CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 6 mars 2025, n° 24/04993
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 06 MARS 2025
N°2025/090
Rôle N° RG 24/04993 N° Portalis DBVB-V-B7I-BM4ZW
S.A.R.L. AGENCE DV AUTOS
C/
S.A.R.L. AGCM
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Farouk MILOUDI
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de GRASSE en date du 27 Mars 2024 enregistré au répertoire général sous le n° 22/03496.
APPELANTE
S.A.R.L. AGENCE DV AUTOS
immatriculée au RCS de GRASSE sous le n° 438 767 469
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
représentée et assistée par Me Farouk MILOUDI de la SELARL GHM AVOCATS, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE
S.A.R.L. AGCM
immatriculée au RCS de NICE sous le n° 502 679 491
siège social [Adresse 3]
prise en la personne de son liquidateur amiable M. [S] [L] domicilié [Adresse 1]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Alexia CASTROVINCI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller.
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale POCHIC, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Madame Joëlle TORMOS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2025.
Signé par Madame Pascale POCHIC, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
Faits, procédure, prétentions :
Un jugement exécutoire par provision du 13 septembre 2021 du tribunal de commerce de Grasse:
- condamnait la Sarl Agence DV Autos au remboursement à la Sarl AGCM de la somme de 59 990€ TTC,
- ordonnait la restitution du véhicule en l'état à la Sarl Agence DV Autos,
- condamnait la Sarl Agence DV Autos à payer à la Sarl AGCM la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Le 5 octobre 2021, le jugement précité était signifié à la Sarl Agence DV Autos avec commandement de payer la somme de 62 022,09 € aux fins de saisie-vente.
La Sarl Agence DV Autos en formait appel et par ordonnance de référé du 31 janvier 2022, le premier président de la présente cour :
- déclarait irrecevable la demande de la société Agence DV Autos d'arrêt d'exécution provisoire de l'obligation de restitution du véhicule,
- déboutait pour le surplus la Sarl Agence DV Autos de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire,
- condamnait la Sarl Agence DV Autos à payer la somme de 2 500 € à la Sarl AGCM, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, monsieur [L], en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Un jugement du juge de l'exécution de Grasse du 1er juillet 2022 :
- rejetait les demandes de nullité de l'assignation et de la signification du jugement du13 septembre 2021,
- fixait une astreinte de 5 000 € à l'égard de la Sarl Agence DV Autos pour chaque refus de restitution du véhicule Audi Q7, quinze jours après la notification ou la signification du jugement,
- condamnait la société AGCM à payer à la société Agence DV Auto une somme de 1000 € de dommages et intérêts et une indemnité de 1 500 € pour frais irrépétibles.
Un arrêt du 8 juin 2023 de la présente cour infirmait le jugement précité et statuant à nouveau annulait la signification du 5 octobre 2021 du jugement du 13 septembre 2021 et celle du 21 octobre 2021 de l'assignation à comparaître devant le juge de l'exécution.
Le 24 mai 2022, la Sarl AGCM faisait délivrer à la Caisse de Crédit Agricole Provence Côte d'Azur, une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte de la Sarl Agence DV Autos aux fins de paiement de la somme de 67 315,63 €. Elle était dénoncée le 30 mai 2022 à la Sarl Agence DV Autos, laquelle y acquiesçait par acte du 1er juin suivant.
Le 24 mai 2022, la Sarl AGCM faisait délivrer à la Société Marseillaise de Crédit une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte de la Sarl Agence DV Autos aux fins de paiement de la somme de 67 315,63 €. La saisie, fructueuse à hauteur de 13 915,17 €, était dénoncée le 30 mai 2022 à la Sarl Agence DV Autos, laquelle y acquiesçait par acte du 1er juin suivant.
Le 30 juin 2022, la Sarl Agence DV Autos faisait assigner la Sarl AGCM devant le juge de l'exécution de Grasse aux fins de nullité et de mainlevée des deux saisies-attribution précitées.
Un jugement du 27 mars 2024 du juge de l'exécution précité :
- déclarait irrecevable la contestation des deux saisies-attribution du 24 mai 2022,
- assortissait l'obligation de la société AGCM de restituer le certificat d'immatriculation du véhicule Audi Q7 immatriculé [Immatriculation 4], ordonnée par jugement du 13 septembre 2021, d'une astreinte provisoire de 50 €,
- déboutait la société AGCM de sa demande de dommages et intérêts,
- disait n'y avoir lieu à amende civile et à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- disait que chaque partie conservera la charge des dépens de la procédure qu'elle a exposés.
