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Cass. com., 12 mars 2025, n° 23-12.169

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ponsot

Rapporteur :

Mme de Lacaussade

Avocats :

SAS Buk Lament-Robillot, SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers

Noumea, ch. com., du 15 sept. 2022

15 septembre 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 15 septembre 2022), par un acte sous seing privé du 17 décembre 2010, M. [G] et M. [R] se sont engagés à céder à Mme [M] l'intégralité des parts sociales de la société Pharmacie centrale (la société), moyennant un prix global payable comptant, sous conditions suspensives d'obtention de prêt et de dépôt d'un dossier de déclaration d'exploitation.

2. Les conditions suspensives ayant été levées, selon convention de cession de titres conclue le 21 juin 2011, les parties ont réitéré leurs engagements et, par acte séparé du même jour, M. [R] et M. [G] ont souscrit une garantie d'actif et de passif au profit de Mme [M].

3. Mme [M] a saisi une juridiction et a demandé que M. [R] soit condamné à lui payer diverses sommes au titre de cette garantie ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par un dol, tenant à la présentation de comptes sociaux inexacts. M. [R] a appelé en garantie M. [G].

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de M. [R] à lui payer une certaine somme au titre de la garantie d'actif et de passif, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2014, alors « que, dans ses conclusions d'appel, M. [R] ne contestait pas l'absence de paiement du loyer du mois de janvier 2011, des charges du deuxième trimestre 2011, ou de provision comptabilisée à ce titre, et, partant, l'exigibilité de ces sommes par le bailleur, mais se bornait à soutenir qu'il s'agissait d'une erreur du comptable ; que, dès lors, en énonçant pour rejeter la demande de Mme [M] tendant à voir ces sommes retenues au titre de la garantie de passif, qu'elle n'était pas en mesure d'affirmer que ces sommes étaient exigibles par le bailleur, circonstance qui était pourtant reconnue par M. [R], la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie. »

Réponse de la Cour

5. Ayant constaté que M. [R] contestait devoir la moindre somme au titre de la garantie de passif et retenu que Mme [M] ne justifiait pas de l'issue du procès au titre duquel des loyers et charges impayés étaient réclamés à la société par la propriétaire des lieux, c'est sans modifier l'objet du litige que la cour d'appel, relevant que la preuve de l'exigibilité de cette dette n'était pas rapportée, a rejeté la demande présentée par Mme [M] à ce titre.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

7. Mme [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir M. [R] condamner à lui payer la somme de 109 049 328 F CFP à titre de dommages et intérêts pour dol commis à son préjudice, alors :

« 1°/ que la dissimulation d'une manœuvre frauduleuse susceptible de modifier la valeur des parts cédées et, partant, le consentement du cessionnaire, constitue une réticence dolosive ; que, dès lors, en se bornant à énoncer, pour considérer que bien que M. [R] se soit rendu coupable de manœuvres frauduleuses en inscrivant au bilan de la société reprise un pas-de-porte qui n'avait jamais été versé à la bailleresse, afin d'apurer sa dette envers la société cédée, que cette opération ne pouvait être considérée comme une manœuvre dolosive puisqu'elle avait été imaginée dès 2008, soit avant l'ouverture des opérations de rachat de la société, et qu'elle n'avait donc pas été réalisée dans le but de tromper Mme [M] et de la déterminer à conclure, sans rechercher comme elle y était invitée, si la dissimulation de cette circonstance, dont la révélation aurait été de nature à induire Mme [M] à ne pas conclure le contrat ou à le conclure à des conditions différentes, ne constituait pas une réticence dolosive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que la dissimulation, par le cédant, d'une fraude susceptible de modifier la valeur des parts cédées et, partant, le consentement du cessionnaire, constitue une réticence dolosive ; que, dès lors, en se bornant à énoncer, pour considérer que le fait que M. [R] ait encaissé des ristournes consenties par le GPNC entre 2000 et 2007, quoique pénalement répréhensible, ne présentait pas le caractère de manœuvres dolosives à l'égard de Mme [M], qu'il ne pourrait être tenu pour une volonté de tromper Mme [M] puisqu'il avait eu lieu plusieurs années avant l'ouverture des pourparlers, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la dissimulation de cette fraude, dont la révélation aurait été de nature à induire Mme [M] à ne pas conclure le contrat ou à le conclure à des conditions différentes, ne constituait pas une réticence dolosive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que la dissimulation d'une fraude susceptible de modifier la valeur des parts cédées et, partant, le consentement du cessionnaire, constitue une réticence dolosive ; que, dès lors, en se bornant à énoncer, pour considérer que la fixation du loyer supporté par la société Pharmacie centrale à un montant excessif ne pouvait être considérée comme une manœuvre dolosive, qu'elle avait eu lieu plusieurs années avant l'ouverture des pourparlers, sans rechercher comme elle y était invitée, si la dissimulation de cette fraude, dont la révélation aurait été de nature à induire Mme [M] à ne pas conclure le contrat ou à le conclure à des conditions différentes, ne constituait pas une réticence dolosive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

