CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 6 mars 2025, n° 23/05174
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 06 MARS 2025
Rôle N° RG 23/05174 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLC73
S.A. L'AUXILIAIRE PHARMACEUTIQUE
C/
S.E.L.A.R.L. MHX PHARMA
S.E.L.A.R.L. [A] - LES MANDATAIRES
S.A.R.L. PHARMACIE DU PALAIS
S.C.P. BTSG²
Copie exécutoire délivrée
le : 6 Mars 2025
à :
Me Gilles ALLIGIER
Me Paul GUEDJ
Me Philippe MILLET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 06 Mars 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 219F00489.
APPELANTE
S.A. L'AUXILIAIRE PHARMACEUTIQUE
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Philippe MARIA de l'ASSOCIATION MARIA - RISTORI-MARIA, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Sandrine TURRIN, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEES
S.E.L.A.R.L. MHX PHARMA
, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Marielle WALICKI de la SCP WABG, avocat au barreau de NICE
S.E.L.A.R.L. [A] - LES MANDATAIRES es-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SELARL MHX PHARMA
, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Marielle WALICKI de la SCP WABG, avocat au barreau de NICE
S.A.R.L. PHARMACIE DU PALAIS
représentée par la SELARL [E] [K] & ASSOCIES, prise en la personne de Maître [E] [K], es qualité de mandataire ad hoc
, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Philippe MILLET de la SELARL ANTELMI - BONCOMPAGNI - MILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Valentine ALBECKER, avocat au barreau de NICE
S.C.P. BTSG²
prise en la personne de Maitre [R] [J] es qualité de liquidateur de la SARL PHARMACIE DU PALAIS
, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Philippe MILLET de la SELARL ANTELMI - BONCOMPAGNI - MILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Valentine ALBECKER, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2025,
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société Pharmacie du palais, qui cherchait à vendre son officine pharmaceutique située [Adresse 5], donnait les 31 mai et 8 octobre 2018 , un mandat de vente à la société l'Auxiliaire pharmaceutique, société intermédiaire spécialisée dans les transactions d'officines de pharmacie, en vue de la recherche d'un acquéreur.
La société intermédiaire mettait en relation Mme [S] et M. [C] avec sa mandante cédante de l'officine.
La société MHX Pharma se substituait à Mme [S] et M. [C], lesquels devenaient associés et cogérants de cette dernière.
Selon acte de vente de définitif du 30 avril 2019, la société Pharmacie du palais vendait à la société MHX Pharma son fonds de commerce de pharmacie moyennant le prix de 1.650.000 euros.
L'acte de vente définitif mentionnait les montants des chiffres d'affaires réalisés par la pharmacie, du 1er juillet 2015 à mars 2019.
La société cessionnaire versait à l'intermédiaire la somme de 62.000 euros HT, soit 74.400 euros TTC, à titre d'honoraires de négociation et de rédaction des actes.
La société MHX Pharma débutait son exploitation de l'officine le 2 mai 2019 et, après plusieurs mois d'exploitation, considérait que le chiffre d'affaires, sur lequel avait été calculé le prix de vente, avait été surévalué de près de 40 %.Elle estimait que la majoration fictive du chiffre d'affaires avait été destinée à augmenter frauduleusement le prix de cession.
La société MHX Pharma faisait ensuite l'objet d'une mesure de sauvegarde et les jugements suivants étaient rendus :
- par jugement du 12 décembre 2019, elle était placée en procédure de sauvegarde et Me [M] [A] était désignée en qualité de mandataire judiciaire avec mission de représenter l'intérêt des créanciers,
- par jugement du 7 mai 2020, Me [U] [F] était désignée en qualité d'administrateur judiciaire avec une mission de simple surveillance,
- par jugement du 29 juillet 2021, le tribunal de commerce de Nice arrêtait le plan de sauvegarde, mettait fin aux missions de l'administrateur judiciaire et désignait la société [A] les mandataires en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Aux termes d'une ordonnance sur requête du 20 novembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice autorisait la société cessionnaire à faire pratiquer une saisie-conservatoire , pour garantir le recouvrement de sa créance, à hauteur d'un montant de 300 000 euros entre les mains de la société intermédiaire, indiquant que ce montant constituait une évaluation provisoire de la créance de la saisissante.
Par acte d'huissier du 23 août 2019, la société MHX pharma procédait à la saisie-conservatoire entre les mains de l'Auxiliaire pharmaceutique du solde des fonds détenus par elle qui s'élevait à un montant de 206.333,22 euros.
Le 20 septembre 2019, la société MHX Pharma assignait la société cédante Pharmacie du palais devant le tribunal de commerce de Nice en indemnisation à hauteur de 700.000 euros, en invoquant dol un ayant vicié son consentement.
L'ordonnance de référé du 28 décembre 2020, du tribunal de commerce de Nice, ordonnait une expertise judiciaire et donnait notamment pour mission à l'expert de reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL Pharmacie du palais pour l'exercice 2018 , de vérifier pour les 50 médicaments les plus chers la concordance entre les achats et les facturations aux caisses de sécurité sociale, de dire si le chiffre d'affaires ainsi reconstitué avait été majoré ou non, en déterminant le quorum et en relevant les éventuelles anomalies, ainsi que de lui donner tout élément de fait pouvant l'éclairer sur l'existence de manoeuvres frauduleuses.
Plusieurs experts judiciaires étaient successivement désignés et notamment M. [D], M.[X] et finalement M.[O] [B], qui rendait son rapport le 8 février 2022.
La société MHX Pharma considérait ensuite que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique avait également commis des fautes, dans la réalisation de son mandat, notamment en ne relevant pas les incohérences pourtant majeures de la comptabilité de l'officine rachetée.
Par exploit d'huissier de justice du 5 mars 2021, la société MHX Pharma mettait en cause la société l'Auxiliaire Pharmaceutique afin d'obtenir sa condamnation solidaire, avec la SARL Pharmacie du palais, à indemniser son préjudice.
Suite au décès le 8 février 2021 de M. [G] [H], dirigeant de la société cédante, plusieurs ordonnances étaient rendues relativement à la représentation de cette dernière ;
- par ordonnance du 1 er mars 2021, la société [E] [K] et associés, prise en la personne de Maître [E] [K] était désignée en qualité d'administrateur judiciaire provisoire,
- par ordonnance rectificative du 10 mars 2021, la mission de la SELARL [E] [K] & associés était modifiée, elle était désignée en qualité de mandataire ad'hoc avec pour mission de représenter la SARL Pharmacie du palais dans les litiges judiciaires et l'expertise en cours ainsi que dans les futurs litiges judiciaires,
- par ordonnance du 9 mars 2023, la mission de Maître [K] était étendue afin que ce dernier puisse procéder à la déclaration de cessation des paiements de la société Pharmacie du palais et représenter les droits propres de la SARL Pharmacie du palais dans le cadre de la liquidation judiciaire.
Aux termes de son jugement rendu le 6 mars 2023, le tribunal de commerce de Nice statuait en ces termes :
- prononce la jonction des instances pendantes devant tribunal de commerce de Nice sous les n°2019F00489 et 2021F00172,
- déclare la demande de la société MHX Pharma recevable et bien fondée, et en conséquence :
- dit que la société Pharmacie du palais a surestimé le chiffre d'affaire réalisé lors des exercices précédant la cession,
- dit que le consentement de la société MHX Pharma a été en partie obtenu sur la base d'éléments comptables erronés,
en conséquence :
- dit que le consentement de la société MHX Pharma été surpris par le dol commis par la société Pharmacie du palais,
- dit que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession de fonds de commerce,
- condamne la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à rembourser à la société MHX Pharma la somme de 62.000 euros versés à titre d'honoraires, en raison de la gravité des manquements commis dans le cadre de sa mission de conseil,
- condamne la société Pharmacie du palais à payer à la société MHX Pharma la somme de 211.000 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter; du jour de la demande afin de compenser la surestimation de la valeur de l'officine ;
- condamne la société Pharmacie du palais à verser à société MHX Pharma la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais liés à la procédure de sauvegarde qu'elle a du engager,
- condamne la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de |'article 700 du code de procédure civile ;
- déboute la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- déboute la société MHX Pharma de toutes ses autres demandes, fins et prétentions,
- prononce l'exécution provisoire de plein droit,
- condamne la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement des entiers dépens, y incluant les frais d'expertise judiciaire taxes e la somme totale de 18.30421 euros,
- liquide les dépens du présent jugement à la somme de 186,94 euros.
Par jugement rendu le 23 mars 2023, le tribunal de commerce de Nice ouvrait une procédure de liquidation judiciaire de la société Pharmacie du palais, désignant la SCP BTSG² prise en la personne de M. [R] [J] en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 13 avril 2023, la société MHX Pharma déclarait ses créances d'un montant total de 397 652, 11 euros auprès de la société BTSG 2, liquidateur de la société cédante.
Deux appels ont été successivement formés contre le jugement du 6 mars 2023 :
- le 7 avril 2023 par la société l'Auxiliaire Pharmaceutique, laquelle intimait la société MHX Pharma, la société [A] les mandataires (en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société MHX Pharma), la société Pharmacie du palais prise en la personne de son mandataire ad hoc la société [E] [K] représentée par Me [E] [K], la société BTSG 2 prise en la personne de Me [R] [J] en qualité de liquidateur de la société Pharmacie du Palais,
- le 11 avril 2023 par la société Pharmacie du palais et la société BTSG 2, en intimant les sociétés MHX Pharma, la société [A] les mandataires en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette dernière, la société l'Auxiliaire Pharmaceutique.
La déclaration d'appel du 7 avril 2023 était ainsi rédigée :L'appel tend à obtenir la réformation ou l'infirmation du jugement du 06/03/2023 rendu par le tribunal de commerce de Nice (RGN°219F00489 ET 2021F00172). Il porte sur les dispositions qui disent que :La société l'auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession de fonds de commerce conclue entre la société Pharmacie du palais et la société MHX Pharma , qui condamnent la société l'auxiliaire Pharmaceutique à rembourser à la société MHX Pharma la somme de 62000 euros versés à titre d'honoraires en raison de la gravité des manquements commis dans le cadre de sa mission de conseil. l'appel porte aussi sur les dispositions qui condamnent la société Pharmacie du palais et la société l'auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement de la somme de 15000 euros sur le fondement de l'art 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens y incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 18.304,21.Enfin l'appel porte sur les dispositions du jugement qui déboutent la société l'Auxilliaire Pharmaceutique de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions
La déclaration d'appel du 11 avril 2023 était ainsi rédigée : 'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués du jugement rendu le 6 mars 2023 par le Tribunal de Commerce de Nice en ce qu'il a :
- dit que la société Pharmacie du palais a surestimé le chiffre d'affaires réalisé lors des exercices précédents la cession,
- dit que le consentement de la société MHX Pharma a été en partie obtenu sur la base d'éléments comptables erronés,
- dit que le consentement de la société MHX Pharma a été surpris par le dol commis par la société Pharmacie du palais,
- dit que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession de fonds de commerce conclu entre la société Pharmacie du palais et la société MHX Pharma
- condamné la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à rembourser à la société MHX Pharma la somme de 62.000 euros versée à titre d'honoraires, en raison de la gravité des manquements
commis dans le cadre de sa mission de conseil
- condamné la société Pharmacie du palais à payer à la société MHX Pharma la somme de 211.000 € en principal, assorti des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande afin de compenser la surestimation de la valeur de l'officine,
- condamné la société Pharmacie du palais à verser à la société MHX Pharma la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais liés à la procédure de sauvegarde qu'elle a dû engager
- condamné la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique de l'ensemble de leurs demandes, fin et prétention
- débouté la société MHX Pharma de toutes ses autres demandes, fin et prétention
- prononcé l'exécution provisoire de plein droit
- condamné la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement des entiers dépens, y incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 18.304,21 euros HT
- liquidé les dépens du présent jugement à la somme de186,94 euros.
Par ordonnance du 6 septembre 2024, les deux instances étaient jointes par le conseiller de la mise en état, l'affaire étant suivie sous le n° 23/5174
La procédure de l'instruction était clôturée par ordonnance prononcée le 17 décembre 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2024, les sociétés Pharmacie du palais et BTSG 2 demandent à la cour de :
vu l'article 367 du code de procédure civile, 1137 du code civil,
- ordonner la jonction de la présente instance (RG N°23/05209) avec l'instance pendante par devant la chambre 3-1, enrôlée sous le numéro RG 23/05174,
- réformer le jugement rendu le 6 mars 2023 en ce qu'il a :
- dit que la société Pharmacie du palais a surestimé le chiffre d'affaires réalisé lors des exercices précédents la cession
- dit que le consentement de la société MHX Pharma a été en partie obtenu sur la base d'éléments comptables erronés
- dit que le consentement de la société MHX Pharma a été surpris par le dol
commis par la société Pharmacie du palais
- condamné la société Pharmacie du palais à payer à la société MHX Pharma la somme de 211.000 euros en principal, assorti des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande afin de compenser la surestimation de la valeur de l'officine,
- condamné la société Pharmacie du palais à verser à la société MHX Pharma la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais liés à la procédure de sauvegarde qu'elle a dû engager
- condamné la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement de la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire
Pharmaceutique de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions
- débouté la société MHX Pharma de toutes ses autres demandes, fins et prétentions
- prononcé l'exécution provisoire de plein droit
- condamné la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement des entiers dépens, y incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 18.304,21 euros HT
et statuant à nouveau,
- juger irrecevables les demandes de condamnation en paiement formées à l'encontre de la société Pharmacie du palais ;
- juger que la présente instance ne peut tendre qu'à la fixation de la créance de la société MHX Pharma au passif de la société Pharmacie du palais, dans la limite de 307.652,11 € ;
- juger que les éléments constitutifs du dol ne sont ni réunis, ni caractérisés ;
- juger que la cession de l'officine intervenue le 30 avril 2019 entre les sociétés Pharmacie du palais et MHX Pharma n'est pas entachée de dol ;
- débouter la société MHX Pharma de ses entières demandes ;
à titre subsidiaire,
Si par extraordinaire la cour considérait réunis les éléments constitutifs du dol,
- juger que l'indemnisation du préjudice subi par le dol se limité à la perte de chance, d'avoir pu contracter à de meilleures conditions, laquelle n'est absolument pas caractérisée par la société MHX Pharma,
en tout état de cause,
- condamner la SELARL MHX Pharma à payer à la SELARL [E] [K] ET ASSOCIES es qualité de mandataire ad hoc et la SCP BTSG² es qualité de liquidateur judiciaire, la somme de 5.000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outres les entiers dépens de l'instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 décembre 2024, la société MHX Pharma demande à la cour de :
Vu les articles 56 et 114 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement querellé en ce qu'il rejette l'exception de nullité soulevée par la SA l'Auxiliaire Pharmaceutique,
à titre principal :
Vu les articles 1130, 1137, 1139, 1178, 1194, 1231-1, 1641, 1644, 1645, 1991 et 1992 du code civil, 367 et 864 du code de procédure civile, L. 414-3 du code de commerce ;
- confirmer la décision querellée en ce qu'elle a dit que le consentement de la société MHX Pharma a été surpris par le dol commis par la société Pharmacie du palais.
subsidiairement et si par impossible la cour devait entrer en voie de réformation :
- juger que la cession de fonds de l'Officine Pharmaceutique de la SARL Pharmacie du palais à la SELARL MHX Pharma est entachée d'un vice caché dont le cédant avait connaissance.
en tout état de cause :
- confirmer la décision querellée en ce qu'elle a dit que la SA l'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et manqué à son devoir de conseil,
- infirmer le jugement querellé en ce qu'il déboute la SELARL MHX Pharma de sa demande de condamnation solidaire des sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique,
- infirmer le jugement querellé sur le quantum des condamnations prononcées à l'encontre des sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique,
et, statuant à nouveau :
- fixer la créance de la SELARL MHX Pharma sur la SARL Pharmacie du palais à la somme de 982.864 euros en indemnisation du préjudice subi par la SELARL MHX Pharma,
- condamner la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique solidairement, ou à tout le moins in solidum, avec la SARL Pharmacie du palais au paiement de la somme de 982.864 euros en indemnisation du préjudice subi par la SELARL MHX Pharma,
- fixer la créance de la SELARL MHX Pharma sur la SARL Pharmacie du palais sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés dans la procédure d'appel à la somme de 15.000 euros,
- condamner la SA l'Auxiliaire Pharmaceutique solidairement, ou à tout le moins in solidum, avec la SARL Pharmacie du palais au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés dans la procédure d'appel ;
- fixer la créance de la SELARL MHX Pharma sur la SARL Pharmacie du palais au titre des dépens, y incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme totale de 18.304,21 euros HT, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval, agissant par Maître Paul-Guedj sous sa due affirmation d'en avoir fait l'avance
- condamner la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique solidairement, ou à tout le moins in solidum avec la SARL Pharmacie du palais au paiement des entiers dépens, y incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme totale de 18.304,21 € HT, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj, agissant par Maître Paul-Guedj sous sa due affirmation d'en avoir fait l'avance
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 août 2023, la société [A] représentée par Me [M] [A] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société MHX Pharma, demande à la cour de :
- prononcer la jonction des procédures enrôlées devant la chambre 3-4 de votre cour sous les n°23/05209 et n°23/05174
vu les articles 56 et 114 du code de procédure civile
- constater et au besoin dire que l'assignation délivrée à la société l'Auxiliaire Pharmaceutique était motivée au fond,
- constater que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique ne démontre aucun grief
En conséquence,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par la SA
l'Auxiliaire Pharmaceutique,
à titre principal,
vu les articles 1130, 1137, 1139, 1178, 1194, 1231-1, 1641, 1644, 1645, 1991 et 1992 du code civil, 367 et 864 du code de procédure civile, l'article L414-3 du code de commerce,
- constater et au besoin dire que la société Pharmacie du palais a volontairement surestimé le chiffre d'affaires réalisé lors des exercices précédents la cession pour majorer indûment le prix de ladite cession,
Constater et au besoin dire que par cette man'uvre dolosive, la société Pharmacie du palais a obtenu le consentement de la SELARL MHX Pharma pour contracter à ces conditions,
- constater et au besoin Dire et juger que la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession du fonds de commerce conclue entre la société Pharmacie du palais et la société MHX Pharma,
en conséquence,
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a dit que le consentement de la société MHX Pharma a été surpris par le dol commis par la société Pharmacie du palais,
subsidiairement et si par impossible la cour devait entrer en voie de réformation :
- dire que la cession du fonds de l'officine de la SARL Pharmacie du palais à la SELARL MHX Pharma est entachée d'un vice caché dont le cédant avait connaissance.
en tout état de cause :
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a dit que la SA l'auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et manqué à son devoir de conseil,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SELARL MHX Pharma de sa demande de condamnation solidaire des sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique,
- réformer le jugement dont appel sur le quantum des condamnations prononcées à l'encontre des sociétés Pharmacie du palais et L'Auxiliaire Pharmaceutique,
et statuant de nouveau
- condamner conjointement et solidairement les sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique, au paiement de la somme de 982.864 euros en indemnisation
du préjudice subi par la SELARL MHX Pharma,
- condamner conjointement et solidairement les sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique, au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner conjointement et solidairement les sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique, au paiement des entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 18.0304,21 euros HT, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval-Guedj sur son offre de droit.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 décembre 2024, la société l'Auxiliaire Pharmaceutique demande à la cour de :
- rejeter les pièces 42 et 43 communiquées par la société MHX Pharma, et ce afin de respecter le principe du contradictoire,
- réformer parte in qua le jugement en ce qu'il a :
- déclaré la demande de la société MHX Pharma recevable et bien fondée,
- dit que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession de fonds de commerce concluent entre la société Pharmacie du palais et la société MHX Pharma
- condamné la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à rembourser à la société MHX Pharma la somme de 62.000 euros versés à titre d'honoraires en raison de la gravité des manquements commis dans le cadre de sa mission de conseil
- condamné la société Pharmacie du palais et la société L'Auxiliaire Pharmaceutique partager à parts égales le paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société l'Auxiliaire Pharmaceutique de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions
- condamné la société Pharmacie du palais et la société L'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement des dépens y incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme totale de 18.304,21 € HT
- confirmer parte in qua le jugement rendu par le tribunal de commerce de NICE le 6mars 2023 sur le surplus en ce qu'il a débouté MHX Pharma de toutes ses autres demandes, fins et prétentions,
statuant à nouveau,
à titre principal,
vu l'article 56 du code de procédure civile,
- prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 5 mars 2021 par MHX Pharma à l'encontre de l'Auxiliaire Pharmaceutique avec toutes les conséquences de droit, le même sort sera réservé aux conclusions « en demande » communiquées par cette dernière lesquelles sont insusceptibles d'être régularisées à postériori et en l'état de leur
contenu, le vice dont la procédure est affectée,
Vu les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile,
- débouter dès lors la société MHX Pharma comme irrecevable et mal fondée en son l'action et demandes dirigées à l'encontre de la SA L'AUXILIAIRE Pharmaceutique, au regard de la nullité de l'assignation ;
subsidiairement,
vu les articles 1194, 1231-1 et 1353 du code civil,
- débouter la société MHX Pharma de son action en responsabilité, faute d'administrer la preuve d'une faute imputable à la SA l'Auxiliaire pharmaceutique.