Le jugement précité était notifié à la Sarl Agence DV Autos par lettre recommandée dont l'accusé de réception était signé le 4 avril 2024. Par déclaration du 17 avril 2024 au greffe de la cour, la société Agence DV Autos formait appel du jugement précité.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 5 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Agence DV Autos demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré et partant, déclarer l'action recevable,
- prononcer la nullité de la signification du 5 octobre 2021 et la nullité des saisies du 24 mai 2022,
- ordonner la mainlevée des deux saisies-attribution du 24 mai 2022,
- en tout état de cause, condamner la société AGCM au paiement d'une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle fonde sa demande de nullité des saisies-attribution sur l'article L 237-21 du code de commerce, disposition d'ordre public qui limite la durée du mandat du liquidateur amiable à 3 ans, soit jusqu'au 28 août 2021. Elle en conclut que les saisies du 24 mai 2022 sont nulles pour défaut de capacité d'ester en justice sur le fondement de l'article 117 du code de procédure civile.
Elle soutient que la prorogation de l'immatriculation de la société liquidée est sans incidence sur l'appréciation de la qualité pour représenter en justice la société et faire délivrer les deux saisies du 24 mai 2022. Si l'assemblée générale du 31 août 2021 a prorogé les missions du liquidateur, elle n'a été publiée que le 10 octobre 2023 et n'est donc opposable aux tiers qu'à compter de cette date là, soit postérieurement aux saisies contestées.
Elle invoque en outre l'absence de notification du jugement en application des articles 502 et 503 du code de procédure civile au motif que la signification délivrée le 5 octobre 2021 alors que le mandat du liquidateur, monsieur [L], a expiré le 28 août 2021, est entachée de nullité. Par voie de conséquence, la mainlevée des deux saisies doit être ordonnée.
Elle soutient que sa contestation est recevable au motif que l'acte d'acquiescement a été délivrée par une personne dépourvue de capacité juridique.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 1er juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société AGCM demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable les contestations,
- faisant droit à son appel incident, réformer le jugement déféré en ce qu'il a assorti l'obligation de remise du certificat d'immatriculation d'une astreinte de 50 € par jour de retard et débouter la société Agence DV Auto de sa demande,
- condamner la société Agence DV Auto au paiement d'une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles et aux dépens distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj.
Elle invoque l'irrecevabilité de la contestation sur le fondement de l'article R 211-6 du code des procédures civiles d'exécution au motif que la débitrice a acquiescé aux deux saisies-attribution dans le délai de la contestation. Elle doit donc être considérée comme ayant renoncé à la contestation et n'est plus recevable à saisir le juge de l'exécution d'une demande de mainlevée. Le liquidateur amiable de la société créancière n'est pas concerné par l'acte d'acquiescement signé par le représentant légal de la société Agence DV Auto et qui doit donc produire tous ses effets, et ceci d'autant plus en l'absence de demande de nullité.
Elle fonde son appel incident sur le fait qu'elle n'a jamais commandé le certificat d'immatriculation litigieux dès lors qu'un certificat provisoire lui a été remis lors de la vente et qu'un second certificat a été demandé par l'appelante pendant l'été 2020 alors que la décision au fond était en délibéré. Ainsi, le certificat a été demandé par la société Agence DV Auto sans mandat, ni autorisation de sa part, laquelle n'a pas répondu à ses démarches amiables. Elle a été contrainte de recourir à un mandataire spécialisé et a obtenu la communication du certificat par lettre recommandée du 1er juillet 2024.
En outre, elle considère que le premier juge a modifié le titre exécutoire en ajoutant une obligation supplémentaire alors qu'elle doit être considérée comme n'ayant jamais été propriétaire du véhicule et peut donc être considérée comme redevable d'un certificat d'immatriculation soumis à la réalisation de diligences non prévues.