8. Après avoir retenu que l'encaissement sur le compte personnel du cédant, de remises effectuées au profit de la société cédée, quoique pénalement répréhensible, ne pouvait pas être tenu pour l'expression d'une volonté de tromper la cessionnaire puisqu'il avait eu lieu plusieurs années avant l'ouverture des pourparlers et qu'il en était de même de la fixation du loyer supporté par la société cédée à un montant excessif au regard du marché locatif, l'arrêt ajoute que, si M. [R] s'était rendu coupable d'une manoeuvre frauduleuse en inscrivant au bilan de la société reprise, pour apurer sa dette envers la société, une somme correspondant à un pas-de-porte qui n'avait jamais été versé à la bailleresse, les circonstances dans lesquelles cette opération avait été imaginée, dès 2008, soit avant l'ouverture des négociations sur le rachat de la société, établissaient que cette écriture frauduleuse, qui entrait dans le champ de la garantie d'actif et de passif destinée à préserver l'acquéreur de toute diminution d'actif, n'avait pas été inscrite dans le but de tromper Mme [M] et de la déterminer à conclure.

9. Sous le couvert de divers griefs non fondés de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la portée des éléments de preuve produits, desquels la cour d'appel a déduit que Mme [M] ne démontrait pas que son consentement avait été vicié.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

11. Mme [M] fait le même grief à l'arrêt, alors « que lorsqu'un contrat de cession de parts sociales est précédé d'une promesse, l'existence d'un dol de nature à vicier le consentement du cessionnaire s'apprécie à la date de conclusion du contrat de cession et non à celle de la promesse ; que, dès lors, en retenant, pour considérer que le fait que M. [R] ait dissimulé la signature d'un bail portant sur les lots 34 et 36 entre la société Pharmacie centrale et la société Anni (la bailleresse) pendant la période comprise entre le 17 décembre 2010, date de la promesse de vente, et le 21 juin 2011, date de la conclusion du contrat de cession, en contravention avec les obligations imposées par la promesse, ne pouvait être considéré comme une manœuvre dolosive dans la mesure où, à cette date, Mme [M] s'était déjà engagée à acquérir les parts, la cour d'appel qui a apprécié le consentement de l'acquéreur à une date antérieure à celle de la conclusion du contrat de cession, a violé les articles 1109 et 1116 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

12. Après avoir relevé que M. [R], qui s'était engagé, aux termes de la promesse de cession des titres du 17 décembre 2010, à ce que la gestion de la société soit assurée de manière courante sans qu'il ne soit apporté de modifications, autres qu'ordinaires, au cours normal des affaires ainsi qu'à recueillir l'accord préalable du cessionnaire pour toute modification de contrats ou accords à long terme, avait failli à ses obligations en signant un bail, le 4 février 2011 sans en aviser Mme [M], l'arrêt retient que cette faute a été commise à une époque où celle-ci s'était déjà engagée à acquérir les parts sociales, à un prix qui avait été arrêté par les parties.

13. Ayant ainsi estimé, par l'interprétation de la volonté commune des parties, que le contrat s'était formé entre elles à la date de signature de la promesse synallagmatique de cession ayant formalisé leur accord sur la chose et sur le prix, la cour d'appel a pu en déduire que Mme [M] ne démontrait pas que son consentement avait été vicié par dol en raison de la conclusion, postérieure, d'un bail par le cédant.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [M] et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;

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