CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 6 mars 2025, n° 24/05718
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
IM Factory (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Neto
Conseillers :
M. Desgouis, Mme Mogilka
Avocats :
Me Kulbastian, Me Romieu
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé régularisé le 31 octobre 2019, Mme [X] [D], en qualité d'usufruitière, Mme [E] [D], Mme [T] [D] et M. [C] [D], en qualité de nus-propriétaires, ont donné à bail commercial à la société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) IM Factory, représentée par son président [Z] [P], des locaux commerciaux d'une superficie d'environ 240 m2 situés [Adresse 1] à [Localité 6], moyennant le paiement d'un loyer annuel d'un montant de 10 200 € hors taxes et charges, outre taxe foncière à la charge du preneur.
Conclu pour une durée de 9 ans, le bail a pris effet le 1er novembre 2019. Il stipule en son article 12 la résiliation de plein droit en cas de non paiement de tout ou partie d'un seul terme de loyer ou de charges.
Suivant exploit du 27 novembre 2023, Mme [X] [D], Mme [E] [D], Mme [T] [D] et M. [C] [D], ont fait délivrer à la SASU IM Factory un commandement de payer visant la clause résolutoire pour règlement de la somme de 1 475, 50 € au titre de charges impayées, outre 122, 10 € correspondant au coût de l'acte et 34, 49 € correspondant au montant du complément du droit proportionnel.
Invoquant le caractère infructueux de ce commandement, Mme [X] [D], Mme [E] [D], Mme [T] [D] et M. [C] [D], ont, suivant exploit délivré le 8 février 2024, fait assigner la SASU IM Factory devant le président du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, statuant en référé, aux fins, notamment, d'entendre constater la résiliation du bail consenti.
Suivant ordonnance réputée contradictoire rendue le 9 avril 2024, ce magistrat a :
constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 28 décembre 2023 ;
dit que faute pour la SASU IM Factory de libérer les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 6] dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, il serait procéder à son expulsion et celles de tous occupants de son chef avec, si besoin, le concours de la force publique et d'un serrurier ;
dit n'y avoir lieu à assortir cette obligation d'une astreinte ;
condamné la SASU IM Factory à payer à Mme [X] [D], Mme [E] [D], Mme [T] [D] et M. [C] [D] la somme de 1 415, 50 € à titre de provision à valoir sur les charges impayées ;
condamné la SASU IM Factory à payer à Mme [X] [D], Mme [E] [D], Mme [T] [D] et M. [C] [D] la somme de 1 000 € au fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SASU IM Factory aux entiers dépens de l'instance.
Suivant déclaration enregistrée au greffe le 2 mai 2024, la SASU IM Factory, Mme [V] [H], [J] et [S] [P] ont interjeté appel de l'ordonnance en toutes ses dispositions dûment reprises.
Par ordonnance d'incident, rendue le 28 novembre 2024, la conseillère statuant sur délégation a :
dit n'y avoir lieu de statuer, dans le cadre du présent incident, sur la recevabilité de l'appel interjeté le 2 mai 2024 ;
déclaré les conclusions des consorts [D] recevables ;
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
laissé à chacune des parties la charge des dépens du présent incident.
Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 7 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample expose' des prétentions et moyens, la SASU IM Factory, prise en la personne de Mme [V] [H], agissant tant en son propre qu'en tant que représentant légale d'[J] et [S] [P], es qualité de légataire de [Z] [P], sollicitent de la cour qu'elle infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :
à titre principal :
déclare que les Consorts [D] ont mis en 'uvre la clause résolutoire du bail commercial en date du 31 octobre 2019 de mauvaise foi ;
déclare que le commandement visant la clause résolutoire est nul ;
déclare que la résiliation du bail est nulle, et qu'en conséquence le bail commercial n'est pas résilié ;
à titre subsidiaire, octroie à la société IM Factory un délai de paiement de 12 mois pour le paiement du solde de la dette ;
en tout état de cause :
condamne les Consorts [D] au paiement de la somme de 3 000 € à la SASU IM Factory sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamne les Consorts [D] à l'entier paiement des dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 9 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample expose' des prétentions et moyens, Mme [X] [D], Mme [E] [D], Mme [T] [D] et M. [C] [D] sollicitent de la cour qu'elle :
déclare irrecevable pour défaut de qualité l'action intentée par la SASU IM FACTORY et par Mme [V] [H], agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de [J] et [S] [P], héritiers mineurs ;
déclare en conséquence irrecevable l'appel formé par la SASU IM Factory et par Mme [V] [H], agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de [J] et [S] [P], héritiers mineurs ;
confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
déboute la SASU IM Factory, par Mme [V] [H], agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de [J] et [S] [P], héritiers mineurs, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
déclare que la clause résolutoire a été mise en 'uvre dans le respect des dispositions légales et contractuelles ;
déclare la bonne fois de la bailleresse ;
condamne la SASU IM Factory, par Mme [V] [H], agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de [J] et [S] [P], héritiers mineurs, au paiement de la somme de 3 000 € au fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance au 13 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de rappeler que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constater », « donner acte », « dire et/ou juger » ou encore « déclarer » qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d'appel.
