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Décisions

CA Nîmes, 1re ch., 6 mars 2025, n° 24/00819

NÎMES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Sab Eyrieux Immobilier (SARL)

Défendeur :

Sab Eyrieux Immobilier (SARL), Nota Bene Notaires (SCP), K - Zaffuti - Giordano (SCP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Defarge

Conseillers :

Mme Berger, Mme Grosclaude

Avocats :

Me Vignal, Me Vajou, Me Divisia, Me Autric, Me Escoffier, Me Joset, Me Verilhac, Me San Jose Lacombe, Me Caron, Me Dorne

TJ Privas, du 30 sept. 2021, n° 20/00196

30 septembre 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [CA] [G] et M. [B] [J] ont successivement donné mandat sans exclusivité de vendre leur bien immobilier à [Localité 14] (07) [Adresse 5] à la société 3%.com représentée par M. [M] [T] puis à la société SAB exerçant à l'enseigne Eyrieux Immobilier représentée par M. [V] [I], agent commercial qui a fait visiter le bien à M. [F] [Y] et son épouse [ZC] née [R].

Un compromis de vente du 22 mai 2019 a été réitéré par acte authentique reçu le 18 juillet 2019 par Me [B] [A] notaire à [Localité 16] (26) avec la participation de Me [B] [K] notaire à [Localité 13] (07), assistant les vendeurs.

Alléguant avoir postérieurement découvert l'existence d'un projet d'installation d'une centrale photovoltaïque à proximité du bien objet de la vente les acquéreurs ont sollicité l'annulation de celle-ci pour manquement des vendeurs à leur obligation d'information par courriers recommandés également adressés à l'agence immobilière et au notaire instrumentaire.

Le 17 octobre 2019 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Privas les a autorisés à saisir à titre conservatoire la somme de 300 000 euros sur les comptes bancaires des vendeurs. La saisie de la seule somme de 36 000 euros réalisée a été levée sur opposition des vendeurs le 5 novembre 2020 puis rétablie le 9 novembre 2020 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint-Etienne territorialement compétent.

Par actes des 21 et 25 novembre 2019 M. [F] [Y] et son épouse [ZC] née [R] avaient assigné les vendeurs, l'agence et les notaires en annulation de la vente devant le tribunal judiciaire de Privas qui par jugement du 30 septembre 2021 :

- a déclaré leur action recevable,

- a prononcé l'annulation de la vente du 18 juillet 2019 pour dol,

- a ordonné la restitution du bien vendu par les acquéreurs,

- a ordonné la restitution par les vendeurs de la somme de 310 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2019 et capitalisation de ces intérêts,

- a condamné in solidum M. [J] et Mme [G] à payer à M. [Y] et Mme [R] les sommes de

- 1 221,03 euros au titre des intérêts des prêts souscrits pour l'acquisition du bien,

- 377,82 euros au titre de l'assurance emprunteur de ces prêts

- 900 euros au titre des travaux réalisés dans le bien

- 5 000 euros au titre de leur préjudice moral

- a débouté M.[Y] et Mme [R] du surplus de leurs demandes

- a débouté M. [J] et Mme [G] de leur demande d'appel en garantie et de dommages et intérêts

- a débouté la Sarl SAB et M. [V] [I] de leurs demandes

- a condamné M. [J] et Mme [G] à la moitié des dépens de l'instance

- a condamné in solidum la Sarl SAB, M. [I], Me [K] et la Scp [B] [K] et Olivia Zaffuto-Giordano à l'autre moitié,

- a condamné in solidum M.[J] et Mme [G], la Sarl SAB, M. [I], Me [K] et la Scp [B] [K] et Olivia Zaffuto-Giordano à payer à M. [Y] et Mme [R] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné in solidum M. [J] et Mme [G] à payer à Me [B] [A] et la Scp [A]-Cartigny-Balbinot-Roy la somme de 1 500 euros au même titre

- a rappelé l'exécution provisoire de droit et débouté M. [V] [I] de sa demande tendant à la voir écarter

- a rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Mme [CA] [G] et M. [B] [J] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 25 octobre 2021.

L'instance a été radiée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 27 octobre 2022 rectifiée le 9 février 2023 puis le 3 août 2023 ayant également sursis à statuer sur la demande de caducité de l'appel incident jusqu'au rétablissement de l'appel principal par exécution de la décision par les appelants à titre principal.

Elle a été remise au rôle par conclusions régulièrement notifiées le 22 février 2024.

