CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 12 mars 2025, n° 23/02592
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Les Bons Artisans (SAS)
Défendeur :
Les Bons Artisans (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rouger
Conseillers :
Mme Robert, Mme Leclercq
Avocats :
Me Barrere, Me Guichard
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 10 décembre 2020, ayant constaté un dysfonctionnement sur son chauffe-eau par absence d'eau chaude, Mme [L] [R] contactait la Sas les Bons Artisans, société de plomberie, par téléphone. La Sas les Bons Artisans estimait que le remplacement du chauffe-eau était nécessaire et adressait par mail à Mme [L] [R] un devis n° 412683, d'un montant de 992,20 euros. Mme [R] validait électroniquement la proposition via son téléphone mobile en cochant la case « J'accepte ».
A réception, la Sas les Bons Artisans demandait à Mme [L] [R] de lui faire parvenir un acompte de 40% du montant, soit 396,88 euros toutes taxes comprises, ce que cette dernière réalisait immédiatement, via la plate-forme de paiement Paypal.
Le même jour, la Sas les Bons Artisans procédait au remplacement du chauffe-eau de Mme [L] [R] à son domicile et émettait une facture n° 412683 à ce titre, d'un montant de 992,20 euros. Déduction faite du montant de l'acompte, Mme [L] [R] réalisait alors un nouveau paiement à l'égard de la Sas les Bons Partisans, selon le même procédé, correspondant au solde dû, d'un montant de 595,32 euros.
Par la suite, estimant que le remplacement du chauffe-eau n'était finalement pas nécessaire et que le problème venait en réalité du compteur électrique, Mme [L] [R] obtenait le remboursement des sommes versées par le gestionnaire de litiges Paypal.
Par lettres recommandées avec accusé de réception du 29 décembre 2020, puis du 20 janvier 2021, la Sas les Bons Artisans mettait Mme [L] [R] en demeure de payer la facture n°412683 d'un montant de 992,20 euros.
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Par requête en injonction de payer du 19 mai 2022, la Sas les Bons Artisans sollicitait le paiement par Mme [L] [R] de ladite somme, au titre de la facture impayée.
Par ordonnance du 21 juin 2022, signifiée à Mme [L] [R] le 2 août 2022, le président du tribunal judiciaire de Toulouse lui enjoignait de payer à la Sas les Bons Artisans la somme de 992,20 euros.
Par acte du 9 août 2022, Mme [L] [R] formait opposition à ladite ordonnance et contestait le bien-fondé de la créance de 992,20 euros.
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Par jugement du 15 juin 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse, a :
débouté Mme [L] [R] de sa demande d'annulation du contrat de vente du 10 décembre 2020,
condamné Mme [L] [R] à payer à la Sas les Bons Artisans la somme de 992,20 euros, au titre de la facture n° 412683 impayée, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,
débouté Mme [L] [R] de sa demande de dommages et intérêts,
condamné Mme [L] [R] à payer à la Sas les Bons Artisans la somme de 300 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté Mme [L] [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné Mme [L] [R] aux dépens,
rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.
Pour statuer ainsi le premier juge, écartant tout dol ou erreur de nature à vicier le contrat, et retenant d'une part, que Mme [R] avait été informée de son droit de rétractation, d'autre part qu'elle y avait renoncé, ou tout au moins ne l'avait pas exercé en acceptant l'intervention de la Sas Les Bons Artisans à son domicile, a écarté tous les moyens de nullité du contrat de vente invoqués par Mme [R] et l'a condamnée au paiement de la prestation exécutée. Ecartant toute faute de la Sas les Bons artisans, il a rejeté par ailleurs la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [R].
