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Décisions

CA Bastia, ch. civ. sect. 1, 12 mars 2025, n° 23/00765

BASTIA

Arrêt

Autre

CA Bastia n° 23/00765

12 mars 2025

Chambre civile

Section 1

ARRÊT N°

du 12 MARS 2025

N° RG 23/765

N° Portalis DBVE-V-B7H-CHYL SD-C

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire d'AJACCIO, décision attaquée

du 2 novembre 2023, enregistrée sous le n° 22/217

Compagnie d'assurance GROUPAMA

C/

[C]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

DOUZE MARS DEUX-MILLE-VINGT-CINQ

APPELANTE :

Compagnie d'assurance GROUPAMA

prise en la personne de ses représentants légaux en exercice

domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Joseph SAVELLI, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMÉE :

Mme [T] [C]

née le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 5] (Corse)

[Adresse 9]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean André ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 décembre 2024, devant Saveria DUCOMMUN-RICOUX, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Valérie LEBRETON, présidente de chambre

Emmanuelle ZAMO, conseillère

Saveria DUCOMMUN-RICOUX, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Vykhanda CHENG

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 mars 2025

ARRÊT :

Contradictoire.

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Valérie LEBRETON, présidente de chambre, et Vykhanda CHENG, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [T] [C] est propriétaire d'un véhicule de marque BMW série 1 immatriculé [Immatriculation 6], assuré auprès de la compagnie d'assurance Groupama, selon contrat n°50783242J0002. Le 14 mai 2021, le véhicule a été impliqué dans un accident de la circulation, le fils de Mme [T] [C] étant alors au volant. Si la compagnie d'assurance Groupama Méditerranée a pris en charge les dommages causés aux tiers, elle a refusé la prise en charge des réparations du véhicule de Mme [T] [C], le permis de conduire de son fils s'avérant suspendu par les autorités administratives au moment de l'accident.

Mme [T] [C] a fait assigner la compagnie d'assurance Groupama Méditerranée devant le tribunal judiciaire de Bastia par exploit de commissaire de justice en date du 16 février 2022 pour obtenir remboursement de son véhicule, à la valeur Argus et des frais de garde ainsi qu'au paiement d'une indemnité de jouissance. Le tribunal a fait droit à ses demandes, tout en ne chiffrant pas le montant des réparations.

Par déclaration du 18 décembre 2023, la société Groupama a interjeté appel du jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Bastia en date du 2 novembre 2023 en ce qu'il a :

Condamné la société Groupama à garantir les dommages survenus sur le véhicule de marque BMW série 1 immatriculé [Immatriculation 6] suite à l'accident de la circulation survenu le 14 mai 2021,

Condamné la société Groupama verser à Mme [T] [C] la somme de 2 095 € au titre du préjudice de jouissance,

Condamné la société Groupama à verser à Mme [T] [C] la somme de 6 986,70 € au titre des frais de remorquage et de gardiennage jusqu'au 15 novembre 2021,

Condamné la société Groupama à verser à Mme [T] [C] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Groupama aux dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil, transmises par RPVA le 2 août 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la compagnie d'assurance Groupama Méditerranée demande à la cour d'appel de :

Vu l'article 1103 du code civil,

Vu les conditions générales et particulières du contrat automobile formule CONFORT de la société,

Vu l'article L. 121-12, alinéa 1er du code des assurances,

Vu l'article 1356 du code civil,

Vu la loi 85-677 du 5 juillet 1985,

Au principal :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions, hormis celle concernant le rejet de la demande de condamnation de la société Groupama au paiement de la somme de 22 845 € en réparation du préjudice matériel de Mme [T] [C] relatif à la valeur vénale du véhicule,

Juger que le permis de conduire de M. [V] était suspendu le jour de l'accident du 14 mai 2021 permettant à la société Groupama de lui opposer les exclusions de garantie générales mentionnées dans son contrat,

Juger que Mme [T] [C] a implicitement reconnu dans le cadre ses correspondances échangées avec la société Groupama et reprises dans son assignation que le véhicule n'avait pas été conduit à son insu pas son fils M. [V],

Juger que les garanties de la société Groupama ne sont pas mobilisables,

Confirmer le jugement qui a débouté Mme [T] [C] de ses demandes de condamnation et de garantie portant sur la somme de 22 845 € au titre du remboursement de la valeur du véhicule,

Débouter Mme [T] [C] de l'ensemble de ses demandes,

Condamner Mme [T] [C] à payer la somme de 3 000 € à la société Groupama au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Subsidiairement :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions, hormis celle concernant le rejet de la demande de condamnation de la société Groupama au paiement de la somme de 22 845 € en réparation du préjudice matériel de Mme [T] [C] relatif à la valeur vénale du véhicule,