Au terme de leurs dernières conclusions régulièrement notifiées le 27 mai 2024 Mme [CA] [G] et M. [B] [J], appelants, demandent à la cour

- d'infirmer le jugement entrepris,

Et en conséquence, statuant à nouveau

- de dire et juger que les conditions du dol ne sont en l'espèce pas réunies,

Et en conséquence

- de dire et juger n'y avoir lieu à nullité de la vente et aux conséquences de cette dernière,

A titre subsidiaire

- de constater les nombreuses dégradations apportées au bien par les acquéreurs,

En conséquence

- de dire et juger que compte tenu de l'état du bien, tant intérieurement qu'extérieurement, le coût de la remise en état ne saurait être inférieur à 100 000 euros, et alors, ordonner la restitution de la seule somme de 210 000 euros,

Concernant les préjudices

- de dire et juger qu'aucun des prétendus préjudices, ne peut faire l'objet de leur condamnation,

Toujours à titre subsidiaire

- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que l'agence immobilière SAB avait commis une faute,

- de l'infirmer en ce qu'il a rejeté leur demande de relevé et garantie par cette société, ou qui mieux le devra, des éventuelles condamnations prononcées à leur encontre,

En cet état

- de dire que les fautes commises par la société SAB sont constitutives de manière exclusive du dol, et entraînent nécessairement l'obligation pour cette dernière de les relever et garantir de l'ensemble des éventuelles condamnations prononcées à leur encontre,

- de condamner M.et Mme [Y] à leur payer les sommes de

- 20 000 euros à titre de dommages intérêts, pour procédure abusive et infondée

- 8 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- de les condamner en tous les dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût du procès-verbal de constat dressé par Me [H] [E] le 11octobre 2021 (907,29 euros).

Au terme de leurs conclusions n°2 après remise au rôle régulièrement notifiées le 26 juillet 2024 M. [F] [Y] et son épouse [ZC] née [R], intimés, demandent à la cour

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il

- a déclaré leur action recevable,

- a prononcé l'annulation de la vente en raison du dol commis par les vendeurs,

- a ordonné la restitution du bien immobilier objet de la vente,

- a ordonné la restitution de la somme de 310 000 euros par les vendeurs, avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2019, avec capitalisation des intérêts,

- a condamné in solidum M. [B] [J] et Mme [CA] [G] à leur payer les sommes de

- 1 221,03 euros au titre des intérêts des prêts souscrits pour l'acquisition du bien,

- 377,82 euros au titre de l'assurance emprunteur des prêts souscrits,

- la moitié des dépens de l'instance,

- a condamné in solidum la société SAB, M. [V] [I] , Me [B] [K] et la SCP [B] [K] et Olivia Zaffuto-Girodano à l'autre moitié des dépens de l'instance,

- a condamné in solidum M. [B] [J], Mme [CA] [G], la société SAB, M. [V] [I], Me [B] [K] et la SCP [B] [K] et Olivia Zaffuto-Girodano à leur payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de déclarer leur appel incident recevable et bien fondé,

Y faisant droit

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il

- les a déboutés de leurs demandes de condamnation in solidum de la société SAB, M. [I], Me [K] et la SCP [B] [K] et [W] Zaffuto-Giordano avec les vendeurs à leur payer la somme de 333 000 euros au titre de la restitution du prix de vente de la maison et des frais de la vente,

- les a déboutés du surplus de leurs demandes, et limité leur indemnisation :

- au titre des travaux réalisés à 900 euros au lieu des 3 000 euros demandés,

- au titre du préjudice moral à 5 000 euros au lieu des 20 000 euros demandés,

Statuant à nouveau

- de déclarer leur demande recevable et bien fondée

- de prononcer l'annulation de la vente régularisée le 18 juillet 2019 entre M.[J] et Mme [G] et eux par acte reçu en l'étude de Me [A], notaire à [Localité 16], avec la participation de Me [K], notaire à [Localité 13],

- de leur ordonner de restituer la maison [Adresse 5] à [Localité 14], cadastrée Section H N°[Cadastre 7] Lieudit [Adresse 5] d'une surface de 00 ha 25 a 30 ca à leurs vendeurs,

- d'ordonner la restitution par ceux-ci de la somme de 310 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2019,

