CA Nîmes, 4e ch. com., 7 mars 2025, n° 23/00402
NÎMES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Tdl Tranchées Deroctage Location (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Codol
Conseillers :
M. Maitral, Mme Vareilles
Avoué :
Me Pericchi
Avocats :
Me Pericchi, Me Divisia, Me Srogosz, Me Foussat
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'appel interjeté le 2 février 2023 par la SAS [S] à l'encontre du jugement rendu le 10 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n° RG 2021J00047 ;
Vu l'ordonnance rendue le 5 septembre 2023 par le magistrat de la mise en état de la cour d'appel de Nîmes, constatant l'interruption de l'instance et celle de l'action en paiement de sommes dirigée contre la société [S], à la suite du jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde du 7 juillet 2023 ;
Vu les conclusions d'intervention volontaire transmises par la voie électronique le 18 septembre 2023 par la SELARL [J] et Bertholet, ès qualités d'administrateur judiciaire, et la SELARL Etude Balincourt, ès qualités de mandataire judiciaire, à la procédure de sauvegarde ouverte à l'égard de la SAS [S], par jugement du tribunal de commerce de Tarascon du 7 juillet 2023 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 23 octobre 2023 par la SAS [S], la SELARL [J] et Bertholet, ès qualités, et la SELARL Etude Balincourt, ès qualités, appelantes, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 9 novembre 2023 par la SARL TDL Tranchées déroctage location, et la SCP JP Louis et [X] [C], ès qualités, intimées, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 30 janvier 2024 par la SARL [Z], intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les conclusions du ministère public transmises par la voie électronique le 7 juin 2024 ;
Vu l'ordonnance du 5 décembre 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 30 janvier 2025,
Vu le courrier adressé aux parties par la voie électronique le 18 février 2025 par la cour afin de
recueillir leurs observations au sujet du moyen relevé d'office de l'absence de chiffrage, dans sa déclaration de créance, par la société [Z] des intérêts échus à la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société [S] et de l'absence de mention de la capitalisation des intérêts de retard,
Sur les faits
La société [S] est spécialisée dans les travaux de terrassement, les travaux agricoles et para-agricoles, la location de tous matériels ayant rapport avec les activités agricoles et para-agricoles, l'achat et la vente de matériels industriels.
La société TDL avait pour activité la location de matériel de déroctage jusqu'à sa liquidation judiciaire prononcée le 15 septembre 2021.
Le 20 décembre 2016, la société TDL et Monsieur [Z] ont signé un contrat d'agent commercial confiant mandat à Monsieur [Z] de représenter la société TDL sur le territoire français, à l'exclusion des régions PACA et Languedoc-Roussillon, et dans le reste du monde. Il a été convenu entre les parties que l'agent commercial bénéficierait de l'exclusivité de la représentation du mandant dans les départements n°14, 17, 22, 29, 35, 44, 49, 50, 53, 56, 61, 72, 79 et 85.
En janvier 2017, Monsieur [Z] a transféré ses droits et obligations à la SARL [Z] qu'il a constituée.
A compter de juin 2019, la SARL [Z] a adressé ses factures à la S.A.S. [S].
Le 15 mai 2020, le dirigeant de la S.A.S. [S] a fait part à celui de la SARL [Z] de sa décision de limiter ses prestations dans un rayon de 200 kilomètres autour de la ville de [Localité 12].
Par message électronique du 18 mai 2020, le dirigeant de la SARL [Z] a demandé à son mandant à quelle date il souhaitait que leur collaboration prenne fin, la modification territoriale envisagée ayant pour effet d'exclure la quasi-totalité des départements de la zone contractuellement confiée, vidant le contrat de sa substance.
Par message électronique du 29 mai 2020, le dirigeant de la S.A.S. [S] a répondu que l'activité était à l'arrêt, qu'il n'avait pas encore décidé de la suite à donner sur la nouvelle stratégie et qu'il se laissait le temps de la réflexion.
Le 4 juin 2020, la société [S] a proposé à Monsieur [Z] de devenir son salarié, ce que Monsieur [Z] a refusé.
Par courriel du 12 juin 2020, la SARL [Z] a mis en demeure les sociétés [S] et TDL de reprendre l'exécution normale du contrat d'agent commercial.
Par courrier du 30 juin 2020, la SARL [Z] a pris acte de la rupture du contrat d'agent commercial.
Par courrier du 30 juin 2020, la société [S] a demandé à la SARL [Z] de lui transmettre une attestation de vigilance URSSAF du 1er trimestre 2020, une attestation de régularité fiscale 2019 et une attestation de caisse de retraite du 1er trimestre 2020.
Par jugement du 11 septembre 2020, le tribunal de commerce de Gap a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société TDL et désigné la SCP JP Louis et [X] [C], représentée par Maître [X] [C], en qualité de mandataire judiciaire. La procédure de redressement a été ensuite convertie en liquidation judiciaire, par jugement du 15 septembre 2021.
