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Décisions

CA Nancy, 5e ch., 5 mars 2025, n° 24/01568

NANCY

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beaudier

Conseillers :

M. Beaudier, M. Firon, M. Jobert

Avocats :

Me Bauer, SCP Gasse Carnel Gasse Taesch Lederle

TJ Nancy, du 16 juill. 2024, n° 24/00176

16 juillet 2024

FAITS ET PROCEDURE :

Suivant acte sous-seing privé du 27 décembre 2013, la société [Localité 2] Immobilier a donné à bail à M. [R] [J], un local à usage commercial dans un immeuble mixte d'habitation et de commerce, pour une durée de neuf ans, à compter du 1er janvier 2014 jusqu'au 31 décembre 2023.

L'article 5 du bail stipule le paiement d'un loyer annuel de 8 006, 88 euros, outre la somme mensuelle de 120 euros, au titre des provisions sur charges, soit la somme mensuelle de 787, 24 euros payable au plus tard le 5 de chaque mois.

Cette clause prévoit également une indexation des loyers sur l'indice du coût de la construction, ou à défaut, sur l'indice des loyers commerciaux établi par l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques.

L'article 8 (clause résolutoire) prévoit la résolution de plein droit du bail à l'expiration d'un délai d'un mois, courant à compter de la notification d'un commandement de payer ou d'une sommation d'exécuter restée infructueuse en cas de violation du preneur d'une quelconque obligation imposée par le contrat.

Par un premier acte en date du 22 mai 2023, la société [Localité 2] Immobilier a fait délivrer à M. [R] [J] un commandement de payer, visant la clause résolutoire susvisée, le mettant en demeure de régler des arriérés de loyers s'élevant à la somme de 2 438, 81 euros dans un délai d'un mois.

Par un second acte en date du 30 juin 2023, la société [Localité 2] Immobilier a fait délivrer à M. [J] un congé avec refus de renouvellement du contrat de bail commercial pour un motif grave et légitime.

Par acte en date du 6 octobre 2023, M. [R] [J] a demandé à la bailleresse le renouvellement du bail pour neuf années supplémentaires.

Le 20 mars 2024, la société [Localité 2] Immobilier a fait assigner en référé M. [R] [J] devant le président du tribunal judiciaire de Nancy afin notamment de constater l'acquisition de la clause résolutoire au 31 décembre 2023 et d'ordonner en conséquence l'expulsion du locataire.

Suivant ordonnance rendue contradictoirement le 16 juillet 2024, le président du tribunal judiciaire de Nancy a :

- débouté la société [Localité 2] Immobilier de sa demande tendant à voir constater la résiliation du bail litigieux à la date du 22 juin 2023,

- débouté la société [Localité 2] Immobilier de sa demande tendant à voir résilier le bail litigieux à la date du 31 décembre 2023,

- débouté la société [Localité 2] Immobilier de sa demande tendant à obtenir par provision une indemnité d'occupation mensuelle de 1 085,19 euros, à compter du 31 décembre 2023, et une somme de 5 008,56 euros, au titre de l'indemnité relative à la résiliation du bail par la faute du preneur,

- condamné la société [Localité 2] Immobilier à payer à M. [R] [J] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SCI [Localité 2] Immobilier aux dépens.

Par déclaration en date du 30 juillet 2024, la société [Localité 2] Immobilier a interjeté appel de l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Nancy le 16 juillet 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 28 août 2024, la société [Localité 2] Immobilier demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Nancy le 16 juillet 2024, et statuant à nouveau :

Sur l'acquisition de la clause résolutoire :

- juger que M. [R] [J] n'a pas exécuté son obligation de payer les loyers au titre de l'exécution du contrat de bail,

- juger que la clause résolutoire est acquise depuis le 22 juin 2023,

- ordonner l'expulsion de M. [R] [J], ainsi que celle de toute personne dans les lieux sis [Adresse 5] à [Localité 4], avec si besoin est, l'assistance de la force publique et celle d'un serrurier, sous astreinte journalière de 200 euros, passé un délai de huit jours à compter de la notification de la décision,

- juger que le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera réglé conformément aux articles L.433-1 et suivants et R.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Sur le refus de renouvellement du bail :

- juger que la société [Localité 2] Immobilier a refusé de renouveler le bail commercial de M. [R] [J],

- juger que la société [Localité 2] Immobilier justifie d'un motif grave et légitime,

- juger que M. [R] [J] occupe sans droit ni titre le local situé [Adresse 5],

- ordonner l'expulsion de M. [R] [J], ainsi que celle de toute personne dans les lieux sis [Adresse 5] à [Localité 4], avec si besoin est, l'assistance de la force publique et celle d'un serrurier, sous astreinte journalière de 200 euros, passé un délai de huit jours à compter de la notification de la décision,

- juger que le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera réglé conformément aux articles L.433-1 et suivants et R.433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

Sur la clause pénale :

- juger que la clause pénale est acquise,

- condamner M. [R] [J] par provision à compter du 31 décembre 2023 à verser à la société [Localité 2] Immobilier une indemnité d'occupation mensuelle de 1 085,19 euros jusqu'à la libération effective des lieux par remise de clefs,

- condamner M. [R] [J] par provision à verser à la société [Localité 2] Immobilier la somme de 5 008,56 euros au titre de l'indemnité relative à la résiliation du bail par la faute du preneur,

- condamner M. [R] [J] à verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [R] [J] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remise au greffe le 24 septembre 2024, M. [R] [J] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance de référé du 16 juillet 2024, dont appel, en toutes ses dispositions,

- subsidiairement, juger les demandes de la société [Localité 2] Immobilier irrecevables et encore plus subsidiairement infondées, et l'en débouter,

- condamner la société [Localité 2] Immobilier à payer à M. [R] [J] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 novembre 2024 ;

MOTIFS :

- Sur les demandes de la société [Localité 2] Immobilier :

En application de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 8 alinéa 1er du contrat de bail dispose qu' 'en cas de violation de la part du Preneur, d'une quelconque des obligations imposées par les dispositions du présent contrat ou par les textes légaux ou réglementaires, applicables au bail (notamment les articles 145-1 et suivants du Code de commerce), ce dernier sera résilié de plein droit, un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter resté sans effet pendant ce délai, si bon semble au Bailleur'.

Il est constant en l'espèce que la société [Localité 2] Immobilier a fait délivrer à M. [R] [J] un commandement de payer en date 22 mai 2023, visant la clause résolutoire susvisée, lui rappelant que faute d'apurer les arriérés de loyers s'élevant à la somme de 2 438, 81 euros, dans un délai d'un mois courant à compter de sa délivrance, le bail sera résilié de plein droit.

Le décompte des loyers et charges dus sur une période allant du mois de novembre 2022 au mois de mai 2023, joint au commandement de payer, fait état d'un arriéré d'un montant de 2 301,29 euros, calculé sur la base d'un loyer mensuel majoré des provisions sur charges (120 euros) de 888,73 euros jusqu'au mois de février 2023, puis de 950,28 euros pour les trois derniers mois de mars à mai 2023.

Conformément à un courrier adressé le 3 juin 2023 à son locataire, la société [Localité 2] Immobilier a reconnu cependant que le montant du loyer rappelé ci-dessus était inexact, dans la mesure où 'après vérification, le législateur a prévu un bouclier tarifaire limitant la hausse annuelle à 3,5% depuis octobre 2022 (...)'. Après rectification des quittances délivrées à M. [R] [J], la bailleresse indique elle-même que le loyer s'élève à 814,47 euros par mois.

La société [Localité 2] Immobilier a ensuite adressé le 22 juin 2023 à M. [R] [J] un nouveau décompte des loyers et charges dus sur la période allant de novembre 2022 à juin 2023 qui ramène le solde dû par le locataire à la somme de 27,22 euros après déduction des sommes versées par ce dernier. Ce décompte est établi sur la base d'un loyer révisé à 810,59 euros pour les mois de novembre et décembre 2022 et 834,76 euros par mois à compter du mois de janvier 2023.

Au vu des informations contradictoires concernant le montant du loyer révisé en application de la clause d'indexation figurant au bail qui figurent sur les trois décomptes établis successivement le 22 mai 2023, le 3 juin 2023 et le 22 juin 2023 par la bailleresse, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy a exactement considéré que la clause résolutoire n'était pas acquise au 22 juin 2023.

La société [Localité 2] Immobilier fait grief à son locataire de payer systématiquement en retard le loyer fixé. Sur la base de la seule copie d'un extrait du grand livre des comptes afférent à l'année 2023, elle ne rapporte pas cependant la preuve que M. [R] [J] acquitterait en retard, après le 5 de chaque mois, les loyers et provisions sur charges dus en exécution du bail. Il n'est pas établi sur ce point que la date d'enregistrement des sommes versées par le locataire, figurant au crédit du compte produit, coïnciderait avec celle de leur encaissement effectif par la société [Localité 2] Immobilier, en l'absence de production des extraits de compte correspondants.

L'article L. 145-17 I 1°) du code de commerce dispose que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant;

Au vu de qui précède, la société [Localité 2] Immobilier ne justifie d'aucun retard de M. [R] [J] dans le paiement des loyers et charges compte tenu des éléments contradictoires figurant sur les différents décomptes qu'elle a produit aux débats, s'agissant tant du montant du loyer que de l'imputation des versements effectués par le locataire après révision de celui-ci au 1er janvier 2023.

Au surplus, le président du tribunal judiciaire de Nancy relève à juste titre que l'appréciation du motif grave et légitime qui est invoqué par la bailleresse au soutien de son refus de renouveler le bail litigieux excède les pouvoirs du juges des référés et relève de la compétence du juge des fond.

Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté la société [Localité 2] Immobilier de toutes ses demandes.

- Sur les demandes accessoires :

La société [Localité 2] immobilier succombant dans son appel est condamné aux entiers frais et dépens de l'appel. Elle est déboutée également de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure exposés devant le juge des référés et la cour;

Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la société [Localité 2] Immobilier à payer à M. [R] [J] la somme de 1 000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [Localité 2] Immobilier est condamnée à payer à M. [R] [J] la somme de 1 800 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déboute la société [Localité 2] immobilier de sa demande formée au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [Localité 2] Immobilier aux entiers frais et dépens de l'appel ;

Condamne société [Localité 2] Immobilier à payer à M. [R] [J] la somme de 1 800 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M.Olivier BEAUDIER, Conseiller à la cinquième chambre commerciale, faisant fonction de présiden, à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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