- la débouter encore de toute demande d'indemnisation faute de justifier d'un quantum justifié.
En conséquence,
- débouter la société MHX Pharma de toute demande à l'encontre de la société L'AUXILIAIRE Pharmaceutique, comme irrecevables et à tout le moins infondées.
- débouter par conséquent la société MHX Pharma de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SA l'Auxiliaire Pharmaceutique,
très subsidiairement,
- débouter la société MHX Pharma de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique, la société MHX Pharma étant défaillante dans la preuve des préjudices subis certains, dont la SA l'Auxiliaire Pharmaceutique serait à l'origine,
en tout état de cause,
- débouter la société MHX Pharma de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique.
- débouter Maître [W] [A] ès qualités de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SA l'Auxiliaire Pharmaceutique,
- infirmer en toute hypothèse le jugement rendu en ce qu'il a condamné « à rembourser », toute condamnation éventuelle ne pouvant être, le cas échéant, qu'à des dommages et intérêts.
- condamner la société Pharmacie du palais à relever et garantir la société l'Auxiliaire Pharmaceutique de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la société MHX Pharma.
Vu les articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil,
- condamner la société MHX Pharma à payer à la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique la somme de 10.000 euros pour procédure abusive.
- condamner la société MHX Pharma à payer à la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance.
y ajoutant ,
- condamner la société MHX Pharma à payer à la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel distraits au profit de Maître Gilles Alligier.
MOTIFS
1-sur les pièces 42 et 43 communiquées par la société MHX Pharma
Vu l'article 16 du code de procédure civile,
Selon ses dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2024, la société l'Auxiliaire Pharmaceutique demande à la cour de rejeter les pièces 42 et 43 communiquées par la société MHX Pharma, et ce afin de respecter le principe du contradictoire. La société l'Auxiliaire pharmaceutique ajoute que la communication tardive, de ces pièces ne lui permet pas de pouvoir en discuter à armes égales, avec le temps nécessaire pour cela.
En l'espèce, l'ordonnance de clôture était rendue le 17 décembre 2024.
Les pièces 42 et 42, communiquées depuis le 2 décembre 2016 par la société MHX Pharma à la société l'Auxiliaire pharmaceutique, correspondent, pour la première, aux statuts modifiés de la société MHX pharma et, pour la seconde, à une note récapitulative d'une société d'expertise comptable concernant le prix d'achat de l'officine et les chiffres d'affaires de cette dernière.
Ces deux pièces, qui ne sont ni longues, ni compliquées, pouvaient être commentées et critiquées par la société l'Auxiliaire pharmaceutique, entre leur date de communication et celle de l'ordonnance de clôture rendue le 17 décembre 2024. La société l'Auxiliaire pharmaceutique a d'ailleurs pris le temps de conclure la veille de ladite ordonnance et elle aurait donc pu faire état de ces pièces dans ses dernières conclusions, pour les critiquer.
Ces pièces ne sauraient être écartées des débats pour le motif de la violation du contradictoire, ce qui ne préjuge toutefois pas de leur pertinence ou valeur probatoire au fond.
La cour rejette la demande de la société l'Auxiliaire pharmaceutique de rejet des pièces 42 et 43 communiquées par la société MHX pharma au motif de la violation du principe du contradictoire.
2-sur l'exception de nullité soulevée par la société l'Auxiliaire pharmaceutique de l'assignation et des conclusions de la société MHX Pharma
Selon l'Article 56 du code de procédure civile :L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :
1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;
2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;
3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé;
4° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Elle vaut conclusions.
L'article 114 du même code ajoute :Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Au soutien de sa demande d'annulation de l'assignation qui lui a été délivrée le 5 mars 2021 par la société MHX Pharma ,la société l'Auxiliaire Pharmaceutique estime que ledit acte d'huissier de justice ne mentionne aucun fondement juridique et encourt la nullité au visa de l'article 56 du code de procédure civile, ce manquement lui causant nécessairement un grief.
Sur la nullité des conclusions dites 'en demande' de la société MHX Pharma, la société l'Auxiliaire pharmaceutique ajoute que ces écritures visent pèle mêle la quasi-totalité des articles du code civil se rapportant aux responsabilités contractuelles et délictuelles sans que ces derniers ne soient identifiables en fonction des fautes revendiquées, nonobstant par ailleurs la fluctuation du quantum des demandes de la mise en demeure aux conclusion. Selon elle, lesdites conclusions sont insusceptibles de régulariser la situation procédurale du dossier.
En l'espèce, contrairement à ce qu'affirme la société l'Auxiliaire pharmaceutique, l'assignation du 5 mars 2021 contient bien un exposé des moyens en fait et en droit, la société demanderesse citant à plusieurs reprises des articles de loi précis fondant ses demandes. Il s'agit des dispositions relative à la responsabilité contractuelle et à la responsabilité du mandataire.
S'agissant de la demande d'annulation des conclusions dites 'en demande'de la société MHX Pharma, la cour relève que ces dernières sont également motivées en fait et en droit, citant en particulier les dispositions relatives aux vices du consentement et au dol, ainsi qu'à la responsabilité contractuelle et à la responsabilité du mandataire.
Le jugement est confirmé en ce qu'il déboute la société l'Auxiliaire Pharma de sa demande d'annulation de l'assignation aux fins de mise en cause du 5 mars 2021.
La cour rejette, en outre, la demande de la même, d'annulation de conclusions dites 'en demande' de la société MHX pharma.
3-sur la fin de non-recevoir opposée par la société cédante à la société cessionnaire à ses demandes de condamnation
L'article L 622-21 I du code de commerce dispose : « I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Vu l'article L 622-17 I du code de commerce,
L'article L 622-22 du code de commerce ajoute : Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci.
La société Pharmacie du palais et son liquidateur concluent l'irrecevabilité des demandes en paiement avec condamnations dirigées contre elle par la société acheteuse, ajoutant que la présente instance ne peut que tendre à la fixation de créances contre elle et , ce en outre dans la seule limite de 307 652, 11 euros (montant déclaré par l'intimée auprès du liquidateur le 13 avril 2023).
En l'espèce, les créances de dommages-intérêts, d'article 700 et au tire des dépens, dont la société acheteuse entend se prévaloir à l'encontre de la société cédante, sont :
- soit nées antérieurement au jugement du 23 mars 2023 de liquidation judiciaire de cette dernière (pour les créances de dommages-intérêts),
- soit nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, mais non en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période (pour les autres créances).
C'est à juste titre que la société cédante se prévaut d'une fin non-recevoir concernant les demandes de condamnations dirigées contre elle par la société MHX pharma au titre des différentes créances ci-dessus énumérées.
Le jugement est infirmé en ce qu'il prononce des condamnations en paiement de la société Pharmacie du palais au profit de la société MHX Pharma.
La cour dit que la présente instance ne peut que tendre à la fixation de créances de la société MHX pharma au passif de la société Pharmacie du palais dans la limite du montant déclaré soit 307 652, 11 euros.
4-sur la fin de non-recevoir opposée par la société l'Auxiliaire Pharmaceutique aux demandes de la société MHX Pharma dirigée à son encontre
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyenqui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 31 du même code ajoute :l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Attention il y a une clause de non-recours opposée à la société MHX Pharma
Il résulte des dispositions précédentes que le droit d'agir en justice appartient à celui qui a un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sauf l'hypothèse des actions attitrées. De plus, la preuve de l'intérêt à agir n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien fondé de l'action , ni même à l'existence du droit invoqué .
La société l'Auxiliaire Pharmaceutique conclut à l'irrecevabilité des demandes dirigées à son encontre par la société MHX Pharma, laquelle serait, selon elle, dépourvue de tout droit d'agir à son encontre.
Elle précise que la société acheteuse cherche à engager sa responsabilité soit en tant qu'intermédiaire à la transaction soit en tant que rédacteur des actes pour manquement à son obligation de conseil ou de mise en garde qui porterait sur une surestimation par le vendeur de son chiffre d'affaires de l'année 2018.
Elle ajoute que la société MHX Pharma ne lui a donné aucun mandat avec pour objet la recherche d'une officine et/ou la négociation pour l'acquisition d'une officine, que le seul mandat de cette affaire est un mandat de vente qui lui a été confié par la société cédante. Elle soutient encore que ce mandat de vente confié par la seule société cédante n'a fait naître aucune obligation de conseil au profit du potentiel acquéreur, la société MHX Pharma.
Toujours pour dire que la société MHX Pharma est dépourvue du droit d'agir contre elle, la société intermédiaire ajoute que si elle a eu un rôle de rédacteur des actes de vente, elle n'a pour autant commis aucun manquement à son obligation de conseil et/ou de mise en garde quant au chiffre d'affaire. Elle précise que la société cessionnaire de l'officine a reconnu expressément avoir examiné les éléments comptables du vendeur, avoir accompli des investigations personnelles sur le fonds de commerce concerné et sur ses potentialités dispensant le rédacteur des actes de ce chef et renonçant à toute contestation ultérieure se rapportant aux chiffres d'affaires transmis par le vendeur.
En l'espèce, la société acheteuse exerce une action en responsabilité à l'encontre de la société intermédiaire fondée tant sur la responsabilité du mandataire (1991 du code civil) que sur la responsabilité contractuelle (article 1231-1 du code civil). Aucune de ces deux actions ne constitue une actions attitrée, c'est-à-dire une action réservée à une seule catégorie de personne déterminées par la loi.
Les actions exercées par la société cessionnaire dont l'irrecevabilité est recherchée, sont des actions ouvertes à tous ceux qui ont intérêt à être entendus sur le fond de leurs prétentions ou à discuter le bien-fondé de celles de leurs adversaires.Or, en l'espèce, la société MHX Pharma a bien un tel intérêt à exercer ses actions en responsabilité contre la société intermédiaire.
En effet, la société l'Auxiliaire pharmaceutique a joué un rôle dans la mise en relation des sociétés cédantes et cessionnaires de l'officine, tandis que la société acheteuse allègue, d'une part, qu'elle avait confié à la société intermédiaire un mandat de négociation de rachat de l'officine et, d'autre part, que cette dernière aurait commis des manquements à son obligation de conseil en lui donnant faussement l'impression que l'opération de rachat de l'officine était sérieuse et sûre.
Au regard de l'intérêt à agir de la société MHX Pharma à exercer son action en responsabilité contre la société intermédiaire, il importe peu de savoir que ladite action serait infondée ou que le droit invoqué serait inexistant.
Enfin, si chacun des trois actes ayant conduit à la cession de l'officine (promesse d'achat, compromis de vente et acte de cession) stipule que l'acheteuse déclare avoir pris connaissance des chiffres d'affaires ou qu'elle renonce à toutes réclamations de ce chef envers le vendeur, aucun ne prévoit pour autant une clause de non-recours à l'égard de la société intermédiaire.
La fin de non-recevoir de la société l'Auxiliaire pharmaceutique doit être écartée et les demandes de la société MHX Pharma dirigées contre elle seront déclarées recevables.
5-sur la responsabilité de la société cédante pour dol
Selon l'article 1130 du code civil :L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
L'article 1137 du code civil ajoute :Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
L'article 1139 dudit code précise que : « L'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».
Vu l'article 1240 du même code,
La société MHX Pharma, pour engager la responsabilité délictuelle de la société cédante, fait valoir que cette dernière a commis un dol à l'origine de son préjudice financier, à savoir une surestimation du prix de cession à hauteur de 778.820 euros, lequel était basé sur un chiffre d'affaires majoré frauduleusement.
Sur le dol reproché à la société cédante, la cessionnaire précise que cette dernière a délibérément falsifié sa comptabilité en déclarant chaque année un nombre considérable de ventes fictives de médicaments, afin d'en obtenir le remboursement indu de la sécurité sociale et de présenter, lors de la cession, un chiffre d'affaires plus élevé que celui réellement réalisé. Pour l'intimée, Cette surestimation délibérée du chiffre d'affaires et de la marge réalisés ont nécessairement induit une surestimation de la valeur de l'officine.
La société cessionnaire de l'officine affirme encore que le prix principal de 1.650.000 euros a été calculé comme suit sur l'exercice présentant le chiffre d'affaires le plus élevé :
- 100 % du Chiffre d'affaires HT annuel ;
- un multiple de 6 fois l'EBE (excèdent brut d'exploitation).
Pour s'opposer à toute indemnisation et pour dire que sa responsabilité pour dol ne peut pas être engagée,la société cédante soutient plusieurs arguments :
- l'expert judiciaire a travaillé sur les chiffres de l'année 2018 alors même que la vente a eu lieu antérieurement, qu'il n'a pas circularisé les laboratoires, que son travail présente des carences,
- le chiffrage de l'expert sur l'année 2018 porte, a minima, sur des chiffres de cinq mois postérieurs à l'accord des parties. Il ne peut y avoir de dol sur des éléments inexistants au moment de l'accord des parties,
- les informations relatives à la vente de produits à marge réduite, qui avaient vocation à alerter le cessionnaire sur l'importance du chiffre d'affaires réalisé sur la période ayant précédée la vente, ont clairement été mentionnées dans l'acte de cession,
- rien au sein de l'acte de cession ne permet de considérer que le prix convenu ait été arrêté au regard d'un pourcentage du chiffre d'affaires,
- elle n'a eu aucune intention dolosive, la seule anomalie provenant de la différence entre les médicaments achetés et vendus, résultant d'une simple négligence dans la gestion des stocks de la Pharmacie,
- elle n'avait aucune intention de cacher des informations au cessionnaire,
- la mauvaise gestion des stocks est responsable de ce que l'expert a qualifié de mécanisme de majoration du chiffre d'affaires, entraînant une majoration du prix de vente de l'officine,
- le chiffre d'affaires n'a pas été déterminant,
- il n'a jamais été convenu que le prix de vente de l'officine devait représenter 100 % du chiffre d'affaires HT annuel,
- le prix de cession, arrêté entre l'acquéreur et le vendeur le 29 août 2018, était principalement basé sur les liasses fiscales des exercices clos au 31.01.2017 et 31.01.2018.
- le prix d'achat de l'officine par la société Pharmacie du palais en 2010, représentait 114% du chiffre d'affaires réalisé par l'officine.
En premier lieu, pour ce qui est des modalités convenues de fixation du prix de la cession de l'officine, il résulte de l'acte de vente définitif que les parties ont bien eu la commune intention de lier ce prix, au moins partiellement, aux chiffres d'affaires réalisés par l'officine.
Ainsi, la promesse d'achat du 29 août 2018 stipule que Mme [S] a déclaré « avoir parfaitement connaissance des conditions d'exploitation de l'officine et de la société et notamment : du bail, des chiffres d'affaires, des contrats de location, des comptes d'exploitation, des bilans, des contrats de travail, de la ventilation du chiffre d'affaires. Avoir pris connaissance des chiffres d'affaires et résultat réalisé ». La promesse d'achat récapitule d'ailleurs, en page 4, les montants des chiffres d'affaires HT de l'officine entre le 1er juillet 2015 et le mois de juillet 2018, ainsi que les résultats d'exploitation.
Le compromis de vente du 8 octobre 2018 énumère également les chiffres d'affaire depuis la même date du 1er juillet 2015 et ce jusqu'au mois d'août 2018. Enfin, l'acte de vente définitif fait encore état des chiffres d'affaires et bénéfices jusqu'au mois de mars 2019, stipulant de surcroît
- en page 23 :'conformément à l'article L 141-1 du code de commerce, aux termes duquel : I...le vendeur est tenu d'énoncer : 3° le chiffre d'affaires qu'il a réalisé durant les trois exercices comptable précédant celui de la vente...',
- en page 24 :« l'acquéreur déclare prendre acte de ces chiffres d'affaires et résultat d'exploitation pour avoir été mis à sa disposition préalablement à ce jour. L'acquéreur déclare dispenser expressément le rédacteur des présentes de l'énonciation précise et exacte tant du chiffre d'affaires que des résultats de la période en cours, déclarant se contenter des renseignements qui précèdent pour s'être, par des investigations personnelles, informé et rendu compte des potentialités du fond vendu et avoir pris connaissance des éléments comptables du vendeur préalablement à ce jour et ainsi renoncer dès à présent à toute réclamation de ce chef envers le vendeur »
Par ailleurs, concernant, en particulier, la clause de renonciation à recours contre le vendeur du chef des éléments comptables, celle-ci n'est pas opposable à l'acheteuse dans le cas d'un dol, étant précisé que l'acte de vente stipule expressément : 'le vendeur affirme la sincérité de l'ensemble de ces déclarations'.
