CA Nîmes, 2e ch. C, 6 mars 2025, n° 24/01278
NÎMES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Mh Danse (SARL), Etude Balincourt (SELARL)
Défendeur :
Arkolia Immo 2 (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dodivers
Conseillers :
Mme Mallet, Mme Izou
Avocats :
Me Pellegrin, Me Coupat, Me Jonquet, Me Jeneste
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 6 novembre 2021, la société Arkolia 2 a donné à bail, à titre de sous-location, à la société MH Danse, un ensemble immobilier situé [Adresse 1], consistant en un terrain de 5.238 m² avec quarante-six places de stationnement sur lequel est également édifié un immeuble de 2.265,60 m² de surface de plancher.
Le loyer annuel était à l'origine de 198.000 € HT.
Par l'effet de l'indexation, le loyer mensuel s'élève à la somme de 18.366,67 € HT, soit 22.040 € TTC.
La convention prévoit que le bail sera résilié de plein droit en cas de défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance ou d'inexécution d'une seule des conditions du bail, un mois après commandement de payer ou une sommation d'exécuter demeurés infructueux.
Un commandement de payer les loyers pour un montant de 246.952 euros, visant la clause résolutoire, a été délivré au locataire le 11 octobre 2023, qui n'y a pas donné suite entièrement.
Une situation de la dette locative a été arrêtée au mois de novembre 2023 pour un montant total de 250.492 euros.
Par exploit de commissaire de justice du 23 novembre 2023 la société Arkolia Immo 2 a fait assigner la SARL MH Danse, devant le président du tribunal judiciaire de Nîmes, statuant en référé, afin de voir :
- de constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail avec effet au 11 novembre 2023,
- de prononcer l'expulsion de la SARL MH Danse des lieux loués, ainsi que de tout occupant de son chef, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, si besoin avec l'assistance de la force publique,
- d'ordonner la séquestration du mobilier et matériel garnissant les lieux sur place ou son transport dans tel garde meuble de son choix, aux frais, risques et périls de la SARL MH Danse.
- de condamner la SARL MH Danse à lui payer à titre de provision la somme de 250.492 euros au titre de l'arriéré des loyers dus au 11 novembre 2023, des pénalités de retard au taux mensuel de 2%, la somme de 22.040 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation, outre la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ordonnance réputée contradictoire du 17 janvier 2024, le président du tribunal judiciaire de Nîmes, statuant en référé, a :
- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la SARL MH Danse, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme mensuelle de 22.040 euros correspondant au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires,
- condamné la SARL MH Danse à payer à la société Arkolia Immo 2, la somme de 250.492,00 euros avec intérêts au taux légal à compter de Ia présente décision à titre de provision à valoir sur le montant des loyers, charges et indemnités d'occupation, sous réserve des règlements intervenus depuis,
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la clause pénale,
- condamné la SARL MH Danse à payer à la société Arkolia Immo 2 la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL MH Danse aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer.
Par jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 20 mars 2024, la société MH Danse a été placée en liquidation judiciaire et la SELARL Etude Balincourt a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire.
Le jugement a fait l'objet d'une publication au BODACC le 29 mars 2024.
Par déclaration du 9 avril 2024, la SELARL Etude Balincourt et la SARL MH Danse ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 6 août 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SELARL Etude Balincourt et la SARL MH Danse demandent à la cour, de :
Déclarant la SELARL Etude Balincourt et la SARL MH Danse recevables et bien-fondées en leur appel ;
Infirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance attaquée,
Et, statuant à nouveau :
- se déclarer incompétent pour connaître du présent litige,
- juger n'y avoir lieu à référé,
- inviter la SCI Arkolia Immo 2 à mieux se pourvoir.
Y ajoutant,
- condamner la SCI Arkolia Immo 2 à payer à la SELARL Etude Balincourt, es qualité, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure,
- condamner la SCI Arkolia Immo 2 aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de leur appel, les appelantes font valoir que le contrat de sous location s'entend précisément d'une location commerciale soumise au statut des baux commerciaux dans la mesure où le fonds est exploité dans le local loué et sa privation est de nature à compromettre ladite exploitation, la durée du contrat est neuf années et excédant une durée de 3 ans, il ne peut s'agir d'une convention dérogatoire.
