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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ. tgi, 28 février 2025, n° 22/01642

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Autre

CA Saint-Denis de la Réunion n° 22/0164…

28 février 2025

ARRÊT N°

CC

R.G : N° RG 22/01642 - N° Portalis DBWB-V-B7G-FZCG

S.D.C. [Adresse 3]

C/

[P]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 28 FEVRIER 2025

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS / FRANCE en date du 23 AOUT 2022 suivant déclaration d'appel en date du 15 NOVEMBRE 2022 RG n° 19/02800

APPELANTE :

S.D.C. [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2] / FRANCE

Représentant : Me Caroline AMIGUES-OLIVIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉ :

Monsieur [O] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Judicaël MANGATAYE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 14 septembre 2023

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été appelée à l'audience publique du 28 Juin 2024 devant Madame COMBEAU Chantal, Présidente de chambre, assistée de Mme Véronique FONTAINE, Greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le27 septembre 2024. Le délibéré a été prorogé au 22 novembre 2024 puis au 28 Février 2025.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Cyril OZOUX, Président de chambre

Conseiller : Madame Chantal COMBEAU, Présidente de chambre

Conseiller : Monsieur Vincent ALDEANO-GALIMARD, Président de chambre

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 28 Février 2025.

* * *

LA COUR :

EXPOSE DU LITIGE

Le 13 juillet 2013, [O] [P] a acquis la propriété de treize lots, composés de locaux commerciaux, bureaux et parkings, au sein de la copropriété [Adresse 3] sur la commune de [Localité 2].

Lors de la réception des lots, de nombreuses réserves ont été émises par [O] [P].

Trois constats d'huissier et une expertise ont été diligentées à l'initiative d'[O] [P] les 21 janvier 2014, 13 mars 2015, 9 novembre 2015 et 24 novembre 2017, sur la base desquels, l'intéressé a contesté les charges qui lui étaient réclamées par le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic.

Le 28 mars 2018, [O] [P] a procédé à la vente de neuf des treize lots acquis en 2013 (bureaux et parkings).

Le 5 avril 2018, le notaire a notifié au syndic le transfert de propriété des lots concernés.

Par acte d'huissier en date du 19 avril 2018, le syndic a formé entre les mains du notaire une opposition au versement à [O] [P] des fonds issus de la vente pour un montant de 49594,55 euros.

Le 20 juillet 2018, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] a demandé au notaire de lui verser les fonds issus de la vente.

Le notaire ayant indiqué par mail en date du 14 septembre 2018 ne pouvoir verser les fonds en l'absence de décision judiciaire, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] a assigné [O] [P] et le notaire devant le tribunal judiciaire de Saint Denis le 29 mars 2019 aux fins de voir ordonner la libération des fonds, avant de solliciter un retrait du rôle.

Par acte d'huissier en date du 10 juillet 2019, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] a assigné [O] [P] devant ce même tribunal aux fins de le voir à titre principal condamné à lui verser la somme de 54410,14 euros au titre des charges impayées.

Dans ses conclusions de première instance, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] sollicitait la somme de 57487,91 euros au titre des charges impayées, 5000 euros à titre de dommages et intérêts réel et distinct du retard des paiements et 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

[O] [P] pour sa part demandait au tribunal de :

- débouter le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] de ses demandes à l'exception du montant des charges dues à compter du 1er octobre 2015 pour les honoraires du syndic, le secrétariat, les frais de timbres, l'eau et l'électricité, à fixer par le tribunal,

- condamner le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] au paiement de la somme de 9000 euros au titre d'une amende civile,

- condamner le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 23 août 2022, le tribunal judiciaire de Saint Denis a :

- débouté le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] de l'intégralité de ses demandes, motif pris de l'absence de tentative de résolution amiable du litige et de mise en demeure préalables à l'assignation,

- débouté [O] [P] de sa demande d'amende civile considérant que le caractère abusif de la procédure n'était pas caractérisé,

- rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] aux dépens.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Saint Denis en date du 15 novembre 2022, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celle déboutant [O] [P] de sa demande d'amende civile.

Aux termes de ses dernières écritures, transmises par RPVA le 14 février 2023, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] demande à la cour, au visa de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, du décret n°67-223 du 17 mars 1967 et de l'article 1231-6 du code civil, d'infirmer le jugement du 23 août 2022 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de condamner [O] [P] à lui verser les sommes de :

- 63494,33 euros au titre des charges impayées, majorée des intérêts légaux à compter de l'opposition du 19 avril 2018,

- 5000 euros à titre de dommages et intérêts réel et distinct du retard des paiements

- 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, le syndicat des copropriétaires fait tout d'abord valoir que le dernier alinéa de l'article 56 du code de procédure civile exigeant que l'assignation précise les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige a été supprimé par décret du 11 décembre 2019. Il analyse en tout état de cause la demande adressée au notaire le 20 juillet 2018 de versement des fonds objet de l'opposition comme une tentative de résolution amiable du litige.

Le syndicat des copropriétaires met en outre en avant différentes mises en demeure adressées à [O] [P] les 3 avril 2014, 29 août et 22 septembre 2019.

Sur le fond, le syndicat des copropriétaires rappelle que par différentes résolutions les comptes des exercices clos du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015 ont été approuvés et qu'[O] [P] n'a pas voté contre ces résolutions, se contentant de s'abstenir. [O] [P] a par ailleurs approuvé les comptes des exercices clos du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2019. Il est enfin demeuré totalement taisant sur les charges exigibles à compter du 1er octobre 2017.

Le syndicat des copropriétaires fonde pour finir sa demande de dommages et intérêts sur le préjudice réel et distinct du retard des paiements résultant de ce qu'il s'est trouvé privé d'une partie des fonds nécessaires à la gestion et à l'entretien de l'immeuble.

Dans ses conclusions en réplique, transmises par RPVA le 2 mai 2023, [O] [P] demande au visa de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965, de l'article R261-1 du code de la construction, des articles 56 et 700 du code de procédure civile, à la cour de :

- confirmer le jugement du 22 août 2023 en son entier,

en conséquence,

- débouter le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] à lui verser la somme de 5758,50 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] aux dépens.

[O] [P] relève que le dernier alinéa de l'article 56 du code de procédure civile imposant que l'assignation précise les diligences accomplies en vue de parvenir à un règlement amiable du litige n'a été abrogé que le 1er janvier 2020, date de l'entrée en vigueur du décret du 11 décembre 2019 et qu'il était donc applicable à l'assignation délivrée par le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] le 10 juillet 2019. Il ajoute que la demande de versement des fonds résultant de la vente des lots effectuée par le syndicat auprès du notaire le 20 juillet 2018 n'a ni le même objet ni le même destinataire que le présent litige.

[O] [P] considère que la mise en demeure reçue le 3 avril 2014, soit plus de cinq ans avant l'assignation ne peut être prise en compte et qu'aucun justificatif n'est produit s'agissant des mises en demeure des 29 août et 22 septembre 2019, en tout état de cause postérieures à l'assignation.

Au fond, [O] [P] conteste le caractère certain des créances alléguées par le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] sur la base des constats d'huissiers attestant de l'état d'inachèvement des travaux concernant les parkings et l'ascenseur et de l'absence d'entretien des parties communes. Il rappelle que l'acquéreur en l'état futur d'achèvement n'est tenu des charges de copropriété qu'à compter de l'achèvement des lots acquis. Il ajoute que l'approbation des comptes du syndicat des copropriétaires par l'assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2023.

L'audience de plaidoirie s'est tenue le 28 juin 2024 et la décision a été mise en délibéré au 27 septembre 2024, prorogée au 22 novembre 2024 puis au 28 février 2025.

MOTIFS

Sur la régularité de l'assignation

L'article 56 du code de procédure civile, dans sa version applicable au 10 juillet 2019, date de l'assignation, mentionne dans son dernier alinéa que sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation précise les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

Cette disposition est prévue à peine de nullité de l'assignation.

En l'espèce, le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] met en avant une demande faite au notaire le 10 juillet 2018 de lui reverser les fonds issus de la vente des lots opérée par [O] [P] et dont il avait été fait opposition, ce qui ne concerne pas l'objet du litige qui vise à la récupération des charges de copropriété.

La mise en demeure du 3 avril 2014, qui ne vise qu'une très faible partie des sommes réclamées (13113,95 euros), a été délivrée plus de cinq ans avant l'assignation et n'est pas produite par le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] qui s'en réclame et qui ne renvoie qu'à un courrier d'[O] [P] qui l'évoque, ne peut être davantage considérée.

Les mises en demeure des 29 août et 22 septembre 2019 évoquées par le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] ne figurent pas au dossier et sont en tout état de cause postérieure à l'assignation du 10 juillet 2019.

Il convient donc de considérer que les formalités prévues à peine de nullité de l'assignation n'ont pas été respectées. La décision du premier juge de débouter le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] de l'intégralité de ses demandes sera en conséquence infirmée et la nullité de l'assignation, constatée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] ayant succombé en première instance, c'est à raison que le premier juge a laissé les dépens à sa charge.

S'agissant de l'instance d'appel, le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3], partie succombante, supportera la charge des dépens.

La décision du premier juge de ne pas faire droit aux demandes de paiement des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmée. Le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] sera toutefois condamné à verser à [O] [P] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du Code de procédure civile,

confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint Denis de la Réunion le 22 août 2022 en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

infirme le jugement en ce qu'il a débouté le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] de ses demandes relatives aux charges de copropriété impayées et aux dommages et intérêts,

statuant à nouveau

constate la nullité de l'assignation

et y ajoutant,

condamne le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] à verser à [O] [P] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamne le syndicat de copropriétaires de la [Adresse 3] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Vincent ALDEANO-GALIMARD, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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