L'instruction de la procédure était close par ordonnance du 7 janvier 2025.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
- Sur la recevabilité des demandes de nullité et mainlevée des deux saisies-attribution du 24 mai 2022,
L'article R 211-6 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le tiers saisi procède au paiement sur la présentation d'un certificat délivré par le greffe ou établi par l'huissier de justice qui a procédé à la saisie attestant qu'aucune contestation n'a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie.
Le paiement peut intervenir avant l'expiration de ce délai si le débiteur a déclaré ne pas contester la saisie. Cette déclaration est constatée par écrit.
L'article R 211-3 du code précité dispose notamment que l'acte portant dénonce de la saisie rappelle au débiteur qu'il peut autoriser par écrit le créancier à se faire remettre sans délai par le tiers saisi les sommes qui lui sont dues.
L'article 408 du code de procédure civile dispose que l'acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action. Il n'est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition.
L'article 410 du code précité dispose que l'acquiescement peut être exprès ou implicite.
L'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n'est pas permis.
Le droit positif considère que l'autorisation de payer prévue par l'article R 211-6 précité, laquelle peut prendre la forme d'un acte d'acquiescement, est un acte juridique unilatéral qui ne peut être privé d'effet que si elle encourt la nullité (Civ 2ème 3 mars 2022 n°20-20.890). L'autorisation précitée emporte renonciation du débiteur à contester le paiement des causes de la saisie du créancier.
En l'espèce, la société AGCM produit deux actes du 1er juin 2022 intitulés ' acquiescement à saisie-attribution' aux termes desquels la société Agence DV Autos :
- reconnaît avoir pris connaissance des saisies-attribution pratiquées le 24 mai 2022 par la société AGCM entre les mains respectives du Crédit Agricole et de la Société Marseillaise de Crédit, en vertu du jugement du tribunal de commerce et de l'ordonnance du premier président, susvisés,
- déclare, conformément aux dispositions de l'article R 211-6 du code des procédures civiles d'exécution, alinéa 2, ne pas contester ces saisies-attribution et y acquiescer.
Ces deux actes sont signés par la société Agence DV Autos après la mention manuscrite suivante: ' Bon pour acquiescement de la saisie-attribution' et constituent la déclaration écrite visée par l'article R 211-6 précité.
Ainsi, ces deux actes signés le 1er juin 2022, soit dans le délai de contestation d'un mois, portent la mention ' Je déclare ne pas contester cette mesure et y acquiescer'.
Aucune mention du dispositif des conclusions d'appel de la société Agence DV Autos ne saisit la cour d'une demande de nullité des deux actes d'acquiescement. De plus, aucune mention des motifs de ses écritures ne fait état d'un quelconque vice (erreur, dol ou violence) à l'origine de son consentement.
Par contre, l'appelante, informée des deux saisies par l'effet de leur dénonce portant mention de la possibilité de les contester devant le juge de l'exécution, a autorisé, en toute connaissance de cause, le tiers saisi à procéder au paiement au créancier de la créance saisie.
Ainsi, l'autorisation de payer délivrée par la société Agence DVAuto doit produire ses effets dès lors qu'elle emporte renonciation de cette dernière à contester le paiement des causes de la saisie au créancier.
L'appelante n'est donc plus recevable à contester les saisies du 24 mai 2022 et à invoquer un quelconque motif d'irrégularité notamment relatif au prétendu défaut de représentation légale du créancier saisissant. Dès lors, il n'appartient pas au juge de l'exécution comme à la cour d'examiner le bien fondé de sa contestation.
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la contestation des deux saisies-attribution du 24 mai 2022.
- Sur la demande de fixation d'une astreinte,
L'article L 131-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.
En application des dispositions de l'article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut, ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.
En l'espèce, le jugement du 13 septembre 2021 prononce notamment les mesures suivantes :
- l'éviction totale de la Sarl AGCM,
- condamne la Sarl Agence Auto DV au remboursement du prix d'achat à la Sarl AGCM, soit la somme de 59 990 € ttc,
- ordonne la restitution du véhicule en l'état à la Sarl Agence DV Auto,
- déboute la Sarl AGCM de ses demandes de paiement au titre d'une astreinte,
- condamne la Sarl Agence DV Autos au paiement d'une indemnité de 1 500 € pour frais irrépétibles et aux dépens liquidés à 63,36 € sans préjudice des autres frais auxquels elle est également condamnée, au titre de l'article 696 CPC.