Toujours concernant le fait que le prix de l'officine a été déterminé au moins en partie en fonction des chiffres d'affaires, l'expert judiciaire mentionne en page 55 'la cession de l'officine a été faite sur l'exercice présentant le plus fort chiffre d'affaires et sur la base d'un prix de cession de 100 % du chiffre d'affadis HT annuel (12 mois) alors que la pratique du secteur se situe à 76 % du CA HT annuel, soit une surestimation théorique de + 396 K euros'.
Si l'expert judiciaire reconnaît que le prix de cession correspond à la loi de l'offre et de la demande, cela signifie seulement que les parties étaient libres de fixer comme elles l'entendaient le prix de vente de l'officine sans exclure le fait qu'elles ont pu avoir la volonté commune de prendre en compte les chiffres d'affaires pour déterminer ledit prix.
S'agissant ensuite de l'argument de la société cédante selon lequel le rapport de l'expert judiciaire ne démontrerait pas le dol, se basant sur les chiffres relatifs à l'exercice 2018 alors que l'accord des parties sur la vente et sur son prix a eu lieu lors de la promesse de vente intervenue antérieurement le 29 août 2018, il ressort au contraire du rapport d'expertise lui-même que l'expert judiciaire a pris en compte des données financières et comptables antérieures et concomitantes à l'accord sur le prix.
En effet, l'expert judiciaire a exploité des chiffres antérieurs au 29 août 2018 (date supposée de l'accord sur le prix),et, sans que cette énumération ne soit exhaustive , mentionné l'évolution du taux de marge brute depuis 2011, les chiffres d'affaires depuis le 31 décembre 2010, les recettes du mois du grand livre client depuis février 2018, l'analyse des 50 produits les plus vendus au cours de l'année 2018, les écarts de pourcentage d'évolution du chiffre d'affaires entre l'officine et le secteur de la pharmacie entre 2011 et 2019, les états LGPI depuis janvier 2018.
S'agissant des critiques faites par la société Pharmacie du palais contre la méthodologie utilisée par l'expert judiciaire, c'est à juste titre que la société cessionnaire répond que les quelques anomalies relevées, qui ne sont d'ailleurs pas toutes étayées, ne sont pas de nature à remettre en cause l'intégralité du travail réalisé par ce dernier. En outre, contrairement à ce qu'affirme la société appelante, rien ne démontre que la méthode utilisée par l'expert, à savoir la méthode par sondage, manquait de pertinence en l'espèce, ce d'autant que celui-ci s'en est expliqué de façon longue et détaillée, démontrant au contraire le sérieux et la cohérence de son travail. En particulier, en page 48 de son rapport, l'expert judiciaire précise qu'en sa qualité de technicien, il ne lui est pas possible, méthodologiquement, de retenir ou d'écarter des méthodes au motif qu'elles n'aboutissent ou non au résultat espéré par une partie. En page 51 de son rapport, il ajoute que M. [H] avait validé l'approche de son prédécesseur, M. [D], sur la circularisation, des trois principaux grossistes, s'agissant d'une méthodologie d'audit couramment utilisée compte tenu du pourcentage de représentativité.
Le travail de l'expert judiciaire est d'autant moins critiquable que ses conclusions correspondent, pour l'essentiel, aux conclusions amiables d'un autre technicien sollicité par la société MHX Pharma, à savoir M. [V], expert-comptable et commissaire aux comptes, mais également à celles des notes d'expertise de M. [D], l'expert judiciaire précédent.
La cour ne tirera, en revanche, aucune conséquence probatoire de la pièce 43 de la société acheteuse, dernièrement produite, cette dernière détaillant insuffisamment la méthode de travail suivie par l'expert-comptable pour parvenir à ses conclusions.
S'agissant de l'opposabilité, à la société cédante, du rapport d'expertise amiable de M. [V] du 2 août 2019 non contradictoire, celui-ci peut être retenu et exploité dans le cadre des débats, dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats devant la première juridiction, qu'il est soumis à la discussion contradictoire des parties et qu'il est corroboré par d'autres éléments de preuve, dont notamment le rapport d'expertise judiciaire, le projet de note aux parties de M. [D], et, enfin le rapport d'analyse du 9 décembre 2021 du rapport d'expertise de M. [B] fait par M. [Z], expert-comptable . Les mêmes remarques peuvent être faites concernant le projet de note aux parties de M. [D] ainsi que le rapport d'analyse du 9 décembre 2021.
En l'espèce, l'expert judiciaire conclut, dans son rapport d'expertise du 8 février 2022, que :
- l'analyse des50 produits les plus vendus au cours de l'année 2018 fait ressortir des anomalies inexpliquées sur 30 références, c'est à dire l'absence de concordance entre les achats et les facturations aux caisses de sécurité sociale,
- les anomalies représentent des quantités vendues supérieures aux quantités achetées et stockées, l'écart faisant ressortir une majoration du chiffre d'affaires HT de 176 K euros,
- l'officine est rachetée sur l'exercice présentant le plus fort chiffre d'affaires sur la base d'un prix de cession de 100 % du chiffre d'affaires HT annuel (12 mois) alors que la pratique du secteur se situe à 76 % du CA HT annuel,
- on peut noter des pourcentages annuels de variation du chiffre d'affaires très nettement supérieurs à ceux constatés au niveau national, en moyenne de 2,06 % par an sur 9 ans,
- en repartant du chiffre d'affaires pour l'année 2011 (1er exercice complet) de 1404 K HT et en appliquant les taux moyens sectoriels successifs, la reconstitution théorique du chiffre d'affaires pour l'année 2018 serait de 1426 K HT soit 1783 K sur 15 mois, faisant ressortir par rapport aux comptes annuels clos le 30 avril 2019, un chiffre d'affaires théorique supérieur de 368 K euros aux normes sectorielles (+ 17,09 %),
- au niveau de la comparabilité des comptes, la société Pharmacie du palais a changé 4 fois la date des clôtures (et avec des durées différentes), cette pratique répétée est rarissime et peut avoir pour objectif de limiter les contrôles et la comparabilité des comptes.
Or, dans son rapport d'expertise amiable concordant du 2 août 2019, M. [V], expert-comptable et commissaire aux comptes relève lui aussi des anomalies au niveau des chiffres d'affaires, indiquant que les chiffres d'affaires de mai, juin, juillet 2019 sont en nette diminution par rapport à ceux antérieurs à l'accord sur le prix (de mai, juin, juillet 2018). Il précise que l'analyse effectuée sur les 15 médicaments les plus commercialisés fait apparaître, au vu des éléments issus du logiciel, que les quantités vendues sont supérieures aux quantités achetées, ce qui est à priori anormal. Il relève enfin que le chiffre d'affaire de l'officine a augmenté de 5,36 % en 2017 et de 5, 66 % en 2018, alors que les statistiques professionnelles font apparaître des variations de chiffres d'affaires des pharmacies comprises entre - 0,6 % et + 1, 7 % sur ces périodes. Il conclut enfin, ce qui rejoint la conclusion de l'expert judiciaire, que le chiffre d'affaire de l'officine de l'année 2018 pourrait avoir été surévalué.
De plus, le travail effectué pendant quelques temps par le précédent expert judiciaire désigné, M. [N] [D], consultant en comptabilité, rejoint partiellement les conclusions précédentes. Ainsi, dans son projet en l'état du 28 décembre 2020, M. [D] relève également des anomalies et incohérences entre cinq médicaments achetés et vendus, pour l'année civile 2018, pour un écart total de 88 983 euros. Il met en évidence le fait que malgré ses demandes répétées, la société Pharmacie du palais ne lui a pas fourni la liste des factures d'achats directs justifiant l'écart sur le produit Triumeq. Selon lui, des ventes fictives de ces produits ont été enregistrées et semble-t-il facturées à la sécurité sociale, pour un total qui pourrait atteindre 88.983 euros pour cinq produits.
Enfin, le rapport d'analyse du 9 décembre 2021, du rapport d'expertise de M. [B], retient également l'existence d'une majoration des chiffres d'affaire par la société cédante et son impact sur la valorisation de la pharmacie, concluant qu'il y a eu surévaluation du prix de vente.
Sur le fond, il ressort en particulier du rapport d'expertise judiciaire, corroboré par les autres rapports amiables, que les comptes présentés à la société cessionnaire, qui ont au moins partiellement été utilisés pour calculer le prix de la vente, n'étaient pas tous fidèles à la réalité et présentaient pour certains de graves anomalies en ce que certains chiffres d'affaire ont été anormalement majorés. Ainsi, les éléments pris en considération pour le calcul du prix étaient erronés et ne donnaient pas une image fidèle de la situation comptable et financière de l'officine.
Or, ces éléments financiers et comptables étaient déterminants du consentement de la société cessionnaire de l'officine, car ils lui permettaient d'apprécier la viabilité de l'officine et la pertinence du prix au regard des perspectives de développement de celle-ci.
Si la société MHX Pharma avait su que des ventes fictives de produits avaient été enregistrées dans les comptes de l'officine, qu'il existait un grave mécanisme de majoration du chiffre d'affaires,pouvant être estimé a 176 K sur l'année civile 2018 pour les 50 produits les plus vendus, elle aurait ou bien renoncé à son projet d'acquisition ou bien pu négocier un meilleur produit.
Le dol dont la société MHX Pharma a été victime a donc bien été déterminant de son consentement.
S'agissant de l'intention dolosive de la société Pharmacie du palais, celle-ci ressort des éléments de fait suivants relevés par l'expert judiciaire, corroborés par le rapport d'expertise amiable de M. [V] et le rapport en l'état de M. [D] :
- la typologie, le nombre, et l'ampleur des écarts inexpliqués font ressortir un mécanisme d'une majoration du chiffre d'affaires auprès de la sécurité sociale,
- la société Pharmacie du palais a changé 4 fois de dates de clôture, avec des durées différentes, sur un total de 10 comptes annuels, cette pratique répétée est rarissime et peut avoir pour objectif de limiter les contrôles et la comparabilité des comptes,
- il est inexact d'indiquer que l'origine des écarts proviendrait d'un mauvais enregistrement des achats dans le logiciel LGPI,
- cette pratique peut avoir pour but de limiter volontairement les contrôles à partir des achats et le rapprochement détaillé des stocks avec l'inventaire physique annuel,
- les ajustements de stocks liés aux variations incohérentes et à l'imputation de charges exceptionnelles de médicaments périmés, semblent avoir été motivés par la volonté de présentation d'un taux de marge d'ensemble cohérent,
- les écarts importants et inexpliqués au niveau des taux de marge commerciale alors que le taux de marge brute globale est cohérente, sont caractéristiques des régularisations comptables effectuées pour donner une image cohérente d'ensemble et conforte la constatation d'une majoration du chiffre d'affaires,
- les constatations effectuées peuvent être caractéristiques d'un mécanisme de majoration du CA auprès de la sécurité sociale et susceptible d'être qualifiées de manoeuvres frauduleuses.
La société cédante a dissimulé intentionnellement le caractère qu'elle savait gravement erroné de certains chiffres d'affaires de l'officine cédée, afin de ne pas donner une image fidèle de la situation comptable de cette dernière, et de déterminer ainsi la société MHX pharma à acheter l'officine et à accepter le prix auquel celle-ci a été vendue.
Le jugement est confirmé en ce qu'il dit que le consentement de la Societé MHX Pharma a été surpris par le dol commis par la Société Pharmacie du palais.
La cour retient donc des fautes délictuelles commises par la société ayant vendu l'officine.
La cour retenant la responsabilité de la société cédante sur le fondement du dol, il n'est pas nécessaire d'étudier le moyen tiré de la garantie des vices cachés dus par la vendeuse de l'officine.
6-sur la responsabilité de la société intermédiaire
L'article 1194 du code civil dispose que « Les contrats obligent non seulement à ce qui
y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi »
L'article 1231-1 du code civil dispose que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure».
Aux termes de l'article 1992 dudit code, « Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ».
Pour engager la responsabilité de la société l'Auxiliaire pharmaceutique, l'intimée fait valoir que la société intermédiaire est un agent d'affaires spécialisé dans la transaction d'officines de pharmacie, qu'elle l'a mise en relation avec la société cédante, qu'elle lui devait un devoir de conseil et de vigilance comptable et juridique, qu'elle ne l'a pourtant pas alertée, ne lui a donné aucun conseil concernant les anomalies comptables et financières de la société cédante, que ce soit sous la forme de la réalisation d'un audit ou d'une durée de séquestre plus importante.
Selon l'intimée, la société l'Auxiliaire pharmaceutique a fait preuve de négligence fautive et a manqué à son obligation de conseil. Elle estime encore qu'elle avait bien confié un mandat à cette dernière. Elle ajoute que, à supposer même que la cour retienne qu'elle n'avait pas donné de mandat à la société intermédiaire pour la recherche d'une officine ou de négociation pour l'acquisition d'une telle officine, cette dernière avait bien en revanche un mandat de rédaction des actes, ce qui mettait à sa charge un devoir de conseil et de mise en garde, non seulement sur la validité, mais également sur l'efficacité de l'acte.
Pour s'opposer à toute responsabilité à l'égard de la société cessionnaire, la société intermédiaire, l'Auxiliaire Pharmaceutique, rétorque qu'elle n'était tenue à aucune obligation de conseil envers la société cessionnaire, MHX Pharma, dans le cadre de la transaction de la cession en l'absence de mandat. Elle précise que la société cessionnaire ne produit aucun mandat qui aurait pu lui être pour la recherche d'une officine et/ou la négociation pour l'acquisition d'une officine. Pour elle, le seul mandat qui lui a été confié est un mandat de vente signé avec la société cédante pour la vente de son officine.
La société MHX Pharma fait encore valoir qu'en tant qu'agent intermédiaire elle avait
uniquement l'obligation de fournir aux parties les renseignements nécessaires relatifs au bien qu'elle était chargé de vendre, qu'elle n'était pas juge de l'opportunité économique de la vente, ni même investie d'une mission d'expert technique ou comptable. L'appelante indique encore qu'elle a transmis tous les éléments comptables du vendeur et que la société cessionnaire pouvait donc les analyser et formaliser son offre d'achat.
La société l'Auxiliaire Pharmaceutique affirme enfin que le rédacteur d'un acte est tenu de veiller à la validité et à l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours mais n'est pas tenu à un devoir de conseil et de mise en garde quant à l'opportunité économique de l'acte auquel il prête son concours, ni investi d'une mission d'expert technique.
La société intermédiaire se défend enfin de toute responsabilité en invoquant l'existence de clauses de renonciation à recours de l'acquéreur, insérées au sein des chacun des actes de vente de l'officine (les promesses d'achat et de vente, l'acte de vente définitif).
Concernant tout d'abord l'opposabilité à la société intermédiaire du rapport d'expertise judiciaire de M. [B], ainsi que du rapport d'expertise amiable de M. [V], de la note rédigée par M. [D] (précédent expert judiciaire remplacé), ainsi que de la note du 9 décembre 2021 de M. [Z], celle-ci est acquise en l'espèce. En effet, non seulement ces quatre rapports sont concordants entre-eux concernant la surestimation des chiffres d'affaires et du prix de l'officine, mais, encore, ils sont versés à la présente procédure et ont donc été soumis à la libre discussion des parties.
S'agissant ensuite de la nature des contrats ayant pu être conclus entre la société MHX Pharma et la société intermédiaire, la société cédante avait donné à la société intermédiaire des mandats de vente, les 31 mai et 8 octobre 2018, afin de lui trouver un acquéreur de son officine et d'établir tous les actes sous seing privé nécessaires à l'accomplissement de la vente. De plus, il n'est pas contesté que cette dernière avait bien reçu de la première un mandat de rédacteur des actes de vente.
Si l'acte de vente définitif met les honoraires de négociation à la charge de la société cessionnaire, un tel accord témoigne seulement d'une volonté commune des sociétés cédantes et cessionnaires de déterminer la charge finale d'une telle dépense, liée au mandat de vente qui avait été donné par la cessionnaire à la société intermédiaire.Aucun acte ne stipule expressément que la société cessionnaire a chargé la société intermédiaire d'un mandat de lui trouver une officine à vendre.
En revanche, contrairement à ce qu'affirme à tort la société l'Auxiliaire pharmaceutique, il résulte d'un échange de courriels ayant eu lieu quelques mois avant la vente définitive du 30 avril 2019, avec la société acheteuse, qu'elle s'était bien engagée à réaliser quelques prestations au profit de cette dernière (et non pas seulement pour le compte de la société cédante).
Ces prestations que la société intermédiaire s'engageait à réaliser pour le compte de la société acheteuse portaient sur les perspectives de résultats de l'officine. Elles allaient donc bien au-delà d'une simple mission de négociation et de rédaction des actes nécessaires à la vente.
En effet, dans ces mails échangés en août et septembre 2018, la société l'Auxiliaire Pharma transmet à M. [C] outre certains chiffres comptables de l'officine, notamment un prévisionnel de résultat économique sur 5 années à venir ainsi qu'un plan de financement.
Les pièces transmises par la société l'Auxiliaire pharmaceutique à l'acheteuse sont en particulier les suivantes :
- une attestation du 29 janvier 2018 de l'expert-comptable de l'officine sur les chiffres d'affaires de janvier à décembre 2017,
- un plan de financement,
- des prévisionnels sur le résultat économique futur de l'officine,
- des tableaux sur les emprunts à solliciter.
Il est donc acquis que la société intermédiaire ne s'est pas cantonnée à de simples obligations de négocier la vente et d'assurer l'efficacité juridiques des actes de vente.
Elle a été débitrice d'une prestation de réalisation d'un prévisionnel sur les chiffres d'affaires futurs pour les acquéreurs sur 5 années et cette prestation s'est matérialisée au travers d'un tableau intitulé 'résultat économique'. Elle devait également établir un plan de financement, ce qu'elle a fait.
Par ailleurs, concernant l'établissement de ces prévisionnels, la société l'Auxiliaire pharmaceutique ne conteste pas que ces documents étaient destinés à la société acheteuse et aux établissements bancaires. Or, dans le cadre de la réalisation de ces prestations, la société l'Auxiliaire pharmaceutique était tenue de missions contractuelles spécifiques envers la société MHX pharma et notamment d'un devoir d'alerte au titre des anomalies apparentes très aisément repérables et grossières concernant la comptabilité analysée, sans être expert-comptable.