Sur la recevabilité de l'appel :
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Inséré au chapitre relatif aux sociétés par actions simplifiées, l'article L. 227-5 du code de commerce dispose également que les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée.
L'article L. 227-6 du même code dispose enfin que la société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social.
Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.
Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.
Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers.
En l'espèce, il ressort des éléments produits aux débats que [Z] [P], président, unique associé de la SASU IM Factory et signataire es-qualité du bail dont question, est décédé le 13 septembre 2023.
Il ressort des mêmes éléments que par ordonnance rendue le 19 octobre 2023, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, saisi à la requête de Mme [V] [H], compagne de [Z] [P], agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de [J] et [S] [P], légataires mineurs de [Z] [P], a désigné Me [K] [N] comme mandataire ad hoc de la SASU IM Factory.
Suivant cette dernière ordonnance, le mandataire avait pour missions :
de solliciter la convocation d'une assemblée générale extraordinaire (AGE) ;
d'inscrire à l'ordre du jour la nomination d'un président par intérim ;
de procéder à la tenue d'une AGE et aux délibérations et toutes autres formalités nécessaires à la nomination d'un président par intérim.
Aux termes de cette ordonnance, le mandataire désigné n'était ainsi pas investi d'un pouvoir de représentation de son président défunt ou même de la société, notamment pour ester en justice.
En outre, l'article 12, alinéa 4, des statuts de la SASU IM Factory stipulent qu'« en cas de décès, démission ou empêchement du président ('), il est prévu dans un délai de 15 jours à son remplacement par un vote à l'unanimité ».
Pour autant, l'extrait K-bis de la SASU IM Factory édité le 24 mai 2024 désigne toujours [Z] [P] comme président.
Par ailleurs, les statuts de la SASU IM Factory ne stipulent aucune clause de transmission de l'entreprise aux héritiers en cas de décès du président, unique associé.
Enfin, il s'avère que [Z] [P] n'était pas marié à Mme [V] [H].
Partant, les intimés concluent à l'irrecevabilité de l'appel interjeté le 2 mai 2024 pour défaut de qualité pour agir détenu par la SASU IM Factory, d'une part, et Mme [V] [H], agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de [J] et [S] [P], héritiers mineurs.
Les appelants n'ont pas entendu conclure ou observer sur ce point postérieurement à l'ordonnance d'incident rendu le 28 novembre 2024.
Il ressort dès lors de l'ensemble de ces éléments que la SASU IM Factory ne dispose d'aucune qualité pour agir en l'absence de nouveau président ou de mandataire ad litem en capacité de la représenter en justice.
De la même manière, Mme [V] [H], agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de [J] et [S] [P], héritiers mineurs, ne dispose pas davantage d'une qualité pour agir, ne tirant celle-ci d'aucune disposition légale ou stipulation des statuts de la SASU IM Factory.
Il convient en conséquence de déclarer irrecevable l'appel interjeté le 2 mai 2024.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner in solidum les appelants, dont l'appel a été déclaré irrecevable, à payer à Mme [X] [D], Mme [E] [D], Mme [T] [D] et M. [C] [D] la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles engagés par eux en cause d'appel.
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, les mêmes seront condamnés in solidum aux dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevable l'appel interjeté le 2 mai 2024 à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 9 avril 2024 ;
Condamne in solidum la SASU IM Factory, prise en la personne de Mme [V] [H], agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de [J] et [S] [P], à payer à Mme [X] [D], Mme [E] [D], Mme [T] [D] et M. [C] [D] la somme de 1 000 € au fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la SASU IM Factory, prise en la personne de Mme [V] [H], agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de [J] et [S] [P], aux dépens d'appel.