L'exposé des demandes mentionne que le tribunal était saisi d'une demande de la société AGCM aux fins d'ordonner à la société Agence DV Autos à lui remettre, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, le certificat d'immatriculation définitif du véhicule Audi Q7.
Les motifs du jugement mentionnent que ' la résolution de la vente enlèvera tout fondement à une demande de paiement d'astreinte en attente de l'obtention du certificat d'immatriculation définitive. Le tribunal déboutera la Sarl AGCM de sa demande à ce titre'.
Ainsi, la demande de fixation d'une astreinte était rejetée pour un motif juridique lié au caractère rétroactif de la résolution de la vente. Si le bien fondé de ce motif pose question, la cour ne dispose pas d'un pouvoir de réformation et seule la cour statuant au fond dispose du pouvoir de réformer le jugement du 13 septembre 2011 sur le rejet de la demande de condamnation sous astreinte de la société Agence DV Auto à restituer le certificat d'immatriculation du véhicule.
Ainsi, les termes du jugement du 13 septembre 2021 s'imposent au juge de l'exécution qui ne peut modifier son dispositif et y ajouter une obligation, rejetée par le juge du fond, à la charge de la société Agence DV Auto de restituer le certificat d'immatriculation du véhicule Audi Q7 et l'assortir d'une astreinte.
Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé sur ce point et il sera dit n'y avoir lieu à assortir d'une astreinte la restitution du certificat d'immatriculation du véhicule.
- Sur les demandes accessoires,
La société Agence DV Autos qui succombe pour l'essentiel supportera les dépens d'appel.
L'équité commande d'allouer à la société AGCM une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré sauf sur le prononcé d'une astreinte provisoire de 50 €,
STATUANT à nouveau du chef infirmé,
DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte provisoire afférente à la restitution du certificat d'immatriculation du véhicule Audi Q7 immatriculé [Immatriculation 4],
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Agence DV Autos au paiement d'une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
LAISSE les dépens d'appel à la charge de la Sarl Agence DV Autos avec distraction de ceux dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision au profit de la SCP Cohen-Guedj-Montero-Daval-Guedj, avocats.
LA GREFFIÈRE P/LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 06 MARS 2025
N°2025/090
Rôle N° RG 24/04993 N° Portalis DBVB-V-B7I-BM4ZW
S.A.R.L. AGENCE DV AUTOS
C/
S.A.R.L. AGCM
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Farouk MILOUDI
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de GRASSE en date du 27 Mars 2024 enregistré au répertoire général sous le n° 22/03496.
APPELANTE
S.A.R.L. AGENCE DV AUTOS
immatriculée au RCS de GRASSE sous le n° 438 767 469
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
représentée et assistée par Me Farouk MILOUDI de la SELARL GHM AVOCATS, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE
S.A.R.L. AGCM
immatriculée au RCS de NICE sous le n° 502 679 491
siège social [Adresse 3]
prise en la personne de son liquidateur amiable M. [S] [L] domicilié [Adresse 1]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Alexia CASTROVINCI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller.
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale POCHIC, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Madame Joëlle TORMOS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2025.
Signé par Madame Pascale POCHIC, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Faits, procédure, prétentions :
Un jugement exécutoire par provision du 13 septembre 2021 du tribunal de commerce de Grasse:
- condamnait la Sarl Agence DV Autos au remboursement à la Sarl AGCM de la somme de 59 990€ TTC,
- ordonnait la restitution du véhicule en l'état à la Sarl Agence DV Autos,
- condamnait la Sarl Agence DV Autos à payer à la Sarl AGCM la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Le 5 octobre 2021, le jugement précité était signifié à la Sarl Agence DV Autos avec commandement de payer la somme de 62 022,09 € aux fins de saisie-vente.
La Sarl Agence DV Autos en formait appel et par ordonnance de référé du 31 janvier 2022, le premier président de la présente cour :
- déclarait irrecevable la demande de la société Agence DV Autos d'arrêt d'exécution provisoire de l'obligation de restitution du véhicule,
- déboutait pour le surplus la Sarl Agence DV Autos de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire,
- condamnait la Sarl Agence DV Autos à payer la somme de 2 500 € à la Sarl AGCM, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, monsieur [L], en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Un jugement du juge de l'exécution de Grasse du 1er juillet 2022 :
- rejetait les demandes de nullité de l'assignation et de la signification du jugement du13 septembre 2021,
- fixait une astreinte de 5 000 € à l'égard de la Sarl Agence DV Autos pour chaque refus de restitution du véhicule Audi Q7, quinze jours après la notification ou la signification du jugement,
- condamnait la société AGCM à payer à la société Agence DV Auto une somme de 1000 € de dommages et intérêts et une indemnité de 1 500 € pour frais irrépétibles.
