CA Douai, ch. 8 sect. 4, 6 mars 2025, n° 22/04948
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 06/03/2025
****
N° de MINUTE : 25/205
N° RG 22/04948 - N° Portalis DBVT-V-B7G-URSE
Jugement (N° ) rendu le 31 Août 2022 par le Tribunal judiciaire de Douai
APPELANTE
Madame [N] [J]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [Z] [U]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Pierre Delannoy, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
SCI Le Clos Saint Pierre dont le siège social est [Adresse 3], pris en la personne de Maître [T] [M] désigné en qualité de mandataire ad'hoc de la SCI Le Clos Saint Pierre par ordonnance du 16 novembre 2022, dont le cabinet est sis
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Catherine Camus Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 21 janvier 2025 tenue par Sara Lamotte magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Cécile Mamelin, président de chambre
Sara Lamotte, conseiller
Isabelle Facon, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 mars 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Cécile Mamelin, président et Harmony poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 juillet 2025
****
Le 19 février 2002, M. [Z] [U] et Mme [N] [J] se sont associés dans le cadre de la SCI Le Clos Saint Pierre, immatriculée le 25 février 2002 au registre du commerce et des sociétés de Douai. M. [U] détenait 60 % des parts et Mme [J] détenait 40 % des parts.
Par acte du 30 avril 2002, la SCI Le Clos Saint Pierre a acquis un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] dans lequel elle a fixé son siège social.
Par acte du même jour, un bail à usage professionnel a été conclu entre la SCI Le Clos Saint Pierre et Mme [J] pour une durée de 6 ans à compter du 1er mai 2002, les locaux donnés à bail à cette même adresse étant désignés comme « une pièce à usage de salle d'attente d'une superficie d'environ 10m2, une pièce à usage de bureau d'une superficie d'environ 20 m2 » moyennant un loyer de 450 euros par mois, outre des charges mensuelles estimées à 80 euros.
Par un jugement du 28 juillet 2017, le juge aux affaires familiales de Douai a prononcé le divorce des époux avec effets reportés au 1er janvier 2014.
Par acte du 22 octobre 2019, la SCI Le Clos Saint Pierre a fait délivrer à Mme [J], qui occupait seule l'immeuble dans son ensemble, partie à usage professionnel et partie habitation dans le cadre de la procédure de divorce, un congé de résiliation du bail professionnel à effet au 30 avril 2020.
Par acte signifié le 29 avril 2020, Mme [J] a fait assigner M. [U] et la SCI Le Clos Saint Pierre devant le tribunal judiciaire de Douai en vue d'obtenir la révocation de ses fonctions de gérant de la SCI, l'annulation du congé à bail professionnel et sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Suivant jugement en date du 31 août 2022, auquel il y a lieu de se référer pour un exposé exhaustif du dispositif s'agissant du rappel de mentions légales, le tribunal judiciaire de Douai a :
- Ordonné la révocation de M. [U] de ses fonctions de gérant de la SCI Le Clos Saint Pierre ;
- Désigné Maître [T] [M], [Adresse 2] à [Localité 6], comme mandataire ad' hoc qui aura pour mission de convoquer l'assemblée générale des associés de la SCI Le Clos Saint Pierre pour délibérer sur l'ordre du jour suivant :
Nomination d'un nouveau gérant à la suite de la révocation judiciaire de M. [U] ;
Conférer tous pouvoirs pour accomplir les formalités légales de publicité et de modification du registre du commerce et des sociétés ;
- Fixé le délai de la mission à 6 mois ;
- Dit que la SCI Le Clos Saint Pierre devra supporter les honoraires du mandataire ad hoc et le coût des formalités légales ;
- Débouté Mme [J] de sa demande d'annulation du congé à bail professionnel délivré le 22 octobre 2019 à effet au 30 avril 2020 ;
- Ordonné, à défaut pour Mme [J] d'avoir libéré les lieux dans un délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion et à celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;
- Rappelé qu'à défaut d'enlèvement des meubles par Mme [J], il y sera procédé à ses frais dans les conditions prévues aux articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
- Débouté M. [U] de sa demande tendant à être autorisé à mettre seul en vente l'immeuble appartenant à la SCI Le Clos Saint Pierre, situé [Adresse 3] à [Localité 6], au prix minimum de 220 000 euros ;
- Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 14 000 euros au titre de l'indemnité d'occupation due pour la seule partie habitation du 1er décembre 2018 au 1er novembre 2021 ;
- Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité mensuelle d'occupation de 850 euros à compter du 1er novembre 2021 et jusqu'à libération effective des lieux, avec intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité pour les indemnités d'occupation à échoir ;
- Dit que cette indemnité sera due proportionnellement au temps d'occupation des lieux et payable d'avance au plus tard le 15 du mois ;
- Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 4 800 euros au titre des charges impayées ;
- Condamné Mme [J] à payer à M. [U] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté Mme [J] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Mme [J] aux dépens ;
- Dit que la présente décision est exécutoire par provision.
Mme [J] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 21 octobre 2022, dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas critiquées, déclaration d'appel critiquant chacune des dispositions de la décision entreprise, sauf en ce qu'elle ordonne la révocation de M. [U] de ses fonctions de gérant de la SCI Le Clos Saint Pierre et désigne Maître [T] [M], [Adresse 2] à [Localité 6], comme mandataire ad'hoc.
Par ordonnance en date du 16 novembre 2022, le magistrat chargée de la mise en état a désigné Maître [T] [M] domicilié [Adresse 2], en qualité de mandataire ad'hoc de la SCI Le Clos Saint Pierre aux fins de la représenter pour les besoins de la présente procédure d'appel.
Par ordonnance en date du 26 septembre 2023, la première présidente de chambre, désignée par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Douai du 20 juillet 2023, a dit n'y avoir lieu à faire droit à la requête présentée le 27 février 2023 de désigner Maître [T] [M] en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Saint Pierre avec une mission complète dont la gestion, l'administration et la direction de la SCI Saint Pierre et le pouvoir de prendre tous les actes et décisions utiles et nécessaires dans l'intérêt de la SCI Le Clos Saint Pierre.