Concernant le savoir-faire et les compétences de la société intermédiaire, diffusées auprès du public, la société acheteuse produit un extrait du site internet de cette dernière, laquelle se présente comme une sachante dans des domaines divers et pointus tels que l'achat et la vente de pharmacie, les services financiers, commerciaux et juridiques. Sur ce site publicitaire, la société l'Auxiliaire pharmaceutique met en effet en valeur ses compétences en ces termes :
- 'une expérience unique que nous mettons à profit pour ne rien omettre, que ce soit positif ou négatif , dans un projet qui nous est soumis',
-'l'Auxiliaire pharmaceutique n'est satisfaite que lorsque notre client pharmacien prend sa décision d'acheter ou de vendre en connaissance de cause et en toute sérénité, que ce soit pendant l'exploitation de sa pharmacie ou au moment d'en sortir',
-'le partenaire conseil de votre carrière officinale vous donne les moyens d'entreprendre. Par les moyens que nous mettons en oeuvre (...)'
Si la société intermédiaire n'était pas une société d'expertise comptable et si la société cédante a commis un dol (en dissimulant des chiffres d'affaires frauduleux), il n'en demeure pas moins qu'elle reconnaît elle-même que certains indicateurs financiers, transmis par sa mandante, étaient anormaux, voire exceptionnels et que ce caractère anormal transparaissait au travers d'une simple lecture de l'acte définitif de vente.
Ainsi, dans ses propres conclusions, la société l'Auxiliaire pharmaceutique admet que la simple lecture des chiffres d'affaires des exercices clos au 31 janvier 2016, 31 janvier 2017 et 31 janvier 2018, contenus dans l'acte de cession du 30 avril 2019, aurait permis de constater 'que le chiffre d'affaires des mois de mai, juin, juillet 2018 étaient exceptionnellement supérieurs d'environ 30 % à 40 % aux chiffres réalisés sur les autres mois de l'année et des années précédentes'. Toujours concernant le caractère évident et apparent de certaines anomalies des déclarations financières de la société cédante, dans l'acte de vente du 30 avril 2019, la société intermédiaire ajoute encore, dans ses conclusions, que les énonciations de l'acte de cession étaient également exceptionnelles concernant certains produits à marge réduite.
Non seulement la société intermédiaire a établi un prévisionnel des futurs résultats de l'officine, pour le compte de la société acheteuse, mais encore elle n'a pas attiré l'attention de cette dernière sur le caractère exceptionnellement anormal de certaines données comptables et financières, anormalité pouvant être détectée, selon elle, par une simple lecture des chiffres transmis sans avoir besoin de recourir à un expert-comptable.
Si la société intermédiaire avait mis en garde la société MHX pharma sur l'existence d'une comptabilité douteuse, cette dernière aurait pu entreprendre des investigations plus poussées pour comprendre la raison des anomalies relevées. La société acheteuse, par la faute de la société intermédiaire, a donc perdu une chance de découvrir le dol commis par la société cédante, concernant la surévaluation des chiffres d'affaires et du prix convenu. Comme la société MHX pharma le prétend, elle aurait pu réaliser un audit.
Si la société intermédiaire prétend, pour se défendre, que la société acheteuse aurait eu recours à son propre expert-comptable, pour établir un autre prévisionnel, sa propre responsabilité s'additionne tout au plus avec celle de l'expert-comptable (le cabinet Farmagest) sans être annulée.
Par ailleurs, si l'acte de vente et les actes préalables, stipulent tous que l'acquéreur dispense expressément le rédacteur de l'énonciation précise et exacte des chiffres d'affaires et résultats, ils ne prévoient pour autant qu'une clause de renonciation à recours envers la société vendeuse et non contre la société intermédiaire. En tout état de cause, les actes de vente n'écartent pas la responsabilité de la société intermédiaire en cas de défaillance dans son devoir de conseil et d'alerte dû dans le cadre de ses autres missions contractuelles contractées, accessoires à négociation et à la rédaction de la vente, comme l'établissement d'un prévisionnel et d'un plan de financement au profit de la société acheteuse. En d'autres termes, la société intermédiaire aurait dû alerter l'acheteuse sur les anomalies grossières au niveau des chiffres transmis et ce dans le cadre de ses missions financières et économiques, en l'absence de clauses neutralisant sa responsabilité pour des chiffres d'affaires incohérents aisément détectables.
S'agissant encore du reproche fait par la société cessionnaire à la société intermédiaire concernant la durée du séquestre, il découle de l'article L141-14 du code de commerce que, dans les dix jours suivant la dernière en date des publications visées à l'article L. 141-12, tout créancier du précédent propriétaire, que sa créance soit ou non exigible, peut former au domicile élu, par simple acte extrajudiciaire, opposition au paiement du prix.
Or, en l'espèce, ce n'est qu'à l'expiration du délai légal d'opposition que le séquestre a libéré conformément aux dispositions légales une partie du prix de cession. En outre, aucun créancier impayé ne s'est manifesté contre l'acheteuse au-delà de la durée réelle du séquestre, tandis que la société intermédiaire ne pouvait pas soupçonner d'éventuelles fraudes commises par la société cédante au préjudice de la société acheteuse. En tout état de cause, la société cessionnaire de l'officine ne démontre pas le lien entre le préjudice dont elle se plaint (la surévaluation du prix de la vente) et l'éventuelle faute de la société l'Auxiliaire Pharmaceutique de ne pas avoir prévu une durée plus longue de séquestre du prix de la vente.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il dit que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession de fonds de commerce.
7-sur les dommages-intérêts
Vu les articles 9, 1313 et 1353 du code civil,
Pour dire que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique est redevable, in solidum, avec la société cédante, des dommages-intérêts, la société intimée énonce que si la société intermédiaire avait satisfait à son devoir de conseil, elle aurait renoncé à acquérir l'officine Pharmaceutique ou l'aurait acquise à un prix bien moindre, correspondant à sa valeur réelle.
Pour s'opposer à sa condamnation à des dommages-intérêts, la société l'Auxiliaire Pharmaceutique conclut d'abord à l'irrecevabilité des demandes indemnitaires présentées contre elle, par la société MHX Pharma, estimant que cette dernière ne peut que revendiquer un préjudice constitué par la perte d'une chance et qu'en outre, elle ne démontre aucunement une telle perte.
S'agissant d'abord de la recevabilité des demandes indemnitaires de la société MHX Pharma formulées contre la société l'Auxiliaire Pharmaceutique, aucune fin de non-recevoir ne saurait prospérer en l'espèce, la question du type de préjudice pouvant être réparé relevant d'une appréciation de la juridiction sur le caractère bien fondé ou non des demandes indemnitaires.
La cour déclare recevables les demandes indemnitaires de la société MHX Pharma contre la société l'Auxiliaire Pharmaceutique.
En l'espèce, la société l'Auxiliaire Pharmaceutique a contribué au préjudice subi par la société MHX Pharma en ayant fait perdre une chance à cette dernière de détecter le dol, tandis que la société cédante, par le dol commis, a fait perdre une chance à l'acheteuse de contracter dans des conditions plus avantageuses.
En conséquence, la cour dit que la condamnation in solidum mise à la charge de l'intermédiaire sera limitée à 40 %, partie du préjudice total de la victime à la réalisation duquel elle a contribué en tant que coresponsable.
Concernant ensuite le préjudice subi, la société MHX Pharma sollicite l'indemnisation des préjudices suivants :
- 778.820 euros relatif à la surestimation du prix de vente.
- 15 000 euros au titre de son préjudice moral
- 127.044 euros HT au titre des frais afférents à la sauvegarde
- 62.000 euros HT, soit 74.400 euros TTC, répartie comme suit : honoraires de négociation : 50.000 euros HT, honoraires de rédaction des actes : 12.000 euros HT, outre les débours.
La société MHX Pharma ayant fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat de vente, son préjudice correspond uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses.
S'agissant tout d'abord du préjudice mis en avant, lié aux frais d'honoraires de négociation et de rédaction des actes, celui-ci ne saurait donner lieu à indemnisation, seul le préjudice de perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses est indemnisable. En outre, aucune faute n'a été retenue concernant le processus de négociation en lui-même ou concernant l'efficacité des actes juridiques, qui auraient au demeurant dû être conclus, même si vente avait eu lieu dans des conditions plus avantageuses.
S'agissant ensuite du préjudice lié aux frais de sauvegarde, aucun élément n'établit avec certitude que cette procédure est en lien avec les différents manquements retenus.
Pour ce qui est enfin du préjudice moral de la société MHX pharma, celui-ci existe, en raison de la désorganisation subie par l'officine en lien avec des perspectives de développement erronées fondées sur des chiffres frauduleux. Au regard des pièces produites, une indemnité de 7000 euros réparera entièrement le préjudice subi.
S'agissant de la surestimation du prix de l'officine, l'intimée ne peut demander, comme elle le fait, une indemnité de 778.820 euros correspondant au différentiel entre le prix payé et le prix qu'elle aurait dû payer selon ses calculs. Il convient de rappeler que seul préjudice lié à la perte de chance d'avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses est réparable.
L'appelante, prétend, pour sa part, que la perte de chance indemnisable ne sera pas caractérisée, si la société MHX Pharma réalise un chiffre équivalent à celui réalisé par elle.Cependant, d'une part, le chiffre d'affaires de 1.624.418 euros réalisé par l'intimée sur lequel se fonde la société cédante, pour affirmer que la première n'aurait pas subi de préjudice, n'est pas proche du chiffre d'affaire réalisé par la cédante, ayant été réalisé non sur 12 mois mais sur 20 mois. En outre, la méthode d'évaluation de la perte de chance, proposée par la société cédante, n'est pas pertinente, reposant sur des considérations étrangères à l'évaluation du pourcentage de perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuse.
Si la société Pharmacie du palais avait transmis des données financières et comptables conformes à la réalité et non pas surévalués, on peut estimer que la société cessionnaire aurait eu 90 % de chance de pouvoir négocier le contrat d'acquisition de l'officine à des conditions plus avantageuses.
Pour évaluer l'indemnité destinée à compenser la perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, la cour retiendra en particulier, concernant la part de surévaluation du prix de vente, la conclusion de l'expert judiciaire, M. [B], qui estime que:
- la cession de l'officine a été faite sur l'exercice présentant le plus fort chiffre d'affaires et sur la base d'un prix de cession de 100 % du chiffre d'affaires HT annuel (12 mois)
- la pratique du secteur se situe à 76 % du CA HT annuel, soit une surestimation théorique de 396 000 euros du prix de vente.
Compte tenu de la perte de chance évaluée à 90 %, du montant de la surestimation théorique du prix d'achat retenue par l'expert judiciaire ainsi que de l'ensemble des autres pièces produites, le préjudice de la société MHX Pharma s'élève donc à 356 400 euros.
Par ailleurs, il convient de rappeler que:
- la part de responsabilité in solidum de la société intermédiaire a été fixée à 40 %,
- la présente instance ne peut que tendre à la fixation de créances de la société MHX pharma au passif de la société Pharmacie du palais dans la limite du montant déclaré soit 307 652, 11 euros.
Infirmant le jugement, la cour condamne la société l'Auxiliaire pharmaceutique à payer à la société MHX pharma :
- 142 560 euros de dommages-intérêts à la société MHX pharma au titre du préjudice né de la perte de chance de ne pas avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses (la société Pharmacie du palais étant tenue in solidum au paiement de cette somme),
- 2800 euros de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice moral.
Infirmant également le jugement, la cour fixe la créance de la société MHX pharma à 307 652, 11 euros au passif de la société Pharmacie du palais au titre du préjudice né de la perte de chance de ne pas avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses.
Le surplus des demandes indemnitaires de la société MHX pharma contre la société en cédante en liquidation judiciaire est rejeté, compte tenu du montant limité de sa déclaration de créance (307 652, 11 euros).
8-sur la demande reconventionnelle de la société l'Auxiliaire Pharmaceutique de dommages-intérêts
Vu les articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil,
Selon l'article 41, alinéas 4,5, 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers.
L'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ajoute :Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure.
Il est de principe que les quatrième et cinquième alinéas de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux, mais les juges saisis de la cause et statuant sur le fond pourront néanmoins prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants, ou diffamatoires et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.
En outre, toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation.
La société l'Auxiliaire Pharmaceutique estime que l'appel de la société MHX Pharma
revêt un caractère manifestement abusif et procède d'une intention de nuire qu'il conviendra de sanctionner en la condamnant à des dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros pour procédure abusive.Elle met aussi en avant des affirmations mensongères voir diffamatoires nuisant à sa réputation.
En l'espèce, non seulement, la société MHX Pharma n'est pas à l'origine de l'appel du jugement, seules les sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique l'étant, mais, plus encore, rien ne démontre un abus de sa part ou son intention de nuire, celle-ci ayant au demeurant subi un dol et des négligences fautives de la part de la société intermédiaire. La cour aggrave d'ailleurs les condamnations mises à la charge de la société intermédiaire.
S'agissant des affirmations mensongères au cours d'un procès, celles-ci ne peuvent donner lieu à indemnisation, au regard de la loi du 29 juillet 1881, laquelle sanctionne seulement, sous conditions, les discours injurieux, outrageants ou diffamatoires.
Enfin, pour ce qui est des affirmations 'voir diffamatoires nuisant à sa réputation', la société l'Auxiliaire Pharmaceutique ne démontre pas précisément quelle expression employée par la société MHX Pharma, dans ses écritures, contiendrait l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération. En tout état de cause la cour a reconnu qu'une partie des griefs formulés à son encontre par l'intimée était fondée.
Le jugement est confirmé en ce qu'il rejette la demande de la société l'Auxiliaire justice de dommages-intérêts pour procédure abusive contre la société MHX Pharma.
Ajoutant au jugement, la cour rejette la demande de la société l'Auxiliaire justice de dommages-intérêts contre la société MHX Pharma au titre d'affirmations mensongères voir diffamatoires nuisant à sa réputation.
9- l'appel en garantie et sur les frais de justice
Compte tenu du dol commis par la société cédante et des conséquences fautives pour la société intermédiaire (laquelle est condamnée à indemniser une partie des préjudices subis par la société acheteuse), la cour, infirmant le jugement, fait droit à l'appel en garantie de la société l'Auxiliaire pharmaceutique et dit que la société l'Auxiliaire pharmaceutique dispose d'une créance de garantie, par la société Pharmacie du palais, de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de la société MHX Pharma, qui ne pourra cependant être admise au passif de la procédure collective de la Pharmacie du palais que sous réserve qu'elle ait procédé à une déclaration de créance à ce titre.
Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement est infirmé du chef des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour doit tenir compte du fait que la société cessionnaire a limité sa déclaration de créance à 307 652, 11 euros et que cette somme lui a d'ores et déjà été accordée intégralement au titre du principal.
Aucune créance supplémentaire ne peut donc être fixée au titre de l'article 700 et des dépens au passif de la société Pharmacie du Palais au profit de la société acheteuse. Les demandes de la société MHX pharma au titre des dépens et de l'article 700, dirigées contre la société Pharmacie du palais, sont rejetées.
La société l'Auxiliaire pharmaceutique est condamnée à payer la somme de 20 000 euros à la société MHX Pharma au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant pour la première instance qu'à hauteur d'appel.
La société l'Auxiliaire pharmaceutique est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel de la société MHX Pharma, dépens incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme totale de 18 304,21 euros, ceux d'appels distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj, agissant par Maître Paul-Guedj sous sa due affirmation d'en avoir fait l'avance (somme qu'elle est tenue de payer in solidum avec la société Pharmacie du Palais).
Les sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire pharmaceutique supporteront la charge de leurs entiers dépens et de leurs frais exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement:
- rejette la demande de la société l'Auxiliaire pharmaceutique de rejet des pièces 42 et 43 communiquées par la société MHX pharma au motif de la violation du principe du contradictoire.
- rejette la demande de la société l'Auxiliaire Pharmaceutique d'annulation de conclusions dites 'en demande' de la société MHX pharm.,
- déclare recevables les demandes de la société MHX Pharma dirigées contre la société l'Auxiliaire pharmaceutique,
- infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il:
- rejette l'exception de nullité de la société l'Auxiliaire Pharmaceutique concernant son assignation aux fins de mise en cause du 5 mars 2021,
- dit que le consentement de la société MHX Pharma été surpris par le dol commis par la société Pharmacie du palais,
- dit que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession de fonds de commerce,
statuant à nouveau et y ajoutant,
- rejette toutes les fins de non-recevoir sauf la fin de non-recevoir concernant les demandes de la société MHX Pharma de condamnation de la société Pharmacie du palais,
- dit que la présente instance ne peut que tendre à la fixation de créances de la société MHX pharma au passif de la société Pharmacie du palais dans la limite du montant déclaré soit 307.652, 11 euros,
- dit que la condamnation in solidum mise à la charge de la société l'Auxiliaire Pharmaceutique sera limitée à 40 %,
- condamne la société l'Auxiliaire pharmaceutique à payer à la société MHX pharma :
- 142 560 euros de dommages-intérêts à la société MHX pharma au titre du préjudice né de la perte de chance de ne pas avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses
- 2800 euros de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice moral.
- fixe la créances de la société MHX pharma au passif de la société Pharmacie du palais à 307.652, 11 euros au titre du préjudice né de la perte de chance de ne pas avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses,
- rejette le surplus des demandes de la société MHX Pharma en paiement dirigées contre la société Pharmacie du palais,
- rejette la demande de la société l'Auxiliaire justice de dommages-intérêts pour appel abusif et au titre d'affirmations mensongères voir diffamatoires nuisant à sa réputation,
- dit que la société l'Auxiliaire pharmaceutique dispose d'une créance de garantie, par la société Pharmacie du palais, de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de la société MHX Pharma, qui ne pourra cependant être admise au passif de la procédure collective de la Pharmacie du palais que sous réserve qu'elle ait procédé à une déclaration de créance à ce titre,
- condamne la société l'Auxiliaire pharmaceutique à payer à la société MHX Pharma la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant pour la première instance qu'à hauteur d'appel,
- condamne la société l'Auxiliaire pharmaceutique aux entiers dépens de première instance et d'appel de la société MHX Pharma, dépens incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme totale de 18 304,21 euros, ceux d'appels distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj, agissant par Maître Paul-Guedj sous sa due affirmation d'en avoir fait l'avance,
- dit que les sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire pharmaceutique supporteront la charge de leurs entiers dépens et de leurs frais exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
Le Greffier, La Présidente,
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 06 MARS 2025
Rôle N° RG 23/05174 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLC73
S.A. L'AUXILIAIRE PHARMACEUTIQUE
C/
S.E.L.A.R.L. MHX PHARMA
S.E.L.A.R.L. [A] - LES MANDATAIRES
S.A.R.L. PHARMACIE DU PALAIS
S.C.P. BTSG²
Copie exécutoire délivrée
le : 6 Mars 2025
à :
Me Gilles ALLIGIER
Me Paul GUEDJ
Me Philippe MILLET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 06 Mars 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 219F00489.