Un arrêt du 8 juin 2023 de la présente cour infirmait le jugement précité et statuant à nouveau annulait la signification du 5 octobre 2021 du jugement du 13 septembre 2021 et celle du 21 octobre 2021 de l'assignation à comparaître devant le juge de l'exécution.
Le 24 mai 2022, la Sarl AGCM faisait délivrer à la Caisse de Crédit Agricole Provence Côte d'Azur, une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte de la Sarl Agence DV Autos aux fins de paiement de la somme de 67 315,63 €. Elle était dénoncée le 30 mai 2022 à la Sarl Agence DV Autos, laquelle y acquiesçait par acte du 1er juin suivant.
Le 24 mai 2022, la Sarl AGCM faisait délivrer à la Société Marseillaise de Crédit une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte de la Sarl Agence DV Autos aux fins de paiement de la somme de 67 315,63 €. La saisie, fructueuse à hauteur de 13 915,17 €, était dénoncée le 30 mai 2022 à la Sarl Agence DV Autos, laquelle y acquiesçait par acte du 1er juin suivant.
Le 30 juin 2022, la Sarl Agence DV Autos faisait assigner la Sarl AGCM devant le juge de l'exécution de Grasse aux fins de nullité et de mainlevée des deux saisies-attribution précitées.
Un jugement du 27 mars 2024 du juge de l'exécution précité :
- déclarait irrecevable la contestation des deux saisies-attribution du 24 mai 2022,
- assortissait l'obligation de la société AGCM de restituer le certificat d'immatriculation du véhicule Audi Q7 immatriculé [Immatriculation 4], ordonnée par jugement du 13 septembre 2021, d'une astreinte provisoire de 50 €,
- déboutait la société AGCM de sa demande de dommages et intérêts,
- disait n'y avoir lieu à amende civile et à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- disait que chaque partie conservera la charge des dépens de la procédure qu'elle a exposés.
Le jugement précité était notifié à la Sarl Agence DV Autos par lettre recommandée dont l'accusé de réception était signé le 4 avril 2024. Par déclaration du 17 avril 2024 au greffe de la cour, la société Agence DV Autos formait appel du jugement précité.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 5 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Agence DV Autos demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré et partant, déclarer l'action recevable,
- prononcer la nullité de la signification du 5 octobre 2021 et la nullité des saisies du 24 mai 2022,
- ordonner la mainlevée des deux saisies-attribution du 24 mai 2022,
- en tout état de cause, condamner la société AGCM au paiement d'une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle fonde sa demande de nullité des saisies-attribution sur l'article L 237-21 du code de commerce, disposition d'ordre public qui limite la durée du mandat du liquidateur amiable à 3 ans, soit jusqu'au 28 août 2021. Elle en conclut que les saisies du 24 mai 2022 sont nulles pour défaut de capacité d'ester en justice sur le fondement de l'article 117 du code de procédure civile.
Elle soutient que la prorogation de l'immatriculation de la société liquidée est sans incidence sur l'appréciation de la qualité pour représenter en justice la société et faire délivrer les deux saisies du 24 mai 2022. Si l'assemblée générale du 31 août 2021 a prorogé les missions du liquidateur, elle n'a été publiée que le 10 octobre 2023 et n'est donc opposable aux tiers qu'à compter de cette date là, soit postérieurement aux saisies contestées.
Elle invoque en outre l'absence de notification du jugement en application des articles 502 et 503 du code de procédure civile au motif que la signification délivrée le 5 octobre 2021 alors que le mandat du liquidateur, monsieur [L], a expiré le 28 août 2021, est entachée de nullité. Par voie de conséquence, la mainlevée des deux saisies doit être ordonnée.
