de commerce du Mans en indemnisation de son préjudice consécutif aux prétendus manquements de la société IFPP.
Le 16 septembre 2019, le mandataire judiciaire de la SA Solabios a adressé à M. [V] un certificat d'irrecouvrabilité.
En l'état de ses dernières écritures devant le tribunal, M. [V] lui a demandé la condamnation de la SAS IFPP et de la société MMA IARD à lui payer 100% de sa perte de chance de mieux investir, soit la somme de 84 566,77 euros, correspondant au montant investi, actualisée à un taux moyen de 5% depuis la date de souscription de chaque contrat jusqu'à parfait paiement et la somme de 22 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.
En réponse, la société IFPP et la société MMA IARD ont sollicité du tribunal, qu'il déclare irrecevables ces demandes, subsidiairement, qu'il les rejette.
Par jugement du 30 octobre 2020, le tribunal de commerce du Mans a :
- débouté la SAS IFPP de sa demande d'irrecevabilité de l'action engagée par M. [V],
- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné M. [V] à payer à la SAS IFPP, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] à payer aux sociétés MMA IARD venant aux droits de la société Covéa Risks, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] aux entiers dépens de l'instance,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par déclaration du 26 novembre 2020, M. [V] a relevé appel de ce jugement sauf en ce qu'il déclare ses demandes recevables ; intimant la SAS IFPP et la SA MMA IARD venant aux droits de la société Covéa Risks.
La société IFPP et la société MMA IARD, qui ont constitué avocat, ont formé appel incident.
Selon avis adressé à leurs conseils respectifs le 29 septembre 2021, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel d'Angers a invité les parties à s'interroger sur l'opportunité de mettre en oeuvre une mesure de médiation judiciaire pour trouver une solution à leur différend. Les parties se sont opposées à l'instauration d'une telle mesure.
Une ordonnance du 18 novembre 2024 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [V] sollicite de la cour qu'elle :
vu les articles 1147 et 1315 du code civil,
vu l'article L. 124-3 du code des assurances,
vu les articles L. 228-54 et L. 622-20 du code de commerce,
vu les articles 325-3, 325-4 et 325-7 du règlement général de l'Autorité des Marchés Financiers,
- confirme le jugement du tribunal de commerce du Mans du 30 octobre 2020 en ce qu'il a débouté l'IFPP de sa demande d'irrecevabilité fondée sur les articles L. 228-54 et L. 622-20 du code de commerce,
- infirme le jugement du tribunal de commerce du Mans du 30 octobre 2020 pour le surplus,
statuant à nouveau,
- condamne la société IFPP et la société MMA IARD à lui payer la somme de 84 566,77 euros,
- condamne la société IFPP et la société MMA IARD à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- déboute les sociétés IFPP et MMA IARD de leur appel incident et de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamne la société IFPP et la société MMA IARD à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société IFPP et la société MMA IARD aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société IFPP et la société MMA IARD venant aux droits de la société Covéa Risks demandent à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS IFPP de sa demande d'irrecevabilité de l'action engagée par M. [V],
statuant à nouveau,
vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile,
vu l'article L. 228-54 du code de commerce,
tenant la désignation de la société Wise en qualité de représentant des obligataires,
tenant l'action de M. [V] qui s'inscrit dans la défense des intérêts communs des obligataires,
- le déclarer irrecevable en ses demandes ;
vu l'article L. 622-20 du code de commerce,
tenant la volonté de M. [V] d'obtenir paiement par un tiers des sommes dont ils sont créanciers à l'égard de la société Solabios,
tenant la nécessité de reconstituer l'actif social qui n'appartient qu'au liquidateur,
- dire et juger M. [V] irrecevable à agir ;
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes et rejeté l'action en responsabilité d'IFPP,
en tant que de besoin,
- dire et juger que M. [V] a obtenu tout renseignement nécessaire de la part d'IFPP qui a satisfait au devoir de conseil lui incombant notamment en faisant signer au client une reconnaissance d'avis donné,