Par ordonnance en date du 25 janvier 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation formée par M. [U] et la SCI Le Clos Saint Pierre, dit que le sort des dépens du présent incident suivra celui des dépens de l'instance au fond et dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 21 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Douai a, après avoir constaté le conflit persistant entre les deux associés de la SCI, lesquels n'ont pas été en mesure d'élire un nouveau gérant malgré la désignation d'un mandataire ad'hoc par le jugement dont appel, désigné de nouveau Maître [T] [M] comme mandataire ad'hoc avec pour mission de gérer et d'administrer provisoirement la SCI Le Clos Saint Pierre et plus généralement de prendre toutes mesures propres à assurer le fonctionnement de celle-ci, sans pouvoir d'aliénation des biens immobiliers de la SCI.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2024, Mme [J] demande à la cour de :
- Dire et juger Mme [J] recevable et bien fondée en son appel ;
- Y faisant droit,
- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
Déboute Mme [J] de sa demande d'annulation du congé à bail professionnel délivré le 22 octobre 2019 à effet au 30 avril 2020 ;
Ordonne, à défaut pour Mme [J] d'avoir libéré les lieux dans un délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion et à celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;
Rappelle qu'à défaut d'enlèvement des meubles par Mme [J], il y sera procédé à ses frais dans les conditions prévues aux articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
Déboute M. [U] de sa demande tendant à être autorisé à mettre seul en vente l'immeuble appartenant à la SCI Le Clos Saint Pierre, situé [Adresse 3] à [Localité 6], au prix minimum de 220 000 euros ;
Condamne Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 14 000,00 euros au titre de l'indemnité d'occupation due pour la seule partie habitation du 1er décembre 2018 eu 1er novembre 2021 ;
Condamne Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité mensuelle d'occupation de 850 euros à compter du 1er novembre 2021 et jusqu'à libération effective des lieux, avec intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité pour les indemnités d'occupation à échoir ;
Dit que cette indemnité sera due proportionnellement au temps d'occupation des lieux et payable d'avance au plus tard le 15 du mois ;
Condamne Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 4 800 euros au titre des charges impayées ;
Condamne Mme [J] à payer à M. [U] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Mme [J] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [J] aux dépens.
Statuant à nouveau,
- Annuler le congé à bail professionnel en date du 22/10/2019 et à l'effet du 30/04/2020 ;
- Vu le contrat de bail à titre gratuit conclu entre les parties pour la partie habitation ;
- Débouter M. [U] et la SCI Le Clos Saint Pierre de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
Subsidiairement du chef de l'indemnité d'occupation sollicitée par M. [U],
- La réduire à de plus juste proportions au vu de l'état de l'immeuble ;
- Dire et juger qu'elle ne pourrait commencer à courir que 6 mois à compter de la date de l'appel du jugement rendu le 28 juillet 2017.
En cas de condamnation de Mme [J],
- Ordonner la compensation entre les condamnations prononcées contre Mme [J] d'avec le compte courant d'associé détenu par la SCI dans ses livres.
Subsidiairement du chef de l'article 700,
- Diminuer le montant des articles 700 dans de notables proportions ;
- Prononcer l'irrecevabilité de l'appel incident et des demandes de M. [U].
A titre subsidiaire,
- Débouter M. [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la SCI Le Clos Saint Pierre à payer à Mme [J] la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2024, M. [U] demande à la cour de :
- Dire bien jugé et mal appelé ;
- Juger M. [U] recevable et bien fondé en son appel incident ;
En conséquence,
- Débouter purement et simplement Mme [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ainsi que de son appel incident ;
- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Douai du 31 août 2022 en ce qu'il a révoqué M. [U] de ses fonctions de gérant de la SCI Le Clos Saint Pierre ;
- Confirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Douai du 31 août 2022 en ce qu'il a :
Débouté Mme [J] de sa demande d'annulation du congé à bail professionnel délivré le 22 octobre 2019 à effet au 30 avril 2020 ;
Ordonné, à défaut pour Mme [J] d'avoir libéré les lieux dans un délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion et à celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;
Rappelé qu'à défaut d'enlèvement des meubles par Mme [J], il y sera procédé à ses frais dans les conditions prévues aux articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité d'occupation pour la partie habitation du 1er décembre 2018 au 1er novembre 2021 ;
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 1er novembre 2021 et jusqu'à libération effective des lieux, avec intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité pour les indemnités d'occupation à échoir ;
Dit que cette indemnité sera due proportionnellement au temps d'occupation des lieux et payable d'avance au plus tard le 15 du mois ;
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 4800 euros au titre des charges impayées ;
Condamné Mme [J] à payer à M. [U] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouté Mme [J] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme [J] aux dépens ;
Dit que la présente décision est exécutoire par provision.
Et, en conséquence, statuant de nouveau, M. [U] demande de :
A titre incident et infirmant le jugement de première instance du 31 août 2022 :
- Juger que M. [U] est bien le gérant de la SCI Le Clos Saint Pierre ;
- Condamner Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité d'occupation pour la partie habitation et ce depuis le 1er décembre 2018 à hauteur de 1 270 euros par mois, soit un total de 43.180 euros jusqu'au 1er novembre 2021 ;
- Condamner Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité d'occupation de 1 270 euros par mois à compter du 1er novembre 2021 et ce jusqu'à son départ effectif des lieux ainsi qu'au règlement d'une somme de 5 400 euros pour les charges liées au bail professionnel ;
- Condamner Mme [J] à payer à M. [U] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Mme [J] au paiement de l'intégralité des frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Pierre Delannoy, Avocat au Barreau de Lille aux offres de droit.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 avril 2024, la SCI Le Clos Saint Pierre prise en la personne de Maître [T] [M], es-qualité de mandataire ad'hoc, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Douai du 31 août 2022 en ce qu'il a :
Débouté Mme [J] de sa demande d'annulation du congé à bail professionnel délivré le 22 octobre 2019 à effet au 30 avril 2020 ;
Ordonné, à défaut pour Mme [J] d'avoir libéré les lieux dans un délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion et à celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;
Rappelé qu'à défaut d'enlèvement des meubles par Mme [J], il y sera procédé à ses frais dans les conditions prévues aux articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité d'occupation pour la seule partie habitation du 1er décembre 2018 au 1er novembre 2021 ;
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 1er novembre 2021 et jusqu'à libération effective des lieux, avec intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité pour les indemnités d'occupation à échoir ;
Dit que cette indemnité sera due proportionnellement au temps d'occupation des lieux et payable d'avance au plus tard le 15 du mois ;
Condamné Mme [J] à payer à M. [U] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouté Mme [J] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme [J] aux dépens ;
Dit que la présente décision est exécutoire par provision.
En tout état de cause,
- Donner acte à Maître [M] es-qualité de mandataire ad'hoc de la SCI Le Clos Saint Pierre de ce qu'il s'en rapporte à justice sur la demande de révocation du mandat de gérant de M. [U] ;
- Débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Mme [J] au paiement de l'intégralité des frais et dépens de première instance et d'appel.
Il est renvoyé aux conclusions pour un exposé détaillé des demandes et des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS :
A titre liminaire, la cour constate que, depuis le jugement dont appel et suite à l'ordonnance du 21 août 2024 du juge des référés du tribunal judiciaire de Douai désignant Maître [T] [M] comme mandataire ad hoc avec pour mission de gérer et d'administrer provisoirement la SCI Le Clos Saint Pierre et plus généralement de prendre toutes mesures propres à assurer le fonctionnement de celle-ci, sans pouvoir d'aliénation des biens immobiliers de la SCI, les parties s'accordent sur le fait que l'immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] n'a pas été vendu.