Elle soutient que sa contestation est recevable au motif que l'acte d'acquiescement a été délivrée par une personne dépourvue de capacité juridique.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 1er juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société AGCM demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable les contestations,
- faisant droit à son appel incident, réformer le jugement déféré en ce qu'il a assorti l'obligation de remise du certificat d'immatriculation d'une astreinte de 50 € par jour de retard et débouter la société Agence DV Auto de sa demande,
- condamner la société Agence DV Auto au paiement d'une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles et aux dépens distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj.
Elle invoque l'irrecevabilité de la contestation sur le fondement de l'article R 211-6 du code des procédures civiles d'exécution au motif que la débitrice a acquiescé aux deux saisies-attribution dans le délai de la contestation. Elle doit donc être considérée comme ayant renoncé à la contestation et n'est plus recevable à saisir le juge de l'exécution d'une demande de mainlevée. Le liquidateur amiable de la société créancière n'est pas concerné par l'acte d'acquiescement signé par le représentant légal de la société Agence DV Auto et qui doit donc produire tous ses effets, et ceci d'autant plus en l'absence de demande de nullité.
Elle fonde son appel incident sur le fait qu'elle n'a jamais commandé le certificat d'immatriculation litigieux dès lors qu'un certificat provisoire lui a été remis lors de la vente et qu'un second certificat a été demandé par l'appelante pendant l'été 2020 alors que la décision au fond était en délibéré. Ainsi, le certificat a été demandé par la société Agence DV Auto sans mandat, ni autorisation de sa part, laquelle n'a pas répondu à ses démarches amiables. Elle a été contrainte de recourir à un mandataire spécialisé et a obtenu la communication du certificat par lettre recommandée du 1er juillet 2024.
En outre, elle considère que le premier juge a modifié le titre exécutoire en ajoutant une obligation supplémentaire alors qu'elle doit être considérée comme n'ayant jamais été propriétaire du véhicule et peut donc être considérée comme redevable d'un certificat d'immatriculation soumis à la réalisation de diligences non prévues.
L'instruction de la procédure était close par ordonnance du 7 janvier 2025.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
- Sur la recevabilité des demandes de nullité et mainlevée des deux saisies-attribution du 24 mai 2022,
L'article R 211-6 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le tiers saisi procède au paiement sur la présentation d'un certificat délivré par le greffe ou établi par l'huissier de justice qui a procédé à la saisie attestant qu'aucune contestation n'a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie.
Le paiement peut intervenir avant l'expiration de ce délai si le débiteur a déclaré ne pas contester la saisie. Cette déclaration est constatée par écrit.
L'article R 211-3 du code précité dispose notamment que l'acte portant dénonce de la saisie rappelle au débiteur qu'il peut autoriser par écrit le créancier à se faire remettre sans délai par le tiers saisi les sommes qui lui sont dues.
L'article 408 du code de procédure civile dispose que l'acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action. Il n'est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition.
L'article 410 du code précité dispose que l'acquiescement peut être exprès ou implicite.
L'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n'est pas permis.
Le droit positif considère que l'autorisation de payer prévue par l'article R 211-6 précité, laquelle peut prendre la forme d'un acte d'acquiescement, est un acte juridique unilatéral qui ne peut être privé d'effet que si elle encourt la nullité (Civ 2ème 3 mars 2022 n°20-20.890). L'autorisation précitée emporte renonciation du débiteur à contester le paiement des causes de la saisie du créancier.
En l'espèce, la société AGCM produit deux actes du 1er juin 2022 intitulés ' acquiescement à saisie-attribution' aux termes desquels la société Agence DV Autos :
- reconnaît avoir pris connaissance des saisies-attribution pratiquées le 24 mai 2022 par la société AGCM entre les mains respectives du Crédit Agricole et de la Société Marseillaise de Crédit, en vertu du jugement du tribunal de commerce et de l'ordonnance du premier président, susvisés,
- déclare, conformément aux dispositions de l'article R 211-6 du code des procédures civiles d'exécution, alinéa 2, ne pas contester ces saisies-attribution et y acquiescer.
Ces deux actes sont signés par la société Agence DV Autos après la mention manuscrite suivante: ' Bon pour acquiescement de la saisie-attribution' et constituent la déclaration écrite visée par l'article R 211-6 précité.