En conséquence

À titre principal sur le prix de vente et les accessoires

- de constater l'insolvabilité des vendeurs,

- de les condamner in solidum avec la société SAB, M.[V] [I], Me [K] et la SCP [B] [K] et [W] Zaffuto Giordano à leur payer la somme de 310 000 euros au titre de la restitution du prix de vente de la maison,

Concernant les frais de la vente, et s'il est fait application de l'article 1961 du CGI

- de condamner in solidum les intimés à titre incident à leur payer les sommes de

- 4 689 euros

- 1 221,03 euros au titre des intérêts échus réglés par eux sur les prêts souscrits jusqu'au 04 octobre 2019 date de remboursement anticipé,

- 383,74 euros au titre de l'assurance emprunteur réglée par eux sur les prêts souscrits jusqu'au 04 octobre 2019 date de remboursement anticipé,

A titre subsidiaire sur le prix de vente et les accessoires

Si la demande de condamnation in solidum des intimés était rejetée

- de juger que le notaire et l'agent immobilier sont responsables de leur préjudice du fait qu'ils ne peuvent obtenir la restitution du prix de vente et en sont garants,

En conséquence

- de condamner les intimés à titre incident à leur payer la restitution du prix de vente et des frais accessoires pour la part qu'ils n'auront pu recevoir des vendeurs du fait de leur insolvabilité, à charge pour eux de justifier des mesures d'exécution infructueuses,

Sur le surplus

- de condamner in solidum les intimés à titre incident à leur payer l'assurance habitation réglée par eux jusqu'au jour de l'exécution intégrale de la décision à intervenir,

- de les condamner à leur payer les sommes de

- 1 843 euros versée au titre des taxes foncières 2020 à 2022,

- 3 000 euros au titre des travaux exécutés,

- 1 200 euros par mois au titre de leur préjudice de jouissance à compter du 02 août 2019 date de première demande jusqu'au jour où la décision à intervenir sera intégralement exécutée,

- 20 000 euros au titre du préjudice moral,

- de juger que toutes les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter du 02 août 2019 date de mise en demeure, et ordonner la capitalisation des intérêts de retard par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

En tout état de cause

- de débouter les appelants et intimés à titre incident, et Me [B] [A], la SCP [A]-CartignyBalbino-Roy de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires y compris de tout appel incident.

- de condamner in solidum M. [J], Mme [G], la société SAB, M. [I], Me [K] et la Scp [B] [K] et [W] Zaffuto Giordano aux entiers dépens et à leur payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au terme de ses conclusions récapitulatives régulièrement notifiées le 18 juin 2024 la société SAB exerçant sous l'enseigne Eyrieux Immobilier, intimée, demande à la cour

- de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Privas du 30 septembre 2021, en ce qu'il

- a débouté les consorts [Y] du surplus de leurs demandes,

- a débouté les consorts [J]-[G] de leur appel en garantie et de leur demande de dommages intérêts dirigées contre elle,

- a débouté M. [V] [I] de son appel en garantie dirigé contre elle,

- de l'infirmer en ce qu'il

- l'a déboutée de ses demandes,

- l'a condamnée in solidum avec les consorts [J]-[G] à payer la somme de 5 000 euros aux consorts [Y] au titre de leur préjudice moral,

- l'a condamnée in solidum avec M. [V] [I], Me [B] [K] et la SCP [B] [K] et Olivia Zaffuto-Girodano à la moitié des dépens de l'instance,

- l'a condamné in solidum avec les consorts [J]-[G], M. [V] [I] Me [B] [K] et la SCP [B] [K] et Olivia Zaffuot-Giordano à payer aux consorts [Y] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant a nouveau

A titre principal

- de rejeter l'ensemble des demandes formées par les consorts [Y], les consorts [J]-[G] et M. [V] [I] à son encontre, ayant bien accompli son devoir d'information et de conseil et n'ayant commis aucun dol,

A titre subsidiaire, si la cour devait entrer en voie de condamnation contre elle

- de condamner M. [V] [I] à la relever et garantir de toutes condamnations éventuelles.