APPELANTE
S.A. L'AUXILIAIRE PHARMACEUTIQUE
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Philippe MARIA de l'ASSOCIATION MARIA - RISTORI-MARIA, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Sandrine TURRIN, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEES
S.E.L.A.R.L. MHX PHARMA
, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Marielle WALICKI de la SCP WABG, avocat au barreau de NICE
S.E.L.A.R.L. [A] - LES MANDATAIRES es-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SELARL MHX PHARMA
, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Marielle WALICKI de la SCP WABG, avocat au barreau de NICE
S.A.R.L. PHARMACIE DU PALAIS
représentée par la SELARL [E] [K] & ASSOCIES, prise en la personne de Maître [E] [K], es qualité de mandataire ad hoc
, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Philippe MILLET de la SELARL ANTELMI - BONCOMPAGNI - MILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Valentine ALBECKER, avocat au barreau de NICE
S.C.P. BTSG²
prise en la personne de Maitre [R] [J] es qualité de liquidateur de la SARL PHARMACIE DU PALAIS
, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Philippe MILLET de la SELARL ANTELMI - BONCOMPAGNI - MILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Valentine ALBECKER, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2025,
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société Pharmacie du palais, qui cherchait à vendre son officine pharmaceutique située [Adresse 5], donnait les 31 mai et 8 octobre 2018 , un mandat de vente à la société l'Auxiliaire pharmaceutique, société intermédiaire spécialisée dans les transactions d'officines de pharmacie, en vue de la recherche d'un acquéreur.
La société intermédiaire mettait en relation Mme [S] et M. [C] avec sa mandante cédante de l'officine.
La société MHX Pharma se substituait à Mme [S] et M. [C], lesquels devenaient associés et cogérants de cette dernière.
Selon acte de vente de définitif du 30 avril 2019, la société Pharmacie du palais vendait à la société MHX Pharma son fonds de commerce de pharmacie moyennant le prix de 1.650.000 euros.
L'acte de vente définitif mentionnait les montants des chiffres d'affaires réalisés par la pharmacie, du 1er juillet 2015 à mars 2019.
La société cessionnaire versait à l'intermédiaire la somme de 62.000 euros HT, soit 74.400 euros TTC, à titre d'honoraires de négociation et de rédaction des actes.
La société MHX Pharma débutait son exploitation de l'officine le 2 mai 2019 et, après plusieurs mois d'exploitation, considérait que le chiffre d'affaires, sur lequel avait été calculé le prix de vente, avait été surévalué de près de 40 %.Elle estimait que la majoration fictive du chiffre d'affaires avait été destinée à augmenter frauduleusement le prix de cession.
La société MHX Pharma faisait ensuite l'objet d'une mesure de sauvegarde et les jugements suivants étaient rendus :
- par jugement du 12 décembre 2019, elle était placée en procédure de sauvegarde et Me [M] [A] était désignée en qualité de mandataire judiciaire avec mission de représenter l'intérêt des créanciers,
- par jugement du 7 mai 2020, Me [U] [F] était désignée en qualité d'administrateur judiciaire avec une mission de simple surveillance,
- par jugement du 29 juillet 2021, le tribunal de commerce de Nice arrêtait le plan de sauvegarde, mettait fin aux missions de l'administrateur judiciaire et désignait la société [A] les mandataires en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Aux termes d'une ordonnance sur requête du 20 novembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice autorisait la société cessionnaire à faire pratiquer une saisie-conservatoire , pour garantir le recouvrement de sa créance, à hauteur d'un montant de 300 000 euros entre les mains de la société intermédiaire, indiquant que ce montant constituait une évaluation provisoire de la créance de la saisissante.
Par acte d'huissier du 23 août 2019, la société MHX pharma procédait à la saisie-conservatoire entre les mains de l'Auxiliaire pharmaceutique du solde des fonds détenus par elle qui s'élevait à un montant de 206.333,22 euros.
Le 20 septembre 2019, la société MHX Pharma assignait la société cédante Pharmacie du palais devant le tribunal de commerce de Nice en indemnisation à hauteur de 700.000 euros, en invoquant dol un ayant vicié son consentement.
L'ordonnance de référé du 28 décembre 2020, du tribunal de commerce de Nice, ordonnait une expertise judiciaire et donnait notamment pour mission à l'expert de reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL Pharmacie du palais pour l'exercice 2018 , de vérifier pour les 50 médicaments les plus chers la concordance entre les achats et les facturations aux caisses de sécurité sociale, de dire si le chiffre d'affaires ainsi reconstitué avait été majoré ou non, en déterminant le quorum et en relevant les éventuelles anomalies, ainsi que de lui donner tout élément de fait pouvant l'éclairer sur l'existence de manoeuvres frauduleuses.
Plusieurs experts judiciaires étaient successivement désignés et notamment M. [D], M.[X] et finalement M.[O] [B], qui rendait son rapport le 8 février 2022.
La société MHX Pharma considérait ensuite que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique avait également commis des fautes, dans la réalisation de son mandat, notamment en ne relevant pas les incohérences pourtant majeures de la comptabilité de l'officine rachetée.
Par exploit d'huissier de justice du 5 mars 2021, la société MHX Pharma mettait en cause la société l'Auxiliaire Pharmaceutique afin d'obtenir sa condamnation solidaire, avec la SARL Pharmacie du palais, à indemniser son préjudice.
Suite au décès le 8 février 2021 de M. [G] [H], dirigeant de la société cédante, plusieurs ordonnances étaient rendues relativement à la représentation de cette dernière ;
- par ordonnance du 1 er mars 2021, la société [E] [K] et associés, prise en la personne de Maître [E] [K] était désignée en qualité d'administrateur judiciaire provisoire,
- par ordonnance rectificative du 10 mars 2021, la mission de la SELARL [E] [K] & associés était modifiée, elle était désignée en qualité de mandataire ad'hoc avec pour mission de représenter la SARL Pharmacie du palais dans les litiges judiciaires et l'expertise en cours ainsi que dans les futurs litiges judiciaires,
- par ordonnance du 9 mars 2023, la mission de Maître [K] était étendue afin que ce dernier puisse procéder à la déclaration de cessation des paiements de la société Pharmacie du palais et représenter les droits propres de la SARL Pharmacie du palais dans le cadre de la liquidation judiciaire.
Aux termes de son jugement rendu le 6 mars 2023, le tribunal de commerce de Nice statuait en ces termes :
- prononce la jonction des instances pendantes devant tribunal de commerce de Nice sous les n°2019F00489 et 2021F00172,
- déclare la demande de la société MHX Pharma recevable et bien fondée, et en conséquence :
- dit que la société Pharmacie du palais a surestimé le chiffre d'affaire réalisé lors des exercices précédant la cession,
- dit que le consentement de la société MHX Pharma a été en partie obtenu sur la base d'éléments comptables erronés,
en conséquence :
- dit que le consentement de la société MHX Pharma été surpris par le dol commis par la société Pharmacie du palais,
- dit que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession de fonds de commerce,
- condamne la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à rembourser à la société MHX Pharma la somme de 62.000 euros versés à titre d'honoraires, en raison de la gravité des manquements commis dans le cadre de sa mission de conseil,
- condamne la société Pharmacie du palais à payer à la société MHX Pharma la somme de 211.000 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter; du jour de la demande afin de compenser la surestimation de la valeur de l'officine ;
- condamne la société Pharmacie du palais à verser à société MHX Pharma la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais liés à la procédure de sauvegarde qu'elle a du engager,
- condamne la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de |'article 700 du code de procédure civile ;
- déboute la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- déboute la société MHX Pharma de toutes ses autres demandes, fins et prétentions,
- prononce l'exécution provisoire de plein droit,
- condamne la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement des entiers dépens, y incluant les frais d'expertise judiciaire taxes e la somme totale de 18.30421 euros,
- liquide les dépens du présent jugement à la somme de 186,94 euros.
Par jugement rendu le 23 mars 2023, le tribunal de commerce de Nice ouvrait une procédure de liquidation judiciaire de la société Pharmacie du palais, désignant la SCP BTSG² prise en la personne de M. [R] [J] en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 13 avril 2023, la société MHX Pharma déclarait ses créances d'un montant total de 397 652, 11 euros auprès de la société BTSG 2, liquidateur de la société cédante.
Deux appels ont été successivement formés contre le jugement du 6 mars 2023 :
- le 7 avril 2023 par la société l'Auxiliaire Pharmaceutique, laquelle intimait la société MHX Pharma, la société [A] les mandataires (en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société MHX Pharma), la société Pharmacie du palais prise en la personne de son mandataire ad hoc la société [E] [K] représentée par Me [E] [K], la société BTSG 2 prise en la personne de Me [R] [J] en qualité de liquidateur de la société Pharmacie du Palais,
- le 11 avril 2023 par la société Pharmacie du palais et la société BTSG 2, en intimant les sociétés MHX Pharma, la société [A] les mandataires en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette dernière, la société l'Auxiliaire Pharmaceutique.
La déclaration d'appel du 7 avril 2023 était ainsi rédigée :L'appel tend à obtenir la réformation ou l'infirmation du jugement du 06/03/2023 rendu par le tribunal de commerce de Nice (RGN°219F00489 ET 2021F00172). Il porte sur les dispositions qui disent que :La société l'auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession de fonds de commerce conclue entre la société Pharmacie du palais et la société MHX Pharma , qui condamnent la société l'auxiliaire Pharmaceutique à rembourser à la société MHX Pharma la somme de 62000 euros versés à titre d'honoraires en raison de la gravité des manquements commis dans le cadre de sa mission de conseil. l'appel porte aussi sur les dispositions qui condamnent la société Pharmacie du palais et la société l'auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement de la somme de 15000 euros sur le fondement de l'art 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens y incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 18.304,21.Enfin l'appel porte sur les dispositions du jugement qui déboutent la société l'Auxilliaire Pharmaceutique de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions
La déclaration d'appel du 11 avril 2023 était ainsi rédigée : 'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués du jugement rendu le 6 mars 2023 par le Tribunal de Commerce de Nice en ce qu'il a :
- dit que la société Pharmacie du palais a surestimé le chiffre d'affaires réalisé lors des exercices précédents la cession,
- dit que le consentement de la société MHX Pharma a été en partie obtenu sur la base d'éléments comptables erronés,
- dit que le consentement de la société MHX Pharma a été surpris par le dol commis par la société Pharmacie du palais,
- dit que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession de fonds de commerce conclu entre la société Pharmacie du palais et la société MHX Pharma
- condamné la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à rembourser à la société MHX Pharma la somme de 62.000 euros versée à titre d'honoraires, en raison de la gravité des manquements
commis dans le cadre de sa mission de conseil
- condamné la société Pharmacie du palais à payer à la société MHX Pharma la somme de 211.000 € en principal, assorti des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande afin de compenser la surestimation de la valeur de l'officine,
- condamné la société Pharmacie du palais à verser à la société MHX Pharma la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais liés à la procédure de sauvegarde qu'elle a dû engager
- condamné la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique de l'ensemble de leurs demandes, fin et prétention
- débouté la société MHX Pharma de toutes ses autres demandes, fin et prétention
- prononcé l'exécution provisoire de plein droit
- condamné la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement des entiers dépens, y incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 18.304,21 euros HT
- liquidé les dépens du présent jugement à la somme de186,94 euros.
Par ordonnance du 6 septembre 2024, les deux instances étaient jointes par le conseiller de la mise en état, l'affaire étant suivie sous le n° 23/5174
La procédure de l'instruction était clôturée par ordonnance prononcée le 17 décembre 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2024, les sociétés Pharmacie du palais et BTSG 2 demandent à la cour de :
vu l'article 367 du code de procédure civile, 1137 du code civil,
- ordonner la jonction de la présente instance (RG N°23/05209) avec l'instance pendante par devant la chambre 3-1, enrôlée sous le numéro RG 23/05174,
- réformer le jugement rendu le 6 mars 2023 en ce qu'il a :
- dit que la société Pharmacie du palais a surestimé le chiffre d'affaires réalisé lors des exercices précédents la cession
- dit que le consentement de la société MHX Pharma a été en partie obtenu sur la base d'éléments comptables erronés
- dit que le consentement de la société MHX Pharma a été surpris par le dol
commis par la société Pharmacie du palais
- condamné la société Pharmacie du palais à payer à la société MHX Pharma la somme de 211.000 euros en principal, assorti des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande afin de compenser la surestimation de la valeur de l'officine,
- condamné la société Pharmacie du palais à verser à la société MHX Pharma la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais liés à la procédure de sauvegarde qu'elle a dû engager
- condamné la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement de la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire
Pharmaceutique de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions
- débouté la société MHX Pharma de toutes ses autres demandes, fins et prétentions
- prononcé l'exécution provisoire de plein droit
- condamné la société Pharmacie du palais et la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement des entiers dépens, y incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 18.304,21 euros HT
et statuant à nouveau,
- juger irrecevables les demandes de condamnation en paiement formées à l'encontre de la société Pharmacie du palais ;
- juger que la présente instance ne peut tendre qu'à la fixation de la créance de la société MHX Pharma au passif de la société Pharmacie du palais, dans la limite de 307.652,11 € ;
- juger que les éléments constitutifs du dol ne sont ni réunis, ni caractérisés ;
- juger que la cession de l'officine intervenue le 30 avril 2019 entre les sociétés Pharmacie du palais et MHX Pharma n'est pas entachée de dol ;
- débouter la société MHX Pharma de ses entières demandes ;
à titre subsidiaire,
Si par extraordinaire la cour considérait réunis les éléments constitutifs du dol,
- juger que l'indemnisation du préjudice subi par le dol se limité à la perte de chance, d'avoir pu contracter à de meilleures conditions, laquelle n'est absolument pas caractérisée par la société MHX Pharma,
en tout état de cause,
- condamner la SELARL MHX Pharma à payer à la SELARL [E] [K] ET ASSOCIES es qualité de mandataire ad hoc et la SCP BTSG² es qualité de liquidateur judiciaire, la somme de 5.000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outres les entiers dépens de l'instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 décembre 2024, la société MHX Pharma demande à la cour de :
Vu les articles 56 et 114 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement querellé en ce qu'il rejette l'exception de nullité soulevée par la SA l'Auxiliaire Pharmaceutique,
à titre principal :
Vu les articles 1130, 1137, 1139, 1178, 1194, 1231-1, 1641, 1644, 1645, 1991 et 1992 du code civil, 367 et 864 du code de procédure civile, L. 414-3 du code de commerce ;
- confirmer la décision querellée en ce qu'elle a dit que le consentement de la société MHX Pharma a été surpris par le dol commis par la société Pharmacie du palais.
subsidiairement et si par impossible la cour devait entrer en voie de réformation :
- juger que la cession de fonds de l'Officine Pharmaceutique de la SARL Pharmacie du palais à la SELARL MHX Pharma est entachée d'un vice caché dont le cédant avait connaissance.
en tout état de cause :
- confirmer la décision querellée en ce qu'elle a dit que la SA l'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et manqué à son devoir de conseil,
- infirmer le jugement querellé en ce qu'il déboute la SELARL MHX Pharma de sa demande de condamnation solidaire des sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique,
- infirmer le jugement querellé sur le quantum des condamnations prononcées à l'encontre des sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique,
et, statuant à nouveau :
- fixer la créance de la SELARL MHX Pharma sur la SARL Pharmacie du palais à la somme de 982.864 euros en indemnisation du préjudice subi par la SELARL MHX Pharma,
- condamner la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique solidairement, ou à tout le moins in solidum, avec la SARL Pharmacie du palais au paiement de la somme de 982.864 euros en indemnisation du préjudice subi par la SELARL MHX Pharma,
- fixer la créance de la SELARL MHX Pharma sur la SARL Pharmacie du palais sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés dans la procédure d'appel à la somme de 15.000 euros,
- condamner la SA l'Auxiliaire Pharmaceutique solidairement, ou à tout le moins in solidum, avec la SARL Pharmacie du palais au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés dans la procédure d'appel ;
- fixer la créance de la SELARL MHX Pharma sur la SARL Pharmacie du palais au titre des dépens, y incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme totale de 18.304,21 euros HT, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval, agissant par Maître Paul-Guedj sous sa due affirmation d'en avoir fait l'avance
- condamner la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique solidairement, ou à tout le moins in solidum avec la SARL Pharmacie du palais au paiement des entiers dépens, y incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme totale de 18.304,21 € HT, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj, agissant par Maître Paul-Guedj sous sa due affirmation d'en avoir fait l'avance
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 août 2023, la société [A] représentée par Me [M] [A] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société MHX Pharma, demande à la cour de :
- prononcer la jonction des procédures enrôlées devant la chambre 3-4 de votre cour sous les n°23/05209 et n°23/05174
vu les articles 56 et 114 du code de procédure civile
- constater et au besoin dire que l'assignation délivrée à la société l'Auxiliaire Pharmaceutique était motivée au fond,
- constater que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique ne démontre aucun grief
En conséquence,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par la SA
l'Auxiliaire Pharmaceutique,
à titre principal,
vu les articles 1130, 1137, 1139, 1178, 1194, 1231-1, 1641, 1644, 1645, 1991 et 1992 du code civil, 367 et 864 du code de procédure civile, l'article L414-3 du code de commerce,
- constater et au besoin dire que la société Pharmacie du palais a volontairement surestimé le chiffre d'affaires réalisé lors des exercices précédents la cession pour majorer indûment le prix de ladite cession,
Constater et au besoin dire que par cette man'uvre dolosive, la société Pharmacie du palais a obtenu le consentement de la SELARL MHX Pharma pour contracter à ces conditions,
- constater et au besoin Dire et juger que la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession du fonds de commerce conclue entre la société Pharmacie du palais et la société MHX Pharma,
en conséquence,
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a dit que le consentement de la société MHX Pharma a été surpris par le dol commis par la société Pharmacie du palais,
subsidiairement et si par impossible la cour devait entrer en voie de réformation :
- dire que la cession du fonds de l'officine de la SARL Pharmacie du palais à la SELARL MHX Pharma est entachée d'un vice caché dont le cédant avait connaissance.
en tout état de cause :
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a dit que la SA l'auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et manqué à son devoir de conseil,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SELARL MHX Pharma de sa demande de condamnation solidaire des sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique,
- réformer le jugement dont appel sur le quantum des condamnations prononcées à l'encontre des sociétés Pharmacie du palais et L'Auxiliaire Pharmaceutique,
et statuant de nouveau
- condamner conjointement et solidairement les sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique, au paiement de la somme de 982.864 euros en indemnisation
du préjudice subi par la SELARL MHX Pharma,
- condamner conjointement et solidairement les sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique, au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner conjointement et solidairement les sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique, au paiement des entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 18.0304,21 euros HT, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval-Guedj sur son offre de droit.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 décembre 2024, la société l'Auxiliaire Pharmaceutique demande à la cour de :
- rejeter les pièces 42 et 43 communiquées par la société MHX Pharma, et ce afin de respecter le principe du contradictoire,
- réformer parte in qua le jugement en ce qu'il a :
- déclaré la demande de la société MHX Pharma recevable et bien fondée,
- dit que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession de fonds de commerce concluent entre la société Pharmacie du palais et la société MHX Pharma
- condamné la société l'Auxiliaire Pharmaceutique à rembourser à la société MHX Pharma la somme de 62.000 euros versés à titre d'honoraires en raison de la gravité des manquements commis dans le cadre de sa mission de conseil
- condamné la société Pharmacie du palais et la société L'Auxiliaire Pharmaceutique partager à parts égales le paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société l'Auxiliaire Pharmaceutique de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions
- condamné la société Pharmacie du palais et la société L'Auxiliaire Pharmaceutique à partager à parts égales le paiement des dépens y incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme totale de 18.304,21 € HT
- confirmer parte in qua le jugement rendu par le tribunal de commerce de NICE le 6mars 2023 sur le surplus en ce qu'il a débouté MHX Pharma de toutes ses autres demandes, fins et prétentions,
statuant à nouveau,
à titre principal,
vu l'article 56 du code de procédure civile,
- prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 5 mars 2021 par MHX Pharma à l'encontre de l'Auxiliaire Pharmaceutique avec toutes les conséquences de droit, le même sort sera réservé aux conclusions « en demande » communiquées par cette dernière lesquelles sont insusceptibles d'être régularisées à postériori et en l'état de leur
contenu, le vice dont la procédure est affectée,
Vu les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile,
- débouter dès lors la société MHX Pharma comme irrecevable et mal fondée en son l'action et demandes dirigées à l'encontre de la SA L'AUXILIAIRE Pharmaceutique, au regard de la nullité de l'assignation ;
subsidiairement,
vu les articles 1194, 1231-1 et 1353 du code civil,
- débouter la société MHX Pharma de son action en responsabilité, faute d'administrer la preuve d'une faute imputable à la SA l'Auxiliaire pharmaceutique.