Juger que la société Groupama est légitimement fondée à opposer un refus de garantie à Mme [T] [C] au titre des exclusions de garantie particulières de son contrat, à la suite de l'accident de la circulation survenu 14 juin 2021 ayant endommagé son véhicule conduit par son fils M. [V] dont le permis de conduire était suspendu,

Juger que les garanties de la société Groupama ne sont pas mobilisables,

Confirmer le jugement qui a débouté Mme [T] [C] de ses demandes de condamnation et de garantie portant sur la somme de 22 845 € au titre du remboursement de la valeur du véhicule,

Débouter Mme [T] [C] de l'ensemble de ses demandes,

Condamner Mme [T] [C] à payer la somme de 3 000 € à la société Groupama au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Très subsidiairement :

Confirmer le jugement qui a condamné la société Groupama au paiement de la somme de 2 095 € en réparation du préjudice de jouissance de Mme [T] [C],

Infirmer le jugement qui a alloué à Mme [T] [C] la somme de 6 986,70 € au titre de la réparation de frais de remorquage et gardiennage,

Juger que les frais de gardiennage ne sont garantis par le contrat d'assurance de la société Groupama,

Juger que la société Groupama ne pourra être tenue qu'au paiement de la somme de 182,25 € au titre de la prise en charge des frais de dépannage,

Débouter Mme [T] [C] de ses demandes d'indemnisation plus amples ou contraires,

Condamner Mme [T] [C] à payer la somme de 3 000 € à la société Groupama au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Aux termes des dernières écritures de son conseil, transmises par RPVA le 12 juin 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Mme [T] [C] demande à la cour d'appel de :

Vu les articles L113-8 et L113-2 du Code des assurances

Vu les articles 1231 et suivants du code civil,

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

. Condamné la société Groupama à garantir les dommages survenus sur le véhicule de marque BMW série 1 immatriculé [Immatriculation 6] suite à l'accident de la circulation survenu le 14 mai 2021,

. Condamné la société Groupama verser à Mme [T] [C] la somme de 2 095 € au titre du préjudice de jouissance,

. Condamné la société Groupama verser à Mme [T] [C] la somme de 6 986,70 € au titre des frais de remorquage et de gardiennage jusqu'au 15 novembre 2021,

. Condamné la société Groupama verser à Mme [T] [C] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. Condamné la société Groupama aux entiers dépens.

Y ajoutant,

Condamner la société Groupama à payer à Mme [T] [C] la somme fixée à dire d'expert a titre des réparations du véhicule,

Condamner la société Groupama à payer à Mme [T] [C] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Par ordonnance du 2 octobre 2024, la procédure a fait l'objet d'une clôture et d'un renvoi à l'audience de plaidoirie du 16 décembre 2024. Lors de l'audience, l'affaire a été plaidée et mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 12 mars 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des appels

La recevabilité de l'appel principal et de l'appel incident n'est pas discutée et les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.

Par ailleurs, il n'est pas nécessaire de reprendre l'intégralité du dispositif des conclusions des parties qui peuvent comporter des dire, juger ou donner acte qui ne sont pas réellement des prétentions. Seules constituent de véritables demandes, celles tendant à l'infirmation ou la confirmation de première instance en premier lieu, celles tendant à la condamnation ou au débouté en second lieu. En conséquence, la cour ne statuera pas sur ces types de demandes.

Sur la condamnation de la société Groupama à garantir les dommages causés sur le véhicule assuré

La société appelante critique le jugement en ce qu'il l'a condamnée à garantir les dommages survenus sur le véhicule de marque BMW série 1, immatriculé [Immatriculation 6], suite à l'accident de la circulation intervenu le 14 mai 2021, alors même qu'il était conduit par le fils de l'assurée, dont le permis de conduire était suspendu depuis le 14 mars 2021 pour une durée de 6 mois. Elle reproche au premier juge d'avoir écarté la cause d'exclusion de garantie du contrat, en retenant que le véhicule avait été utilisé à l'insu de l'assurée et qu'en tout état de cause, il n'était pas démontré qu'elle avait eu connaissance de la suspension de permis de conduire de son fils.

La compagnie d'assurance Groupama Méditerranée conteste avoir échoué à démontrer le contraire, rappelant que Mme [T] [C] n'a jamais précisé que le véhicule était utilisé à son insu par son fils dans ses premiers courriers de réclamation ou dans son assignation, se limitant à contester jusqu'à ses premières écritures le fait que le permis de conduire de M. [I] [V] était suspendu. La société appelante considère que ce

silence constitue un aveu judiciaire, au sens de l'article 1356 du code civil, du fait que son fils était autorisé à conduire le véhicule. Elle ajoute que Mme [T] [C] a uniquement insisté lors des premiers échanges et de son assignation sur le fait qu'elle ignorait que le permis de son fils était suspendu, impliquant qu'elle n'avait aucune raison de refuser qu'il conduise la voiture. Par ailleurs, la société Groupama ajoute que deux mois avant l'accident, M. [I] [V] a déjà été verbalisé au volant du véhicule et qu'au cours de l'enquête préliminaire, il n'a fait aucune déclaration dans le sens d'un emprunt de la voiture de sa mère à son insu. Enfin, Mme [T] [C] n'a pas porté plainte pour vol contre son fils.

Selon l'appelante, la cour doit appliquer la clause d'exclusion de garantie générale mentionnée dans les conditions générales du contrat d'assurance et, subsidiairement, les exclusions de garantie particulières, mentionnées à l'article 2.12.2 du contrat.

En réplique, Mme [T] [C] fait valoir qu'elle ne savait pas que son véhicule était utilisé par son fils et que l'exclusion de garantie avancée par l'appelante ne peut donc s'appliquer. S'agissant de l'infraction précédente mentionnée par la société Groupama, l'intimée indique ne pas en avoir été informée, son fils étant majeur. Elle précise en outre que, dans le procès-verbal d'audition du 29 mars 2021, M. [I] [V] mentionne ne pas être le conducteur habituel du véhicule de sa mère mais de celui de son père, démontrant que la voiture a été utilisée le jour du sinistre à son insu. Elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la garantie de la société Groupama.

Il peut être précisé que Mme [T] [C] développe pour obtenir cette confirmation partielle un moyen relatif à la nullité du contrat d'assurance, sur le fondement des articles L113-8 et L.113-2 du code des assurances. Cependant, ce moyen n'est pas avancé par l'appelante pour échapper à sa garantie et ne sera donc pas examiné car inopérant.

L'appelante vise quant à elle l'article L.112-4 du code des assurances, qui prévoit en son dernier alinéa que « les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents », sans développer de moyen en relation. En tout état cause, la clause particulière d'exclusion de garantie présente en page 28 est bien en caractère très apparent, en gras et dans un encadré, à l'instar de la condition générale d'exclusion présente en page 43.

Les conditions générales du contrat mentionnent en effet au titre « des exclusions générales réglementaires prévues par le code des assurances », en page 43 du contrat, que sont exclus de la garantie les dommages survenus alors qu'au moment de l'accident, le conducteur n'est pas titulaire des certificats (permis de conduire, licence de circulation...) en état de validité vis-à-vis des normes exigées par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule. Cette exclusion est écartée lorsque l'utilisation du véhicule a été faite à l'insu de l'assuré, à l'exception de ses propres dommages.

Cette clause limitative de garantie doit être appréciée à l'aulne de l'article R.211-10 alinéa 1 du code des assurances, qui dispose que « le contrat d'assurance peut, sans qu'il soit contrevenu aux dispositions de l'article L. 211-1, comporter des clauses prévoyant une exclusion de garantie dans les cas suivants : 1° Lorsqu'au moment du sinistre, le conducteur n'a pas l'âge requis ou ne possède pas les certificats, en état de validité, exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule, sauf en cas de vol, de violence ou d'utilisation du véhicule à l'insu de l'assuré (') ».

Il n'est plus contesté par les parties qu'au jour du sinistre, M. [I] [V] était au volant, alors même que son permis de conduire avait été suspendu, suite à une première infraction au code de la route, commise par ce dernier le 14 mars 2021, sous l'empire des stupéfiants (pièces appelante n°6 et 12).

Reste uniquement à déterminer si M. [I] [V] a utilisé le véhicule au su de sa mère, intimée.

Il est constant qu'il appartient à l'assureur qui se prévaut d'une clause d'exclusion de garantie de rapporter la preuve de ce que les conditions de son application sont réunies.

La société appelante allègue que l'absence de mention par Mme [T] [C] dans ses conclusions et son assignation de son ignorance quant à l'emprunt par son fils de sa voiture constitue un aveu judiciaire. L'article 1356 du code civil définit l'aveu judiciaire comme « la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial. Il fait pleine foi contre celui qui l'a fait (') Il ne peut être révoqué, à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait. Il ne pourrait être révoqué sous prétexte d'une erreur de droit ».

Il ne saurait être considéré que l'omission d'un fait dans des écritures, alors même que leur auteur n'a pas été interpellé à ce sujet, constitue un aveu judiciaire. En effet, il apparaît légitime que Mme [T] [C] conteste en priorité la suspension du permis de conduire de son bus puis sa connaissance de cette suspension, s'agissant précisément de l'origine du refus de garantie de la société Groupama. Ne peut pas plus être considéré comme étant un aveu judiciaire le fait que Mme [T] [C] n'a pas porté plainte contre son fils pour le vol de son véhicule ou de ses clefs, a fortiori au vu de l'immunité dont il aurait bénéficié au titre de l'article 311-12 du code pénal.

Enfin, contrairement à ce qu'affirme la société Groupama, Mme [T] [C] a bien précisé dans son assignation « Or, au cas présent, elle ignorait que son fils avait utilisé le véhicule et elle ignorait que son permis avait été suspendu ». Ce n'est donc pas face aux arguments développés par la compagnie d'assurance dans ses conclusions que Mme [T] [C] a évoqué que le véhicule était conduit par son fils à son insu. Ce moyen relatif à l'aveu judiciaire est donc inopérant.

Par ailleurs, il ressort de l'audition de M. [I] [V] lors de son premier sinistre du 14 mars 2021 qu'il déclare que le conducteur habituel du véhicule BMW série 1, immatriculé [Immatriculation 6] est sa mère et que lui conduit généralement le véhicule de son père, un 4 x 4. N'étant pas interrogé à ce sujet et contrairement à ce qu'avance la société Groupama pour fonder sa demande, M. [I] [V] n'avait aucune raison de préciser avoir ce jour-là emprunté le véhicule à l'insu de sa mère. Etant majeur, sa mère n'a pas à être impliquée dans cette procédure, ce que démontrent d'ailleurs les éléments d'enquête versés.

La compagnie d'assurance Groupama Méditerranée affirme également que le fait que M. [I] [V] ait été interpellé à deux reprises au volant du véhicule BMW en deux mois implique qu'il en était le conducteur habituel. Cependant, il ne peut être déduit de ce constat la conduite habituelle de la voiture par le fils de l'intimée, alors même que ce dernier affirme précisément le contraire dans le procès-verbal dressé le 29 mars 2021 par les gendarmes. A ce stade de la procédure de gendarmerie, il n'avait en effet aucun intérêt à mentir aux enquêteurs.

Enfin, dans une attestation, M. [Y] [V] atteste avoir récupéré le véhicule peu avant l'accident, à la demande de l'intimée, son ex-épouse, et l'avoir entreposé chez lui, à [Localité 7]. Il précise que le véhicule avait été immobilisé lors d'un passage de Mme [T] [C] à [Localité 5], ce qui est cohérent avec les réparations effectuées par le garage BMW selon facture (pièce n°10). Il précise dans son attestation que son fils a utilisé ensuite le véhicule sans son autorisation. Si cette attestation ne concerne que la connaissance par M. [Y] [V] de cette utilisation, force est de constater qu'il assure ne pas avoir été au courant alors même que le véhicule était stationné selon ses dires à son domicile. Il n'est donc pas invraisemblable que l'intimée, ne vivant pas dans la même commune que son fils et son ex-époux, ne soit pas plus informée de cet emprunt.

Par ailleurs, la compagnie d'assurance Groupama Méditerranée n'étaye pas son affirmation selon laquelle l'attestation contredirait les premiers écrits produits aux débats par l'intimée. Le fait que cette attestation soit rédigée par l'ex-époux de l'intimée ne suffit pas à la priver de toute force probante, au vu des éléments factuels et cohérents qui y figurent.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a conclu que la société Groupama a échoué à démontrer que les conditions d'application de la clause générale d'exclusion de garantie étaient réunies et qu'elle doit sa garantie à l'intimée.

A titre subsidiaire, l'appelante fait valoir la clause particulière d'exclusion de garantie mentionné à l'article 2.12.2 du contrat, qui prévoit que la société Groupama ne garantit pas « les dommages survenus à l'occasion d'un accident de la circulation alors que le certificat d'immatriculation du véhicule assuré a été retiré par les autorités administratives compétentes », cette exclusion n'étant pas soumise à la condition de la connaissance par l'assurée de l'utilisation du véhicule par le tiers.