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Par déclaration du 17 juillet 2023, Mme [L] [R] a interjeté appel de l'intégralité des dispositions de cette décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 octobre 2023, Mme [L] [R], appelante, demande à la cour, au visa de l'article 4 de l'arrêté du 24 janvier 2017 relatif à la publicité des prix des prestations de dépannage, de réparation et d'entretien dans le secteur du bâtiment et de l'équipement de la maison, des articles L. 221-18 et L. 221-25 du code de la consommation, et des articles 1231-1, 1112-1, 1132 du code civil, de :
Rejetant toutes conclusions contraires ou mal fondées :
déclarer Mme [L] [R] recevable en son appel,
infirmer le jugement du 15 juin 2023 du tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'il a débouté Mme [L] [R] de ses demandes tendant à voir annuler le contrat du 10 décembre 2020 ou subsidiairement constater que son droit de rétractation a été exercé,
Statuant à nouveau :
débouter la société les Bons Artisans de l'ensemble de ses demandes, fins ou prétentions,
prononcer l'annulation du contrat du 10 décembre 2020 sur le fondement de l'erreur ou à titre subsidiaire juger que son droit de rétractation a été exercé,
débouter la société les Bons Artisans de sa demande en paiement,
autoriser Mme [L] [R] à conserver le chauffe-eau installé par la société les Bons Artisans en remplacement du sien,
condamner la société les Bons Artisans au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
condamner la société les Bons Artisans au paiement de la somme 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions Mme [R] invoque de la part du commercial de la Sas Les Bons Artisans des man'uvres équipollentes au dol en ce que ce dernier qui officiait à distance, sans compétences techniques, lui a tenu un discours trompeur, mettant en avant l'impossibilité de réparer son chauffe-eau sans avoir réalisé un diagnostic relatif à la panne, et ne l'a pas lâchée jusqu'à ce qu'elle procède au paiement de l'acompte, lui dictant toutes les démarches par téléphone, et qu'ayant reçu le devis à 14H21 elle l'a accepté en cliquant sur l'icône « accepter » sur l'écran de son téléphone sans même avoir procédé à l'ouverture de la pièce jointe, pressée par son interlocuteur, acceptation qui a déclenché l'envoi d'un e-mail automatique à 14h23 suivie d'une demande en paiement à 14h25 à laquelle elle procédait à 14h27 alors qu'elle se trouvait en ligne avec le préposé de la société.
Sur le fondement des articles 1112-1, 1132 du code civil, et de l'article 4 I° de l'arrêté du 24 janvier 2017 relatif à la publicité des prix des prestations de dépannage, de réparation et d'entretien dans le secteur du bâtiment et de l'équipement de la maison, elle soutient une absence d'information génératrice d'une erreur, en raison de l'absence de devis détaillé relatif à la panne rencontrée des suites d'une absence de diagnostic, reprochant à la société Les Bons Artisans de lui avoir vendu un chauffe-eau sans avoir pris la peine de réaliser un diagnostic préalable ni l'avoir correctement informée de la cause de la panne, en déduisant la nullité du contrat pour erreur. Son chauffe-eau d'origine ayant été emporté par l'artisan intervenu pour le compte de la Sas Les Bons Artisans elle demande à être autorisée à conserver le chauffe-eau litigieux en remplacement du sien.
Subsidiairement au visa des articles L 221-18 et L 221-25 du code de la consommation elle estime qu'elle bénéficiait d'un droit de rétractation de 14 jours auquel elle n'a pas renoncé ni expressément ni tacitement et qu'elle aurait exercé en faisant bloquer le paiement de la facture via Paypal, en ayant écrit à la Sas Les Bons Artisans les 14 et 15 décembre pour dénoncer la tromperie, et en ayant saisi le médiateur, mesure de médiation que le professionnel a refusé, de sorte qu'en application de l'article L 221-25 4° elle estime qu'aucune somme ne peut lui être réclamée.
Elle estime avoir subi par ailleurs un préjudice moral en raison du comportement de la société Les Bons Artisans.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 octobre 2023, la Sas les Bons Artisans, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1112-1, 1194, 1219 et 1231-6 du Code civil, ainsi que des articles L.221-1 et suivants du code de la consommation, de :
Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,
confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 15 juin 2023 en ce qu'il a débouté Mme [L] [R] de sa demande d'annulation du contrat du 10 décembre 2020,
confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 15 juin 2023 en ce qu'il a condamné Mme [L] [R] à payer à la société les Bons Artisans, la somme principale de 992,20 euros et assorti cette condamnation des intérêts au taux légal,
infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 15 juin 2023 en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au jour du jugement et non au 29 décembre 2020, date de la première mise en demeure de payer et ce jusqu'à complet paiement,
confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 15 juin 2023 en ce qu'il a débouté Mme [L] [R] de sa demande de dommages et intérêts,
confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 15 juin 2023 en ce qu'il a condamné Mme [L] [R] à payer à la société les Bons Artisans une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 15 juin 2023 en ce qu'il a réduit cette condamnation à 300 euros,
confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 15 juin 2023 en ce qu'il a débouté Mme [L] [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 15 juin 2023 en ce qu'il a condamné Mme [L] [R] aux dépens,
Et statuant de nouveau :
condamner Mme [L] [R] à payer à la société les Bons Artisans, la somme principale de 992,20 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2020, date de mise en demeure de payer, jusqu'au complet paiement,
débouter Mme [L] [R] de l'intégralité de ses demandes,
condamner Mme [L] [R] à payer à la société les Bons Artisans, la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil,
condamner Mme [L] [R] aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.
La Sas Les Bons Artisans , au visa des articles 1103 et 1194 du code civil, soutient qu'en acceptant le devis proposé, Mme [R] s'est engagée à remplacer sa chaudière et que du fait de cet engagement elle a facturé sa prestation. Elle conteste tout abus et tout effet à son égard de la décision du gestionnaire des conflits Paypal qui a statué en faveur de Mme [R], sollicitant la confirmation de la condamnation à paiement sauf s'agissant des intérêts légaux qu'elle estime devoir courir à compter de sa première lettre de mise en demeure. Elle conteste l'emploi de toutes man'uvres dolosives de nature à avoir forcé Mme [R] à contracter au regard du devis transmis en pièce jointe de son courrier électronique, soutenant que Mme [R] a accepté de manière tout à fait consciente de signer le document envoyé sans demander de plus amples renseignements. Si elle admet avoir demandé un acompte de 40 % elle soutient que cette procédure est conforme au document accepté et signé par Mme [R], cette dernière ayant au demeurant souhaité une intervention rapide. Elle estime qu'il ne peut lui être reproché que Mme [R] n'ait pas porté attention au contenu du document qu'elle signait.
Elle relève qu'il ne peut y avoir défaut d'information pré-contractuelle puisqu'elle n'avait pas à établir un devis détaillé relatif à la panne dès lors qu'elle avait estimé que la panne provenait du chauffe-eau qui nécessitait un remplacement. Elle conteste aussi tout manquement quant à l'information relative à la conservation de l'ancien chauffe-eau, une telle conservation ne présentant aucun intérêt et Mme [R] n'ayant pas abordé cette question, estimant qu'en toute hypothèse le manquement à l'obligation d'information ne peut entraîner l'annulation du contrat que dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil et que Mme [R] n'établit pas qu'elle aurait contracté à des conditions différentes si elle avait eu connaissance des conditions liées à la conservation du chauffe-eau.
Elle estime qu'en acceptant électroniquement le devis et en confirmant par courriel qu'elle donnait son accord ferme et définitif, Mme [R] a expressément sollicité l'exécution immédiate de la prestation et renoncé à son droit de rétractation et qu'ainsi le professionnel a valablement recueilli la demande de Mme [R] de voir exécuter le contrat immédiatement puisque cet accord peut être obtenu par tout moyen ; qu'en l'espèce le devis expressément accepté comportait au niveau de la signature, sous la mention « Bon pour accord », une case par laquelle était sollicitée l'exécution immédiate de la prestation impliquant renonciation au droit de rétractation ; que Mme [R] ayant expressément accepté électroniquement ce devis pour avoir cliqué sur « accepter » depuis son smartphone, acceptation confirmée par courriel, le professionnel a valablement recueilli la demande de Mme [R] de voir le contrat exécuté immédiatement puisque cet accord pouvait être obtenu par tout moyen, Mme [R] n'ayant de surcroît formalisé aucune opposition à ce qu'elle intervienne le jour même ; qu'en acceptant le devis et les conditions générales de vente, et en demandant une intervention en urgence, Mme [R] a renoncé à pouvoir bénéficier d'un droit de rétractation après l'exécution de l'intervention. Au demeurant elle estime que Mme [R] n'a pas exercé son droit de rétractation suite à la pose du chauffe-eau, ayant uniquement fait bloquer le paiement Paypal sans que la Sas Les Bons Artisans ait été informée d'une demande de rétractation, et ayant par courrier du 14 décembre 2020 sollicité uniquement une réduction du prix de 400 € sans faire valoir l'exercice d'un droit de rétractation, la saisine du médiateur n'équivalant pas davantage à l'expression d'une volonté de rétractation.
Elle s'oppose à toute demande indemnitaire de Mme [R].
L'affaire a fait l'objet d'une procédure de fixation à bref délai conformément aux dispositions de l'article 904-1 du code de procédure civile et l'avis de fixation a été délivré le 8 mars 2024 pour l'audience du 10 septembre 2024 à 14h.
SUR CE, LA COUR :
1°/ Sur la demande en paiement de la Sas Les Bons Artisans
Selon les dispositions de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Si en application des dispositions de l'article 1103 du code civil les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, en application de celles de l'article 1104 du même code, les contrats doivent être négociés, formés, et exécutés de bonne foi.
Aux termes de l'article 1130 l'erreur le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécient eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Le dol est le fait pour le contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Le manquement à une obligation précontractuelle d'information est de nature à caractériser un dol s'il est intentionnel et a généré une erreur déterminante.
Selon les dispositions de l'article L 221-5 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente de biens ou de fourniture de services (') le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible notamment :
- les informations prévues aux articles L 111-1 et L 111-2 (caractéristiques essentielles du bien, du service, le prix du bien, du service, ('),
- la date à laquelle ou le délai dans lequel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à fournir le service ('),
- lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation.
La réparabilité du produit est par ailleurs considérée comme une des caractéristiques essentielles du bien ou du service tel que défini aux articles L 111-1 à L 111-7 selon l'alinéa 3 de l'article L 441-3 du même code .
Selon les dispositions de l'article L 121-19-3 du code de la consommation, devenu L 221-14, « Pour les contrats conclus par voie électronique, le professionnel rappelle au consommateur, avant qu'il ne passe sa commande, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques essentielles des biens ou des services qui font l'objet de la commande, à leur prix, à la durée du contrat et ou des services, et s'il y a lieu, à la durée minimale des obligations de ce dernier au titre du contrat, telles que prévues à l'article L 121-17 (devenu L 221-5).
Le professionnel veille à ce que le consommateur, lors de sa commande, reconnaisse explicitement son obligation de paiement. A cette fin, la fonction utilisée par le consommateur pour valider sa commande comporte la mention claire et lisible : commande avec obligation de paiement ou une formule analogue, dénuée de toute ambiguïté, indiquant que la passation d'une commande oblige à son paiement ».
Les dispositions de ce deuxième alinéa sont prévues à peine de nullité du contrat conclu par voie électronique en application de l'ancien article L 121-19-3 alinéa 2 devenu L 242-2 du code de la consommation.
En l'espèce, après échange téléphonique entre Mme [R], laquelle se plaignait du non fonctionnement de son chauffe-eau, et un commercial de la Sas Les Bons Artisans, dont cette dernière admet dans ses écritures « qu'au vu des éléments donnés par téléphone, l'interlocuteur de Mme [R] a estimé qu'un remplacement du chauffe-eau était la solution la plus adaptée pour rétablir l'eau chaude chez la cliente », ce dernier, le 10 décembre 2020 à 14h21 a transmis par mél avec pièces jointes à Mme [R] un devis de remplacement du chauffe-eau pour 992,20 € Ttc destiné à être accepté par signature du client après mention « bon pour accord », espace ni signé ni rempli par Mme [R] pas plus que la mention par laquelle la cliente aurait sollicité l'exécution immédiate de la prestation entraînant la renonciation au droit de rétractation édicté par l'article L 121-10-2 du code de la consommation.
Le texte de ce message était le suivant :
« Suite à notre dernier échange téléphonique concernant la réalisation d'un devis en Plomberie,
Vous trouverez-ci joint le devis n° 412683 correspondant à ce que nous avons vu ensemble.
Sachez également, que votre installation sera éligible à notre assurance RC PRO et notre assurance décennale.
Lors de l'acceptation, je vous prie de bien vouloir cliquer sur le bouton ci-dessous :
J'accepte Je refuse
Je reste à votre entière disposition pour tous renseignements ou remarques que vous pourriez avoir sur ce devis (technique, délais, prix).
Merci de me tenir au courant de la suite que vous donnerez à ce devis.
L'acceptation du devis vaut contrat de vente. »
De fait, le simple fait de cliquer sur le bouton « J'accepte », ce qu'a fait immédiatement Mme [R] sur son téléphone mobile à 14h23, était censé pour la Sas Les Bons Artisans entraîner l'acceptation du devis joint au mél et générait un mél automatique d'acceptation de la vente pour 990,20 € Ttc tout comme des conditions générales de vente (pièce 3), ce qu'elle confirmait à Mme [R] à 14h25, lui demandant de régler un acompte de 40 %, soit 396,88 € Ttc via la plateforme sécurisée.
Le bouton « J'accepte » ayant servi à valider la commande électronique ne satisfait pas à l'alinéa 2 de l'article susvisé en ce qu'il ne comporte pas la mention claire et lisible d'une commande avec obligation de paiement ou une formule analogue, dénuée de toute ambiguïté, indiquant que la passation d'une commande oblige à son paiement. Il ne peut valoir dans ces conditions ni acceptation valable du devis, ni générer une obligation à paiement, ni valoir prise de connaissance du délai de rétractation de 14 jours dont bénéficiait en toute hypothèse Mme [R] s'agissant d'une vente à distance et des modalités d'y renoncer, ni demande d'exécution immédiate de la prestation avec renonciation expresse au délai de rétractation, étant rappelé qu'en application de l'article L 221-28 du code de la consommation l'exclusion du droit de renonciation pour le consommateur en cas d'urgence n'est prévue que pour les travaux d'entretien et de réparation à réaliser en urgence au domicile du consommateur et expressément sollicités par lui dans la limite des pièces de rechange et des travaux strictement nécessaires pour répondre à l'urgence, prestations sans rapport avec la vente et l'installation d'un nouveau chauffe-eau.
Au surplus, la proposition de vente d'un chauffe-eau, alors qu'il est acquis que Mme [R] avait appelé la Sas Les Bons Artisans, réparateur et installateur, parce que son chauffe-eau ne fonctionnait brutalement plus, a été réalisée sans diagnostic technique de la défaillance du chauffe-eau et la Sas Les Bons Artisans n'explique pas en quoi au vu des éléments donnés par téléphone, non précisés, l'interlocuteur de Mme [R] a estimé qu'un remplacement du chauffe-eau était la solution la plus adaptée pour rétablir l'eau chaude chez la cliente.
L'installateur mandaté par la Sas Les Artisans, le jour même, 10 décembre 2020, a enlevé le chauffe-eau existant et installé le nouveau sans manifestement vérifier préalablement l'origine de l'absence d'eau chaude affectant le chauffe-eau pour contrôler, en qualité de professionnel tenu d'une obligation d'information et de conseil, la nécessité de changer le chauffe-eau électrique Atlantis existant par un nouveau chauffe-eau Atlantis, notamment en contrôlant le contacteur électrique lequel n'était, de fait, plus en fonctionnement en position automatique en raison d'une intervention de Edf, la veille, soit le 9 décembre 2020 pour supprimer l'option heures creuses ainsi qu'il résulte des échanges de courriers produits par Mme [R].
Les modalités de la vente imposée dans ces conditions illicites, sans respect des droits du consommateur ni des obligations du professionnel, dans une immédiateté destinée à contraindre Mme [R] à s'engager dans un remplacement de matériel non étayé d'un diagnostic sérieux et à la tromper, exclusives de toute bonne foi du dépanneur-vendeur dans la négociation et la formation de la convention et consécutivement intentionnelles, sont constitutives d'un dol sans lequel Mme [R] n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, ce qui justifie l'annulation du contrat de vente et exclut toute obligation à paiement de la part de Mme [R] des suites de la livraison et l'installation à son domicile du chauffe-eau litigieux.
En conséquence, sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens subséquents tirés de l'erreur ou de l'exercice effectif ou non du droit de rétractation, infirmant le jugement entrepris et prononçant la nullité de la commande électronique du 10 décembre 2020 pour dol, il convient de débouter la Sas Les Bons Artisans de sa demande en paiement.
La Sarl Les Bons Artisans ayant récupéré l'ancien chauffe-eau de Mme [R] sans justifier de sa défectuosité et n'étant pas manifestement en mesure de le restituer, il n'y a pas lieu d'ordonner à Mme [R] la restitution du chauffe-eau livré des suites de la vente annulée.
2°/ Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [R]
Au regard de la modicité de l'intérêt du litige, Mme [R] ayant au surplus été remboursée par le service Payal des sommes qu'elle avait réglées à la Sas Les Bons Artisans dès avant le 8 janvier 2021, il ne peut être utilement soutenu par Mme [R] qu'elle ait subi un préjudice moral.
Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce que le premier juge a débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts.
3°/ Sur les dépens et frais irrépétibles
Partie succombante la Sas Les Bons Artisans supportera les dépens de première instance, en ceux compris les frais inhérents à l'ordonnance d'injonction de payer signifiée le 2 août 2022, ainsi que les dépens d'appel. Elle se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt tant au titre de la procédure de première instance que de celle d'appel, sans pouvoir elle-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce que le premier juge a débouté Mme [L] [R] de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Prononce la nullité de la vente du 10 décembre 2020 entre Mme [L] [R] et la Sarl Les Bons Artisans ;
Déboute la Sas Les Bons Artisans de sa demande en paiement ;
Dit n'y avoir lieu à restitution par Mme [R] du chauffe-eau électrique installé à son domicile par la Sas Les Bons Artisans ;
Condamne la Sas Les Bons Artisans aux dépens de première instance, en ceux compris les frais inhérents à l'ordonnance d'injonction de payer du 2 août 2022, ainsi qu'aux dépens d'appel ;
Condamne la Sas Les Bons Artisans à payer à Mme [L] [R] une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de celle d'appel ;
Déboute la Sas Les Bons Artisans de sa demande d'indemnité sur ce même fondement.