Puis, la cour constate que M. [U] n'a pas interjeté appel incident du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à être autorisé à mettre seul en vente l'immeuble appartenant à la SCI Le Clos Saint Pierre, situé [Adresse 3] à [Localité 6], au prix minimum de 220 000 euros.
Sur la révocation de gérance
Aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l'article 1851 alinéa 2 du même code, le gérant d'une société civile est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.
L'article 1856 du même code énonce que les gérants doivent, au moins une fois dans l'année, rendre compte de leur gestion aux associés. Cette reddition de comptes doit comporter un rapport écrit d'ensemble sur l'activité de la société au cours de l'année ou de l'exercice écoulé comportant l'indication des bénéfices réalisés ou prévisibles et des pertes encourues ou prévues.
Cette obligation est en l'espèce reprise par l'article 18 des statuts de la société selon lequel, « Au moins une fois par an, le gérant rend compte de sa gestion aux associés et leur présente un rapport sur l'activité de la société au cours de l'exercice écoulé comportant l'indication des bénéfices réalisés ou prévisibles et de pertes encourues ou prévues. Ce rapport, le texte des résolutions proposées et tous autres documents nécessaires à l'information des associés sont adressés à chacun d'eux par lettre simple quinze jours au moins avant la réunion de l'assemblée. »
C'est de manière fondée que le premier juge a rappelé qu'une cause légitime de révocation est une faute commise par le dirigeant dans l'exercice de ses fonctions qui cause un dommage à la société en compromettant son fonctionnement ou pouvant entrainer sa disparition ; elle doit être appréciée en considération de l'intérêt de l'entreprise, lequel ne coïncide pas nécessairement avec l'intérêt des associés.
Dans le cadre d'une SCI dite « familiale » dans laquelle les associés sont notamment époux, il est constant que l'obligation pour le gérant de rendre compte de sa gestion chaque année s'applique, et ce même si l'autre ou les autres associés n'en font pas la demande.
En l'espèce, il est acquis aux débats, ce point n'étant pas contesté par M. [U], que le 12 mars 2020, la SCI Le Clos Saint Pierre a envoyé sept convocations à Mme [J] pour une assemblée générale par le biais de son gérant aux fins de régularisation des années 2013 à 2020 au cours desquelles aucune assemblée ne s'était tenue.
Les parties s'accordent également sur le fait que la SCI Le Clos Saint Pierre a été constituée entre Mme [J] et M. [U] le 9 février 2022, que les deux associés se sont mariés le 26 juin 2004 et vivaient alors au sein de l'immeuble.
Alors que M. [U] oppose que l'absence de convocations durant cette période de 2013 à 2020 faisait suite à une décision commune de Mme [J] et lui-même en ce qu'ils étaient mariés et que la gestion des comptes de la SCI ne posait pas de difficulté, il ne rapporte pas la preuve de cet accord, et ce d'autant plus qu'il est allégué par M. [U] qu'une assemblée générale était tenue annuellement au moins de 2002 à 2006, soit au cours du mariage, et que les époux se sont séparés au cours de cette période de 2013 à 2020 puisqu'une ordonnance de non conciliation a été rendue par le juge aux affaires familiales de Douai le 30 juin 2014 et que le divorce a été prononcé le 28 juillet 2017. Il en résulte que, à supposer même qu'un accord tacite ait été conclu entre les époux quant à l'absence de tenue d'une assemblée générale annuelle au cours de leurs années de mariage, il ne peut être établi que cet accord ait perduré lors de leur séparation.
Dans ces conditions, M. [U] ne s'est pas acquitté de obligations légales et statutaires lui incombant en qualité de gérant, cette faute ayant nécessairement causé un dommage à la SCI et porté atteinte à son bon fonctionnement en raison du manque de transparence dans la gestion de l'activité de la société, dans l'affectation des résultats des exercices et du défaut d'approbation des comptes courants d'associés, objets de l'ordre du jour de l'assemblé générale de régularisation en 2021.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la révocation de M. [U] de sa qualité de gérant de la SCI Le Clos Saint Pierre et désigné un mandataire ad'hoc pour une mission par ailleurs délimitée de 6 mois afin de convoquer l'assemblée générale des associés pour qu'elle statue sur la nomination d'un nouveau gérant.
Sur la validité du congé
Aux termes de l'article 57 A de la loi n°2008-776 du 4 août 2008, le contrat de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel est conclu pour une durée au moins égale à 6 ans. Il est établi par écrit. Au terme fixé par le contrat et sous réserve des dispositions du troisième alinéa de cet article, le contrat est reconduit tacitement pour la même durée. Chaque partie peut notifier à l'autre son intention de ne pas renouveler le contrat de l'expiration de celui-ci en respectant un délai de préavis de six mois.
En l'espèce, Mme [J] conteste la validité du congé qui lui a été délivré le 22 octobre 2019 par la SCI Le Clos Saint Pierre à effet au 30 avril 2020 s'agissant du bail à usage professionnel. Celle-ci allègue, d'une part, que ce congé avait pour seul objet de lui nuire en ce qu'elle aurait l'obligation de se réinstaller dans un autre local professionnel et, d'autre part, qu'elle a en tout état de cause quitté les lieux depuis le jugement dont appel.
Or, outre le fait que le formalisme de ce congé ainsi que ses conditions de délais ne sont pas critiqués par l'appelante en ce que le bail a été tacitement reconduit pour une durée de 6 ans jusqu'au 30 avril 2020, Mme [J] ne rapporte aucunement la preuve de la volonté de nuisance de M. [U] en sa qualité de gérant de la SCI, ce dernier exposant l'intérêt légitime général de vendre l'immeuble dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial et de dissolution de la SCI.
Par ailleurs, dans le cadre de la présente procédure, M. [U] conteste que Mme [J] ait quitté les lieux comme elle le fait valoir depuis la procédure d'incident. Cette dernière ne rapportant aucune preuve de ses allégations quant à son départ des lieux et Maître [M] ne faisant aucunement valoir dans ses écritures que celle-ci aurait quitté les lieux et remis les clés du logement, ce départ n'est pas établi.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande d'annulation du congé à bail professionnel et ordonné son expulsion à défaut de départ volontaire des lieux.
Sur l'indemnité d'occupation
En application des dispositions de l'article 815-9 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
L'évaluation de cette indemnité d'occupation relève de l'appréciation des juges du fond.
En premier lieu, la demande de M. [U] en cause d'appel tendant à voir augmenter l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge est irrecevable en ce que celle-ci a été fixée au profit de la SCI Le Clos Saint Pierre et que sa demande n'a pas vocation à satisfaire un droit qui lui est propre.