Ainsi, ces deux actes signés le 1er juin 2022, soit dans le délai de contestation d'un mois, portent la mention ' Je déclare ne pas contester cette mesure et y acquiescer'.
Aucune mention du dispositif des conclusions d'appel de la société Agence DV Autos ne saisit la cour d'une demande de nullité des deux actes d'acquiescement. De plus, aucune mention des motifs de ses écritures ne fait état d'un quelconque vice (erreur, dol ou violence) à l'origine de son consentement.
Par contre, l'appelante, informée des deux saisies par l'effet de leur dénonce portant mention de la possibilité de les contester devant le juge de l'exécution, a autorisé, en toute connaissance de cause, le tiers saisi à procéder au paiement au créancier de la créance saisie.
Ainsi, l'autorisation de payer délivrée par la société Agence DVAuto doit produire ses effets dès lors qu'elle emporte renonciation de cette dernière à contester le paiement des causes de la saisie au créancier.
L'appelante n'est donc plus recevable à contester les saisies du 24 mai 2022 et à invoquer un quelconque motif d'irrégularité notamment relatif au prétendu défaut de représentation légale du créancier saisissant. Dès lors, il n'appartient pas au juge de l'exécution comme à la cour d'examiner le bien fondé de sa contestation.
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la contestation des deux saisies-attribution du 24 mai 2022.
- Sur la demande de fixation d'une astreinte,
L'article L 131-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.
En application des dispositions de l'article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut, ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.
En l'espèce, le jugement du 13 septembre 2021 prononce notamment les mesures suivantes :
- l'éviction totale de la Sarl AGCM,
- condamne la Sarl Agence Auto DV au remboursement du prix d'achat à la Sarl AGCM, soit la somme de 59 990 € ttc,
- ordonne la restitution du véhicule en l'état à la Sarl Agence DV Auto,
- déboute la Sarl AGCM de ses demandes de paiement au titre d'une astreinte,
- condamne la Sarl Agence DV Autos au paiement d'une indemnité de 1 500 € pour frais irrépétibles et aux dépens liquidés à 63,36 € sans préjudice des autres frais auxquels elle est également condamnée, au titre de l'article 696 CPC.
L'exposé des demandes mentionne que le tribunal était saisi d'une demande de la société AGCM aux fins d'ordonner à la société Agence DV Autos à lui remettre, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, le certificat d'immatriculation définitif du véhicule Audi Q7.
Les motifs du jugement mentionnent que ' la résolution de la vente enlèvera tout fondement à une demande de paiement d'astreinte en attente de l'obtention du certificat d'immatriculation définitive. Le tribunal déboutera la Sarl AGCM de sa demande à ce titre'.
Ainsi, la demande de fixation d'une astreinte était rejetée pour un motif juridique lié au caractère rétroactif de la résolution de la vente. Si le bien fondé de ce motif pose question, la cour ne dispose pas d'un pouvoir de réformation et seule la cour statuant au fond dispose du pouvoir de réformer le jugement du 13 septembre 2011 sur le rejet de la demande de condamnation sous astreinte de la société Agence DV Auto à restituer le certificat d'immatriculation du véhicule.
Ainsi, les termes du jugement du 13 septembre 2021 s'imposent au juge de l'exécution qui ne peut modifier son dispositif et y ajouter une obligation, rejetée par le juge du fond, à la charge de la société Agence DV Auto de restituer le certificat d'immatriculation du véhicule Audi Q7 et l'assortir d'une astreinte.
Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé sur ce point et il sera dit n'y avoir lieu à assortir d'une astreinte la restitution du certificat d'immatriculation du véhicule.
- Sur les demandes accessoires,
La société Agence DV Autos qui succombe pour l'essentiel supportera les dépens d'appel.
L'équité commande d'allouer à la société AGCM une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré sauf sur le prononcé d'une astreinte provisoire de 50 €,
STATUANT à nouveau du chef infirmé,
DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte provisoire afférente à la restitution du certificat d'immatriculation du véhicule Audi Q7 immatriculé [Immatriculation 4],
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Agence DV Autos au paiement d'une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
LAISSE les dépens d'appel à la charge de la Sarl Agence DV Autos avec distraction de ceux dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision au profit de la SCP Cohen-Guedj-Montero-Daval-Guedj, avocats.
LA GREFFIÈRE P/LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE