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Décisions

CA Lyon, 3e ch. a, 6 mars 2025, n° 19/04478

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 19/04478

6 mars 2025

N° RG 19/04478 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MOI4

Décision du

Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE

au fond du 07 juin 2019

RG : 2017008170

ch n°

La société [U] S.P.A

C/

[F]

S.A.R.L. TERDECA FRANCE

SARL TIRUÑA FRANCE

SCI CANDAN SCI

Société MIA CAPITAL SRL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 06 MARS 2025

APPELANTE :

La société [U] S.P.A

société de droit italien immatriculée au RCS de MILAN (ITALIE) sous le n° 00456660463, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, élisant domicile au Cabinet de son conseil, CAYSE Avocats, [Adresse 8]

[Adresse 5]

[Localité 10] (ITALIE)

Représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Cédric MONTFORT de la SELARL CAYSE - AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1313

INTIMES :

M. [S] [F]

né le 14 décembre 1979 à [Localité 10] (ITALIE)

[Adresse 6]

[Localité 11] (ITALIE)

S.A.R.L. TERDECA FRANCE

immatriculée au RCS de LYON sous le n° 415 216 142, représentée par ses dirigeants légaux en exercice

[Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 9]

La société MIA CAPITAL S.R.L.

société de droit italien et dont le numéro d'identification fiscale est le 08 01 72 40 964, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice

[Adresse 4]

[Localité 10] (ITALIE)

Représentées par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et par Me Xavier VAHRAMIAN de la société CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON, avocat au barreau de LYON

Plaidant à l'audience par Me GAGNE, avocat au barreau de LYON

S.A.R.L. TIRUÑA FRANCE

au capital de 300.000 euros,dont le numéro unique d'identification est le 830 625 406 RCS Bourg-en-Bresse, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 7]

[Localité 1]

S.C.I. CANDAN

au capital social de 30.000 euros, dont le numéro unique d'identification est le 830 428 066 RCS BOURG-EN-BRESSE, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentées et plaidant par Me Valentin MARTINEZ, avocat au barreau de LYON, toque : 240

******

Date de clôture de l'instruction : 15 Février 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Octobre 2024

Date de mise à disposition : 12 Décembre 2024 puis prorogé au 06 Mars 2025, les parties ayant été avisées

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Terdeca France est une filiale du groupe italien Terdeca Italia. Ces deux sociétés ont pour activité la fabrication de cylindres cannelés et de presses lisses notamment à destination de l'industrie du carton ondulé.

La société Terdeca France a été constituée le 26 janvier 1998.

Le 22 octobre 2013, la société de droit italien [U] S.p.A a cédé à la société Mia Capital S.R.L la totalité des actions détenues dans la SA Terdeca France soit 75 % du capital, pour la somme de 150 000 euros et la totalité des actions qu'elle détenait dans la société Terdeca Italie, soit 100% du capital, pour la somme de 450 000 euros.

Les 25% restants du capital de la société Terdeca France sont détenus par M. [Y].

La créance de la société [U] a été garantie personnellement par M. [S] [F], dirigeant des sociétés Mia Capital et Terdeca suite au rachat des parts sociales.

Ces cessions font l'objet d'un contentieux dont sont saisies les juridictions italiennes quant au paiement du prix.

À ce titre, la société [U] a obtenu du tribunal de commerce de Milan une ordonnance du 3 février 2016, l'autorisant à pratiquer une saisie-conservatoire sur les biens mobiliers et immobiliers détenus par la société Mia Capital à concurrence de 600 000 euros.

Le 1er mars 2016, la saisie-conservatoire des titres détenus par la société Mia Capital dans la société Terdeca France a été réalisée.

Parallèlement, la société Terdeca Italia a connu des difficultés et a été placée en procédure collective le 4 février 2016 en raison de son insolvabilité. Cette mesure a eu des conséquences sur la société Terdeca France, puisque celle-ci, qui n'emploie que trois salariés dont deux techniciens et un employé de bureaux, avait pour client exclusif la société Terdeca Italia.

Courant 2016, le commissaire aux comptes de la société Terdeca France a émis une réserve importante quant à la certification des comptes clos au 31 décembre 2015 en pointant le fait que la société Terdeca France ne disposait que d'un seul client, que son image était atteinte par les difficultés de la société italienne et qu'elle dégageait des pertes chroniques. Il indiquait également que la société Terdeca France disposait d'un bâtiment acquis en crédit-bail d'une valeur significative lui permettant en cas de vente d'obtenir des liquidités importantes, de même qu'en cas de vente de l'outil de production.

La société Terdeca France a cessé toute activité d'exploitation industrielle à compter du 27 janvier 2017.

Les deux associés de la société, M. [Y] et la société Mia Capital, ont engagé des négociations en vue de sa reprise, par différentes sociétés européennes dont la SARL Tiruña qui dispose d'une activité dans le même domaine et a de nombreux clients à l'étranger.

Après négociations et compte-tenu des conditions posées par la société Tiruña France qui ne souhaitait pas reprendre le nom Terdeca France ni poursuivre les contrats avec la société italienne, la cession a été envisagée selon les formalités suivantes en mars 2017 :

la cession du fonds de commerce pour 500 000 euros au profit de la société Tiruña France,

la cession du bien immobilier pour la somme de 600 000 euros à la SCI Candan,

soit un total de 1,1 million d'euros alors que la société [U] avait cédé ses titres au sein de la société Terdeca France pour la somme de 150 000 euros.

Pour ce faire, les 3 et 25 avril 2017, le conseil d'administration et l'assemblée générale de la société Terdeca France ont autorisé la cession du fonds de commerce ainsi que la vente de l'immeuble.

Le 28 avril 2017, la société [U] a fait valoir auprès du groupe Tiruña son opposition à la cession en arguant d'une fraude à ses droits.

Le Groupe Tiruña a conclu une promesse de cession de fonds et une promesse de vente d'immeuble le 4 mai 2017 sous conditions suspensives.

Après levée des conditions suspensives, la société Tiruña France et la SCI Candan ont procédé à la réitération des promesses avec la société Terdeca France concernant la cession du fonds de commerce et la cession du bien immobilier.

Le prix de cession du fonds de commerce est resté intégralement sous séquestre jusqu'au 17 janvier 2018, seule une opposition étant enregistrée de la part de l'expert-comptable de la société Terdeca France portant sur deux factures impayées pour la somme de 4 867,93 euros, aucune opposition n'étant formée par la société [U].

Le 11 septembre 2017, la société [U] a fait assigner devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse, sur le fondement de l'article 1341-2 du code civil les sociétés Tiruña, Terdeca France, Mia Capital et M. [F] puis a appelé en cause la SCI Candan afin de faire juger que les cessions d'actifs de la société Terdeca France avaient pour but de contourner les effets de la saisie conservatoire et de vider de leur substance les titres saisis, en fraude de ses droits.

Elle demandait que lui soient déclarées inopposables les modifications statutaires de la société Terdeca France autorisées par assemblée générale en avril 2017 ainsi que les cessions elles-mêmes.

Par jugement contradictoire du 7 juin 2019, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :

déclaré irrecevables les demandes d'inopposabilité formées par la société [U],

débouté la société [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

débouté la société Mia Capital, la société Terdeca France et M. [F] de leur demande de dommages intérêts,

condamné la société [U] à payer à la société Tiruña France une indemnité de 13 000 euros et à la SCI Candan une indemnité de 1 000 euros à titre de dommages intérêts,

condamné la société [U] à payer à la société Mia Capital, à la société Tiruña France et à M. [F] la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société [U] à payer à la société Tiruña France la somme de 4 000 euros et la somme de 2 000 euros à la SCI Candan au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société [U] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 26 juin 2019, la société [U] a interjeté appel de ce jugement, portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués, sauf, en ce qu'elle a débouté la société Mia Capital, la société Terdeca France et M. [F] de leur demande de dommages intérêts, en intimant les sociétés Mia Capital, Terdeca France, Tiruña France, SCI Candan et M. [F].

Par conclusions d'incident déposées le 19 juin 2020, la société [U] a demandé au conseiller de la mise en état de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive de la procédure pénale en cours devant le juge instruction du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse pour détournement d'objets saisis, le résultat de cette poursuite ayant une incidence directe et évidente sur l'instance civile en cours devant la cour d'appel.

Par ordonnance du 3 novembre 2020 rendue par le conseiller de la mise en état, sa demande a été rejetée.

Le 16 novembre 2020, la société [U] a déposé au greffe une requête en déféré pour obtenir qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive de l'instance pénale faisant l'objet d'une instruction pénale a Bourg-en-Bresse.

Par arrêt du 24 juin 2021, la cour d'appel de Lyon a maintenu en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 3 novembre 2020 par le conseiller de la mise en état de la 3ème chambre A de la cour d'appel de Lyon.

Par avis du 14 août 2019, le conseiller de la mise en état a proposé une médiation aux parties.

Toutefois, les sociétés Tiruña France et Candan ont refusé cette proposition.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 février 2022, la société [U] demande à la cour, au visa de l'article 1341-2 du code civil et de l'article R.524-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

infirmer le jugement rendu le 7 juin 2019 par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse sauf en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de la société Mia Capital, de la société Terdeca et de M. [F],

Et, statuant à nouveau,

déclarer recevables et biens fondés les appels, demandes, fins, moyens et conclusions de la société de droit italien [U],

rejeter les appels, demandes, fins moyens et conclusions des intimés,

rappeler que l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 novembre 2020 et l'arrêt du 24 juin 2021 ont été rendus sur des demandes de sursis à statuer, avant-dire droit, et qu'ils n'ont donc, en vertu de l'article 482 du code de procédure civile, pas d'autorité de chose jugée au principal,