Sur ce, l'ensemble de l'immeuble, partie professionnelle et partie habitation, a été estimé à la somme de 254 000 euros au cours de la procédure par acte notarié pour une surface totale de construction de 181 m2 et une surface de terrain de 175 m2. Pour rappel, la partie professionnelle donnée à bail à Mme [J] par la SCI Le Clos Saint Pierre porte sur « une pièce à usage de salle d'attente d'une superficie d'environ 10m2, une pièce à usage de bureau d'une superficie d'environ 20 m2 », soit 30 m2 au total.
Sur l'indemnité d'occupation due pour la seule partie habitation du 1er décembre 2018 au 1er novembre 2021
Il est acquis que, dans le cadre de la procédure de divorce entre Mme [J] et M. [U], la jouissance du domicile conjugal a été attribuée à titre gratuit à Mme [J] uniquement pour la partie habitation du logement qui constituait le domicile des anciens époux tandis que le loyer pour la partie professionnelle continuait à être applicable.
Comme justement exposé par le premier juge selon des motifs pertinents que la cour partage, depuis le divorce, Mme [J] ne bénéficie plus de titre d'occupation gratuite de la partie habitation du logement dans le cadre du devoir de secours de M. [U] à son égard, de sorte que la SCI Le Clos Saint Pierre est fondée à solliciter la fixation d'une indemnité d'occupation dont elle détermine justement le début au 1er décembre 2018 au regard de la transcription du divorce le 28 novembre 2018.
Contrairement aux allégations de Mme [J], celle-ci ne démontre aucunement l'existence d'un « prêt verbal à titre gratuit ou prêt d'usage » ou d'un « bail à titre gratuit » selon les dispositions de l'article 1875 et suivants du code civil conclu à son égard par la SCI Le Clos Saint Pierre qui demande la confirmation du jugement ayant fixé une indemnité d'occupation pour la partie habitation du logement. L'attribution de la jouissance gratuite dans le cadre du devoir de secours entre époux dans le cadre d'une procédure de divorce ne peut aucunement s'analyser en bail ou prêt à titre gratuit ou prêt d'usage pour une période postérieure au prononcé du divorce.
Il s'ensuit que Mme [J] est redevable d'une indemnité d'occupation pour la partie habitation seule du 1er décembre 2018 au 1er novembre 2021 (date fixée par la SCI et retenue par le premier juge et non actualisée devant la cour).
La société Square Habitat a estimé la valeur locative de l'immeuble dans son ensemble à 850 euros le 3 décembre 2018, cette estimation ayant été retenue par le premier juge.
Mme [J] oppose un diagnostic de performance énergétique de niveau F ainsi que la vétusté de la chaudière (toutefois en état de fonctionnement au regard des pièces produites datées de 2022), pour solliciter à titre subsidiaire la diminution de l'indemnité d'occupation.
Le seul diagnostic de performance énergétique ne peut en l'état justifier le montant de l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge, lequel apparaît raisonnable au regard de la surface du logement et du terrain sur la commune de [Localité 6]. En outre, le changement éventuel de la chaudière relève de la répartition des charges et travaux entre un locataire et le bailleur.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 14 000 euros correspondant à la somme de 400 euros (850 euros - 450 euros de loyer pour la partie professionnelle) pour une durée de 35 mois du 1er décembre 2018 au 1er novembre 2021.
Sur l'indemnité d'occupation à compter du 1er novembre 2021 pour l'ensemble de l'immeuble
Pour les mêmes motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité d'occupation mensuelle égale à la valeur locative de l'ensemble de l'immeuble, à savoir la somme de 850 euros, à compter du 1er novembre 2021 et jusqu'au départ effectif de cette dernière et de tous occupants de son chef.
Comme justement précisé les versements éventuels du loyer d'un montant de 450 euros pour la partie professionnelle de l'immeuble seront à déduire de cette indemnité d'occupation, étant rappelé que le congé a pris effet au 30 avril 2020.
Sur le paiement des charges
Aux termes de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, son exigibles sur justification.
Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l'objet d'une régularisation au moins annuelle. Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique aux locataires le décompte par nature des charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires. Durant 6 mois à compter de l'envoi de de décompte ; les pièces justificatives sont tenues à disposition des locataires.
La cour rappelle qu'elle n'est saisie que des demandes reprises au dispositif des conclusions de chacune des parties, M. [U] sollicite ainsi la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 4 800 euros au titre des charges impayées. La SCI sollicite également de la cour la confirmation du jugement de ce chef.
Le contrat de bail prévoit des charges locatives estimées à 80 euros par mois, précision étant faite qu'elles évolueront en fonction de l'usage qui sera fait des lieux et des consommations des différents services offerts.
Alors qu'il appartient au bailleur en application du texte précité de justifier de l'utilisation des charges locatives, il appartient en premier lieu au locataire de rapporter la preuve du paiement de ses charges à son bailleur.
Mme [J], laquelle oppose en outre que le montant des charges est de 90 euros par trimestre sans rapporter la preuve d'un accord avec sa bailleresse sur ce point, produit une unique pièce, à savoir une attestation comptable du 4 novembre 2020 selon laquelle l'appelante participait aux factures EDF, Gaz et eau pour son activité professionnelle à hauteur de 90 euros par trimestre, généralement par chèque et que celle-ci règle seule les factures depuis la séparation du couple. Cependant, aucune pièce postérieure n'actualise le paiement de charges afférentes à l'immeuble par Mme [J].
Dans ces conditions, Mme [J] ne démontrant pas le paiement des charges locatives d'un montant de 80 euros à compter du mois de décembre 2020 à la clôture du présent dossier le 13 décembre 2024, celle-ci sera condamnée au paiement de la somme de 3 840 euros (80 euros x 12 mois x 4 ans), le jugement étant infirmé dans ce sens pour la période du 1er décembre 2020 au 1er décembre 2024.
Sur la demande de compensation
Aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de la SCI Le Clos Saint Pierre, Mme [J] est mal fondée en sa demande de compensation entre les créances de chacune de parties en application des dispositions de l'article 1347 du code civil ; celle-ci sera par conséquente déboutée de sa demande de ce chef.