Elles considèrent que face à cette contestation sérieuse relative à la qualification du contrat liant les parties, le juge des référés, juge de l'évidence, est incompétent pour connaître du présent litige.
Elles soutiennent par ailleurs que la société Arkolia Immo 2 était d'une mauvaise foi évidente lorsqu'elle a invoqué la clause résolutoire de sorte que le bénéfice de celle-ci ne saurait lui être attribué, expliquant que la négligence de celle-ci dans le recouvrement des loyers impayés a provoqué l'accroissement anormal de sa dette, son impossibilité de faire face à ses obligations et son placement en liquidation judiciaire.
Elles concluent que la société MH Danse a été placée en liquidation judiciaire le 20 mars 2024, et qu'à cette date, l'ordonnance du juge des référés litigieuse n'avait pas encore acquis force de chose jugée, la demande en paiement de la société Arkolia Immo 2 et les conséquences qui s'en suivent, sont susceptibles en fonction de la nature du contrat qui sera retenue, d'être déclarée purement et simplement irrecevable.
La société Arkolia Immo 2, par conclusions en date du 17 octobre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa de l'article L.622-21 du code de commerce, de :
Confirmer l'ordonnance de référé rendue le 17 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu'elle a :
« - constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 11 novembre 2023 ;
- ordonné en conséquence, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la SARL MH Danse, ainsi que de tout occupant de son chef, des locaux visés au bail, si besoin avec assistance de la force publique ;
- ordonné la séquestration du mobilier et du matériel garnissant les lieux sur place ou son transport dans tel garde meuble au choix du demandeur aux frais, risques et périls de la SARL
MH Danse.
- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la SARL MH Danse, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme mensuelle de 22.040 euros correspondant au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
- condamné la SARL MH Danse à payer à la société Arkolia Immo 2, la somme de 250.492 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision à titre de provision à valoir sur le montant des loyers, charges et indemnités d'occupation, sous réserve des règlements intervenus depuis ;
- condamné la SARL MH Danse à payer à la société Arkolia Immo 2 la somme de huit cents euros (800 €) en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la SARL MH Danse aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer. »
- débouter purement et simplement la SELARL Etude Balincourt, es qualité de liquidateur de la société MH Danse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires qui seraient formulées à l'encontre de la société Arkolia Immo 2.
- condamner la SELARL Etude Balincourt, ès qualité de liquidateur de la société MH Danse au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner que les dépens passeront en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la société MH Danse.
A l'appui de ses écritures, la société Arkolia Immo 2 soutient n'avoir jamais manqué à son devoir de bonne foi dans sa relation avec la société MH Danse et ne peut donc être privée des bénéfices de la clause résolutoire.
Elle fait valoir qu'il n'existe aucune contestation sérieuse relative à la possible requalification du bail de sous-location en bail commercial puisque le bail dont il s'agit n'est pas bail commercial mais un bail de sous-location accordé dans le cadre d'un crédit-bail immobilier. Elle ajoute que la condition d'une décision passée en force de chose jugée au moment de l'ouverture de la procédure ne devant être remplie que dans le cadre d'un bail commercial, le principe de l'interdiction des poursuites de l'article L.622-21 du code de commerce ne fait pas obstacle à la résiliation du contrat de sous-location.
Elle ajoute que l'immatriculation est requise en cas de revendication de l'application du statut, faute de quoi sa demande sera déclarée irrecevable, d'où l'absence de contestation sérieuse.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressement renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, moyens ou prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.
Selon l'article 834 du code de procédure civile « Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. »
Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile « Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »
Le bail de sous-location liant les parties du 6 novembre 2021 contient une clause résolutoire de plein droit en cas de défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance ou d'inexécution d'une seule des conditions du bail, un mois après commandement de payer ou une sommation d'exécuter demeurés infructueux.
Un commandement de payer les loyers pour un montant de 246.952 euros, visant la clause résolutoire, a été délivré au locataire le 11 octobre 2023.
Il est constant et non contesté que la Sarl MH Danse n'a pas régularisé les causes du commandement dans le délai.
La clause résolutoire est dès lors acquise au 11 novembre 2023.
Pour s'opposer au constat de la clause résolutoire et aux conséquences qui en découlent, la preneuse fait valoir l'existence de contestations sérieuses tenant à la mauvaise foi de la bailleresse dans la mise en 'uvre de la clause résolutoire et revendique le statut des baux commerciaux empêchant le juge des référés de qualifier le contrat liant les parties.