En conséquence,

dire et juger que la cession des actifs de la société Terdeca France n'a pu être décidée que dans le seul but de contourner l'indisponibilité des titres de Terdeca détenus par la société Mia Capital à la suite de la saisie-conservatoire de ces titres effectuée par [U], le 1er mars 2016,

dire et juger que la modification de l'objet social de la société Terdeca d'avril 2017 a pour objet de transformer la société en holding afin de permettre la cession de ses actifs par décision unilatérale de son président directeur général, M. [F],

dire et juger que la cession des actifs de Terdeca France ainsi que le versement de la somme de 306 013 euros par Terdeca à son ou ses associé(s) personne(s) physique(s) ont pour effet de vider de leur substance les titres de Terdeca France, qui n'est plus qu'une coquille vide, en fraude des droits de [U] créancier saisissant,

dire et juger que la société Tiruña France et la SCI Candan ont sciemment acquis les actifs de la société Terdeca en connaissant le caractère frauduleux de l'opération de cession de ces actifs,

par conséquent,

déclarer inopposables, à l'égard de la société [U] les modifications statutaires de la société Terdeca, opérées lors de l'assemblée générale ordinaire et extraordinaire du 25 avril 2017 à [Localité 10] en Italie,

déclarer inopposables, à l'égard de la société [U] le versement de la somme de 306 013 euros par Terdeca à son ou ses associé(s) personne(s) physique(s),

déclarer inopposables, à l'égard de la société [U] les cessions d'actifs de la société Terdeca France, à savoir la cession par la société Terdeca France de son fonds de commerce réitérée le 28 juin 2017 ainsi que la vente par la société Terdeca, réitérée le 28 juin 2017, de son immeuble, conclues en fraude des droits du créancier garanti, la société [U],

condamner in solidum, les sociétés Mia capital, Tiruña France, la SCI Candan et M. [F] à verser 600 000 euros à la société [U] en réparation du préjudice subi en raison de leurs agissements frauduleux,

condamner in solidum les sociétés Mia Capital, Terdeca France, Tiruña France, la SCI Candan et M. [F] aux entiers dépens ainsi qu'à verser 25 000 euros à la société [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 janvier 2022 les sociétés Tiruña France et Candan demandent à la cour, de :

confirmer le jugement rendu le 7 juin 2019 par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse, en toutes ses dispositions hors article 700 du code de procédure civile, savoir en ce qu'il a :

jugé irrecevable l'action paulienne et débouté la société [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

débouté la société Mia Capital, la société Terdeca France et M. [F] de leur demande de dommages-intérêts,

condamné la société [U] à payer à la société Tiruña France une indemnité de 13 000 euros et à la SCI Candan une indemnité de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

À titre subsidiaire, si la recevabilité de l'action paulienne devait être retenue,

juger qu'il n'existe aucune fraude de la part des intimés ni complicité entre eux, partant débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Et, réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau :

condamner la société [U] à payer à la société Tiruña France une indemnité de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société [U] à payer à la SCI Candan une indemnité de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société [U] aux entiers dépens du procès.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 16 novembre 2021, les sociétés Terdeca France et Mia Capital et M. [F] demandent à la cour, au visa des articles 31, 122 et 559 du code de procédure civile, de l'article 1341-2 du code civil et de l'article 225-96 du code de commerce, de :

confirmer le jugement en ce qu'il a :

dit et jugé irrecevable, faute d'intérêt et de qualité à agir, l'action de la société [U],

En conséquence,

- débouter la société [U] de l'intégralité de ses demandes au titre des inopposabilités formées,

Réformer le jugement et statuant à nouveau à titre incident,

À titre subsidiaire sur l'absence de faute paulienne,

Si la cour de céans devait considérer que la société [U] a qualité à agir,

dire et juger qu'il n'existe aucune faute paulienne,

en conséquence,

débouter la société [U] de l'intégralité de ses demandes,

En tout état de cause sur le caractère abusif de la procédure et de l'appel,

dire et juger que la société [U] a commis un abus de droit,

En conséquence,

condamner la société [U] à verser à M. [F], la société Terdeca France et la société Mia Capital, chacun la somme de 10 000 euros au titre de la procédure abusive intentée,

condamner la société [U] à verser à M. [F], la société Terdeca France et la société Mia Capital, chacun la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 février 2022, les débats étant fixés au 10 octobre 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action paulienne

La société [U] fait valoir que :

à titre liminaire, les décisions rendues en matière de sursis à statuer sont des décisions avant-dire droit qui n'ont pas au principal autorité de la chose jugée, de sorte que les rejets de ses recours sont indifférents,

l'action paulienne ne suppose pas la démonstration d'une créance certaine, liquide et exigible,

l'action paulienne suppose la démonstration par le créancier d'un principe certain de créance au jour de l'acte critiqué,

sa créance sur la société Mia Capital et M. [F], garant, n'a pas été contestée en première instance ou devant le tribunal de Milan par ceux-ci et l'ordonnance du 3 février 2016 du tribunal de Milan ayant autorisé la saisie-conservatoire est reconnue de plein-droit en France,

la société Mia Capital et M. [F] ont fait une proposition de remboursement à la concluante via leur conseil en reconnaissant que la société Terdeca France était devenue une coquille vide,

elle disposait donc d'une créance certaine en son principe lors de la réalisation des actes de cession de fonds de commerce et d'immeuble en 2017,

la sentence arbitrale de la chambre d'arbitrage de Milan du 20 mai 2020 confirme le caractère certain, liquide et exigible de sa créance à l'égard de la société Mia Capital et de M. [F], les deux étant condamnés solidairement à lui payer la somme de 555 000 euros outre intérêts, cette sentence n'étant pas contestée,