Sur les frais du procès
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à la condamnation de Mme [J] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le sens du présent arrêt conduit à condamner Mme [J] aux dépens d'appel et à la condamner à payer à M. [U] la somme de 2 000 euros et à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
Dit que la demande de M. [U] tendant à voir augmenter l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge est irrecevable ;
Confirme le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 4 800 euros au titre des charges impayées ;
Statuant à nouveau de ce seul chef réformé,
Condamne Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 3 840 euros au titre des charges impayées pour la période du 1er décembre 2020 au 1er décembre 2024 ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [J] de sa demande tendant au prononcé de la compensation entre les condamnations prononcées à son encontre avec le compte courant d'associé détenu par la SCI dans ses livres ;
Condamne Mme [J] aux dépens d'appel et à payer à M. [U] la somme de 2 000 euros et à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Le greffier
Harmony POYTEAU
Le président
Cécile MAMELIN
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 06/03/2025
****
N° de MINUTE : 25/205
N° RG 22/04948 - N° Portalis DBVT-V-B7G-URSE
Jugement (N° ) rendu le 31 Août 2022 par le Tribunal judiciaire de Douai
APPELANTE
Madame [N] [J]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [Z] [U]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Pierre Delannoy, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
SCI Le Clos Saint Pierre dont le siège social est [Adresse 3], pris en la personne de Maître [T] [M] désigné en qualité de mandataire ad'hoc de la SCI Le Clos Saint Pierre par ordonnance du 16 novembre 2022, dont le cabinet est sis
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Catherine Camus Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 21 janvier 2025 tenue par Sara Lamotte magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Cécile Mamelin, président de chambre
Sara Lamotte, conseiller
Isabelle Facon, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 mars 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Cécile Mamelin, président et Harmony poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 juillet 2025
****
Le 19 février 2002, M. [Z] [U] et Mme [N] [J] se sont associés dans le cadre de la SCI Le Clos Saint Pierre, immatriculée le 25 février 2002 au registre du commerce et des sociétés de Douai. M. [U] détenait 60 % des parts et Mme [J] détenait 40 % des parts.
Par acte du 30 avril 2002, la SCI Le Clos Saint Pierre a acquis un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] dans lequel elle a fixé son siège social.
Par acte du même jour, un bail à usage professionnel a été conclu entre la SCI Le Clos Saint Pierre et Mme [J] pour une durée de 6 ans à compter du 1er mai 2002, les locaux donnés à bail à cette même adresse étant désignés comme « une pièce à usage de salle d'attente d'une superficie d'environ 10m2, une pièce à usage de bureau d'une superficie d'environ 20 m2 » moyennant un loyer de 450 euros par mois, outre des charges mensuelles estimées à 80 euros.
Par un jugement du 28 juillet 2017, le juge aux affaires familiales de Douai a prononcé le divorce des époux avec effets reportés au 1er janvier 2014.
Par acte du 22 octobre 2019, la SCI Le Clos Saint Pierre a fait délivrer à Mme [J], qui occupait seule l'immeuble dans son ensemble, partie à usage professionnel et partie habitation dans le cadre de la procédure de divorce, un congé de résiliation du bail professionnel à effet au 30 avril 2020.
Par acte signifié le 29 avril 2020, Mme [J] a fait assigner M. [U] et la SCI Le Clos Saint Pierre devant le tribunal judiciaire de Douai en vue d'obtenir la révocation de ses fonctions de gérant de la SCI, l'annulation du congé à bail professionnel et sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Suivant jugement en date du 31 août 2022, auquel il y a lieu de se référer pour un exposé exhaustif du dispositif s'agissant du rappel de mentions légales, le tribunal judiciaire de Douai a :
- Ordonné la révocation de M. [U] de ses fonctions de gérant de la SCI Le Clos Saint Pierre ;
- Désigné Maître [T] [M], [Adresse 2] à [Localité 6], comme mandataire ad' hoc qui aura pour mission de convoquer l'assemblée générale des associés de la SCI Le Clos Saint Pierre pour délibérer sur l'ordre du jour suivant :
Nomination d'un nouveau gérant à la suite de la révocation judiciaire de M. [U] ;
Conférer tous pouvoirs pour accomplir les formalités légales de publicité et de modification du registre du commerce et des sociétés ;
- Fixé le délai de la mission à 6 mois ;
- Dit que la SCI Le Clos Saint Pierre devra supporter les honoraires du mandataire ad hoc et le coût des formalités légales ;
- Débouté Mme [J] de sa demande d'annulation du congé à bail professionnel délivré le 22 octobre 2019 à effet au 30 avril 2020 ;
- Ordonné, à défaut pour Mme [J] d'avoir libéré les lieux dans un délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion et à celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;
- Rappelé qu'à défaut d'enlèvement des meubles par Mme [J], il y sera procédé à ses frais dans les conditions prévues aux articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
- Débouté M. [U] de sa demande tendant à être autorisé à mettre seul en vente l'immeuble appartenant à la SCI Le Clos Saint Pierre, situé [Adresse 3] à [Localité 6], au prix minimum de 220 000 euros ;
- Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 14 000 euros au titre de l'indemnité d'occupation due pour la seule partie habitation du 1er décembre 2018 au 1er novembre 2021 ;
- Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité mensuelle d'occupation de 850 euros à compter du 1er novembre 2021 et jusqu'à libération effective des lieux, avec intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité pour les indemnités d'occupation à échoir ;
- Dit que cette indemnité sera due proportionnellement au temps d'occupation des lieux et payable d'avance au plus tard le 15 du mois ;
- Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 4 800 euros au titre des charges impayées ;
- Condamné Mme [J] à payer à M. [U] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté Mme [J] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Mme [J] aux dépens ;
- Dit que la présente décision est exécutoire par provision.
Mme [J] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 21 octobre 2022, dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas critiquées, déclaration d'appel critiquant chacune des dispositions de la décision entreprise, sauf en ce qu'elle ordonne la révocation de M. [U] de ses fonctions de gérant de la SCI Le Clos Saint Pierre et désigne Maître [T] [M], [Adresse 2] à [Localité 6], comme mandataire ad'hoc.
Par ordonnance en date du 16 novembre 2022, le magistrat chargée de la mise en état a désigné Maître [T] [M] domicilié [Adresse 2], en qualité de mandataire ad'hoc de la SCI Le Clos Saint Pierre aux fins de la représenter pour les besoins de la présente procédure d'appel.
Par ordonnance en date du 26 septembre 2023, la première présidente de chambre, désignée par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Douai du 20 juillet 2023, a dit n'y avoir lieu à faire droit à la requête présentée le 27 février 2023 de désigner Maître [T] [M] en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Saint Pierre avec une mission complète dont la gestion, l'administration et la direction de la SCI Saint Pierre et le pouvoir de prendre tous les actes et décisions utiles et nécessaires dans l'intérêt de la SCI Le Clos Saint Pierre.