- dire et juger que M. [V] est un investisseur aguerri qui a contracté en connaissance de cause,
- dire et juger que la société IFPP n'a commis aucune faute,
- dire et juger qu'IFPP ne pouvait prévoir ni la déconfiture de Solabios ni les fraudes commises par les dirigeants de Solabios,
- dire et juger que la faillite de Solabios est due aux malversations de ses dirigeants et qu'IFPP y est étrangère,
- dire et juger que l'échec de l'investissement effectué par M. [V] résulte de la déconfiture de Solabios,
- dire et juger que M. [V] ne justifie d'aucun préjudice direct actuel et certain,
- dire et juger que M [V] ne justifie d'aucun préjudice imputable à IFPP et en relation directe de causalité,
en conséquence,
- le débouter de ses demandes,
en toutes hypothèses,
- condamner M. [V] à leur payer la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties au soutien de leur prétentions, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 9 août 2021 pour M. [V],
- le 7 mai 2021 pour les sociétés IFPP et MMA IARD venant aux droits de la société Covéa Risks.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'action au regard du monopole d'action dévolu au liquidateur judiciaire
Il résulte des dispositions des articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce que seul le représentant des créanciers a qualité pour agir en justice en vue de demander réparation du préjudice collectivement subi par les créanciers du fait de la procédure collective, et que ce préjudice collectif ne peut donner lieu à une action individuelle d'un créancier.
Les intimés soutiennent que l'action de l'appelant est irrecevable en ce qu'elle s'oppose au monopole d'action dévolu au liquidateur judiciaire de Solabios qui a seul qualité pour agir dans l'intérêt collectif des créanciers en application de l'article L. 622-20 du code de commerce. Ils considèrent que M. [V], qui, d'une part, a déclaré une créance dans la procédure collective de la société Solabios et, d'autre part, a opté pour la conversion des parts de SEP en obligations de la société Solabios, en sorte que sa créance est devenue une créance obligataire directe contre la société Solabios, réclame, sous couvert d'un préjudice indemnitaire, le remboursement, par un tiers, d'une créance qu'il détient à l'égard de la société Solabios en demandant l'allocation d'une somme correspondant au montant de son investissement, quand seul le liquidateur judiciaire a qualité à agir contre les tiers pour reconstituer l'actif social aux lieu et place de M. [V].
M. [V] répond exactement que son action n'a pas pour finalité de réparer le préjudice résultant de l'impossibilité de recouvrer sa créance contre la société Solabios mais l'indemnisation d'un préjudice propre résultant des fautes de la société IPFP à l'origine d'une perte de chance de mieux investir ses capitaux, ce qui est étranger à la reconstitution du gage commun des créanciers de la société Solabios. Il a donc un intérêt distinct de l'intérêt collectif des créanciers de Solabios.
Sur la recevabilité de l'action au regard du monopole d'action du représentant de la masse des obligataires de la société Solabios :
L'article L. 228-54 du code de commerce dispose que : 'Les représentants de la masse, dûment autorisés par l'assemblée générale des obligataires, ont seuls qualité pour engager, au nom de ceux-ci, les actions en nullité de la société ou des actes et délibérations postérieurs à sa constitution, ainsi que toutes autres actions en justice ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires, et notamment requérir la mesure prévue à l'article L.237-14.
Les actions en justice dirigées contre l'ensemble des obligataires d'une même masse ne peuvent être intentées que contre le représentant de cette masse.'
Les intimés, après avoir relevé que M. [V] a opté pour la conversion de ses parts qu'il détenait dans les sociétés en participation en obligations convertibles en actions Solabios, font valoir qu'en tant qu'obligataires de Solabios, il aurait dû agir par l'intermédiaire du représentant de la masse, seul recevable pour agir dans l'intérêt commun des obligataires, pour engager une action en responsabilité contre le conseil en gestion de patrimoine.
M. [V] répond que son action ne tend pas à la conservation de sa créance obligataire et, ainsi, à la sauvegarde des intérêts de l'ensemble des obligataires.
En effet, M. [V] reproche un défaut d'information et de conseil de la société IFPP au moment de réaliser l'option pour la conversion de ses parts de société en participation en obligations de la société Solabios. Le préjudice résultant d'un défaut d'information qui découle de la seule prestation du conseil en gestion de patrimoine n'a rien de commun avec le préjudice collectif des obligataires et constitue un préjudice personnel de M. [V], comme celui tenant à la perte de chance d'avoir pu mieux investir leurs fonds. M. [V] est donc en droit d'agir en justice pour obtenir la réparation de ce préjudice.
Sur les manquements reprochés à la société IFPP
M. [V] rappelle qu'il incombe au conseil en gestion de patrimoine de rapporter la preuve qu'il a rempli l'obligation d'information et de conseil qui pèse sur lui, consistant à fournir à son client un renseignement neutre et objectif sur l'investissement proposé, plus objectif que les seules informations fournies par les promoteurs du produit d'investissement, à le conseiller sur l'opportunité de réaliser l'investissement et à l'alerter sur les aléas de l'investissement proposé, d'autant plus lorsqu'il n'est pas averti.
Il fait valoir que l' 'attestation de reconnaissance de conseils donnés' produite par IFPP est sans valeur dans la mesure où elle est standardisée et ne précise ni les conseils prodigués ni les avertissements donnés sur les risques encourus par le signataire.
Déclarant que les investissements jusqu'alors effectués par lui étaient traditionnels et peu risqués, ce qui ne lui conférait pas la qualité d'investisseur averti, et qu'il n'avait aucune connaissance du produit Solabios, alternatif défiscalisant, de sorte qu'il s'en est remis entièrement à l'expertise de la société IFPP, M. [V] reproche à celle-ci d'avoir manqué à son obligation d'information en se bornant à lui remettre les seules informations fournies par Solabios dans sa plaquette commerciale, qui plus est, présentant faussement les produits comme étant sans contrainte et avec une rentabilité garantie de 8 % par an, revalorisée, alors que le rendement final n'était en réalité que de 5,80 %, sans lui avoir signalé les risques liés notamment à la baisse du prix de rachat de l'électricité, pourtant annoncée dès janvier 2010, susceptible de ruiner la rentabilité du projet objet de l'investissement ou ceux liés à la déconfiture de la société Solabios dont les difficultés financières étaient déjà connues et de ne pas l'avoir mis en garde contre les risques de non perception des loyers auxquels il s'exposait en cas de déconfiture de la société Solabios, alors que la sécurité du placement telle que présentée par l'IFPP constituait une caractéristique essentielle pour lui, qui l'a déterminé à investir dans les produits Solabios.
Il reproche à la société IFPP, également, de ne pas avoir rempli son obligation de conseil en s'étant abstenue de vérifier si les conditions de rentabilité étaient réalisables lors de la souscription et, lors des difficultés rencontrées par la société Solabios, de ne pas l'avoir conseillé sur le choix de maintenir son investissement ou de devenir actionnaire de la société Solabios.
La société IFPP et son assureur contestent tout manquement de la part de la première.
Ils rappellent que si un conseiller en gestion de patrimoine doit fournir le conseil le plus adéquat à la situation de son client et mettre ce dernier en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du produit souscrit, il n'est pas tenu de garantir la bonne exécution du contrat ou de l'opération ni de prémunir l'investisseur de tout aléa financier et n'engage sa responsabilité que dans la mesure où il a donné des informations juridiques et fiscales erronées, ou conseillé à son client des placements hasardeux ou extrêmement risqués, sans l'informer complètement sur la nature de ceux-ci ou bien encore s'il ne l'a pas alerté sur les risques liés aux difficultés financières et à la solvabilité des parties prenantes à l'opération ; que le devoir d'information, tout comme le devoir de conseil, ne s'applique pas à ce qui est nécessairement de la connaissance de tous et se limite à l'état des connaissances au jour où l'opération est réalisée ; que le conseiller en gestion de patrimoine n'est pas tenu envers son client, même non averti, d'une obligation de mise en garde s'il lui propose d'investir ses capitaux dans des produits financiers qui, bien que soumis aux variations des produits financiers, ne présentent pas de caractère spéculatif.
Ils font valoir que M. [V] était un investisseur aguerri, qui a contracté en connaissance de cause après avoir obtenu tous les renseignements nécessaires y compris sur la rentabilité de l'investissement, à distinguer avec le revenu annuel, et a, d'ailleurs, signé une attestation de reconnaissance de conseils donnés. Ils précisent que le contrat de rachat de l'électricité est d'une durée de 20 ans, que le prix de rachat est fixe et garanti pendant toute cette durée, de sorte que la baisse du prix de vente de l'électricité ne s'applique qu'aux contrats souscrits après le décret la prévoyant, et que l'associé de la SEP demeurée occulte, n'est pas tenu solidairement et indéfiniment des engagements souscrits au nom de la SEP par un autre associé, en l'espèce, la société Solabios. Partant de ce que le marché des panneaux photovoltaïques était porteur, que la société Solabios venait d'être cotée en bourse en mars 2011, ce qui est un gage de solvabilité, que ses comptes pour l'exercice 2010 n'ont été déposés qu'après la conclusion du contrat avec M. [V] et qu'elle a été mise en procédure de sauvegarde plus de deux ans après l'opération en cause, ils en concluent qu'aucun élément objectif ne permettait à la société IFPP de soupçonner que l'investissement proposé par Solabios pouvait se révéler désastreux, ce qui ne s'est avéré être le cas qu'en raison de la déconfiture de Solabios liée aux malversations de ses dirigeants, ce qui est totalement étranger à IFPP.
Sur ce,
Selon la fiche patrimoniale établie par la société IFPP, M. [V], dont les revenus annuels s'élevaient à 49 200 euros, disposait d'un patrimoine constitué d'une résidence principale d'une valeur de 138 000 euros, de divers placements dont le plus important (100 000 euros) sous forme de SCPI Scellier intermédiaire, les autres étant constitués de FCPI, d'un PEA, d'une assurance vie, et d'un investissement locatif dans un appartement.
Il ressort des différents messages électroniques qu'il a échangés avec le conseiller en gestion de patrimoine, avec qui il était en relation depuis au moins octobre 2009, que M. [V] recherchait activement des placements avantageux en s'informant sur les diverses possibilités offertes. S'il ne peut être considéré comme particulièrement averti en matière d'investissement, pour autant, il n'était pas dans l'ignorance des mécanismes des produits d'investissement courants, ce qu'il admet. Il souhaitait diversifier ses placements en acceptant de prendre des risques de perte de capital, tout en recherchant à les limiter par le choix d'acteurs financiers fiables, ce qui ressort d'un courriel envoyé quelques mois plus tard, le 9 décembre 2011. Il était donc ouvert aux propositions de placements à risques non spéculatifs.
M. [V] était informé des mécanismes de l'investissement dans l'énergie solaire à travers des matériels industriels photovoltaïques, proposé par Solabios, qui ressortent clairement de la plaquette d'information établie par elle. Il y est indiqué non seulement que les investisseurs deviennent associés d'une SEP mais aussi le rôle et les engagements de la société Solabios, à savoir qu'elle prenait en location les modules photovoltaïques acquis par la SEP moyennant un loyer qu'elle lui versait et produisait l'électricité qu'elle vendait à EDF, se chargeant de récupérer la TVA pour les investisseurs.
Il importe peu que l'existence d'un risque d'un engagement illimité, qui résulterait du statut d'associé d'une société en participation, n'ait pas été signalé dès lors qu'il ne s'est pas réalisé. Et d'ailleurs, M. [V] admet que ce point est sans lien de causalité avec le préjudice qu'il invoque.
M. [V] était également informé que le rachat pouvait se faire au terme des dix ans, ce qui ressort d'un courriel du 9 mai 2011.
La plaquette de présentation du produit élaborée par la société Solabios met en avant des 'revenus garantis' et revalorisés pendant vingt ans, en indiquant, juste en dessous, que Solabios s'engage contractuellement à verser à tout investisseur 8 % HT durant vingt ans, ce revenu étant revalorisé chaque année sur la base de 1,5 % annuel à la date anniversaire du contrat et qu'elle propose un rachat des centrales au terme d'une période de 120 mois, la valeur de rachat correspondant à 87 % de l'investissement.
Il n'est pas démontré que le montant de la rémunération annuelle annoncée de 8 % serait inexact, telle qu'elle apparaît sur la plaquette fournie et sur le tableau édité par Solabios, le montant du loyer reversé (rendement en cours de contrat) étant à distinguer du taux de rentabilité interne (TRI) de l'investissement. Le caractère mensonger de cette plaquette ne ressort pas non plus de la décision de l'AMF comme cela sera vu plus loin. Contrairement à ce que prétend M. [V], la société IFPP ne s'est pas limitée à lui remettre la plaquette qui l'aurait trompé sur le rendement de son investissement puisqu'il ressort d'un courriel que lui a envoyé le conseiller en gestion de patrimoine, le 9 mai 2011, que celui-ci a discuté avec lui d'une fiche de calcul établie sur le taux de rendement interne de l'investissement. La société IFPP produit à cet égard une simulation du rendement de l'investissement d'un montant de 84 566,77 euros qui fait apparaître un rendement annuel capitalisé de 6,88 % sur dix ans (option 1) et de 5,80 % sur vingt ans (option 2,) sur la base de revenus de 8 % par an.
Il n'en reste pas moins que même cette simulation présente toujours comme 'garantie' la rémunération de 8% annuelle, revalorisée de 1,5 % chaque année. Et que dans ce même courriel du 9 mai 2011, le conseiller en investissement financier lui annonçait que son calcul était en dessous de la réalité, en ajoutant 'Mais bon, le TRI, permet de se rapprocher de la réalité, et basé sur les entrées et sorties de trésorerie... 'Pour moi je retiens 8% ans, 1,5 % de revalo et un rachat de 87 %, sans impôt, et garanti ! Est-ce que j'ai répondu à ta question '''.
De même si M. [V] a signé, le 11 mai 2011, une 'attestation de reconnaissance de conseils donnés' établie par la société IFPP par laquelle elle indiquait avoir réalisé un travail d'information et de conseils dans le cadre d'un investissement portant sur un module photovoltaïque, après notamment étude de la 'situation patrimoniale' de M. [V], de ses 'exigences, contraintes, besoins, objectifs et expériences en manière de placement et de financement.', cette attestation ne précise en rien la nature et l'étendue de l'information donnée en dehors de la seule 'remarque' suivante : 'Revenus BIC, comme décrit dans le contrat, garanti par Solabios'.
Le respect de l'engagement de la société Solabios de garantir le rendement de l'investissement était naturellement subordonné à sa capacité financière d'y faire face, ce dont il se déduit que ce produit n'était pas sécurisé. Il ne ressort d'ailleurs d'aucune pièce versée aux débats que cet investissement aurait été présenté comme étant entièrement sécurisé. La plaquette Solabios ne l'affirmait pas, ne comportant qu'un engagement personnel d'assurer une rentabilité très importante aux investissements, mettant en avant qu'il s'agissait d'un investissement sans contrainte mais n'ajoutait pas qu'il s'agissait d'un investissement sans risques.
La défaillance de la Solabios sur laquelle reposait la garantie de la rentabilité de l'investissement, qui était la partenaire des SEP dans lesquelles il était proposé à M. [V] d'investir, liée à elles par un contrat de location, est un risque inhérent à toute exploitation industrielle ou commerciale. M. [V], particulièrement impliqué dans l'examen de toutes les offres d'investissement depuis plusieurs années, ne pouvait ignorer ce risque et ne prétend d'ailleurs pas clairement ne pas en avoir eu conscience. Il reproche seulement à la société IFPP de ne pas lui avoir signalé les risques particuliers auxquels était exposé son investissement, tenant à la baisse du tarif de l'électricité et de ne pas avoir vérifié la situation financière de la société Solabios qui avait déposé en retard ses comptes de l'année 2010.
Mais il n'est démontré par aucun élément du dossier que le respect de l'engagement pris en mai 2011 par la société Solabios à l'égard des investisseurs dépendait de l'évolution des tarifs de vente de l'électricité annoncée en janvier 2010, ce qui n'apparaît pas dans l'explication donnée par le mandataire ad'hoc, dans une lettre du 27 septembre 2012, qui identifiait alors les difficultés rencontrées par la société Solabios comme provenant du retard pris dans le raccordement au réseau des centrales construites. Les intimés expliquent, sans être démenties sur ce point, que la défaillance de la société Solabios a pour cause des fautes de gestion de ses dirigeants, ce que la société IFPP ne pouvait prévoir. Il n'est pas prouvé, au vu des éléments produits, que la société IFPP aurait dû avoir des raisons de suspecter une mauvaise santé financière de la société Solabios, ce qui ne pouvait résulter du simple retard dans le dépôt de ses comptes de l'année 2009, dont les résultats étaient positifs, et alors que les comptes de l'année 2010 n'étaient pas encore connus, étant observé que le délai pour déposer n'était pas écoulé au jour de la souscription. Il n'est donc pas établi qu'au moment où le conseil en gestion de patrimoine a proposé l'investissement en cause, auraient pu être obtenues des informations mettant en doute la fiabilité du modèle économique de la société Solabios.
La décision de l'autorité des marchés financiers (AMF) sanctionnant la société Solabios pour avoir manqué en tant que concepteur et gestionnaire des SEP proposant directement et indirectement, à titre habituel, par voie de publicité ou de démarchage la souscription de parts de ces SEP, à ses obligations professionnelles en tant qu'intermédiaire en biens divers n'est intervenue que le 23 juillet 2013. Sa lecture ne fait pas apparaître, comme l'affirme M. [V], que l'AMF aurait alerté les professionnels dès 2011 sur les dangers du produit Solabios et encore moins, avant le 11 mai 2011, mais seulement que l'AMF avait décidé, le 21 février 2011, de faire une enquête sur le respect par la société Solabios des règles applicables à l'intermédiation en biens divers tenant seulement à la forme de la société avant d'être transformée, en avril 2009, en société anonyme, à la diffusion de la documentation à destination du public sans l'avoir soumise préalablement à l'AMF et à la teneur de cette documentation qui n'attirait pas spécialement l'attention, comme l'imposent les articles L. 550-3 et R. 550-1 du code monétaire et financier, sur la responsabilité indéfinie et solidaire des associés d'une SEP, sur le caractère non liquide de l'investissement, sur sa durée et donnait une information sur le taux de l'investissement pouvant être considérée comme trompeuse tenant à ce que dans le document examiné, qui n'apparaît pas correspondre à la plaquette remise à M. [V], l'indication selon laquelle, à travers un exemple, le taux de rendement final de l'opération était de 5,8 % ne compensait pas l'information donnée selon laquelle le 'produit' proposé par Solabios était présenté comme un placement aux revenus réguliers et à fort rendement (8 %), chiffre de 8 % également mentionné de matière très visible sur un schéma en première page des explications.
Il découle de ce qui précède que M. [V] disposait des informations claires, exactes et non trompeuses lui permettant raisonnablement de comprendre la nature du produit d'investissement défiscalisé proposé ainsi que les risques y afférents, et a été en mesure de prendre une décision au vu des éléments connus, étant par ailleurs relevé qu'il n'est pas contesté que le type d'investissement proposé était adapté à sa situation et correspondait à ses objectifs au regard du risque qu'il était prêt à prendre.
Enfin, M. [V] affirme, sans le démontrer, que la société IFPP aurait engagé, lors des difficultés rencontrées par la société Solabios, sa responsabilité pour ne pas l'avoir conseillé sur le choix de maintenir son investissement ou de devenir actionnaire de la société Solabios. Il n'établit pas même que la société IFPP se serait engagée envers lui à le conseiller à cette occasion.
Le jugement qui rejette la demande de M. [V] sera donc confirmé.
Partie perdante, M. [V] sera condamné aux dépens et à payer à la société IFPP et aux MMA Iard la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. M. [V]
PAR CES MOTIFS :
la cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne M. [V] à payer à la société IFPP et aux MMA Iard, ensemble, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [V] aux dépens.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,