En tout état de cause

- de condamner solidairement les consorts [Y] et [J]-[G], ou qui mieux le devra, aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au terme de ses conclusions n°2 régulièrement notifiées le 17 juin 2024 M. [V] [I], intimé, demande à la cour

- d'infirmer le jugement rendu le 30 septembre 2021 rectifié le 18 janvier 2022 du tribunal judiciaire de Privas en ce qu'il

- l'a débouté de ses demandes

- l'a condamné in solidum avec la Sarl SAB, Me [B] [K] et la SCP [B] [K] et Olivia Zaffuto-Giordano à l'autre moitié des dépens de l'instance,

- l'a condamné in solidum avec M. [B] [J], Mme [CA] [G], la Sarl SAB, Me [B] [K] et la SCP [B] [K] et Olivia Zaffuto-Giordano à payer à M. [F] [Y] et Mme [ZC] [R] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- de le confirmer en ce qu'il

- débouté M. [Y] et Mme [R] du surplus de leurs demandes,

- débouté M. [J] et Mme [G] de leur appel en garantie et de leur demande de dommages intérêts,

- débouté la Sarl SAB de son appel en garantie à son encontre

Statuant à nouveau

A titre principal

- de juger son absence de responsabilité sur le fondement du dol et de l'obligation précontractuelle d'information

En conséquence

- de rejeter l'ensemble des demandes de la société SAB.

- de rejeter l'ensemble des demandes des époux [Y].

En conséquence

- de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, il était condamné au profit des époux [Y]

- de condamner la société SAB à le relever et garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre à leur requête

En conséquence

- d'infirmer le jugement entrepris sur ce point.

En tout état de cause

- de débouter les époux [Y], M.[J], Mme [G], la société SAB, Me [K], la SCP [B] [K] et [W] Zaffuto-Giordano, Me [B] [A] et la SCP [A]-Cartigny-Balbino-Roy de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires y compris de tout appel incident.

- de condamner la société SAB, les époux [Y], ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Thomas Autric, Selarl Eve Soulier Jérôme Privat-Thomas Autric, sur son affirmation de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Au terme de leurs conclusions récapitulatives n°3 régulièrement notifiées le 3 juillet 2024 Me [B] [K] et la Scp [K] Zaffuto, demandent à la cour

- d'infirmer (sic)

- d'annuler les chefs du jugement du 30 septembre 2021 en ce qui concerne la condamnation in solidum de Me [K] et de la Scp [K] à la moitié des dépens de l'instance et en ce qui concerne la condamnation in solidum du notaire concluant en ce qui concerne le paiement de l'article 700

En toute hypothèse

- de débouter les consorts [Y]-[R] de toutes leurs demandes fins et conclusions présentées à leur encontre,

- de les condamner en tant que demandeurs principaux, à leur payer par application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3 000 euros,

- de condamner la partie succombant aux dépens de première instance et d'appel.

Au terme de leurs conclusions d'intimés récapitulatives régulièrement notifiées le 23 mai 2024 Me [B] [A] et la Scp [A]-Cartigny-Balbino-Roy demandent à la cour

- de prononcer leur mise hors de cause

- de statuer ce que de droit quant à l'appel formé par M.[J] et Mme [G] à l'encontre du jugement s'agissant de la nullité de la vente et des condamnations indemnitaires prononcées à leur encontre, ainsi que quant aux prétentions financières formées par M.et Mme [Y] à l'encontre des différents intimés

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M.[J] et Mme [G] à leur payer une indemnité de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- de débouter M.[J] et Mme [G] de l'intégralité de leurs prétentions financières

- de les condamner in solidum aux entiers dépens de l'instance et à leur verser une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens par application des articles 455 et 954 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* demande d'annulation de la vente pour dol par dissimulation par les vendeurs d'une information déterminante du consentement des acquéreurs

Pour faire droit à cette demande le tribunal a jugé que les vendeurs ne contestaient pas avoir eu connaissance du projet d'installation d'une centrale photovoltaïque à proximité du bien mis en vente en août 2018 ni n'en avoir rien dit aux acquéreurs alors qu'il ressortait des pièces produites qu'ils avaient eu maintes occasions de leur fournir cette information dont ils étaient débiteurs à leur égard ; que le caractère intentionnel de leur silence à cet égard était établi car ils avaient pleinement conscience que cette information était de nature à diminuer la valeur du bien voire à leur faire perdre des acquéreurs alors qu'ils cherchaient à vendre ce bien depuis neuf mois.

Il a jugé que cette information présentait un caractère déterminant du consentement des acquéreurs.

Les vendeurs, appelants, soutiennent que celui qui détient une information est seul 'juge' pour dire si elle est déterminante pour l'autre partie ; que celui à qui cette information déterminante doit être fournie doit légitimement l'ignorer ; qu'une information déterminante doit avoir un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat soit ici la vente d'un bien immobilier ou la qualité des parties ; qu'ils ont fourni l'information relative à l'avant-projet de ferme photovoltaïque à l'agence immobilière ; qu'en outre cet avant-projet a été abandonné.