les titres saisis ont été vidés de leur substance et de leur valeur puisque la cession du fonds de commerce et de l'immeuble de la société ont été faites au détriment des créanciers et de manière frauduleuse,

elle a fait sommation à la société Terdeca France et à M. [F] de lui communiquer les documents mentionnés en pièces jointes de l'attestation de l'expert-comptable établissant le contrôle fiscal de cette société, sans qu'il ne lui soit répondu, ce refus démontrant le caractère frauduleux de l'opération,

les actes frauduleux ont été commis par ses débiteurs directs et non par la société Terdeca France qui ne disposait d'aucune autonomie,

la convocation à l'assemblée générale du 25 avril 2017 à [Localité 10] et non à [Localité 1] afin d'écarter M. [Y], également actionnaire, permettait de dissimuler également l'irrégularité des décisions prises,

la modification de l'objet social de la société Terdeca France est irrégulière car la résolution en assemblée générale n'a pas été votée à l'unanimité, ce qui entraîne sa nullité,

la modification de l'objet social a été votée en fraude de ses droits, de sorte qu'elle peut prétendre, via l'action paulienne, à l'inopposabilité de ces décisions,

la société Tiruña France et la SCI Candan étaient informées de l'indisponibilité d'une partie des titres et du caractère frauduleux des cessions projetées, ce qui les rend complices de la fraude et lui rend les cessions inopposables,

l'action paulienne nécessite l'assignation des tiers contractants ayant agi en connaissance de cause,

l'action paulienne peut être exercée dans sa situation puisqu'il y a eu un appauvrissement frauduleux du débiteur et l'impossibilité pour le créancier de faire valoir ses droits,

les dirigeants et associés personnes physiques de la société Terdeca France se sont attribués la somme de 306 013 euros, acte qui doit être déclaré nul et encourt par ailleurs une sanction pénale,

M. [Y] n'avait pas d'intérêt à agir puisqu'il n'est pas concerné par la procédure de saisie-conservatoire, et a pu obtenir un remboursement à l'été 2017,

la cession isolée des actifs de la société Terdeca France en lieu et place d'une cession de titres était incohérente, sauf à vouloir frauder ses droits,

M. [F] a déjà mis en 'uvre une fraude à son égard, reconnue par jugement du 30 octobre 2019 du Tribunal de Milan, dans le cadre d'une cession d'immeuble.

Les sociétés Tiruña France et Candan font valoir que :

l'appelante est dépourvue d'intérêt à agir car elle souhaite faire déclarer inopposables des actes qui ont été passés par une société tierce à savoir la société Terdeca France, et non son propre débiteur la société Mia Capital, ce qui rend irrecevable l'action paulienne,

la société [U] est créancière uniquement de l'un des associés de la société Terdeca France, et non de cette dernière, et ne peut confondre les deux personnes juridiques,

la société Mia Capital a régulièrement exercé son droit de vote en assemblée générale, même dans le cas d'une saisie-conservatoire,

elles avaient connaissance de la mesure de saisie-conservatoire,

le droit de vote de la société Mia Capital a été régulièrement exercé en l'absence de désignation d'un administrateur ad'hoc ou provisoire chargé d'exercer le droit de vote à sa place,

la saisie-conservatoire d'une partie des titres n'empêche pas la cession du fonds de commerce,

M. [Y], associé minoritaire, n'a pas intenté d'action à l'encontre des décisions prises lors de l'assemblée générale et ultérieurement, alors même qu'il avait des relations conflictuelles avec la société Mia Capital,

l'appelante ne démontre pas que les fonds issus des cessions auraient été dilapidés sans quoi le contrôle fiscal mis en 'uvre l'aurait constaté et sanctionné,

il appartenait à l'appelante de diligenter des mesures plus coercitives si elle estimait la mesure de saisie-conservatoire insuffisante,

les cessions ont été recommandées par la commissaire aux comptes de la société Terdeca France et l'auditeur financier du groupe Tiruña a également recommandé le rachat des actifs et non de la société, étant indiqué qu'elles n'ont pas repris les clients, l'enseigne, la marque ou les contrats en cours,

l'opération était logique et pertinente pour la société Terdeca France sauf à ce qu'elle se déclare en état de cessation des paiements, ce qui exclut toute fraude,

l'appelante ne peut remettre en cause ou demander la nullité des décisions prises en assemblée générale car elle n'était ni associée ni titulaire du droit de vote,

la tenue de l'assemblée générale en Italie était conforme aux statuts de la société Terdeca France,

la majorité requise dans le cadre des votes, prévue aux statuts, est de 2/3, l'unanimité n'étant pas mentionnée,

les cessions du fonds de commerce et de l'immeuble sont intervenues conformément au droit en vigueur,

l'appelante ne pouvait prétendre faire opposition au prix de vente placé sous séquestre pendant 7 mois car elle n'est pas créancière du vendeur mais uniquement d'un associé,

le prix des cessions était favorable, comparé au prix de cession de 2013 de la participation de l'appelante et à l'évaluation de l'immeuble en 2010, sachant que le prix de vente des actions n'aurait pas été inférieur,

le commissaire aux comptes avait indiqué que la liquidation judiciaire de la société Terdeca France était inéluctable, ce qui augurait un risque de dissipation des actifs à un prix moindre,

elles ne sont pas complices des autres intimés et il ne peut leur être reproché, en tant qu'acquéreurs, de poursuivre un but légitime dans le respect de la loi, ce qui démontre à nouveau le caractère irrecevable de l'action paulienne, sans compter que la société [U] ne rapporte nullement la preuve de la complicité dont elle entend se prévaloir.