- la débouter encore de toute demande d'indemnisation faute de justifier d'un quantum justifié.
En conséquence,
- débouter la société MHX Pharma de toute demande à l'encontre de la société L'AUXILIAIRE Pharmaceutique, comme irrecevables et à tout le moins infondées.
- débouter par conséquent la société MHX Pharma de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SA l'Auxiliaire Pharmaceutique,
très subsidiairement,
- débouter la société MHX Pharma de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique, la société MHX Pharma étant défaillante dans la preuve des préjudices subis certains, dont la SA l'Auxiliaire Pharmaceutique serait à l'origine,
en tout état de cause,
- débouter la société MHX Pharma de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique.
- débouter Maître [W] [A] ès qualités de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SA l'Auxiliaire Pharmaceutique,
- infirmer en toute hypothèse le jugement rendu en ce qu'il a condamné « à rembourser », toute condamnation éventuelle ne pouvant être, le cas échéant, qu'à des dommages et intérêts.
- condamner la société Pharmacie du palais à relever et garantir la société l'Auxiliaire Pharmaceutique de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la société MHX Pharma.
Vu les articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil,
- condamner la société MHX Pharma à payer à la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique la somme de 10.000 euros pour procédure abusive.
- condamner la société MHX Pharma à payer à la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance.
y ajoutant ,
- condamner la société MHX Pharma à payer à la SA L'Auxiliaire Pharmaceutique la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel distraits au profit de Maître Gilles Alligier.
MOTIFS
1-sur les pièces 42 et 43 communiquées par la société MHX Pharma
Vu l'article 16 du code de procédure civile,
Selon ses dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2024, la société l'Auxiliaire Pharmaceutique demande à la cour de rejeter les pièces 42 et 43 communiquées par la société MHX Pharma, et ce afin de respecter le principe du contradictoire. La société l'Auxiliaire pharmaceutique ajoute que la communication tardive, de ces pièces ne lui permet pas de pouvoir en discuter à armes égales, avec le temps nécessaire pour cela.
En l'espèce, l'ordonnance de clôture était rendue le 17 décembre 2024.
Les pièces 42 et 42, communiquées depuis le 2 décembre 2016 par la société MHX Pharma à la société l'Auxiliaire pharmaceutique, correspondent, pour la première, aux statuts modifiés de la société MHX pharma et, pour la seconde, à une note récapitulative d'une société d'expertise comptable concernant le prix d'achat de l'officine et les chiffres d'affaires de cette dernière.
Ces deux pièces, qui ne sont ni longues, ni compliquées, pouvaient être commentées et critiquées par la société l'Auxiliaire pharmaceutique, entre leur date de communication et celle de l'ordonnance de clôture rendue le 17 décembre 2024. La société l'Auxiliaire pharmaceutique a d'ailleurs pris le temps de conclure la veille de ladite ordonnance et elle aurait donc pu faire état de ces pièces dans ses dernières conclusions, pour les critiquer.
Ces pièces ne sauraient être écartées des débats pour le motif de la violation du contradictoire, ce qui ne préjuge toutefois pas de leur pertinence ou valeur probatoire au fond.
La cour rejette la demande de la société l'Auxiliaire pharmaceutique de rejet des pièces 42 et 43 communiquées par la société MHX pharma au motif de la violation du principe du contradictoire.
2-sur l'exception de nullité soulevée par la société l'Auxiliaire pharmaceutique de l'assignation et des conclusions de la société MHX Pharma
Selon l'Article 56 du code de procédure civile :L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :
1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;
2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;
3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé;
4° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Elle vaut conclusions.
L'article 114 du même code ajoute :Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Au soutien de sa demande d'annulation de l'assignation qui lui a été délivrée le 5 mars 2021 par la société MHX Pharma ,la société l'Auxiliaire Pharmaceutique estime que ledit acte d'huissier de justice ne mentionne aucun fondement juridique et encourt la nullité au visa de l'article 56 du code de procédure civile, ce manquement lui causant nécessairement un grief.
Sur la nullité des conclusions dites 'en demande' de la société MHX Pharma, la société l'Auxiliaire pharmaceutique ajoute que ces écritures visent pèle mêle la quasi-totalité des articles du code civil se rapportant aux responsabilités contractuelles et délictuelles sans que ces derniers ne soient identifiables en fonction des fautes revendiquées, nonobstant par ailleurs la fluctuation du quantum des demandes de la mise en demeure aux conclusion. Selon elle, lesdites conclusions sont insusceptibles de régulariser la situation procédurale du dossier.
En l'espèce, contrairement à ce qu'affirme la société l'Auxiliaire pharmaceutique, l'assignation du 5 mars 2021 contient bien un exposé des moyens en fait et en droit, la société demanderesse citant à plusieurs reprises des articles de loi précis fondant ses demandes. Il s'agit des dispositions relative à la responsabilité contractuelle et à la responsabilité du mandataire.
S'agissant de la demande d'annulation des conclusions dites 'en demande'de la société MHX Pharma, la cour relève que ces dernières sont également motivées en fait et en droit, citant en particulier les dispositions relatives aux vices du consentement et au dol, ainsi qu'à la responsabilité contractuelle et à la responsabilité du mandataire.
Le jugement est confirmé en ce qu'il déboute la société l'Auxiliaire Pharma de sa demande d'annulation de l'assignation aux fins de mise en cause du 5 mars 2021.
La cour rejette, en outre, la demande de la même, d'annulation de conclusions dites 'en demande' de la société MHX pharma.
3-sur la fin de non-recevoir opposée par la société cédante à la société cessionnaire à ses demandes de condamnation
L'article L 622-21 I du code de commerce dispose : « I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Vu l'article L 622-17 I du code de commerce,
L'article L 622-22 du code de commerce ajoute : Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci.
La société Pharmacie du palais et son liquidateur concluent l'irrecevabilité des demandes en paiement avec condamnations dirigées contre elle par la société acheteuse, ajoutant que la présente instance ne peut que tendre à la fixation de créances contre elle et , ce en outre dans la seule limite de 307 652, 11 euros (montant déclaré par l'intimée auprès du liquidateur le 13 avril 2023).
En l'espèce, les créances de dommages-intérêts, d'article 700 et au tire des dépens, dont la société acheteuse entend se prévaloir à l'encontre de la société cédante, sont :
- soit nées antérieurement au jugement du 23 mars 2023 de liquidation judiciaire de cette dernière (pour les créances de dommages-intérêts),
- soit nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, mais non en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période (pour les autres créances).
C'est à juste titre que la société cédante se prévaut d'une fin non-recevoir concernant les demandes de condamnations dirigées contre elle par la société MHX pharma au titre des différentes créances ci-dessus énumérées.
Le jugement est infirmé en ce qu'il prononce des condamnations en paiement de la société Pharmacie du palais au profit de la société MHX Pharma.
La cour dit que la présente instance ne peut que tendre à la fixation de créances de la société MHX pharma au passif de la société Pharmacie du palais dans la limite du montant déclaré soit 307 652, 11 euros.
4-sur la fin de non-recevoir opposée par la société l'Auxiliaire Pharmaceutique aux demandes de la société MHX Pharma dirigée à son encontre
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyenqui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 31 du même code ajoute :l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Attention il y a une clause de non-recours opposée à la société MHX Pharma
Il résulte des dispositions précédentes que le droit d'agir en justice appartient à celui qui a un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sauf l'hypothèse des actions attitrées. De plus, la preuve de l'intérêt à agir n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien fondé de l'action , ni même à l'existence du droit invoqué .
La société l'Auxiliaire Pharmaceutique conclut à l'irrecevabilité des demandes dirigées à son encontre par la société MHX Pharma, laquelle serait, selon elle, dépourvue de tout droit d'agir à son encontre.
Elle précise que la société acheteuse cherche à engager sa responsabilité soit en tant qu'intermédiaire à la transaction soit en tant que rédacteur des actes pour manquement à son obligation de conseil ou de mise en garde qui porterait sur une surestimation par le vendeur de son chiffre d'affaires de l'année 2018.
Elle ajoute que la société MHX Pharma ne lui a donné aucun mandat avec pour objet la recherche d'une officine et/ou la négociation pour l'acquisition d'une officine, que le seul mandat de cette affaire est un mandat de vente qui lui a été confié par la société cédante. Elle soutient encore que ce mandat de vente confié par la seule société cédante n'a fait naître aucune obligation de conseil au profit du potentiel acquéreur, la société MHX Pharma.
Toujours pour dire que la société MHX Pharma est dépourvue du droit d'agir contre elle, la société intermédiaire ajoute que si elle a eu un rôle de rédacteur des actes de vente, elle n'a pour autant commis aucun manquement à son obligation de conseil et/ou de mise en garde quant au chiffre d'affaire. Elle précise que la société cessionnaire de l'officine a reconnu expressément avoir examiné les éléments comptables du vendeur, avoir accompli des investigations personnelles sur le fonds de commerce concerné et sur ses potentialités dispensant le rédacteur des actes de ce chef et renonçant à toute contestation ultérieure se rapportant aux chiffres d'affaires transmis par le vendeur.
En l'espèce, la société acheteuse exerce une action en responsabilité à l'encontre de la société intermédiaire fondée tant sur la responsabilité du mandataire (1991 du code civil) que sur la responsabilité contractuelle (article 1231-1 du code civil). Aucune de ces deux actions ne constitue une actions attitrée, c'est-à-dire une action réservée à une seule catégorie de personne déterminées par la loi.
Les actions exercées par la société cessionnaire dont l'irrecevabilité est recherchée, sont des actions ouvertes à tous ceux qui ont intérêt à être entendus sur le fond de leurs prétentions ou à discuter le bien-fondé de celles de leurs adversaires.Or, en l'espèce, la société MHX Pharma a bien un tel intérêt à exercer ses actions en responsabilité contre la société intermédiaire.
En effet, la société l'Auxiliaire pharmaceutique a joué un rôle dans la mise en relation des sociétés cédantes et cessionnaires de l'officine, tandis que la société acheteuse allègue, d'une part, qu'elle avait confié à la société intermédiaire un mandat de négociation de rachat de l'officine et, d'autre part, que cette dernière aurait commis des manquements à son obligation de conseil en lui donnant faussement l'impression que l'opération de rachat de l'officine était sérieuse et sûre.
Au regard de l'intérêt à agir de la société MHX Pharma à exercer son action en responsabilité contre la société intermédiaire, il importe peu de savoir que ladite action serait infondée ou que le droit invoqué serait inexistant.
Enfin, si chacun des trois actes ayant conduit à la cession de l'officine (promesse d'achat, compromis de vente et acte de cession) stipule que l'acheteuse déclare avoir pris connaissance des chiffres d'affaires ou qu'elle renonce à toutes réclamations de ce chef envers le vendeur, aucun ne prévoit pour autant une clause de non-recours à l'égard de la société intermédiaire.
La fin de non-recevoir de la société l'Auxiliaire pharmaceutique doit être écartée et les demandes de la société MHX Pharma dirigées contre elle seront déclarées recevables.
5-sur la responsabilité de la société cédante pour dol
Selon l'article 1130 du code civil :L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
L'article 1137 du code civil ajoute :Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
L'article 1139 dudit code précise que : « L'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».
Vu l'article 1240 du même code,
La société MHX Pharma, pour engager la responsabilité délictuelle de la société cédante, fait valoir que cette dernière a commis un dol à l'origine de son préjudice financier, à savoir une surestimation du prix de cession à hauteur de 778.820 euros, lequel était basé sur un chiffre d'affaires majoré frauduleusement.
Sur le dol reproché à la société cédante, la cessionnaire précise que cette dernière a délibérément falsifié sa comptabilité en déclarant chaque année un nombre considérable de ventes fictives de médicaments, afin d'en obtenir le remboursement indu de la sécurité sociale et de présenter, lors de la cession, un chiffre d'affaires plus élevé que celui réellement réalisé. Pour l'intimée, Cette surestimation délibérée du chiffre d'affaires et de la marge réalisés ont nécessairement induit une surestimation de la valeur de l'officine.
La société cessionnaire de l'officine affirme encore que le prix principal de 1.650.000 euros a été calculé comme suit sur l'exercice présentant le chiffre d'affaires le plus élevé :
- 100 % du Chiffre d'affaires HT annuel ;
- un multiple de 6 fois l'EBE (excèdent brut d'exploitation).
Pour s'opposer à toute indemnisation et pour dire que sa responsabilité pour dol ne peut pas être engagée,la société cédante soutient plusieurs arguments :
- l'expert judiciaire a travaillé sur les chiffres de l'année 2018 alors même que la vente a eu lieu antérieurement, qu'il n'a pas circularisé les laboratoires, que son travail présente des carences,
- le chiffrage de l'expert sur l'année 2018 porte, a minima, sur des chiffres de cinq mois postérieurs à l'accord des parties. Il ne peut y avoir de dol sur des éléments inexistants au moment de l'accord des parties,
- les informations relatives à la vente de produits à marge réduite, qui avaient vocation à alerter le cessionnaire sur l'importance du chiffre d'affaires réalisé sur la période ayant précédée la vente, ont clairement été mentionnées dans l'acte de cession,
- rien au sein de l'acte de cession ne permet de considérer que le prix convenu ait été arrêté au regard d'un pourcentage du chiffre d'affaires,
- elle n'a eu aucune intention dolosive, la seule anomalie provenant de la différence entre les médicaments achetés et vendus, résultant d'une simple négligence dans la gestion des stocks de la Pharmacie,
- elle n'avait aucune intention de cacher des informations au cessionnaire,
- la mauvaise gestion des stocks est responsable de ce que l'expert a qualifié de mécanisme de majoration du chiffre d'affaires, entraînant une majoration du prix de vente de l'officine,
- le chiffre d'affaires n'a pas été déterminant,
- il n'a jamais été convenu que le prix de vente de l'officine devait représenter 100 % du chiffre d'affaires HT annuel,
- le prix de cession, arrêté entre l'acquéreur et le vendeur le 29 août 2018, était principalement basé sur les liasses fiscales des exercices clos au 31.01.2017 et 31.01.2018.
- le prix d'achat de l'officine par la société Pharmacie du palais en 2010, représentait 114% du chiffre d'affaires réalisé par l'officine.
En premier lieu, pour ce qui est des modalités convenues de fixation du prix de la cession de l'officine, il résulte de l'acte de vente définitif que les parties ont bien eu la commune intention de lier ce prix, au moins partiellement, aux chiffres d'affaires réalisés par l'officine.
Ainsi, la promesse d'achat du 29 août 2018 stipule que Mme [S] a déclaré « avoir parfaitement connaissance des conditions d'exploitation de l'officine et de la société et notamment : du bail, des chiffres d'affaires, des contrats de location, des comptes d'exploitation, des bilans, des contrats de travail, de la ventilation du chiffre d'affaires. Avoir pris connaissance des chiffres d'affaires et résultat réalisé ». La promesse d'achat récapitule d'ailleurs, en page 4, les montants des chiffres d'affaires HT de l'officine entre le 1er juillet 2015 et le mois de juillet 2018, ainsi que les résultats d'exploitation.
Le compromis de vente du 8 octobre 2018 énumère également les chiffres d'affaire depuis la même date du 1er juillet 2015 et ce jusqu'au mois d'août 2018. Enfin, l'acte de vente définitif fait encore état des chiffres d'affaires et bénéfices jusqu'au mois de mars 2019, stipulant de surcroît
- en page 23 :'conformément à l'article L 141-1 du code de commerce, aux termes duquel : I...le vendeur est tenu d'énoncer : 3° le chiffre d'affaires qu'il a réalisé durant les trois exercices comptable précédant celui de la vente...',
- en page 24 :« l'acquéreur déclare prendre acte de ces chiffres d'affaires et résultat d'exploitation pour avoir été mis à sa disposition préalablement à ce jour. L'acquéreur déclare dispenser expressément le rédacteur des présentes de l'énonciation précise et exacte tant du chiffre d'affaires que des résultats de la période en cours, déclarant se contenter des renseignements qui précèdent pour s'être, par des investigations personnelles, informé et rendu compte des potentialités du fond vendu et avoir pris connaissance des éléments comptables du vendeur préalablement à ce jour et ainsi renoncer dès à présent à toute réclamation de ce chef envers le vendeur »
Par ailleurs, concernant, en particulier, la clause de renonciation à recours contre le vendeur du chef des éléments comptables, celle-ci n'est pas opposable à l'acheteuse dans le cas d'un dol, étant précisé que l'acte de vente stipule expressément : 'le vendeur affirme la sincérité de l'ensemble de ces déclarations'.