Par ordonnance en date du 25 janvier 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation formée par M. [U] et la SCI Le Clos Saint Pierre, dit que le sort des dépens du présent incident suivra celui des dépens de l'instance au fond et dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 21 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Douai a, après avoir constaté le conflit persistant entre les deux associés de la SCI, lesquels n'ont pas été en mesure d'élire un nouveau gérant malgré la désignation d'un mandataire ad'hoc par le jugement dont appel, désigné de nouveau Maître [T] [M] comme mandataire ad'hoc avec pour mission de gérer et d'administrer provisoirement la SCI Le Clos Saint Pierre et plus généralement de prendre toutes mesures propres à assurer le fonctionnement de celle-ci, sans pouvoir d'aliénation des biens immobiliers de la SCI.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2024, Mme [J] demande à la cour de :
- Dire et juger Mme [J] recevable et bien fondée en son appel ;
- Y faisant droit,
- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
Déboute Mme [J] de sa demande d'annulation du congé à bail professionnel délivré le 22 octobre 2019 à effet au 30 avril 2020 ;
Ordonne, à défaut pour Mme [J] d'avoir libéré les lieux dans un délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion et à celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;
Rappelle qu'à défaut d'enlèvement des meubles par Mme [J], il y sera procédé à ses frais dans les conditions prévues aux articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
Déboute M. [U] de sa demande tendant à être autorisé à mettre seul en vente l'immeuble appartenant à la SCI Le Clos Saint Pierre, situé [Adresse 3] à [Localité 6], au prix minimum de 220 000 euros ;
Condamne Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 14 000,00 euros au titre de l'indemnité d'occupation due pour la seule partie habitation du 1er décembre 2018 eu 1er novembre 2021 ;
Condamne Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité mensuelle d'occupation de 850 euros à compter du 1er novembre 2021 et jusqu'à libération effective des lieux, avec intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité pour les indemnités d'occupation à échoir ;
Dit que cette indemnité sera due proportionnellement au temps d'occupation des lieux et payable d'avance au plus tard le 15 du mois ;
Condamne Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 4 800 euros au titre des charges impayées ;
Condamne Mme [J] à payer à M. [U] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Mme [J] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [J] aux dépens.
Statuant à nouveau,
- Annuler le congé à bail professionnel en date du 22/10/2019 et à l'effet du 30/04/2020 ;
- Vu le contrat de bail à titre gratuit conclu entre les parties pour la partie habitation ;
- Débouter M. [U] et la SCI Le Clos Saint Pierre de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
Subsidiairement du chef de l'indemnité d'occupation sollicitée par M. [U],
- La réduire à de plus juste proportions au vu de l'état de l'immeuble ;
- Dire et juger qu'elle ne pourrait commencer à courir que 6 mois à compter de la date de l'appel du jugement rendu le 28 juillet 2017.
En cas de condamnation de Mme [J],
- Ordonner la compensation entre les condamnations prononcées contre Mme [J] d'avec le compte courant d'associé détenu par la SCI dans ses livres.
Subsidiairement du chef de l'article 700,
- Diminuer le montant des articles 700 dans de notables proportions ;
- Prononcer l'irrecevabilité de l'appel incident et des demandes de M. [U].
A titre subsidiaire,
- Débouter M. [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la SCI Le Clos Saint Pierre à payer à Mme [J] la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2024, M. [U] demande à la cour de :
- Dire bien jugé et mal appelé ;
- Juger M. [U] recevable et bien fondé en son appel incident ;
En conséquence,
- Débouter purement et simplement Mme [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ainsi que de son appel incident ;
- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Douai du 31 août 2022 en ce qu'il a révoqué M. [U] de ses fonctions de gérant de la SCI Le Clos Saint Pierre ;
- Confirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Douai du 31 août 2022 en ce qu'il a :
Débouté Mme [J] de sa demande d'annulation du congé à bail professionnel délivré le 22 octobre 2019 à effet au 30 avril 2020 ;
Ordonné, à défaut pour Mme [J] d'avoir libéré les lieux dans un délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion et à celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;
Rappelé qu'à défaut d'enlèvement des meubles par Mme [J], il y sera procédé à ses frais dans les conditions prévues aux articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité d'occupation pour la partie habitation du 1er décembre 2018 au 1er novembre 2021 ;
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 1er novembre 2021 et jusqu'à libération effective des lieux, avec intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité pour les indemnités d'occupation à échoir ;
Dit que cette indemnité sera due proportionnellement au temps d'occupation des lieux et payable d'avance au plus tard le 15 du mois ;
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 4800 euros au titre des charges impayées ;
Condamné Mme [J] à payer à M. [U] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouté Mme [J] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme [J] aux dépens ;
Dit que la présente décision est exécutoire par provision.
Et, en conséquence, statuant de nouveau, M. [U] demande de :
A titre incident et infirmant le jugement de première instance du 31 août 2022 :
- Juger que M. [U] est bien le gérant de la SCI Le Clos Saint Pierre ;
- Condamner Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité d'occupation pour la partie habitation et ce depuis le 1er décembre 2018 à hauteur de 1 270 euros par mois, soit un total de 43.180 euros jusqu'au 1er novembre 2021 ;
- Condamner Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité d'occupation de 1 270 euros par mois à compter du 1er novembre 2021 et ce jusqu'à son départ effectif des lieux ainsi qu'au règlement d'une somme de 5 400 euros pour les charges liées au bail professionnel ;
- Condamner Mme [J] à payer à M. [U] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Mme [J] au paiement de l'intégralité des frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Pierre Delannoy, Avocat au Barreau de Lille aux offres de droit.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 avril 2024, la SCI Le Clos Saint Pierre prise en la personne de Maître [T] [M], es-qualité de mandataire ad'hoc, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Douai du 31 août 2022 en ce qu'il a :
Débouté Mme [J] de sa demande d'annulation du congé à bail professionnel délivré le 22 octobre 2019 à effet au 30 avril 2020 ;
Ordonné, à défaut pour Mme [J] d'avoir libéré les lieux dans un délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion et à celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;
Rappelé qu'à défaut d'enlèvement des meubles par Mme [J], il y sera procédé à ses frais dans les conditions prévues aux articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité d'occupation pour la seule partie habitation du 1er décembre 2018 au 1er novembre 2021 ;
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 1er novembre 2021 et jusqu'à libération effective des lieux, avec intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité pour les indemnités d'occupation à échoir ;
Dit que cette indemnité sera due proportionnellement au temps d'occupation des lieux et payable d'avance au plus tard le 15 du mois ;
Condamné Mme [J] à payer à M. [U] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouté Mme [J] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme [J] aux dépens ;
Dit que la présente décision est exécutoire par provision.
En tout état de cause,
- Donner acte à Maître [M] es-qualité de mandataire ad'hoc de la SCI Le Clos Saint Pierre de ce qu'il s'en rapporte à justice sur la demande de révocation du mandat de gérant de M. [U] ;
- Débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Mme [J] au paiement de l'intégralité des frais et dépens de première instance et d'appel.
Il est renvoyé aux conclusions pour un exposé détaillé des demandes et des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS :
A titre liminaire, la cour constate que, depuis le jugement dont appel et suite à l'ordonnance du 21 août 2024 du juge des référés du tribunal judiciaire de Douai désignant Maître [T] [M] comme mandataire ad hoc avec pour mission de gérer et d'administrer provisoirement la SCI Le Clos Saint Pierre et plus généralement de prendre toutes mesures propres à assurer le fonctionnement de celle-ci, sans pouvoir d'aliénation des biens immobiliers de la SCI, les parties s'accordent sur le fait que l'immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] n'a pas été vendu.
Puis, la cour constate que M. [U] n'a pas interjeté appel incident du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à être autorisé à mettre seul en vente l'immeuble appartenant à la SCI Le Clos Saint Pierre, situé [Adresse 3] à [Localité 6], au prix minimum de 220 000 euros.
Sur la révocation de gérance
Aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l'article 1851 alinéa 2 du même code, le gérant d'une société civile est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.
L'article 1856 du même code énonce que les gérants doivent, au moins une fois dans l'année, rendre compte de leur gestion aux associés. Cette reddition de comptes doit comporter un rapport écrit d'ensemble sur l'activité de la société au cours de l'année ou de l'exercice écoulé comportant l'indication des bénéfices réalisés ou prévisibles et des pertes encourues ou prévues.
Cette obligation est en l'espèce reprise par l'article 18 des statuts de la société selon lequel, « Au moins une fois par an, le gérant rend compte de sa gestion aux associés et leur présente un rapport sur l'activité de la société au cours de l'exercice écoulé comportant l'indication des bénéfices réalisés ou prévisibles et de pertes encourues ou prévues. Ce rapport, le texte des résolutions proposées et tous autres documents nécessaires à l'information des associés sont adressés à chacun d'eux par lettre simple quinze jours au moins avant la réunion de l'assemblée. »
C'est de manière fondée que le premier juge a rappelé qu'une cause légitime de révocation est une faute commise par le dirigeant dans l'exercice de ses fonctions qui cause un dommage à la société en compromettant son fonctionnement ou pouvant entrainer sa disparition ; elle doit être appréciée en considération de l'intérêt de l'entreprise, lequel ne coïncide pas nécessairement avec l'intérêt des associés.
Dans le cadre d'une SCI dite « familiale » dans laquelle les associés sont notamment époux, il est constant que l'obligation pour le gérant de rendre compte de sa gestion chaque année s'applique, et ce même si l'autre ou les autres associés n'en font pas la demande.
En l'espèce, il est acquis aux débats, ce point n'étant pas contesté par M. [U], que le 12 mars 2020, la SCI Le Clos Saint Pierre a envoyé sept convocations à Mme [J] pour une assemblée générale par le biais de son gérant aux fins de régularisation des années 2013 à 2020 au cours desquelles aucune assemblée ne s'était tenue.
Les parties s'accordent également sur le fait que la SCI Le Clos Saint Pierre a été constituée entre Mme [J] et M. [U] le 9 février 2022, que les deux associés se sont mariés le 26 juin 2004 et vivaient alors au sein de l'immeuble.
Alors que M. [U] oppose que l'absence de convocations durant cette période de 2013 à 2020 faisait suite à une décision commune de Mme [J] et lui-même en ce qu'ils étaient mariés et que la gestion des comptes de la SCI ne posait pas de difficulté, il ne rapporte pas la preuve de cet accord, et ce d'autant plus qu'il est allégué par M. [U] qu'une assemblée générale était tenue annuellement au moins de 2002 à 2006, soit au cours du mariage, et que les époux se sont séparés au cours de cette période de 2013 à 2020 puisqu'une ordonnance de non conciliation a été rendue par le juge aux affaires familiales de Douai le 30 juin 2014 et que le divorce a été prononcé le 28 juillet 2017. Il en résulte que, à supposer même qu'un accord tacite ait été conclu entre les époux quant à l'absence de tenue d'une assemblée générale annuelle au cours de leurs années de mariage, il ne peut être établi que cet accord ait perduré lors de leur séparation.
Dans ces conditions, M. [U] ne s'est pas acquitté de obligations légales et statutaires lui incombant en qualité de gérant, cette faute ayant nécessairement causé un dommage à la SCI et porté atteinte à son bon fonctionnement en raison du manque de transparence dans la gestion de l'activité de la société, dans l'affectation des résultats des exercices et du défaut d'approbation des comptes courants d'associés, objets de l'ordre du jour de l'assemblé générale de régularisation en 2021.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la révocation de M. [U] de sa qualité de gérant de la SCI Le Clos Saint Pierre et désigné un mandataire ad'hoc pour une mission par ailleurs délimitée de 6 mois afin de convoquer l'assemblée générale des associés pour qu'elle statue sur la nomination d'un nouveau gérant.
Sur la validité du congé
Aux termes de l'article 57 A de la loi n°2008-776 du 4 août 2008, le contrat de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel est conclu pour une durée au moins égale à 6 ans. Il est établi par écrit. Au terme fixé par le contrat et sous réserve des dispositions du troisième alinéa de cet article, le contrat est reconduit tacitement pour la même durée. Chaque partie peut notifier à l'autre son intention de ne pas renouveler le contrat de l'expiration de celui-ci en respectant un délai de préavis de six mois.
En l'espèce, Mme [J] conteste la validité du congé qui lui a été délivré le 22 octobre 2019 par la SCI Le Clos Saint Pierre à effet au 30 avril 2020 s'agissant du bail à usage professionnel. Celle-ci allègue, d'une part, que ce congé avait pour seul objet de lui nuire en ce qu'elle aurait l'obligation de se réinstaller dans un autre local professionnel et, d'autre part, qu'elle a en tout état de cause quitté les lieux depuis le jugement dont appel.
Or, outre le fait que le formalisme de ce congé ainsi que ses conditions de délais ne sont pas critiqués par l'appelante en ce que le bail a été tacitement reconduit pour une durée de 6 ans jusqu'au 30 avril 2020, Mme [J] ne rapporte aucunement la preuve de la volonté de nuisance de M. [U] en sa qualité de gérant de la SCI, ce dernier exposant l'intérêt légitime général de vendre l'immeuble dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial et de dissolution de la SCI.
Par ailleurs, dans le cadre de la présente procédure, M. [U] conteste que Mme [J] ait quitté les lieux comme elle le fait valoir depuis la procédure d'incident. Cette dernière ne rapportant aucune preuve de ses allégations quant à son départ des lieux et Maître [M] ne faisant aucunement valoir dans ses écritures que celle-ci aurait quitté les lieux et remis les clés du logement, ce départ n'est pas établi.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande d'annulation du congé à bail professionnel et ordonné son expulsion à défaut de départ volontaire des lieux.
Sur l'indemnité d'occupation
En application des dispositions de l'article 815-9 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
L'évaluation de cette indemnité d'occupation relève de l'appréciation des juges du fond.
En premier lieu, la demande de M. [U] en cause d'appel tendant à voir augmenter l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge est irrecevable en ce que celle-ci a été fixée au profit de la SCI Le Clos Saint Pierre et que sa demande n'a pas vocation à satisfaire un droit qui lui est propre.
Sur ce, l'ensemble de l'immeuble, partie professionnelle et partie habitation, a été estimé à la somme de 254 000 euros au cours de la procédure par acte notarié pour une surface totale de construction de 181 m2 et une surface de terrain de 175 m2. Pour rappel, la partie professionnelle donnée à bail à Mme [J] par la SCI Le Clos Saint Pierre porte sur « une pièce à usage de salle d'attente d'une superficie d'environ 10m2, une pièce à usage de bureau d'une superficie d'environ 20 m2 », soit 30 m2 au total.
Sur l'indemnité d'occupation due pour la seule partie habitation du 1er décembre 2018 au 1er novembre 2021
Il est acquis que, dans le cadre de la procédure de divorce entre Mme [J] et M. [U], la jouissance du domicile conjugal a été attribuée à titre gratuit à Mme [J] uniquement pour la partie habitation du logement qui constituait le domicile des anciens époux tandis que le loyer pour la partie professionnelle continuait à être applicable.
Comme justement exposé par le premier juge selon des motifs pertinents que la cour partage, depuis le divorce, Mme [J] ne bénéficie plus de titre d'occupation gratuite de la partie habitation du logement dans le cadre du devoir de secours de M. [U] à son égard, de sorte que la SCI Le Clos Saint Pierre est fondée à solliciter la fixation d'une indemnité d'occupation dont elle détermine justement le début au 1er décembre 2018 au regard de la transcription du divorce le 28 novembre 2018.
Contrairement aux allégations de Mme [J], celle-ci ne démontre aucunement l'existence d'un « prêt verbal à titre gratuit ou prêt d'usage » ou d'un « bail à titre gratuit » selon les dispositions de l'article 1875 et suivants du code civil conclu à son égard par la SCI Le Clos Saint Pierre qui demande la confirmation du jugement ayant fixé une indemnité d'occupation pour la partie habitation du logement. L'attribution de la jouissance gratuite dans le cadre du devoir de secours entre époux dans le cadre d'une procédure de divorce ne peut aucunement s'analyser en bail ou prêt à titre gratuit ou prêt d'usage pour une période postérieure au prononcé du divorce.
Il s'ensuit que Mme [J] est redevable d'une indemnité d'occupation pour la partie habitation seule du 1er décembre 2018 au 1er novembre 2021 (date fixée par la SCI et retenue par le premier juge et non actualisée devant la cour).
La société Square Habitat a estimé la valeur locative de l'immeuble dans son ensemble à 850 euros le 3 décembre 2018, cette estimation ayant été retenue par le premier juge.
Mme [J] oppose un diagnostic de performance énergétique de niveau F ainsi que la vétusté de la chaudière (toutefois en état de fonctionnement au regard des pièces produites datées de 2022), pour solliciter à titre subsidiaire la diminution de l'indemnité d'occupation.
Le seul diagnostic de performance énergétique ne peut en l'état justifier le montant de l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge, lequel apparaît raisonnable au regard de la surface du logement et du terrain sur la commune de [Localité 6]. En outre, le changement éventuel de la chaudière relève de la répartition des charges et travaux entre un locataire et le bailleur.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 14 000 euros correspondant à la somme de 400 euros (850 euros - 450 euros de loyer pour la partie professionnelle) pour une durée de 35 mois du 1er décembre 2018 au 1er novembre 2021.
Sur l'indemnité d'occupation à compter du 1er novembre 2021 pour l'ensemble de l'immeuble
Pour les mêmes motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre une indemnité d'occupation mensuelle égale à la valeur locative de l'ensemble de l'immeuble, à savoir la somme de 850 euros, à compter du 1er novembre 2021 et jusqu'au départ effectif de cette dernière et de tous occupants de son chef.
Comme justement précisé les versements éventuels du loyer d'un montant de 450 euros pour la partie professionnelle de l'immeuble seront à déduire de cette indemnité d'occupation, étant rappelé que le congé a pris effet au 30 avril 2020.
Sur le paiement des charges
Aux termes de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, son exigibles sur justification.
Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l'objet d'une régularisation au moins annuelle. Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique aux locataires le décompte par nature des charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires. Durant 6 mois à compter de l'envoi de de décompte ; les pièces justificatives sont tenues à disposition des locataires.
La cour rappelle qu'elle n'est saisie que des demandes reprises au dispositif des conclusions de chacune des parties, M. [U] sollicite ainsi la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 4 800 euros au titre des charges impayées. La SCI sollicite également de la cour la confirmation du jugement de ce chef.
Le contrat de bail prévoit des charges locatives estimées à 80 euros par mois, précision étant faite qu'elles évolueront en fonction de l'usage qui sera fait des lieux et des consommations des différents services offerts.
Alors qu'il appartient au bailleur en application du texte précité de justifier de l'utilisation des charges locatives, il appartient en premier lieu au locataire de rapporter la preuve du paiement de ses charges à son bailleur.
Mme [J], laquelle oppose en outre que le montant des charges est de 90 euros par trimestre sans rapporter la preuve d'un accord avec sa bailleresse sur ce point, produit une unique pièce, à savoir une attestation comptable du 4 novembre 2020 selon laquelle l'appelante participait aux factures EDF, Gaz et eau pour son activité professionnelle à hauteur de 90 euros par trimestre, généralement par chèque et que celle-ci règle seule les factures depuis la séparation du couple. Cependant, aucune pièce postérieure n'actualise le paiement de charges afférentes à l'immeuble par Mme [J].
Dans ces conditions, Mme [J] ne démontrant pas le paiement des charges locatives d'un montant de 80 euros à compter du mois de décembre 2020 à la clôture du présent dossier le 13 décembre 2024, celle-ci sera condamnée au paiement de la somme de 3 840 euros (80 euros x 12 mois x 4 ans), le jugement étant infirmé dans ce sens pour la période du 1er décembre 2020 au 1er décembre 2024.
Sur la demande de compensation
Aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de la SCI Le Clos Saint Pierre, Mme [J] est mal fondée en sa demande de compensation entre les créances de chacune de parties en application des dispositions de l'article 1347 du code civil ; celle-ci sera par conséquente déboutée de sa demande de ce chef.
Sur les frais du procès
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à la condamnation de Mme [J] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le sens du présent arrêt conduit à condamner Mme [J] aux dépens d'appel et à la condamner à payer à M. [U] la somme de 2 000 euros et à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
Dit que la demande de M. [U] tendant à voir augmenter l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge est irrecevable ;
Confirme le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a condamné Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 4 800 euros au titre des charges impayées ;
Statuant à nouveau de ce seul chef réformé,
Condamne Mme [J] à payer à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 3 840 euros au titre des charges impayées pour la période du 1er décembre 2020 au 1er décembre 2024 ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [J] de sa demande tendant au prononcé de la compensation entre les condamnations prononcées à son encontre avec le compte courant d'associé détenu par la SCI dans ses livres ;
Condamne Mme [J] aux dépens d'appel et à payer à M. [U] la somme de 2 000 euros et à la SCI Le Clos Saint Pierre la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Le greffier
Harmony POYTEAU
Le président
Cécile MAMELIN