Les acquéreurs, intimés et appelants à titre incident, soutiennent que les vendeurs ont gravement et intentionnellement manqué à leur devoir d'information à leur égard, pourtant rappelé à l'acte authentique ; que la vente litigieuse ayant pour objet un bien immobilier situé en pleine campagne en zone Natura 2000, son environnement ne pouvait être que sa seule et unique motivation, et que le fait de ne pas les avoir avertis de l'existence d'un projet photovoltaïque altérant grandement la qualité environnementale et la vue depuis la maison est en lien direct avec cet objet et présente nécessairement un caractère déterminant de leur consentement, ce qui démontre le manquement des vendeurs à leur devoir d'information.

Aux termes des articles 1101 et 1104 du code civil en vigueur depuis le 1er octobre 2016 ici applicables, le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.

Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public.

Selon l'article 1112 du même code ici applicable, l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

Aux termes de l'article 1112-1 du même code ici applicable celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.

Enfin selon les articles 1128 et 1130 du même code sont nécessaires à la validité d'un contrat :

1° Le consentement des parties (...)

L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Il incombe ici aux acquéreurs qui demandent l'annulation de la vente pour dol de démontrer d'une part que les vendeurs leur devaient l'information selon laquelle il existait un projet d'installation de ferme photovoltaïque en démontrant qu'elle était d'une importance déterminante pour leur consentement, eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné, d'autre part qu'ils l'ignoraient légitimement, enfin qu'elle leur a été dissimulée par ceux-ci.

Sur le caractère déterminant de leur consentement de la connaissance de l'avant-projet d'installation d'une ferme photovoltaïque M. et Mme [Y] soutiennent que l'acquisition d'une maison en zone Natura 2000 comme celle objet de la vente ne se conçoit que dans son environnement attendu et que le projet de ferme photovoltaïque était de nature à altérer grandement la qualité environnementale et la vue depuis la maison.

Ils produisent le projet '[Localité 14]' de janvier 2019 de la société Solarcentury selon lequel la surface exploitable du terrain proposé pour l'installation représente une surface d'environ 50 ha et la photocopie couleur agrandie de la page 25 'étude préliminaire' permettant de visualiser l'emprise prévue mais non de localiser l'immeuble objet de la vente litigieuse.

Ils démontrent que ce projet privé de développement et d'exploitation d'une centrale photovoltaïque au lieudit [Localité 15] sur une surface maximum de 50 ha environ a été présenté le 15 février 2019 au conseil municipal de la commune de [Localité 14], auquel il a été précisé que les panneaux devaient être fixés à 80 cm de hauteur au plus bas de façon à permettre à M. [O] [X], exploitant du terrain concerné de pérenniser son activité agricole, et qu'une conseillère municipale a émis des réserves quant à l'impact paysager d'un tel projet en zone rurale montagneuse, sa compatibilité avec le ScoT et le plan pastoral ; que cependant le projet a fait le 7 mars 2019 l'objet d'un vote majoritaire de soutien du conseil municipal au lancement des études nécessaires sur les parcelles de Mmes et M. [N], [P], [YB] et [D] [X] et émis un avis favorable au lancement par la société Solarcentury des études pour la construction d'une telle centrale sur ces parcelles et au dépôt d'un permis de construire après réalisation des études techniques et environnementales nécessaires.

Ils versent ensuite aux débats une attestation non datée de Mme [N] [P] [X] rédigée en ces termes 'M. et Mme [J]-[G] étaient au courant de notre projet photo(voltaï)que début 2019' qui doit s'interpréter à la lecture comparée de l'attestation du 21 août 2019 de sa soeur jumelle [N] [C] [X] versée par les vendeurs (leur pièce 5) aux termes de laquelle 'le mardi 6 août 2019 lors de notre rencontre avec la société Solarcentury, M.et Mme [Y] et leurs voisins [S] et [Z] [U] nous avons proposé des alternatives pouvant éviter la mise en place de panneaux face à la maison de M. [Y] en proposant d'autres terrains. Cette proposition est à l'étude pour éviter tout préjudice de voisinage. J'atteste également que M. [J] [B] et [CA] [G] ne nous ont jamais demandé de ne pas parler de notre futur projet aux futurs acquéreurs'.

Cette attestation a été ultérieurement complétée de la carte nationale d'identité de son autrice, Mme [N] [L] (et non [P]) [X], née le 10 décembre 1953 à [Localité 14].

Ils versent aussi l'attestation du 5 août 2019 de M. [Z] [U] aux termes de laquelle un rendez-vous a été pris avec le maire en présence de Mme [G], M. [B] [J] et lui-même le 29 mars 2019 pour parler du projet panneaux photovoltaïques dont il certifie avoir eu connaissance.

Ces pièces démontrent que les vendeurs connaissaient l'existence du projet d'installation des panneaux photovoltaïques litigieux avant le 23 mai 2019, date de signature du compromis de vente mais non qu'ils en ont dissimulé l'existence aux acquéreurs, alors que tant ceux-ci que les vendeurs étaient présents le jour de la signature de ce compromis aux termes duquel, informées qu'elles avaient le devoir de s'échanger toutes les informations qu'elles jugent déterminantes au sens de l'article 1112-1 du code civil, elles ont reconnu par leur signature avoir reçu ces informations, nonobstant les annexes des présentes et les éléments remis à l'acquéreur.

Les vendeurs produisent de leur côté (leur pièce 10) la copie d'un courriel adressé par Mme [G] le 13 avril 2019 à M. [M] [T], représentant l'agence 3%.com d'abord mandatée dans lequel elle écrit 'pour le moment on est très inquiets pour cette histoire de ferme photovoltaïque. Nous avons rencontré le maire il y a 10 jours. Nous rencontrons le directeur du projet la semaine prochaine. (...) On sera j'espère en mesure de savoir ce qu'on peut dire aux gens, ou savoir si notre maison ne va plus valoir un clou (...)' d'où ne s'évince pas non plus la preuve de la dissimulation au jour de la signature du compromis ni de l'acte de vente de l'information relative à l'existence de ce projet.

Ils versent aux débats un courriel de celui-ci selon lequel il 'a des touches mais l'éloignement et surtout le pylône électrique est un véritable frein', qui révèle qu'indépendamment de l'altération éventuelle de la vue par l'implantation d'une ferme photovoltaïque, existait déjà un pylone électrique, qui ne peut s'identifier dans le poteau en bois que l'on distingue sur la photo produite pièce 21 supportant une ligne passant entre les deux bâtiments principaux de l'immeuble, et également en page 43/52 du constat d'huissier du 11 octobre 2021 (leur pièce 37).

Ils versent enfin en pièce 16 des photographies démontrant que l'implantation du projet de ferme photovoltaïque se situe en hauteur d'une colline faisant certes face à la façade principale de la maison mais qu'étant donnée la hauteur prévue de cette implantation ( à 80 cm ) les panneaux photovoltaïques étaient susceptibles d'être dissimulés par la végétation en premier plan.

Ce faisant ils ne rapportent pas la preuve que la connaissance de cette implantation éventuelle ait présenté un caractère déterminant de leur consentement.

En l'absence de surcroît de preuve de la dissimulation de cette information par les vendeurs, aucun dol n'est caractérisé et le jugement doit être infirmé en ce qu'il a annulé le contrat de vente sur ce fondement avec conséquences de droit.

* responsabilité de l'agent immobilier et de l'agence immobilière

**appels en garantie par les vendeurs sur le fondement contractuel

Le tribunal a débouté les vendeurs de leur action en garantie à l'égard de la société SAB et de son mandataire, au motif que celui qui commet un dol ne peut être garanti, au titre de la contribution à la dette, par celui qui commet un simple manquement contractuel.

Le jugement étant infirmé et le contrat de vente reprenant son plein et entier effet, il n'y a pas lieu à garantie de ce chef.

**responsabilité pour faute délictuelle à l'égard des acquéreurs

Pour dire leur responsabilité engagée et les condamner à assumer la charge des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre des acquéreurs le tribunal a retenu que la société SAB et son mandataire M. [V] [I] avaient commis une faute à leur égard en s'abstenant de leur délivrer toute information au sujet du projet d'installation de ferme photovoltaïque dont il était établi qu'ils en avaient connaissance.

Toutefois, après avoir annulé le contrat de vente pour dol des vendeurs, il a débouté ceux-ci de leur appel en garantie à leur encontre au motif que celui qui commet une faute dolosive ne peut être garanti au titre de la contribution à la date par celui qui commet un simple manquement contractuel.

Les acquéreurs forment incidemment et subsidiairement à l'encontre de l'agence et de son mandataire une demande d'indemnisation de leur préjudice constitué par l'impossibilité d'obtenir la restitution du prix de vente.

Toutefois, le jugement étant infirmé et le contrat de vente reprenant son plein et entier effet, cette appel en garantie est sans fondement.

* appels en garantie et responsabilité des notaires

Pour dire la responsabilité délictuelle de Me [K], notaire des vendeurs, engagée à l'égard des acquéreurs, le tribunal a jugé que celui-ci avait connaissance du projet de construction d'une centrale photovoltaïque sur la commune de [Localité 14] et avait manqué à son devoir d'information à ce sujet à leur égard.

Il a constaté que les vendeurs qui avaient appelé la Scp [A]-Cartigny-Balbinot-Roy en garantie en qualité de rédacteur de l'acte authentique aux côtés de Me [K] ne formulaient aucune demande à son encontre.

Après avoir annulé la vente pour dol, il les a déboutés de leurs appels en garantie et de leurs demandes de dommages et intérêts.

Les acquéreurs forment incidemment et subsidiairement à l'encontre de Me [K] et de la Scp [B] [K] et [W] Zaffuto-Girodano une demande d'indemnisation de leur préjudice constitué par l'impossibilité d'obtenir la restitution du prix de vente.

Toutefois, le jugement étant infirmé et le contrat de vente reprenant son plein et entier effet, cette appel en garantie est sans fondement.

Me [A] et la Scp [A]-Cartigny-Balbinot-Roy à l'encontre desquels aucune demande n'a été formée devaient être mis hors de cause.

* autres demandes

Le contrat de vente reprenant son plein et entier effet il y a lieu à restitution par M.et Mme [Y] à Mme [G] et M. [J] de la somme de 36 000 euros saisie selon ordonnance du 9 novembre 2020 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint-Etienne.

**demande de dommages et intérêts pour action abusive

Les appelants demandent à ce titre la somme de 20 000 euros au motif que 'c'est avec une certaine légèreté que cette procédure est mise en oeuvre', que Mme [G] connaît depuis un syndrome de stress, qu'elle a dû fermer son commerce faute de trésorerie et que le couple se trouve dans une situation précaire.

Ce faisant ils ne démontrent pas les circonstances de nature à faire dégénérer en abus l'exercice par les intimés de leur droit à l'accès au juge et sont déboutés de leur demande.

**dépens et article 700

Le jugement étant infirmé en ce qu'il a annulé le contrat de vente, et l'appel incident des acquéreurs à l'égard de la société SAB, de M. [V] [I], et de Me [K] et la Scp [B] [K] et [W] Zaffuto-Giordano n'ayant pour objet que leur condamnation in solidum avec les vendeurs, qui n'est pas prononcée, ces demandes sont rejetées.

Les appelants qui succombent doivent supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils sont condamnés à payer sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3 000 euros à Mme [CA] [G] et M.[B] [J].

L'équité ne commande pas ici de faire application des dispositions de l'article 700 dans les relations entre eux et la société SAB et son agent M. [V] [I] d'une part, Me [K] et la Scp [B] [K] et [W] Zaffuto-Giordano d'autre part.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Privas en date du 30 septembre 2021 en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Met Me [A] et la Scp [A]-Cartigny-Balbinot-Roy hors de cause

Déboute M. [F] [Y] et Mme [ZC] [R] épouse [Y] de toutes leurs demandes

Dit que la vente constatée par acte authentique reçu le 18 juillet 2019 par Me [B] [A] notaire à Portes-les-Valence (26) avec la participation de Me [B] [K] notaire à Charmes-sur-Rhône (07), assistant les vendeurs reprend son plein et entier effet avec conséquences de droit en particulier s'agissant de la saisie de la somme de 36 000 euros ordonnée par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint-Etienne

Y ajoutant

Déboute Mme [CA] [G] et M. [B] [J] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Condamne M. [F] [Y] et Mme [ZC] [R] épouse [Y] aux dépens de l'entière instance

Les condamne à payer sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3 000 euros à Mme [CA] [G] et M.[B] [J].

Dit n'y avoir lieu ici de faire application de ces dispositions dans les relations entre les appelants et la société SAB et son agent M. [V] [I] d'une part, Me [K] et la Scp [B] [K] et [W] Zaffuto-Giordano d'autre part.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

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