Les sociétés Terdeca France, Mia capital et M. [F] font valoir que :

l'appelante est créancière de la seule société Mia Capital et pour prétendre à la recevabilité de l'action paulienne, il faudrait que les actes soient du seul fait de celle-ci, et passés en fraude des droits de l'appelante et lui aient causé un préjudice,

les actes visés par l'appelante n'ont pas été passés par la société Mia Capital, de sorte que l'action de l'appelante est irrecevable,

l'appelante, à l'époque des actes querellés, n'était pas créancière de la société Terdeca France ou de M. [F], de sorte que son action est irrecevable,

la société [U] n'a jamais été actionnaire de la société Terdeca France et n'a donc pas qualité à agir pour remettre en cause les résolutions et délibérations votées en assemblée générale,

la société [U] ne peut prétendre que M. [Y] aurait été évincé de l'assemblée générale du 25 avril 2017 alors que ce dernier n'a jamais intenté d'action en annulation des décisions prises dans ce cadre, et l'appelante n'est pas titulaire des droits de M. [Y],

en tout état de cause, les décisions votées lors de l'assemblée générale du 25 avril 2017 ne requéraient pas l'unanimité mais une majorité des 2/3 conformément aux statuts,

les cessions sont intervenues entre la société Terdeca France et la société Tiruña France et la SCI Candan, la société Mia Capital n'étant pas signataire des actes de cessions, étant rappelé le principe d'autonomie des personnes morales, ce qui démontre à nouveau l'irrecevabilité de l'action de l'appelante,

en procédant à la cession de ses actifs, la société Terdeca France s'est enrichie, ce qui ne pouvait que bénéficier à ses actionnaires, dont la société Mia Capital qui détenait 75% des parts sociales, parts ayant fait l'objet de la mesure de saisie-conservatoire, ce qui exclut toute fraude,

les cessions sont le fruit des recommandations du commissaire aux comptes dans son rapport général sur l'état des comptes de la société au titre de l'exercice s'achevant au 31 décembre 2015,

l'appelante évoque la plainte qu'elle a déposée sans pour autant en indiquer les suites,

elle ne rapporte pas la preuve d'un détournement ou de la destruction des titres saisis,

la société [U] fonde son argumentaire sur des comptes 2019 de la société Terdeca France qui ne sont pas les bons, son argumentation devenant dès lors inopérante,

la société [U] ne démontre pas que les actes querellés ont eu pour conséquence de la priver de la possibilité d'exercer ses droits à l'encontre de son débiteur c'est-à-dire la société Mia Capital, les droits de cette dernière n'ayant pas perdu leur valeur mais ayant au contraire augmenté en raison de la cession.

Sur ce,

L'article 1341-2 du code civil dispose que : « Le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d'établir, s'il s'agit d'un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude. »

L'article L.225-96 du code de commerce, dans sa version applicable au litige dispose que : « L'assemblée générale extraordinaire est seule habilitée à modifier les statuts dans toutes leurs dispositions. Toute clause contraire est réputée non écrite. Elle ne peut, toutefois, augmenter les engagements des actionnaires, sous réserve des opérations résultant d'un regroupement d'actions régulièrement effectué.

Elle ne délibère valablement que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins, sur première convocation, le quart et, sur deuxième convocation, le cinquième des actions ayant le droit de vote. A défaut, la deuxième assemblée peut être prorogée à une date postérieure de deux mois au plus à celle à laquelle elle avait été convoquée. Dans les sociétés dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, les statuts peuvent prévoir des quorums plus élevés.

Elle statue à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés. »

Sur la qualité et le droit à agir de la société [U]

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Il est constant que la société [U] a cédé la totalité de ses parts au sein de la société Terdeca France, soit 75% du capital social, à la société Mia Capital et lui a également cédé la totalité du capital social de la société Terdeca Italia, laquelle ne lui a pas réglé le prix, ce qui démontre l'existence d'une créance, ou à tout le moins d'une apparence de créance au profit de l'appelante.

Il n'est pas contesté que la société [U] a obtenu la mise en 'uvre d'une mesure de saisie-conservatoire par ordonnance du 3 février 2016 du Tribunal de Milan, sur les titres détenus par la société Mia Capital dans le capital de la société Terdeca France, ce qui lui permet d'intervenir si un acte pris par la débitrice a pour effet de modifier la valeur des parts détenues, soit toute action susceptible de réduire le prix des parts sociales ou allant à l'encontre de ses droits. Il est rappelé toutefois que la mesure de saisie-conservatoire, dans ce cadre, ne porte que sur la valeur des titres et ne prive pas le propriétaire des parts sociales du droit de vote attaché à celles-ci.

En l'espèce, il est constant que la société Terdeca France, dont la société Mia Capital est actionnaire à hauteur de 75%, a procédé à la vente de son fonds de commerce au profit de la société Tiruña et à la vente de son bien immobilier à la SCI Candan, lesquels constituent des actes susceptibles de modifier le prix des parts sociales puisque la société Terdeca France, suite à ces actes de disposition, n'a plus de fonds de commerce ni de lieu où exercer son activité, tous ses actifs étant dissipés.

Les décisions de cession ont été approuvées par l'assemblée générale extraordinaire de la société Terdeca France, qui s'est tenue dans le respect des statuts constitutifs de la société, contrairement à ce que prétend l'appelante, l'assemblée générale extraordinaire n'ayant pas obligation de se tenir en France et la majorité des 2/3 étant requise pour les décisions prises dans le cadre de l'assemblée générale extraordinaire.

Durant cette assemblée, la société Mia Capital, débitrice, a fait usage de son droit de vote en connaissance de cause, étant rappelé que la saisie-conservatoire des parts sociales ne porte que sur leur valeur et n'empêche pas leur porteur de faire usage de son droit de vote. Le procès-verbal de cette assemblée générale indique que les décisions de cessions ont été prises à l'unanimité même si M. [Y], second associé, n'était pas présent physiquement.

La société Mia Capital a donc agi en ayant connaissance de la mesure de saisie, mais aussi de ce que les actes de cessions envisagés risquaient de priver la société Terdeca France de tous ses actifs, ce qui pouvait modifier la valeur de ses parts.

La société [U] dispose donc d'un droit et d'une qualité à agir compte-tenu de sa qualité de créancier de la société Mia Capital suite à la cession de titres de la société Terdeca France.

En effet, la société Mia Capital reste débitrice du prix des actions envers l'appelante, ce qui a été définitivement constaté dans la sentence arbitrale rendue par la chambre d'arbitrage de Milan le 20 mai 2020, et elle a entrepris une action qui a eu pour effet de modifier la valeur des parts sociales faisant l'objet d'une mesure conservatoire, ce qui permet au créancier d'engager une action s'il estime que l'assiette de ses droits a été diminuée pour parvenir à une insolvabilité.

S'agissant de la sentence arbitrale, elle a condamné solidairement la société Mia Capital et M. [K] à payer à l'appelante la somme de 555 000 euros.

Concernant la société Tiruña France et la SCI Candan, il est nécessaire en cas d'exercice d'une action paulienne, d'appeler en la cause l'intégralité des parties concernées par les actes de disposition mis en 'uvre, d'où leur présence à l'instance.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société [U] dispose d'un intérêt et d'une qualité à agir, la décision déférée étant dès lors infirmée sur ce point.

Sur le fond de l'action paulienne

L'action paulienne nécessite de caractériser l'existence d'une fraude du débiteur, d'une fraude du tiers en cas d'acte à caractère onéreux, l'insolvabilité du débiteur ainsi que l'appauvrissement du débiteur résultat des actes commis.

Concernant la fraude du débiteur, elle résulte de la connaissance par celui-ci du préjudice qu'il cause au créancier par l'acte litigieux en se rendant insolvable ou en augmentant son insolvabilité.

Sur ce point, la société Mia Capital avait connaissance lors de son vote à l'assemblée générale extraordinaire du 25 avril 2017, que la société [U] lui réclamait le paiement du prix des titres cédés, et que les décisions à prendre risquaient d'avoir un impact sur la créance réclamée par l'appelante, notamment quant à la valeur des titres faisant l'objet d'une mesure conservatoire.

L'assemblée générale extraordinaire a autorisé la cession du fonds de commerce de la société Terdeca France à la société Tiruña et la cession du bien immobilier à la SCI Candan.

Le changement de forme sociale de la société Terdeca France a été décidé lors d'une assemblée générale ultérieure, les procès-verbaux de l'assemblée générale du 25 avril 2017 n'en faisant pas mention dans les résolutions adoptées.

La société Mia Capital et M. [K] font valoir que les cessions qui ont eu lieu postérieurement aux résolutions prises lors de l'assemblée générale extraordinaire ont eu pour effet d'augmenter la valeur des parts de la société Terdeca France, qui si elle devenait une coquille vide, demeurait toutefois in bonis puisque les cessions d'actifs avaient empêché son placement en liquidation judiciaire.

Il est constant que, par assemblée générale extraordinaire du 30 novembre 2017, l'objet social de la société Terdeca France a été modifié, cette dernière société n'exerçant plus une activité industrielle mais devenant une société holding ayant pour objet la prise de participations dans différentes sociétés de type civil ou commercial. Il est précisé au procès-verbal d'assemblée générale que les parts de la société Mia Capital sont toujours grevées d'une mesure de saisie-conservatoire.

Au terme des cessions, la société Terdeca France s'est retrouvée en possession de la somme de 1,1 millions d'euros, ce qui permettait d'envisager le paiement des sommes dues à l'appelante mais aussi une poursuite d'activité ou une dissolution amiable.

Or, le bilan de cette société au titre de l'année 2019 démontre qu'elle présente un résultat négatif mais aussi que sur l'année, la somme de 306 013 euros a été accordée à titre de prêts à des tiers ou associés.

L'attestation de l'expert-comptable de la société Terdeca France, rédigée à la fin de l'année 2019, indique que cette société présente depuis 2018 un résultat négatif.

S'il peut être déduit de ces éléments que la valeur des parts sociales détenues par la société Mia Capital a diminué en raison des résultats de la société Terdeca France à la fin de l'année 2019, l'appelante ne démontre pas que cette société est insolvable puisque cette dernière société dispose de fonds ce qui permet encore une valorisation des parts détenues par ses associés.

La société [U], qui bénéficiait d'une saisie-conservatoire sur les parts de la société Mia Capital au sein de la société Terdeca France, soit 75% du capital, n'a pas, après les cessions qui ont apporté une somme conséquente à la société Terdeca France, mis en oeuvre de mesures permettant le recouvrement des sommes qui lui étaient dues, sachant qu'elle avait cédé ses parts au sein de Terdeca France pour la somme de 150 000 euros.

Elle ne démontre notamment pas avoir mis en oeuvre des mesures d'exécution forcée sur les parts sociales saisies à titre conservatoire, après l'obtention d'un titre exécutoire en mai 2020.

Par ailleurs, l'appelante qui sollicite l'inopposabilité du prêt consenti pour la somme de 306.013 euros ne verse aux débats aucune pièce démontrant qu'il s'agit d'un prêt ou d'une libéralité consentie à des tiers, n'indique pas la date de cette opération et oublie la présence en trésorerie de la somme de 200.000 euros propre à la désintéresser au regard des sommes dues dans le cadre de la cession de ses parts au sein de la société Terdeca France, ce qui ne permet pas de qualifier une insolvabilité de la société Mia Capital au motif que la valeur de ses actions serait nulle.

Au regard de ces éléments, la demande d'inopposabilité des résolutions prises par l'assemblée générale extraordinaire du 25 avril 2017 ne peut qu'être rejetée puisque le choix de vendre les actifs a enrichi le débiteur, et il convient également de rejeter la demande d'inopposabilité concernant le prêt de la somme de 306.013 euros puisque la société Terdeca France était encore solvable après celui-ci, ce qui permettait de dégager une valeur positive des parts sociales appartenant à la société Mia Capital, dont l'insolvabilité n'est pas caractérisée.

Enfin, la demande d'inopposabilité portant sur le changement de forme sociale de la société Terdeca France est également rejetée puisqu'il n'en est résulté aucune insolvabilité de la société Mia Capital.

Le texte susvisé régissant l'action paulienne exige en cas d'acte à titre onéreux que l'acquéreur ou le bénéficiaire de l'acte ait connaissance du caractère frauduleux de la cession à laquelle il est partie.

Or, en l'espèce, d'une part, les actes de cession dont l'appelante sollicite l'inopposabilité n'ont pas été conclus par sa débitrice, la société Mia Capital, et, d'autre part, aucun des éléments du dossier n'établit que la société Tiruña France et la SCI Candan ont acquis les actifs de la société Terdeca en ayant connaissance du caractère frauduleux de l'opération de cession de ces actifs.

La société [U] sera ainsi déboutée de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposables les cessions d'actifs de la société Terdeca France, à savoir la cession par la société Terdeca France de son fonds de commerce réitérée le 28 juin 2017 ainsi que la vente par la société Terdeca, réitérée le 28 juin 2017, de son immeuble.

Sur la demande indemnitaire de l'appelante

La société [U] fait valoir que :

la valeur des parts sociales d'une société ne se limitent pas à sa trésorerie, mais dépend de la valeur du fonds de commerce et de l'aptitude à générer des résultats positifs, que la société Terdeca n'a plus ; les parts sociales ont donc perdu la majorité de leur valeur,

le mail du conseil de la société Mia Capital du 12 juillet 2017 confirme cette dissipation de valeur ; de 1.100.000 d'euros perçus en juillet 2017 il ne restait plus que 250.000 euros de trésorerie,

les intimés ont fait preuve de mauvaise foi,

les intimés ont activement participé à l'opération frauduleuse ; ils doivent être condamnés in solidum au paiement de 600.000 euros de dommages et intérêts.

Les sociétés Tiruña France et Candan font valoir que :

l'appelante ne justifie pas du montant de sa demande de condamnation qui a été portée de 150 000 euros en cours de procédure à 600 000 euros,

la demande de condamnation à des dommages et intérêts ne saurait se cumuler avec l'action paulienne.

Les sociétés Terdeca France et Mia capital et M. [F] font valoir que :

l'appelante n'a subi en tout état de cause aucun préjudice en conséquence des actes des sociétés Terdeca France, Tiruña France et Candan, de sorte que son action est irrecevable,

par la cession de ses actifs pour un total de 1.100.000 euros, la société Terdeca s'est enrichie et, par voie de conséquence, la société Mia Capital s'est enrichie ; il n'y a eu aucune fraude,

les droits d'associés détenus par la société Mia Capital dans la société Terdeca France n'ont pas été cédés et n'ont pas perdu de valeur, de sorte que l'action paulienne est irrecevable,

le montant sollicité est exorbitant,

l'appelante ne justifie pas dans ses conclusions du montant sollicité.