Par courrier du 9 novembre 2020, la société [Z] a demandé l'admission de sa créance chirographaire, à titre provisionnel, au passif de la société TDL pour un montant de 576.441,79 euros.
Sur la procédure
Par exploit du 28 janvier 2021, la société [Z] a fait assigner les sociétés [S] et TDL ainsi que Maître [X] [C], en qualité de mandataire liquidateur de la société TDL, devant le tribunal de commerce de Nîmes aux fins d'obtenir le paiement de diverses indemnités au titre de la rupture du contrat d'agent commercial.
Par jugement du 10 janvier 2023, le tribunal de commerce de Nîmes, au visa des articles L134-11, L134-12, L134-13 du code de commerce, et de l'article 9 du code de procédure civile, :
« Dit que la rupture des relations contractuelles est imputable à la société [S],
Condamne la société [S] à payer à la société [Z] la somme de 65.561,55 euros à titre d'indemnité de préavis, outre intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2023 et jusqu'à parfait paiement du prix.
Condamne la société [S] à payer à la société [Z] la somme de 131.123,10 euros à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, outre intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2023 et jusqu'à parfait paiement du prix.
Condamne la société [S] à payer à la société [Z] 17.253,66 euros TTC au titre des commissions restant dues, outre intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2023 et jusqu'à parfait paiement du prix.
Ordonne l'exécution provisoire de la décision, qui est compatible avec la nature de l'affaire.
Condamne la société [S] à payer à la société [Z] la somme de 3.000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toutes autres demandes, fins et conclusions contraires.
Condamne la SAS [S] aux dépens de l'instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 110,70 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires. ».
Le 2 février 2023, la société [S] a relevé appel de ce jugement pour le voir annuler ou réformer en toutes ses dispositions.
Par ordonnance du 26 mai 2023, le magistrat délégué par le Premier président de la cour d'appel de Nîmes a débouté la S.A.S. [S] de sa demande de suspension de l'exécution provisoire.
Par jugement du 7 juillet 2023, le tribunal de commerce de Tarascon a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la S.A.S. [S] et nommé la société Etude Balincourt en qualité de mandataire judiciaire, et la société [J] et Bertholet en qualité d'administrateur judiciaire.
Par jugement du 12 juillet 2024, le plan de sauvegarde de la S.A.S. [S] a été adopté par le tribunal qui a nommé la société [J] et Bertholet en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, la société [S], appelante, demande à la cour, au visa de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution, de :
« Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes en date du 10 janvier 2023 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Débouter la Sarl [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, plus amples et contraires.
Condamner la Sarl [Z] à payer à la société [S] la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la Sarl [Z] aux dépens.
Subsidiairement,
Fixer l'indemnité de préavis à la somme de 11 024 euros.
Fixer l'indemnité de rupture à la somme de 7 767 euros.
Plus subsidiairement encore,
Dire qu'en tout état de cause, l'indemnité de rupture doit subir une décote de 50 % dès lors que la société [Z] est de par son comportement fautif, en partie responsable de la rupture. Débouter la société [Z] de sa demande au titre de l'indemnité de rupture pour le surplus.
La débouter de toutes autres demandes, fins et conclusions plus amples et contraires.
Vu la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de la société [S],
Fixer au passif de la société [S] toute condamnation qui serait, par extraordinaire, prononcée à son encontre.
La condamner à payer à chacune des sociétés requises la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens. ».
Au soutien de la fin de non recevoir concernant la demande d'indemnité de rupture, l'appelante expose que les relations entre les sociétés TDL et [Z] ont cessé en juillet 2019. Aucun contrat n'a été passé avec la S.A.S. [S]. La SARL [Z] a notifié sa demande d'indemnité par acte du 1er février 2021, soit plus d'un an après l'extinction effective des relations contractuelles avec la société TDL.
L'appelante fait valoir que le contrat signé le 20 décembre 2016 a été résilié du fait du redressement judiciaire ouvert à l'encontre de la société TDL. Il n'y a eu aucun transfert à la S.A.S. [S]. Seules des relations d'affaires ont perduré entre la SARL [Z] et la S.A.S. [S] dans un autre cadre que celui du contrat. La société TDL n'est devenue la filiale de la S.A.S. [S] qu'en octobre 2020. Elle est une personne morale autonome, indépendante de la société mère.
L'appelante soutient que Monsieur [Z] a été déloyal à son égard, comme se trouvant en collusion avec son ancien directeur, au bénéfice de sociétés concurrentes. La faute grave commise a pour effet de priver la SARL [Z] de toute indemnité compensatrice. L'indemnité de préavis ne doit pas lui être accordée dans la mesure où la rupture lui est imputable.
À titre subsidiaire, l'appelante indique que si la cour devait appliquer un préavis, la durée de celui-ci devrait être conforme à la durée des opérations commerciales entre les parties, soit une seule année. S'agissant du calcul de l'indemnité de rupture, il ne peut également être effectué que sur les opérations commerciales entre les parties d'une durée d'une année. Compte-tenu de l'attitude déloyale de Monsieur [Z], l'indemnité de rupture doit être limitée au chiffre d'affaires réalisé par Monsieur [Z] dans sa zone d'exclusivité. Une décote de 50% doit être également appliquée.
Dans leurs dernières conclusions, les sociétés TDL et JP. Louis et [X] [C], en qualité de mandataire liquidateur de la société TDL, intimées, demandent à la cour, au visa des articles R 121-22 du code des procédures civiles d'exécution, de :
« Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes en date du 10 janvier 2023 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Débouter la Sarl [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, plus amples et contraires
Condamner la Sarl [Z] à payer à Me [C] ès- qualités la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la Sarl [Z] aux dépens.
Subsidiairement,
Mettre hors de cause la société [S]
Fixer au passif de la société TDL toute condamnation qui serait, par extraordinaire, prononcée à son encontre. ».
Au soutien de leurs prétentions, les sociétés TDL Tranchées-Déroctage-Location, et JP. Louis et [X] [C], en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société TDL, intimées, reprennent les moyens soulevés par la S.A.S. [S] appelante, s'agissant de l'irrecevabilité de la demande d'indemnité de rupture, de l'opposabilité du contrat d'agent commercial à la S.A.S. [S] et de la faute commise par l'agent commercial.
Dans ses dernières conclusions, la société [Z], intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles L 134-1 et suivants du code de commerce, de :
« Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Dit que la rupture des relations contractuelles était imputable à la société [S],
Condamne la société [S] à payer à la société [Z] une indemnité de fin de contrat,
Condamne la société [S] à payer à la société [Z] une indemnité compensatrice de préavis,
Condamne la société [S] à payer à la société [Z] des commissions restant dues,
Déboute Maître [X] [C] ès qualités de mandataire judiciaire de la société "TDL" Tranchées- Déroctage-Location et la société [S] de l'intégralité de ses demandes,
Condamne la société [S] à payer à la société [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [S] aux dépens,
Infirmer le jugement en ce qu'il a :
limité à 131 123,10 euros le montant de l'indemnité de fin de contrat due par la société [S] à la société [Z],
limité à 65 651,55 euros le montant de l'indemnité compensatrice de préavis due par la société [S] à la société [Z],
limité à 17 253,66 euros TTC le montant des commissions restant dues par la société [S] à la société [Z],
débouté la société [Z] de ses autres demandes, fins et conclusions,
Et, statuant de nouveau :
- Fixer, à titre provisionnel, à 257 852 euros le montant de la créance de la société [Z] sur la société [S] au titre de l'indemnité de fin de contrat, outre les intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2021 sur cette somme,
- Ordonner l'inscription de cette somme de 257 852 euros, outre les intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2021 sur cette somme, au passif de la société [S],
- Fixer, à titre provisionnel, à 91 983,60 euros TTC le montant de la créance de la société [Z] sur la société [S] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2021 sur cette somme,
- Ordonner l'inscription de cette somme de 91 983,60 euros TTC, outre les intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2021 sur cette somme, au passif de la société [S],
- Fixer, à titre provisionnel, à 112 606,19 euros TTC le montant de la créance de la société [Z] sur la société [S] au titre des commissions restant dues par la société [S] à la société [Z], outre les intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2021 sur cette somme,
- Ordonner l'inscription de cette somme de 112 606,19 euros TTC, outre les intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2021 sur cette somme, au passif de la société [S],
- Fixer à la somme de 30 000 euros le montant des dommages et intérêts dus par la société [S] à la société [Z] pour rupture abusive de son contrat d'agent commercial, outre les intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2021 sur cette somme,
- Ordonner l'inscription de cette somme de 30 000 euros, outre les intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2021 sur cette somme, au passif de la société [S],
- Ordonner à Maître [X] [C] ès qualités de mandataire judiciaire de la société "TDL" Tranchées-Déroctage-Location-et à la société [S] de communiquer à la société [Z] les extraits des comptabilités des sociétés TDL et [S], sous format papier et électronique, lui permettant de vérifier le montant exact des ventes réalisées par les sociétés "TDL" Tranchées-Déroctage-Location - et [S] du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2020 sur le secteur confié à la société [Z], à savoir la France (hors régions Paca et Languedoc-Roussillon) et le reste du monde, et plus particulièrement :
- le journal des ventes réalisées par la société [S] sur ce secteur du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2020,
- l'ensemble des comptes clients de la société [S] sur ce secteur du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2020,
- l'ensemble des factures adressées par la société [S] sur ce secteur du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2020,
le tout certifié exact et exhaustif par le commissaire aux comptes ou l'expert-comptable des sociétés "TDL" Tranchées-Déroctage-Location et [S] et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à ces dernières de la décision à intervenir,
- Dire que l'affaire sera rappelée à l'audience de la cour après communication de ces documents par la société [S], à l'initiative de l'une ou l'autre partie et au plus tard 6 mois après la décision à intervenir,
- Débouter la société [S], la société "TDL" Tranchées-Déroctage-Location, Maître [E] [J], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société [S], Maître [R] [L],ès qualités de mandataire judiciaire de la société [S], Maître [X] [C], ès qualités de mandataire judiciaire de la société "TDL" Tranchées-Déroctage-Location, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- Fixer à la somme de 10 000 euros le montant de la créance de la société [Z] sur la société [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonner l'inscription de cette somme de 10 000 euros au passif de la société [S], ainsi que des entiers dépens de première instance et d'appel. ».
La SARL [Z] réplique que les sociétés TDL et [S] ont modifié de manière unilatérale le territoire qu'elles lui avaient contractuellement confié. De plus, la S.A.S. [S] a également manqué à son obligation de paiement des commissions dues à la SARL [Z] et ce, malgré de multiples relances. La S.A.S. [S] n'a pas adressé à son agent commercial ses relevés de commissions pour l'empêcher d'établir ses factures. La prise d'acte de la rupture de son contrat par la SARL [Z] du fait du comportement des sociétés TDL et [S] était donc parfaitement justifiée. A compter du mois de mai 2020, Monsieur [S] a systématiquement refusé de répondre aux nouvelles commandes qui lui étaient transmises par la SARL [Z] et il a annulé plusieurs commandes. A compter du 1er semestre 2020, la société [S] a également décidé de ne plus convoquer la SARL [Z] aux réunions commerciales. La S.A.S. [S] a enfin violé l'exclusivité qui avait été accordée à la SARL [Z].
La SARL [Z] indique que la relation avec les sociétés TDL et [S] ayant duré trois ans et demi, son préjudice du fait de la rupture doit être évalué à deux ans de rémunérations.
L'intimée rétorque que la cour n'a pas à statuer sur la demande d'irrecevabilité pour forclusion de la demande en paiement de l'indemnité de fin de contrat qui n'apparaît pas dans le dispositif des conclusions de l'appelante. Elle précise que la rupture du contrat est intervenue le 30 juin 2020 et qu'il y a bien eu une continuation de la relation commerciale au moins jusqu'à l'entretien du 15 mai 2020.
De même, la SARL [Z] soutient que la cour n'a pas à statuer sur la demande d'irrecevabilité au motif d'un prétendu défaut de qualité à agir à l'encontre de la société [S] qui n'apparaît pas dans le dispositif des conclusions de cette dernière. En tout état de cause, la société [S] avait repris à son compte l'intégralité des engagements de sa filiale, la société TDL.
La SARL [Z] fait observer que dans la mesure où c'est elle qui a pris acte de la rupture détournée de son contrat du fait du comportement de ses mandants, il importe peu de savoir si elle a commis un quelconque manquement dans le cadre de l'exécution de son mandat. La SARL [Z] conteste toute collusion frauduleuse avec Monsieur [V], non démontrée.
S'agissant de l'indemnité de préavis, la SARL [Z] expose qu'elle était dans sa quatrième année de collaboration avec les sociétés TDL et [S] et était donc en droit de bénéficier d'un préavis de six mois, conformément à l'article 8 du contrat conclu entre
les parties. Le contrat n'a pas pris fin en 2019 mais le 30 juin 2020.
A l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive, la SARL [Z] indique que les sociétés TDL et [S] ont tout fait pour vider le contrat de leur agent commercial de sa substance et le pousser vers la sortie. Elles ont également porté atteinte à son image auprès de la clientèle. Par ailleurs, les sociétés TDL et [S] lui ont également causé un important préjudice financier en ne lui payant pas, pendant cinq mois, les commissions qui lui étaient pourtant dues.
La SARL [Z] précise que sa perte de commission du fait de l'annulation des commandes transmises à la S.A.S. [S] et de l'absence de réponse ou de suite à d'autres commandes s'élève à 101 241,60 euros TTC. De plus, la S.A.S. [S] n'a toujours pas payé des factures de commissions d'un montant de 11 364,59 euros TTC. Elle explique également que le droit de l'agent commercial d'obtenir de son mandant la communication des documents comptables lui permettant de vérifier le montant de ses commissions est inconditionnel et absolu.
La SARL [Z] fait observer que la cour n'a pas à statuer sur la demande de communication de ses factures qui n'apparaît pas dans le dispositif des conclusions de l'appelante. En tout état de cause, les sociétés [S] et TDL avaient parfaitement connaissance de l'existence du site internet de la SARL [Z] dont elles avaient les codes d'accès pour pouvoir d'administrer.
Dans ses conclusions, le ministère public s'en rapporte.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS
1) Sur la recevabilité des demandes de la SARL [Z]
L'article L. 134-12 du dode de commerce dispose que :
'En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits. »
L'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile édicte que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Aux termes de l'article 910-4, alinéa 1, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.
En défense, le moyen s'entend des raisons que le plaideur oppose aux prétentions de son adversaire pour les faire rejeter comme irrégulières, irrecevables ou mal fondées (2e Civ., 12 janvier 1994, n° 92-11293).
La S.A.S. [S] appelante soulève, dans la partie 'discussion' de ses écritures, l'irrecevabilité de la demande d'indemnité de rupture formée par l'agent commercial, comme n'ayant pas été notifiée au mandant dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat d'agent commercial. Or, dans le dispositif de ses conclusions, la S.A.S. [S] ne formalise aucune prétention tendant à voir déclarer la SARL [Z] irrecevable en sa demande.
Cependant, la fin de non recevoir tirée de la déchéance du droit à réparation qui est opposée à l'agent commercial pour faire rejeter comme irrecevables ses demandes en paiement constitue un moyen de défense qui n'a pas à figurer au dispositif des écritures de l'appelante et qu'elle n'était pas tenue d'invoquer dès ses premières conclusions.
De même, dans la partie discussion de ses écritures, la société [S] soutient que le contrat d'agent commercial signé avec la société TDL lui est inopposable et que la SARL [Z] est dépourvue d'intérêt à agir à son encontre.
Là encore, il s'agit d'un moyen de défense sur lequel la cour est tenue de statuer.
L'appelante soutient que la prescription annale commence à courir à compter de l'extinction effective des relations contractuelle et non à la date de notification de la rupture par le mandant.
En l'occurrence, lors de l'entretien du 15 mai 2020, le dirigeant de la S.A.S. [S] a fait part à celui de la SARL [Z] de sa décision de limiter ses prestations dans un rayon de 200 kilomètres autour de la ville de [Localité 12], sans pour autant mettre fin au contrat d'agent commercial. Le 25 mai 2020, Monsieur [Z] a indiqué à son mandant qu'il attendaitd'être fixé sur le sort de son contrat et également que plusieurs demandes urgentes de clients étaient en attente. Le 29 mai 2020, le dirigeant de la S.A.S. [S] lui a répondu qu'il se donnait le temps de la réflexion. Dans son message électronique du 4 juin 2020, la société [S] a proposé à Monsieur [Z] de transformer son contrat d'agent commercial en contrat de travail salarié, considérant ainsi que le dit contrat d'agent commercial était toujours en cours. Ce n'est que le 30 juin 2020 que l'agent commercial a pris l'initiative d'y mettre fin immédiatement. Il a fait assigner les sociétés [S] et TDL ainsi que Maître [X] [C], en qualité de mandataire liquidateur de la société TDL, devant le tribunal de commerce de Nîmes, par exploits des 28 janvier et février 2021. Par conséquent, l'agent commercial a bien notifié sa demande d'indemnité de rupture dans le délai d'un an à compter de la cessation effective du contrat.
A la lecture des statuts de la société TDL, il apparaît que son capital social est détenu entièrement par la S.A.S. [S], depuis sa constitution, et que, depuis une assemblée générale extraordinaire du 15 février 2007, sa gérance est assurée par Monsieur [P] [S], président de la S.A.S. [S]. La société TDL était donc déjà la filiale de la S.A.S. [S], lors de la conclusion du contrat d'agent commercial avec la SARL [Z].
Il résulte du libellé des factures versées au débat et de l'extrait du compte de la SARL [Z] dans les livres de la société [S] qu'à compter du mois de juin 2019, la SARL [Z] a adressé ses demandes de commissions à la S.A.S. [S], qui en a honoré le paiement jusqu'au mois de février 2020 inclus et s'est engagée par courriel du 29 mai 2020 à régler celles du mois de mars 2020.
La rémunération de la SARL [Z] telle que mentionnée sur les factures réglées par la société [S] s'élève à 15% du montant de la location des matériels de cette dernière, comme prévu au contrat signé le 20 décembre 2016 avec la société TDL.
A partir de juin 2019, il doit être déduit du comportement de la société [S] qu'elle s'est engagée à exécuter les obligations qui incombaient à sa filiale, la société TDL. La qualité et l'intérêt à agir de la SARL [Z] à l'encontre de la société [S] sont dès lors indéniables.
Par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les fins de non recevoir soulevées et considéré la SARL [Z] recevable en ses demandes.
2) Sur la rupture du contrat d'agent commercial
Aux termes de l'article L. 134-13 du code de commerce, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1°La cessation du contrat est provoquéepar la faute grave de l'agent commercial,
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge,l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial,par suite desquels la poursuite de son activité ne peutplus être raisonnablement exigée ,
3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.
En l'occurrence, c'est l'agent commercial qui a mis fin au contrat le 30 juin 2020.
La S.A.S. [S] ne conteste pas avoir informé le 15 mai 2020 la SARL [Z] de sa volonté de procéder à une restructuration commerciale consistant à limiter la location de matériel de déroctage à un rayon de 200 kilomètres autoir de [Localité 12]. En dépit des demandes effectuées les 18 mai, 4, 8 et 12 juin 2020 par la SARL [Z], la S.A.S. [S] ne s'est pas prononcée sur le devenir du contrat d'agent commercial.
Or, la restriction drastique du secteur de l'agent commercial telle qu'envisagée par le mandant aboutissait à une modification substantielle du contenu du mandat, la SARL [Z] ayant réalisé en 2019 la totalité de son chiffre d'affaires en dehors du nouveau secteur qui lui était proposé.
La SARL [Z] a alerté son mandant dès le 20 mai 2020 au sujet des demandes urgentes de prix ou d'interventions de la part de clients dont certaines demandaient une réponse avant la fin de la semaine. Le 25 mai 2020, la SARL [Z] a rappelé à son mandant qu'il avait reçu des relances de clients et qu'il était en attente de ses instructions. Après avoir répondu le 29 mai 2020 qu'il se laissait le temps de la réflexion, le dirigeant de la société [S] a finalement proposé à son agent commercial un emploi salarié que ce dernier a refusé. Le 8 juin 2020, la SARL [Z] a transmis à la société [S] la demande de devis du groupe [...] pour un trancheuse S25, sans obtenir de réponse.
Par courriel du 12 juin 2020, la SARL [Z] s'est plainte auprès de la société [S] de ce que cette dernière n'avait pas confirmé la commande du groupe [...] pour une Risa RT200 si bien que la commande avait été annulée par le client ; que la commande [...] avait été également annulée et qu'il n'avait reçu aucune réponse au sujet d'une commande pour le Finistère. La SARL [Z] a également énuméré les clients auprès desquels il n'avait pu effectuer d'offres de prix.
La SARL [Z] verse également au débat un message du groupe [...] du 15 juin 2020 indiquant annuler sa commande de location d'une trancheuse, un message de rappel de la société [...] du 10 juin 2020 et un message de mécontentement de la société [...] du 29 juin 2020 suite à l'annulation de la commande d'une trancheuse.
Il s'en suit que, par son inertie et son absence d'instruction, la société [S] a empêché son agent commercial de poursuivre normalement son activité à partir du 15 mai 2020.
Il est également établi que la S.A.S. [S] a attendu le 14 avril 2020 pour régler à la SARL [Z] les commissions des mois de janvier et de février 2020 et qu'elle reste redevable de commissions du mois de mars 2020.
Pour justifier le non paiement des commissions de son agent, à partir du mois de mars 2020, la S.A.S. [S] invoque le fait qu'il n'était pas en mesure de présenter une situation fiscale et sociale à jour.
Or, il résulte du courriel de l'URSSAF du 12 août 2020 qu'il n'est pas possible d'éditer une attestation de vigilance pour une société qui n'emploie pas de personnel. La S.A.S. [S] était donc mal fondée à s'opposer au paiement des commissions restant dues à la SARL [Z] au motif de l'absence de fourniture d'une telle attestation, ce d'autant plus qu'elle a été rendue destinataire de la réponse de l'URSSAF du 12 août 2020 mais n'a pas pour autant honoré ses obligations envers son agent commercial. De même, la S.A.S. [S] n'était pas en droit de subordonner le paiement des commissions à la justification par son mandataire de sa situation fiscale.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que les dispositions de l'article L.134-13 2° du code de commerce trouvaient à s'appliquer en l'espèce en ce que la rupture du contrat, dont il a été pris acte par l'agent, était justifiée par des circonstances imputables au mandant, par suite desquelles la poursuite de son activité ne pouvait plus être raisonnablement exigée.
Il résulte de l'article L. 134-13 du code de commerce que, lorsque la cessation du contrat d'agence commerciale résulte de l'initiative de l'agent et qu'elle est justifiée par des circonstances imputables au mandant, la réparation prévue à l'article L. 134-12 de ce code demeure due à l'agent, quand bien même celui-ci aurait commis une faute grave dans l'exécution du contrat (Com.,16 novembre 2022, n°21-10.126).
Il s'en suit que la cessation du contrat, intervenue à l'initiative de la SARL [Z], était justifiée par des circonstances imputables à la S.A.S. [S], l'éventuelle commission d'une faute grave par l'agent commercial est sans incidence sur son droit à la réparation prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce.
En tout état de cause, en l'espèce, le comportement déloyal de l'agent commercial n'est pas démontré alors que l'attestation de Monsieur [M] ne fait que relater que les dires de Monsieur [V], ancien directeur général de la société [S], qui se vante d'avoir procédé à des débauchages, et qu'il n'est pas mentionné de numéro de téléphone sur le SMS versé au débat, de sorte qu'il n'est pas possible d'en identifier l'auteur. Par ailleurs, il n'est pas établi que les litiges apparus sur certains chantiers soient imputables à des manquements de l'agent commercial auquel il n'aurait pas été proposé un contrat de travail s'ils étaient avérés.
3) Sur l'indemnité de préavis
Si la SARL [Z] a accepté en juin 2019 que la S.A.S. [S] se substitue à sa filiale dans le paiement des commissions, il n'est pas démontré que l'agent commercial ait pour autant renoncé aux engagements pris par la société TDL et à l'exécution du contrat signé le 20 décembre 2016.
Le contrat d'agent commercial a été rompu à l'initiative de l'agent lui-même le 30 juin 2020, soit avant même l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société TDL, par jugement du 11 septembre 2020. Ce n'est donc pas la procédure collective dont a fait l'objet la société TDL qui a entraîné sa résiliation.
La SARL [Z] est ainsi bien fondée à se prévaloir de l'article 8.2 qui prévoit un préavis de six mois lorsque la résiliation intervient à partir de la deuxième année.
Le prétendu comportement déloyal de l'agent commercial est sans incidence sur son droit à indemnité dès lors que la rupture du contrat d'agent commercial est imputable au mandant. Il n'y a donc pas lieu de pondérer le chiffre d'affaires de la dernière période d'activité pour tenir compte du comportement de l'agent commercial.
C'est de manière pertinente que pour calculer l'indemnité de préavis, les premiers juges ont pris en considération la moyenne annuelle de 131 123,10 euros hors taxes des commissions encaissées par la SARL [Z] sur une période de deux années du 1er mai 2018 au 30 avril 2020. L'indemnité de préavis sur une durée de six mois s'élève donc à 65.561,55 euros hors taxes. Il convient de rajouter la taxe sur la valeur ajoutée de 20% et d'allouer à la SARL [Z] la somme de 78 673,86 euros qui sera admise au passif de la sauvegarde de la société [S].
Seules les créances fiscales et sociales peuvent faire l'objet d'une admission à titre provisionnel. La créance de la SARL [Z] sera ainsi admise à titre définitif.
Dans sa déclaration de créance du 1er septembre 2023, la SARL [Z] n'a pas arrêté le montant des intérêts échus et impayés à la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société [S]. Il n'y a donc pas lieu d'admettre au passif les intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 1er février 2021 ainsi que leur capitalisation.
4) Sur l'indemnité de rupture
La cessation du contrat d'agence commerciale donne droit à réparation du préjudice résultant, pour l'agent commercial, de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Il n'y a donc pas lieu, aux fins d'évaluer ce préjudice, de tenir compte des circonstances postérieures à la cessation du contrat telles que la conclusion par l'agent d'un nouveau contrat en vue de prospecter la même clientèle pour un autre mandant (Com. 29 janvier 2025, n° 23-21.527).
Eu égard à la durée de 42 mois du contrat d'agent commercial de la SARL [Z] et aux usages en la matière, l'indemnité de rupture sera fixée à la somme de 257 852 euros représentant deux années de rémunération.
Par conséquent, la somme de 257 852 euros sera admise au passif de la sauvegarde de la société [S] à titre définitif et non provisionnel ; les intérêts échus à la date de l'ouverture de la procédure collective, qui n'ont pas été chiffrés dans la déclaration de créance, seront rejetés ainsi que leur capitalisation.
5) Sur la demande de dommages-intérêts supplémentaires
Les dispositions de l'article L. 134-12 du code de commerce, qui obligent le mandant à réparer le préjudice subi par l'agent commercial du fait de la cessation du contrat d'agence commerciale, n'interdisent pas la réparation du préjudice spécifique subi par l'agent lorsque les causes de cette cessation ont un caractère fautif (Com., 26 novembre 2003, pourvoi n° 02-12.396).
Le refus par la société [S], à compter du mois de mai 2020, d'honorer certaines commandes transmises par la SARL [Z] et de répondre à des demandes de devis, a nécessairement porté atteinte à la réputation de l'agent commercial auprès de la clientèle. Il lui sera alloué une indemnité de 8 000 euros à ce titre.
6) Sur la demande en paiement de commissions
La société [S] reconnaît devoir à la SARL [Z] la somme de 10 900,14 euros TTC au titre des factures de commissions du 31 mars 2020. De plus, la société [S] ne justifie pas avoir réglé à la SARL [Z] la facture de débours FA2019234 du 30 septembre 2019 d'un montant de 42,47 euros TTC.
La facture FA2019207 du 27 mars 2019 a été libellée à l'ordre de la société TDL et non de la société [S].
Les factures restant à régler par la société [S] s'élèvent donc à 10 942,61 euros.
La SARL [Z] verse au débat des messages des sociétés [...] et [...] confirmant l'annulation de la prestation de location de trancheuses.
L'agent commercial a également fait état, dans son message du 12 juin 2020, de l'annulation du chantier [...] au 1er juin 2020, sans que la société [S] n'ait réagi et donc contesté cette affirmation. En revanche, les autres commandes annulées ou restées sans suite de la part de la société [S] qui figurent dans le tableau qu'il communique ne sont corroborées par aucun élément probant.
Par conséquent, la perte de commissions en lien avec le refus non justifié de la société [S] d'honorer les commandes sera évaluée à 12 038 euros hors taxes, soit à 14 445,60 euros TTC.
Au total, la créance de la SARL [Z] au titre des commissions sera admise à hauteur de 25 388,21 euros.
7) Sur la demande de communication des factures
Aux termes de l'article R.134-3 du code de commerce, l'agent commercial est en droit d'exiger de son mandant la communication de tous les documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions susceptibles de lui être dues ( Com., 16 novembre 2022, n° 21-17.423).