La bonne foi du bailleur constitue effectivement une condition de la mise en 'uvre de la clause résolutoire.
Cependant, en l'espèce, la mauvaise foi de la société Arkolia Immo 2 n'est pas caractérisée alors qu'en période de pandémie elle a attendu à peine un an pour délivrer le commandement de payer après diverses relances et une mise en demeure du 28 août 2023 et avoir reçu des assurances du preneur d'une évolution positive de la situation par mail du 7 novembre 2022 accompagné d'un dossier récapitulatif faisant état d'un nombre croissant d'abonnés et donc de chiffre d'affaires.
Il ne peut donc sérieusement lui être reprochée d'avoir laissé augmenter la dette de loyers.
Cette contestation sérieuse est donc inopérante.
Concernant la demande reconnaissance du statut des baux commerciaux échappant à la compétence du juge des référés, il convient de rappeler que les parties aux termes du bail ont expressément exclu la sous- location du champ d'application des statuts commerciaux.
Cependant si les conditions sont réunies, le contrat peut être effectivement être requalifié.
Selon l'article L. 145-1, I, alinéa 1er du code de commerce « les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise, immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce ».
Le statut des baux commerciaux est donc applicable à la condition qu'un bail ait été conclu, que les lieux loués soient affectés d'un commun accord à l'exercice d'une activité entrant dans le champ d'application du statut des baux commerciaux et que le locataire soit inscrit au Registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.
Mais pour pouvoir revendiquer le statut des baux commerciaux, le locataire doit justifier d'une immatriculation à la date de la demande en justice, faute de voir déclarer sa demande irrecevable.
Or, en l'espèce, il résulte de la simple analyse de l'extrait Kbis produit aux débats en date du 7 octobre 2024 que la Sarl MH Danse a déclaré au greffe du tribunal de commerce de Nîmes son siège social et son établissement principal au [Adresse 7] alors que les locaux objets du contrat de sous-location sont situés au [Adresse 1], adresse figurant dans le contrat de sous-location mais également sur la page Google ou Facebook de la salle MH Club et même de ses statuts constitutifs du 26 août 2013.
En conséquence, et la Sarl MH Danse ne conteste d'ailleurs pas, cette dernière n'est pas immatriculée pour son activité au sein des locaux objet du bail.
Il n'existe dès lors aucune contestation sérieuse.
Selon décompte produit aux débats, la Sarl MH Danse reste redevable au titre de la dette locative arrêtée au mois de novembre 2023 de la somme de 250.492 €, somme non contestable et non contestée.
Eu égard à la résiliation du bail, la Sarl MH Danse est sans droit ni titre.
Son expulsion et la fixation d'une indemnité d'occupation justement évaluée seront donc confirmées.
Les parties ne formulent aucune critique à l'encontre de l'ordonnance déférée s'agissant du débouté de l'astreinte, de la séquestration des meubles ou de la clause pénale.
En conséquence, il y lieu de confirmer l'ordonnance déférée en l'ensemble de ses dispositions sauf à préciser que les sommes provisionnelles doivent être fixées au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl MH Danse étant noté que l'intimée a déclaré sa créance le 29 avril 2024, aucune condamnation ne pouvant être prononcées du fait de la liquidation.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la Sarl MH Danse supportera les dépens d'appel employés en frais privilégiés de procédure collective.
Il n'est pas équitable de laisser supporter à l'intimée ses frais irrépétibles d'appel. Il lui sera alloué la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a condamné la Sarl MH Danse à payer à la société Arkolia Immo 2 la somme de 250.492,00 euros avec intérêts au taux légal à compter de Ia présente décision à titre de provision à valoir sur le montant des loyers, charges et indemnités d'occupation, sous réserve des règlements intervenus depuis, et en ce qu'elle a condamné la Sarl MH Danse à payer à la société Arkolia Immo 2 la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl MH Danse au profit de la société Arkolia Immo 2 :
- la somme de 250.492,00 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision à titre de provision à valoir sur le montant des loyers, charges et indemnités d'occupation, sous réserve des règlements intervenus depuis,
- la somme de 800 € au titre des frais irrépétibles de première instance,
- la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne la Sarl MH Danse représentée par son liquidateur judiciaire aux dépens d'appel employés en frais privilégiés de frais de procédure collective.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.