Toujours concernant le fait que le prix de l'officine a été déterminé au moins en partie en fonction des chiffres d'affaires, l'expert judiciaire mentionne en page 55 'la cession de l'officine a été faite sur l'exercice présentant le plus fort chiffre d'affaires et sur la base d'un prix de cession de 100 % du chiffre d'affadis HT annuel (12 mois) alors que la pratique du secteur se situe à 76 % du CA HT annuel, soit une surestimation théorique de + 396 K euros'.
Si l'expert judiciaire reconnaît que le prix de cession correspond à la loi de l'offre et de la demande, cela signifie seulement que les parties étaient libres de fixer comme elles l'entendaient le prix de vente de l'officine sans exclure le fait qu'elles ont pu avoir la volonté commune de prendre en compte les chiffres d'affaires pour déterminer ledit prix.
S'agissant ensuite de l'argument de la société cédante selon lequel le rapport de l'expert judiciaire ne démontrerait pas le dol, se basant sur les chiffres relatifs à l'exercice 2018 alors que l'accord des parties sur la vente et sur son prix a eu lieu lors de la promesse de vente intervenue antérieurement le 29 août 2018, il ressort au contraire du rapport d'expertise lui-même que l'expert judiciaire a pris en compte des données financières et comptables antérieures et concomitantes à l'accord sur le prix.
En effet, l'expert judiciaire a exploité des chiffres antérieurs au 29 août 2018 (date supposée de l'accord sur le prix),et, sans que cette énumération ne soit exhaustive , mentionné l'évolution du taux de marge brute depuis 2011, les chiffres d'affaires depuis le 31 décembre 2010, les recettes du mois du grand livre client depuis février 2018, l'analyse des 50 produits les plus vendus au cours de l'année 2018, les écarts de pourcentage d'évolution du chiffre d'affaires entre l'officine et le secteur de la pharmacie entre 2011 et 2019, les états LGPI depuis janvier 2018.
S'agissant des critiques faites par la société Pharmacie du palais contre la méthodologie utilisée par l'expert judiciaire, c'est à juste titre que la société cessionnaire répond que les quelques anomalies relevées, qui ne sont d'ailleurs pas toutes étayées, ne sont pas de nature à remettre en cause l'intégralité du travail réalisé par ce dernier. En outre, contrairement à ce qu'affirme la société appelante, rien ne démontre que la méthode utilisée par l'expert, à savoir la méthode par sondage, manquait de pertinence en l'espèce, ce d'autant que celui-ci s'en est expliqué de façon longue et détaillée, démontrant au contraire le sérieux et la cohérence de son travail. En particulier, en page 48 de son rapport, l'expert judiciaire précise qu'en sa qualité de technicien, il ne lui est pas possible, méthodologiquement, de retenir ou d'écarter des méthodes au motif qu'elles n'aboutissent ou non au résultat espéré par une partie. En page 51 de son rapport, il ajoute que M. [H] avait validé l'approche de son prédécesseur, M. [D], sur la circularisation, des trois principaux grossistes, s'agissant d'une méthodologie d'audit couramment utilisée compte tenu du pourcentage de représentativité.
Le travail de l'expert judiciaire est d'autant moins critiquable que ses conclusions correspondent, pour l'essentiel, aux conclusions amiables d'un autre technicien sollicité par la société MHX Pharma, à savoir M. [V], expert-comptable et commissaire aux comptes, mais également à celles des notes d'expertise de M. [D], l'expert judiciaire précédent.
La cour ne tirera, en revanche, aucune conséquence probatoire de la pièce 43 de la société acheteuse, dernièrement produite, cette dernière détaillant insuffisamment la méthode de travail suivie par l'expert-comptable pour parvenir à ses conclusions.
S'agissant de l'opposabilité, à la société cédante, du rapport d'expertise amiable de M. [V] du 2 août 2019 non contradictoire, celui-ci peut être retenu et exploité dans le cadre des débats, dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats devant la première juridiction, qu'il est soumis à la discussion contradictoire des parties et qu'il est corroboré par d'autres éléments de preuve, dont notamment le rapport d'expertise judiciaire, le projet de note aux parties de M. [D], et, enfin le rapport d'analyse du 9 décembre 2021 du rapport d'expertise de M. [B] fait par M. [Z], expert-comptable . Les mêmes remarques peuvent être faites concernant le projet de note aux parties de M. [D] ainsi que le rapport d'analyse du 9 décembre 2021.
En l'espèce, l'expert judiciaire conclut, dans son rapport d'expertise du 8 février 2022, que :
- l'analyse des50 produits les plus vendus au cours de l'année 2018 fait ressortir des anomalies inexpliquées sur 30 références, c'est à dire l'absence de concordance entre les achats et les facturations aux caisses de sécurité sociale,
- les anomalies représentent des quantités vendues supérieures aux quantités achetées et stockées, l'écart faisant ressortir une majoration du chiffre d'affaires HT de 176 K euros,
- l'officine est rachetée sur l'exercice présentant le plus fort chiffre d'affaires sur la base d'un prix de cession de 100 % du chiffre d'affaires HT annuel (12 mois) alors que la pratique du secteur se situe à 76 % du CA HT annuel,
- on peut noter des pourcentages annuels de variation du chiffre d'affaires très nettement supérieurs à ceux constatés au niveau national, en moyenne de 2,06 % par an sur 9 ans,
- en repartant du chiffre d'affaires pour l'année 2011 (1er exercice complet) de 1404 K HT et en appliquant les taux moyens sectoriels successifs, la reconstitution théorique du chiffre d'affaires pour l'année 2018 serait de 1426 K HT soit 1783 K sur 15 mois, faisant ressortir par rapport aux comptes annuels clos le 30 avril 2019, un chiffre d'affaires théorique supérieur de 368 K euros aux normes sectorielles (+ 17,09 %),
- au niveau de la comparabilité des comptes, la société Pharmacie du palais a changé 4 fois la date des clôtures (et avec des durées différentes), cette pratique répétée est rarissime et peut avoir pour objectif de limiter les contrôles et la comparabilité des comptes.
Or, dans son rapport d'expertise amiable concordant du 2 août 2019, M. [V], expert-comptable et commissaire aux comptes relève lui aussi des anomalies au niveau des chiffres d'affaires, indiquant que les chiffres d'affaires de mai, juin, juillet 2019 sont en nette diminution par rapport à ceux antérieurs à l'accord sur le prix (de mai, juin, juillet 2018). Il précise que l'analyse effectuée sur les 15 médicaments les plus commercialisés fait apparaître, au vu des éléments issus du logiciel, que les quantités vendues sont supérieures aux quantités achetées, ce qui est à priori anormal. Il relève enfin que le chiffre d'affaire de l'officine a augmenté de 5,36 % en 2017 et de 5, 66 % en 2018, alors que les statistiques professionnelles font apparaître des variations de chiffres d'affaires des pharmacies comprises entre - 0,6 % et + 1, 7 % sur ces périodes. Il conclut enfin, ce qui rejoint la conclusion de l'expert judiciaire, que le chiffre d'affaire de l'officine de l'année 2018 pourrait avoir été surévalué.
De plus, le travail effectué pendant quelques temps par le précédent expert judiciaire désigné, M. [N] [D], consultant en comptabilité, rejoint partiellement les conclusions précédentes. Ainsi, dans son projet en l'état du 28 décembre 2020, M. [D] relève également des anomalies et incohérences entre cinq médicaments achetés et vendus, pour l'année civile 2018, pour un écart total de 88 983 euros. Il met en évidence le fait que malgré ses demandes répétées, la société Pharmacie du palais ne lui a pas fourni la liste des factures d'achats directs justifiant l'écart sur le produit Triumeq. Selon lui, des ventes fictives de ces produits ont été enregistrées et semble-t-il facturées à la sécurité sociale, pour un total qui pourrait atteindre 88.983 euros pour cinq produits.
Enfin, le rapport d'analyse du 9 décembre 2021, du rapport d'expertise de M. [B], retient également l'existence d'une majoration des chiffres d'affaire par la société cédante et son impact sur la valorisation de la pharmacie, concluant qu'il y a eu surévaluation du prix de vente.
Sur le fond, il ressort en particulier du rapport d'expertise judiciaire, corroboré par les autres rapports amiables, que les comptes présentés à la société cessionnaire, qui ont au moins partiellement été utilisés pour calculer le prix de la vente, n'étaient pas tous fidèles à la réalité et présentaient pour certains de graves anomalies en ce que certains chiffres d'affaire ont été anormalement majorés. Ainsi, les éléments pris en considération pour le calcul du prix étaient erronés et ne donnaient pas une image fidèle de la situation comptable et financière de l'officine.
Or, ces éléments financiers et comptables étaient déterminants du consentement de la société cessionnaire de l'officine, car ils lui permettaient d'apprécier la viabilité de l'officine et la pertinence du prix au regard des perspectives de développement de celle-ci.
Si la société MHX Pharma avait su que des ventes fictives de produits avaient été enregistrées dans les comptes de l'officine, qu'il existait un grave mécanisme de majoration du chiffre d'affaires,pouvant être estimé a 176 K sur l'année civile 2018 pour les 50 produits les plus vendus, elle aurait ou bien renoncé à son projet d'acquisition ou bien pu négocier un meilleur produit.
Le dol dont la société MHX Pharma a été victime a donc bien été déterminant de son consentement.
S'agissant de l'intention dolosive de la société Pharmacie du palais, celle-ci ressort des éléments de fait suivants relevés par l'expert judiciaire, corroborés par le rapport d'expertise amiable de M. [V] et le rapport en l'état de M. [D] :
- la typologie, le nombre, et l'ampleur des écarts inexpliqués font ressortir un mécanisme d'une majoration du chiffre d'affaires auprès de la sécurité sociale,
- la société Pharmacie du palais a changé 4 fois de dates de clôture, avec des durées différentes, sur un total de 10 comptes annuels, cette pratique répétée est rarissime et peut avoir pour objectif de limiter les contrôles et la comparabilité des comptes,
- il est inexact d'indiquer que l'origine des écarts proviendrait d'un mauvais enregistrement des achats dans le logiciel LGPI,
- cette pratique peut avoir pour but de limiter volontairement les contrôles à partir des achats et le rapprochement détaillé des stocks avec l'inventaire physique annuel,
- les ajustements de stocks liés aux variations incohérentes et à l'imputation de charges exceptionnelles de médicaments périmés, semblent avoir été motivés par la volonté de présentation d'un taux de marge d'ensemble cohérent,
- les écarts importants et inexpliqués au niveau des taux de marge commerciale alors que le taux de marge brute globale est cohérente, sont caractéristiques des régularisations comptables effectuées pour donner une image cohérente d'ensemble et conforte la constatation d'une majoration du chiffre d'affaires,
- les constatations effectuées peuvent être caractéristiques d'un mécanisme de majoration du CA auprès de la sécurité sociale et susceptible d'être qualifiées de manoeuvres frauduleuses.
La société cédante a dissimulé intentionnellement le caractère qu'elle savait gravement erroné de certains chiffres d'affaires de l'officine cédée, afin de ne pas donner une image fidèle de la situation comptable de cette dernière, et de déterminer ainsi la société MHX pharma à acheter l'officine et à accepter le prix auquel celle-ci a été vendue.
Le jugement est confirmé en ce qu'il dit que le consentement de la Societé MHX Pharma a été surpris par le dol commis par la Société Pharmacie du palais.
La cour retient donc des fautes délictuelles commises par la société ayant vendu l'officine.
La cour retenant la responsabilité de la société cédante sur le fondement du dol, il n'est pas nécessaire d'étudier le moyen tiré de la garantie des vices cachés dus par la vendeuse de l'officine.
6-sur la responsabilité de la société intermédiaire
L'article 1194 du code civil dispose que « Les contrats obligent non seulement à ce qui
y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi »
L'article 1231-1 du code civil dispose que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure».
Aux termes de l'article 1992 dudit code, « Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ».
Pour engager la responsabilité de la société l'Auxiliaire pharmaceutique, l'intimée fait valoir que la société intermédiaire est un agent d'affaires spécialisé dans la transaction d'officines de pharmacie, qu'elle l'a mise en relation avec la société cédante, qu'elle lui devait un devoir de conseil et de vigilance comptable et juridique, qu'elle ne l'a pourtant pas alertée, ne lui a donné aucun conseil concernant les anomalies comptables et financières de la société cédante, que ce soit sous la forme de la réalisation d'un audit ou d'une durée de séquestre plus importante.
Selon l'intimée, la société l'Auxiliaire pharmaceutique a fait preuve de négligence fautive et a manqué à son obligation de conseil. Elle estime encore qu'elle avait bien confié un mandat à cette dernière. Elle ajoute que, à supposer même que la cour retienne qu'elle n'avait pas donné de mandat à la société intermédiaire pour la recherche d'une officine ou de négociation pour l'acquisition d'une telle officine, cette dernière avait bien en revanche un mandat de rédaction des actes, ce qui mettait à sa charge un devoir de conseil et de mise en garde, non seulement sur la validité, mais également sur l'efficacité de l'acte.
Pour s'opposer à toute responsabilité à l'égard de la société cessionnaire, la société intermédiaire, l'Auxiliaire Pharmaceutique, rétorque qu'elle n'était tenue à aucune obligation de conseil envers la société cessionnaire, MHX Pharma, dans le cadre de la transaction de la cession en l'absence de mandat. Elle précise que la société cessionnaire ne produit aucun mandat qui aurait pu lui être pour la recherche d'une officine et/ou la négociation pour l'acquisition d'une officine. Pour elle, le seul mandat qui lui a été confié est un mandat de vente signé avec la société cédante pour la vente de son officine.
La société MHX Pharma fait encore valoir qu'en tant qu'agent intermédiaire elle avait
uniquement l'obligation de fournir aux parties les renseignements nécessaires relatifs au bien qu'elle était chargé de vendre, qu'elle n'était pas juge de l'opportunité économique de la vente, ni même investie d'une mission d'expert technique ou comptable. L'appelante indique encore qu'elle a transmis tous les éléments comptables du vendeur et que la société cessionnaire pouvait donc les analyser et formaliser son offre d'achat.
La société l'Auxiliaire Pharmaceutique affirme enfin que le rédacteur d'un acte est tenu de veiller à la validité et à l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours mais n'est pas tenu à un devoir de conseil et de mise en garde quant à l'opportunité économique de l'acte auquel il prête son concours, ni investi d'une mission d'expert technique.
La société intermédiaire se défend enfin de toute responsabilité en invoquant l'existence de clauses de renonciation à recours de l'acquéreur, insérées au sein des chacun des actes de vente de l'officine (les promesses d'achat et de vente, l'acte de vente définitif).
Concernant tout d'abord l'opposabilité à la société intermédiaire du rapport d'expertise judiciaire de M. [B], ainsi que du rapport d'expertise amiable de M. [V], de la note rédigée par M. [D] (précédent expert judiciaire remplacé), ainsi que de la note du 9 décembre 2021 de M. [Z], celle-ci est acquise en l'espèce. En effet, non seulement ces quatre rapports sont concordants entre-eux concernant la surestimation des chiffres d'affaires et du prix de l'officine, mais, encore, ils sont versés à la présente procédure et ont donc été soumis à la libre discussion des parties.
S'agissant ensuite de la nature des contrats ayant pu être conclus entre la société MHX Pharma et la société intermédiaire, la société cédante avait donné à la société intermédiaire des mandats de vente, les 31 mai et 8 octobre 2018, afin de lui trouver un acquéreur de son officine et d'établir tous les actes sous seing privé nécessaires à l'accomplissement de la vente. De plus, il n'est pas contesté que cette dernière avait bien reçu de la première un mandat de rédacteur des actes de vente.
Si l'acte de vente définitif met les honoraires de négociation à la charge de la société cessionnaire, un tel accord témoigne seulement d'une volonté commune des sociétés cédantes et cessionnaires de déterminer la charge finale d'une telle dépense, liée au mandat de vente qui avait été donné par la cessionnaire à la société intermédiaire.Aucun acte ne stipule expressément que la société cessionnaire a chargé la société intermédiaire d'un mandat de lui trouver une officine à vendre.
En revanche, contrairement à ce qu'affirme à tort la société l'Auxiliaire pharmaceutique, il résulte d'un échange de courriels ayant eu lieu quelques mois avant la vente définitive du 30 avril 2019, avec la société acheteuse, qu'elle s'était bien engagée à réaliser quelques prestations au profit de cette dernière (et non pas seulement pour le compte de la société cédante).
Ces prestations que la société intermédiaire s'engageait à réaliser pour le compte de la société acheteuse portaient sur les perspectives de résultats de l'officine. Elles allaient donc bien au-delà d'une simple mission de négociation et de rédaction des actes nécessaires à la vente.
En effet, dans ces mails échangés en août et septembre 2018, la société l'Auxiliaire Pharma transmet à M. [C] outre certains chiffres comptables de l'officine, notamment un prévisionnel de résultat économique sur 5 années à venir ainsi qu'un plan de financement.
Les pièces transmises par la société l'Auxiliaire pharmaceutique à l'acheteuse sont en particulier les suivantes :
- une attestation du 29 janvier 2018 de l'expert-comptable de l'officine sur les chiffres d'affaires de janvier à décembre 2017,
- un plan de financement,
- des prévisionnels sur le résultat économique futur de l'officine,
- des tableaux sur les emprunts à solliciter.
Il est donc acquis que la société intermédiaire ne s'est pas cantonnée à de simples obligations de négocier la vente et d'assurer l'efficacité juridiques des actes de vente.
Elle a été débitrice d'une prestation de réalisation d'un prévisionnel sur les chiffres d'affaires futurs pour les acquéreurs sur 5 années et cette prestation s'est matérialisée au travers d'un tableau intitulé 'résultat économique'. Elle devait également établir un plan de financement, ce qu'elle a fait.
Par ailleurs, concernant l'établissement de ces prévisionnels, la société l'Auxiliaire pharmaceutique ne conteste pas que ces documents étaient destinés à la société acheteuse et aux établissements bancaires. Or, dans le cadre de la réalisation de ces prestations, la société l'Auxiliaire pharmaceutique était tenue de missions contractuelles spécifiques envers la société MHX pharma et notamment d'un devoir d'alerte au titre des anomalies apparentes très aisément repérables et grossières concernant la comptabilité analysée, sans être expert-comptable.
Concernant le savoir-faire et les compétences de la société intermédiaire, diffusées auprès du public, la société acheteuse produit un extrait du site internet de cette dernière, laquelle se présente comme une sachante dans des domaines divers et pointus tels que l'achat et la vente de pharmacie, les services financiers, commerciaux et juridiques. Sur ce site publicitaire, la société l'Auxiliaire pharmaceutique met en effet en valeur ses compétences en ces termes :
- 'une expérience unique que nous mettons à profit pour ne rien omettre, que ce soit positif ou négatif , dans un projet qui nous est soumis',
-'l'Auxiliaire pharmaceutique n'est satisfaite que lorsque notre client pharmacien prend sa décision d'acheter ou de vendre en connaissance de cause et en toute sérénité, que ce soit pendant l'exploitation de sa pharmacie ou au moment d'en sortir',
-'le partenaire conseil de votre carrière officinale vous donne les moyens d'entreprendre. Par les moyens que nous mettons en oeuvre (...)'
Si la société intermédiaire n'était pas une société d'expertise comptable et si la société cédante a commis un dol (en dissimulant des chiffres d'affaires frauduleux), il n'en demeure pas moins qu'elle reconnaît elle-même que certains indicateurs financiers, transmis par sa mandante, étaient anormaux, voire exceptionnels et que ce caractère anormal transparaissait au travers d'une simple lecture de l'acte définitif de vente.
Ainsi, dans ses propres conclusions, la société l'Auxiliaire pharmaceutique admet que la simple lecture des chiffres d'affaires des exercices clos au 31 janvier 2016, 31 janvier 2017 et 31 janvier 2018, contenus dans l'acte de cession du 30 avril 2019, aurait permis de constater 'que le chiffre d'affaires des mois de mai, juin, juillet 2018 étaient exceptionnellement supérieurs d'environ 30 % à 40 % aux chiffres réalisés sur les autres mois de l'année et des années précédentes'. Toujours concernant le caractère évident et apparent de certaines anomalies des déclarations financières de la société cédante, dans l'acte de vente du 30 avril 2019, la société intermédiaire ajoute encore, dans ses conclusions, que les énonciations de l'acte de cession étaient également exceptionnelles concernant certains produits à marge réduite.
Non seulement la société intermédiaire a établi un prévisionnel des futurs résultats de l'officine, pour le compte de la société acheteuse, mais encore elle n'a pas attiré l'attention de cette dernière sur le caractère exceptionnellement anormal de certaines données comptables et financières, anormalité pouvant être détectée, selon elle, par une simple lecture des chiffres transmis sans avoir besoin de recourir à un expert-comptable.
Si la société intermédiaire avait mis en garde la société MHX pharma sur l'existence d'une comptabilité douteuse, cette dernière aurait pu entreprendre des investigations plus poussées pour comprendre la raison des anomalies relevées. La société acheteuse, par la faute de la société intermédiaire, a donc perdu une chance de découvrir le dol commis par la société cédante, concernant la surévaluation des chiffres d'affaires et du prix convenu. Comme la société MHX pharma le prétend, elle aurait pu réaliser un audit.
Si la société intermédiaire prétend, pour se défendre, que la société acheteuse aurait eu recours à son propre expert-comptable, pour établir un autre prévisionnel, sa propre responsabilité s'additionne tout au plus avec celle de l'expert-comptable (le cabinet Farmagest) sans être annulée.
Par ailleurs, si l'acte de vente et les actes préalables, stipulent tous que l'acquéreur dispense expressément le rédacteur de l'énonciation précise et exacte des chiffres d'affaires et résultats, ils ne prévoient pour autant qu'une clause de renonciation à recours envers la société vendeuse et non contre la société intermédiaire. En tout état de cause, les actes de vente n'écartent pas la responsabilité de la société intermédiaire en cas de défaillance dans son devoir de conseil et d'alerte dû dans le cadre de ses autres missions contractuelles contractées, accessoires à négociation et à la rédaction de la vente, comme l'établissement d'un prévisionnel et d'un plan de financement au profit de la société acheteuse. En d'autres termes, la société intermédiaire aurait dû alerter l'acheteuse sur les anomalies grossières au niveau des chiffres transmis et ce dans le cadre de ses missions financières et économiques, en l'absence de clauses neutralisant sa responsabilité pour des chiffres d'affaires incohérents aisément détectables.
S'agissant encore du reproche fait par la société cessionnaire à la société intermédiaire concernant la durée du séquestre, il découle de l'article L141-14 du code de commerce que, dans les dix jours suivant la dernière en date des publications visées à l'article L. 141-12, tout créancier du précédent propriétaire, que sa créance soit ou non exigible, peut former au domicile élu, par simple acte extrajudiciaire, opposition au paiement du prix.
Or, en l'espèce, ce n'est qu'à l'expiration du délai légal d'opposition que le séquestre a libéré conformément aux dispositions légales une partie du prix de cession. En outre, aucun créancier impayé ne s'est manifesté contre l'acheteuse au-delà de la durée réelle du séquestre, tandis que la société intermédiaire ne pouvait pas soupçonner d'éventuelles fraudes commises par la société cédante au préjudice de la société acheteuse. En tout état de cause, la société cessionnaire de l'officine ne démontre pas le lien entre le préjudice dont elle se plaint (la surévaluation du prix de la vente) et l'éventuelle faute de la société l'Auxiliaire Pharmaceutique de ne pas avoir prévu une durée plus longue de séquestre du prix de la vente.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il dit que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession de fonds de commerce.
7-sur les dommages-intérêts
Vu les articles 9, 1313 et 1353 du code civil,
Pour dire que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique est redevable, in solidum, avec la société cédante, des dommages-intérêts, la société intimée énonce que si la société intermédiaire avait satisfait à son devoir de conseil, elle aurait renoncé à acquérir l'officine Pharmaceutique ou l'aurait acquise à un prix bien moindre, correspondant à sa valeur réelle.
Pour s'opposer à sa condamnation à des dommages-intérêts, la société l'Auxiliaire Pharmaceutique conclut d'abord à l'irrecevabilité des demandes indemnitaires présentées contre elle, par la société MHX Pharma, estimant que cette dernière ne peut que revendiquer un préjudice constitué par la perte d'une chance et qu'en outre, elle ne démontre aucunement une telle perte.
S'agissant d'abord de la recevabilité des demandes indemnitaires de la société MHX Pharma formulées contre la société l'Auxiliaire Pharmaceutique, aucune fin de non-recevoir ne saurait prospérer en l'espèce, la question du type de préjudice pouvant être réparé relevant d'une appréciation de la juridiction sur le caractère bien fondé ou non des demandes indemnitaires.
La cour déclare recevables les demandes indemnitaires de la société MHX Pharma contre la société l'Auxiliaire Pharmaceutique.
En l'espèce, la société l'Auxiliaire Pharmaceutique a contribué au préjudice subi par la société MHX Pharma en ayant fait perdre une chance à cette dernière de détecter le dol, tandis que la société cédante, par le dol commis, a fait perdre une chance à l'acheteuse de contracter dans des conditions plus avantageuses.
En conséquence, la cour dit que la condamnation in solidum mise à la charge de l'intermédiaire sera limitée à 40 %, partie du préjudice total de la victime à la réalisation duquel elle a contribué en tant que coresponsable.
Concernant ensuite le préjudice subi, la société MHX Pharma sollicite l'indemnisation des préjudices suivants :
- 778.820 euros relatif à la surestimation du prix de vente.
- 15 000 euros au titre de son préjudice moral
- 127.044 euros HT au titre des frais afférents à la sauvegarde
- 62.000 euros HT, soit 74.400 euros TTC, répartie comme suit : honoraires de négociation : 50.000 euros HT, honoraires de rédaction des actes : 12.000 euros HT, outre les débours.
La société MHX Pharma ayant fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat de vente, son préjudice correspond uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses.
S'agissant tout d'abord du préjudice mis en avant, lié aux frais d'honoraires de négociation et de rédaction des actes, celui-ci ne saurait donner lieu à indemnisation, seul le préjudice de perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses est indemnisable. En outre, aucune faute n'a été retenue concernant le processus de négociation en lui-même ou concernant l'efficacité des actes juridiques, qui auraient au demeurant dû être conclus, même si vente avait eu lieu dans des conditions plus avantageuses.
S'agissant ensuite du préjudice lié aux frais de sauvegarde, aucun élément n'établit avec certitude que cette procédure est en lien avec les différents manquements retenus.
Pour ce qui est enfin du préjudice moral de la société MHX pharma, celui-ci existe, en raison de la désorganisation subie par l'officine en lien avec des perspectives de développement erronées fondées sur des chiffres frauduleux. Au regard des pièces produites, une indemnité de 7000 euros réparera entièrement le préjudice subi.
S'agissant de la surestimation du prix de l'officine, l'intimée ne peut demander, comme elle le fait, une indemnité de 778.820 euros correspondant au différentiel entre le prix payé et le prix qu'elle aurait dû payer selon ses calculs. Il convient de rappeler que seul préjudice lié à la perte de chance d'avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses est réparable.
L'appelante, prétend, pour sa part, que la perte de chance indemnisable ne sera pas caractérisée, si la société MHX Pharma réalise un chiffre équivalent à celui réalisé par elle.Cependant, d'une part, le chiffre d'affaires de 1.624.418 euros réalisé par l'intimée sur lequel se fonde la société cédante, pour affirmer que la première n'aurait pas subi de préjudice, n'est pas proche du chiffre d'affaire réalisé par la cédante, ayant été réalisé non sur 12 mois mais sur 20 mois. En outre, la méthode d'évaluation de la perte de chance, proposée par la société cédante, n'est pas pertinente, reposant sur des considérations étrangères à l'évaluation du pourcentage de perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuse.
Si la société Pharmacie du palais avait transmis des données financières et comptables conformes à la réalité et non pas surévalués, on peut estimer que la société cessionnaire aurait eu 90 % de chance de pouvoir négocier le contrat d'acquisition de l'officine à des conditions plus avantageuses.
Pour évaluer l'indemnité destinée à compenser la perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, la cour retiendra en particulier, concernant la part de surévaluation du prix de vente, la conclusion de l'expert judiciaire, M. [B], qui estime que:
- la cession de l'officine a été faite sur l'exercice présentant le plus fort chiffre d'affaires et sur la base d'un prix de cession de 100 % du chiffre d'affaires HT annuel (12 mois)
- la pratique du secteur se situe à 76 % du CA HT annuel, soit une surestimation théorique de 396 000 euros du prix de vente.
Compte tenu de la perte de chance évaluée à 90 %, du montant de la surestimation théorique du prix d'achat retenue par l'expert judiciaire ainsi que de l'ensemble des autres pièces produites, le préjudice de la société MHX Pharma s'élève donc à 356 400 euros.
Par ailleurs, il convient de rappeler que:
- la part de responsabilité in solidum de la société intermédiaire a été fixée à 40 %,
- la présente instance ne peut que tendre à la fixation de créances de la société MHX pharma au passif de la société Pharmacie du palais dans la limite du montant déclaré soit 307 652, 11 euros.
Infirmant le jugement, la cour condamne la société l'Auxiliaire pharmaceutique à payer à la société MHX pharma :
- 142 560 euros de dommages-intérêts à la société MHX pharma au titre du préjudice né de la perte de chance de ne pas avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses (la société Pharmacie du palais étant tenue in solidum au paiement de cette somme),
- 2800 euros de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice moral.
Infirmant également le jugement, la cour fixe la créance de la société MHX pharma à 307 652, 11 euros au passif de la société Pharmacie du palais au titre du préjudice né de la perte de chance de ne pas avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses.
Le surplus des demandes indemnitaires de la société MHX pharma contre la société en cédante en liquidation judiciaire est rejeté, compte tenu du montant limité de sa déclaration de créance (307 652, 11 euros).
8-sur la demande reconventionnelle de la société l'Auxiliaire Pharmaceutique de dommages-intérêts
Vu les articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil,
Selon l'article 41, alinéas 4,5, 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers.
L'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ajoute :Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure.
Il est de principe que les quatrième et cinquième alinéas de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux, mais les juges saisis de la cause et statuant sur le fond pourront néanmoins prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants, ou diffamatoires et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.
En outre, toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation.
La société l'Auxiliaire Pharmaceutique estime que l'appel de la société MHX Pharma
revêt un caractère manifestement abusif et procède d'une intention de nuire qu'il conviendra de sanctionner en la condamnant à des dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros pour procédure abusive.Elle met aussi en avant des affirmations mensongères voir diffamatoires nuisant à sa réputation.
En l'espèce, non seulement, la société MHX Pharma n'est pas à l'origine de l'appel du jugement, seules les sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire Pharmaceutique l'étant, mais, plus encore, rien ne démontre un abus de sa part ou son intention de nuire, celle-ci ayant au demeurant subi un dol et des négligences fautives de la part de la société intermédiaire. La cour aggrave d'ailleurs les condamnations mises à la charge de la société intermédiaire.
S'agissant des affirmations mensongères au cours d'un procès, celles-ci ne peuvent donner lieu à indemnisation, au regard de la loi du 29 juillet 1881, laquelle sanctionne seulement, sous conditions, les discours injurieux, outrageants ou diffamatoires.
Enfin, pour ce qui est des affirmations 'voir diffamatoires nuisant à sa réputation', la société l'Auxiliaire Pharmaceutique ne démontre pas précisément quelle expression employée par la société MHX Pharma, dans ses écritures, contiendrait l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération. En tout état de cause la cour a reconnu qu'une partie des griefs formulés à son encontre par l'intimée était fondée.
Le jugement est confirmé en ce qu'il rejette la demande de la société l'Auxiliaire justice de dommages-intérêts pour procédure abusive contre la société MHX Pharma.
Ajoutant au jugement, la cour rejette la demande de la société l'Auxiliaire justice de dommages-intérêts contre la société MHX Pharma au titre d'affirmations mensongères voir diffamatoires nuisant à sa réputation.
9- l'appel en garantie et sur les frais de justice
Compte tenu du dol commis par la société cédante et des conséquences fautives pour la société intermédiaire (laquelle est condamnée à indemniser une partie des préjudices subis par la société acheteuse), la cour, infirmant le jugement, fait droit à l'appel en garantie de la société l'Auxiliaire pharmaceutique et dit que la société l'Auxiliaire pharmaceutique dispose d'une créance de garantie, par la société Pharmacie du palais, de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de la société MHX Pharma, qui ne pourra cependant être admise au passif de la procédure collective de la Pharmacie du palais que sous réserve qu'elle ait procédé à une déclaration de créance à ce titre.
Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement est infirmé du chef des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour doit tenir compte du fait que la société cessionnaire a limité sa déclaration de créance à 307 652, 11 euros et que cette somme lui a d'ores et déjà été accordée intégralement au titre du principal.
Aucune créance supplémentaire ne peut donc être fixée au titre de l'article 700 et des dépens au passif de la société Pharmacie du Palais au profit de la société acheteuse. Les demandes de la société MHX pharma au titre des dépens et de l'article 700, dirigées contre la société Pharmacie du palais, sont rejetées.
La société l'Auxiliaire pharmaceutique est condamnée à payer la somme de 20 000 euros à la société MHX Pharma au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant pour la première instance qu'à hauteur d'appel.
La société l'Auxiliaire pharmaceutique est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel de la société MHX Pharma, dépens incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme totale de 18 304,21 euros, ceux d'appels distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj, agissant par Maître Paul-Guedj sous sa due affirmation d'en avoir fait l'avance (somme qu'elle est tenue de payer in solidum avec la société Pharmacie du Palais).
Les sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire pharmaceutique supporteront la charge de leurs entiers dépens et de leurs frais exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement:
- rejette la demande de la société l'Auxiliaire pharmaceutique de rejet des pièces 42 et 43 communiquées par la société MHX pharma au motif de la violation du principe du contradictoire.
- rejette la demande de la société l'Auxiliaire Pharmaceutique d'annulation de conclusions dites 'en demande' de la société MHX pharm.,
- déclare recevables les demandes de la société MHX Pharma dirigées contre la société l'Auxiliaire pharmaceutique,
- infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il:
- rejette l'exception de nullité de la société l'Auxiliaire Pharmaceutique concernant son assignation aux fins de mise en cause du 5 mars 2021,
- dit que le consentement de la société MHX Pharma été surpris par le dol commis par la société Pharmacie du palais,
- dit que la société l'Auxiliaire Pharmaceutique a commis une négligence fautive et a manqué à son devoir de conseil lors de la cession de fonds de commerce,
statuant à nouveau et y ajoutant,
- rejette toutes les fins de non-recevoir sauf la fin de non-recevoir concernant les demandes de la société MHX Pharma de condamnation de la société Pharmacie du palais,
- dit que la présente instance ne peut que tendre à la fixation de créances de la société MHX pharma au passif de la société Pharmacie du palais dans la limite du montant déclaré soit 307.652, 11 euros,
- dit que la condamnation in solidum mise à la charge de la société l'Auxiliaire Pharmaceutique sera limitée à 40 %,
- condamne la société l'Auxiliaire pharmaceutique à payer à la société MHX pharma :
- 142 560 euros de dommages-intérêts à la société MHX pharma au titre du préjudice né de la perte de chance de ne pas avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses
- 2800 euros de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice moral.
- fixe la créances de la société MHX pharma au passif de la société Pharmacie du palais à 307.652, 11 euros au titre du préjudice né de la perte de chance de ne pas avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses,
- rejette le surplus des demandes de la société MHX Pharma en paiement dirigées contre la société Pharmacie du palais,
- rejette la demande de la société l'Auxiliaire justice de dommages-intérêts pour appel abusif et au titre d'affirmations mensongères voir diffamatoires nuisant à sa réputation,
- dit que la société l'Auxiliaire pharmaceutique dispose d'une créance de garantie, par la société Pharmacie du palais, de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de la société MHX Pharma, qui ne pourra cependant être admise au passif de la procédure collective de la Pharmacie du palais que sous réserve qu'elle ait procédé à une déclaration de créance à ce titre,
- condamne la société l'Auxiliaire pharmaceutique à payer à la société MHX Pharma la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant pour la première instance qu'à hauteur d'appel,
- condamne la société l'Auxiliaire pharmaceutique aux entiers dépens de première instance et d'appel de la société MHX Pharma, dépens incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme totale de 18 304,21 euros, ceux d'appels distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj, agissant par Maître Paul-Guedj sous sa due affirmation d'en avoir fait l'avance,
- dit que les sociétés Pharmacie du palais et l'Auxiliaire pharmaceutique supporteront la charge de leurs entiers dépens et de leurs frais exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
Le Greffier, La Présidente,