En l'occurrence, le contrat d'agent commercial stipule en son article 7.4 qu'à la cessation du contrat, à quelque moment et pour quelque cause qu'elle intervienne, la commission sera due à l'agent commercial sur toute commande exécutée antérieurement à la cessation du contrat et sur toute affaire engagée par l'agent commercial avant la cessation du contrat et donnant lieu à commande dans les 180 jours de celle-ci.
La société [S] produit des extraits de son grand livre général pour la période du 1er avril au 30 juin 2020 ainsi que les factures de travaux prestations inscrites dans les comptes 70400100 et 70400000. Ces documents permettent à la SARL [Z] de vérifier le montant des commissions susceptibles de lui être dues mais uniquement sur la période considérée.
Il convient, par conséquent, de faire droit à la demande de la SARL [Z] de communication des documents comptables mais en la limitant à la période du 1er juin 2019 au 31 mars 2020 ainsi qu'à la période du 1er juillet 2020 au 31 décembre 2020 s'agissant de la société [S], et à la période du 1er janvier 2017 au 31 mai 2019 s'agissant de la SCP J.P. Louis & [X][C], ès qualités. Cette communication pourra avoir lieu sous format papier ou électronique. En revanche, il n'apparaît pas nécessaire d'assortir l'injonction d'une astreinte pour en assurer l'exécution.
8) Sur les frais du procès
Les dépens exposés en première instance comme en appel ne sont pas utiles au déroulement de la procédure collective et ne constituent pas la contrepartie d'une prestation fournie à la société [S], après le jugement d'ouverture. En application des articles L.622-17 et L.622-21 du code de commerce, ils doivent être fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société appelante qui succombe.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la SARL [Z] et de fixer sa créance, à 3 000 euros, à ce titre, en sus de l'indemnité de 3 000 euros déjà allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- dit que la rupture des relations contractuelles est imputable à la société [S],
- alloué à la société [Z] la somme de 3.000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- mis les dépens de l'instance à la charge de la société [S],
L'infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Fixe à 78 673,86 euros la créance de la SARL [Z] au passif de la sauvegarde de la société [S] au titre de l'indemnité de préavis,
Fixe à 257 852 euros la créance de la SARL [Z] au passif de la sauvegarde de la société [S] au titre de l'indemnité de rupture,
Fixe à 8 000 euros la créance de la SARL [Z] au passif de la sauvegarde de la société [S] en réparation du préjudice moral,
Fixe à 25 388,21 euros la créance de la SARL [Z] au passif de la sauvegarde de la société [S] au titre des commissions,
Ordonne à la société [S] de communiquer à la SARL [Z] les extraits de sa comptabilité, sous format papier ou électronique, lui permettant de vérifier le montant exact des ventes réalisées par la société [S] du 1er juin 2019 au 31 mars 2020 ainsi que du 1er juillet 2020 au 31 décembre 2020 sur le secteur confié à la société [Z], à savoir, la France (hors régions Paca et Languedoc-Roussillon) et le reste du monde, et plus particulièrement :
- le journal des ventes réalisées par la société [S] sur ce secteur du 1er juin 2019 au 31 mars 2020 ainsi que du 1er juillet 2020 au 31 décembre 2020,
- l'ensemble des comptes clients de la société [S] sur ce secteur du 1er juin 2019 au 31 mars 2020 ainsi que du 1er juillet 2020 au 31 décembre 2020,
- l'ensemble des factures adressées par la société [S] sur ce secteur du 1er juin 2019 au 31 mars 2020 ainsi que du 1er juillet 2020 au 31 décembre 2020,
le tout certifié exact et exhaustif par le commissaire aux comptes ou l'expert-comptable
de la société [S],
Ordonne à la SCP J.P. Louis & [X][C], ès qualités, de communiquer à la SARL [Z] les extraits de sa comptabilité, sous format papier ou électronique, lui permettant de vérifier le montant exact des ventes réalisées par la société TDL du 1er janvier 2017 au 31 mai 2019 sur le secteur confié à la société [Z], à savoir, la France (hors régions Paca et Languedoc-Roussillon) et le reste du monde, et plus particulièrement :
- le journal des ventes réalisées par la société TDL sur ce secteur du 1er janvier 2017 au 31 mai 2019,
- l'ensemble des comptes clients de la société TDL sur ce secteur du 1er janvier 2017 au 31 mai 2019,
- l'ensemble des factures adressées par la société TDL sur ce secteur du 1er janvier 2017 au 31 mai 2019,
le tout certifié exact et exhaustif par le commissaire aux comptes ou l'expert-comptable
de la société TDL,
Y ajoutant,
Fixe à 131 123,10 euros la créance de la SARL [Z] au passif de la sauvegarde de la société [S] au titre de l'indemnité de rupture de contrat,
Déboute la SARL [Z] de sa demande de fixation d'une astreinte et du surplus de ses prétentions indemnitaires,
Fixe les dépens de première instance et d'appel au passif de la sauvegarde de la société [S],
Fixe à 6 000 euros la créance de la SARL [Z] au passif de la sauvegarde de la société [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.