Sur ce,

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La société [U] échouant en ses prétentions, elle ne peut prétendre à obtenir des dommages-intérêts puisqu'elle n'a pas qualifié de faute particulière à l'encontre des sociétés intimées, l'action paulienne n'ayant pas abouti.

Au surplus, l'appelante ne caractérise pas le préjudice qu'elle indique avoir subi, faisant uniquement état de différentes sommes dans ses écritures sans pour autant fournir d'éléments comptables à l'appui du montant sollicité qui est même supérieur à la somme qui lui est due suite à la sentence arbitrale rendue en 2020.

La société [U] n'indique pas non plus la nature du préjudice dont elle entend obtenir l'indemnisation, ne précisant pas s'il s'agit d'un préjudice matériel ou moral.

En conséquence, la demande d'indemnisation présentée sera rejetée.

Sur la demande d'indemnisation pour procédure abusive formée par la société Tiruña France, la SCI Canda, la société Terdeca France, la société Mia Capital et M. [F]

Les sociétés Tiruña France et Candan font valoir que :

l'action de l'appelante est manifestement dépourvue de tout sérieux,

cette action procède d'une intention de nuire en instrumentalisant la présente procédure pour les besoins de son contentieux avec la société Mia Capital et M. [F], alors que l'entreprise a ainsi été sauvée du dépôt de bilan,

l'appelante qui a fait dégénérer son droit d'ester en justice en abus engage sa responsabilité,

l'appelante réitère et alourdit cet abus par son appel,

l'appelante perturbe ainsi sciemment le développement commercial de la société Tiruña France ; ce trouble commercial est un préjudice évalué à 10 000 euros ; les deux assignations ont été signifiées à ses salariés, perturbant leur travail,

en outre, la société Tiruña France subi un préjudice évalué à 3 000 euros découlant des démarches et travaux en vue du litige, pour des dirigeants étrangers, résidant à l'étranger et ne maîtrisant pas le français,

de même, la société Candan subi un préjudice de 1 000 euros découlant des démarches vaines et débours inutiles.

Les sociétés Terdeca France et Mia capital et M. [F] font valoir que :

pour pallier sa propre carence à faire valoir ses droits, l'appelante a tenté de se prévaloir de la qualité de créancier qu'elle n'a pas contre la société Terdeca France,

l'appelante sollicite de surcroît un montant exorbitant sans en justifier,

l'appelante a abusivement et de façon dilatoire formé appel alors qu'elle sait ne pas avoir qualité à agir, faisant preuve d'une légèreté blâmable,

l'appelante doit être condamnée à verser aux concluants la somme de 10 000 euros chacun.

La société [U] conclut au rejet de la demande de dommages-intérêts formée par les sociétés Tiruña France et Candan et à la confirmation du jugement qui a débouté les sociétés Terdeca France et Mia capital et M. [F] de leurs demandes indemnitaires à ce titre.

Sur ce,

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Si la présence de la société Tiruña France et de la SCI Candan à l'instance était rendue impérative par la nature de l'action paulienne engagée et des décisions contestées, la société appelante ne disposait toutefois d'aucun élément permettant de démontrer leur complicité dans la fraude alléguée. Elle a donc agi fautivement à leur encontre.

Il est donc nécessaire de leur octroyer des dommages-intérêts en raison du préjudice subi, distinct des frais engagés au titre de la procédure, notamment au titre de la désorganisation au sein des entreprises en raison de la remise en cause des cessions.

Il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a accordé à la société Tiruña la somme de 13.000 euros à titre de dommages-intérêts et en ce qu'elle a accordé à la SCI Candan la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts.

La société Mia Capital, la société Terdeca France et M. [U], ne démontrent pas avoir subi un préjudice particulier en raison de l'instance engagée par la société [U], et ne démontrent pas un abus d'ester à leur encontre.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Terdeca France et Mia capital et M. [F] de leurs demandes de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

La société [U] échouant en ses prétentions, elle sera condamnée à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande d'accorder à la société Tiruña France et à la SCI Candan une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [U] est condamnée à payer à la société Tiruña France la somme de 5 000 euros à ce titre et est condamnée à payer à la SCI Candan la somme de 5 000 euros sur ce même fondement.

L'équité ne commande pas d'accorder à la société Terdeca France, la société Mia Capital et M. [U] une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elles sont donc déboutées des demandes présentées à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :

- débouté les sociétés Terdeca France et Mia capital et M. [F] de leurs demandes de dommages-intérêts,

- alloué des dommages-intérêts à la société Tiruña France et à la SCI Candan,

- condamné la société [U] à supporter les dépens de première instance et à payer des indemnités de procédure à la société Tiruña France et à la SCI Candan,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société [U] S.p.A recevable en son action,

Déboute la société [U] S.p.A de l'intégralité de ses demandes,

Condamne la société [U] S.p.A à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,

Condamne la société [U] S.p.A à payer à la société Tiruña France la somme de 5.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [U] S.p.A à payer à la SCI Candan la somme de 5.000 euros à titre d'indemnisati­on sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SA Terdeca France, la société Mia Capital SRL et M. [S] [F] de leurs demandes d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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