L'article 1103 du code civil dispose que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

En l'espèce, contrairement à ce qu'écrit l'appelante dans ses conclusions en reprenant de manière inexacte les termes de la clause visée, le contrat ne vise que les cas de retrait de certificat d'immatriculation du véhicule assuré et non les cas de retrait du permis de conduire du conducteur. Cette clause est donc inopérante et ne trouve donc pas à s'appliquer au présent litige. Le jugement sera donc confirmé sur l'obligation de garantie de l'appelante.

Sur la demande de prise en charge des frais liés au véhicule accidenté

L'appelante succombe dans ses demandes principales de non condamnation à garantir les conséquences de l'accident sur le véhicule. Il y a donc lieu d'examiner ses demandes subsidiaires, avancées en cas d'appel en garantie, qui visent uniquement à l'infirmation des frais de gardiennage.

Sur les frais de réparation

En effet, s'agissant des frais de réparation de véhicule, la société Groupama demande la confirmation du jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de condamnation présentée en première instance par Mme [T] [C], pour un montant de 22 845 €. Elle indique que Mme [T] [C] ne démontre pas que la voiture accidentée a été réformée ou réparée. Il demande donc confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

En réplique, l'intimée rappelle ne plus présenter cette demande, le premier juge ayant dit que la procédure habituelle d'indemnisation portant expertise devait être engagée par la compagnie d'assurance, ne statuant que sur le principe de la garantie des dommages. Elle se considère donc remplie de ses droits en cas de confirmation du chef de jugement condamnant la société Groupama à garantir les dommages survenus sur le véhicule de marque BMW série 1 immatriculé [Immatriculation 6] suite à l'accident de la circulation survenu le 14 mai 2021.

La cour ayant confirmé ce dernier chef, elle considère ne pas avoir à statuer sur le chef visé par l'appelante, cette dernière n'ayant pas interjeté appel de ce chef et l'intimée n'ayant pas fait appel incident à ce titre.

Cependant, l'intimée demande à la cour dans le dispositif de ses écritures, outre la confirmation de l'entier jugement, que soit ordonnée la condamnation de la société Groupama à lui payer la somme fixée à dire d'expert au titre des réparations du véhicule. Cette prétention est cependant superflue, la juridiction de première instance ayant déjà condamné la société Groupama à garantir les dommages survenus sur le véhicule, ayant dans le corps du jugement précisé que doit « être engagée par l'assureur la procédure

habituelle d'indemnisation selon expertise ». L'expertise n'ayant pas eu lieu, la cour ne peut par ailleurs accueillir la demande de Mme [T] [C], qui ne concerne une créance ni certaine, ni liquide, ni exigible. Sa demande sera donc rejetée.

Sur la demande au titre des frais de gardiennage et de remorquage

La compagnie appelante indique que c'est à tort que le premier juge l'a condamnée à prendre en charge les frais de gardiennage, ces derniers n'étant pas prévus par le contrat liant les parties, à l'inverse des frais liés au remorquage, qu'elle accepte subsidiairement d'assumer.

Mme [T] [C] demande en réplique que les frais de gardiennage soient pris en charge par l'assurance sur le fondement de l'article 1231 et s. du code civil, reprochant à la compagnie d'avoir provoqué ces frais en refusant sa garantie et partant, en n'exécutant pas le contrat d'assurance.

Il n'est pas contesté par les parties que le contrat signé par Mme [T] [C] ne prévoit pas la prise en charge par l'assureur des frais de gardiennage, la clause 2.12.1 présente en page 28 du contrat indiquant que sont garantis « les frais de dépannage et de remorquage s'ils résultent d'un événement garanti et en cas de nécessité à dire d'expert pour conduire le véhicule assuré jusqu'au garage le plus proche du lieu du sinistre ».

Cependant, l'article 1217 du code civil prévoit que « la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut (') demander réparation des conséquences de l'inexécution » et l'article 1231 du même code dispose que, « à moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable ».

La cour ayant considéré que la compagnie d'assurance Groupama Méditerranée avait manqué à son obligation contractuelle en refusant sa garantie à Mme [T] [C], c'est à bon droit que cette dernière sollicite la prise en charge des frais de gardiennage du jour de l'accident au 15 novembre 2021, son conseil ayant mis en demeure l'appelante de s'exécuter par courrier recommandé en date du 14 octobre 2021 (pièces intimées n°6 et 9). Le jugement sera donc confirmé de chef.

Sur les dépens d'appel et les frais irrépétibles

La compagnie d'assurance Groupama Méditerranée, partie succombante, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions au titre desdits dépens) et de l'instance d'appel.

Il est équitable de la condamner, au titre des frais irrépétibles prévus par l'article 700 du code de procédure civile, à verser à Mme [T] [C] la somme de 3 000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Ajaccio le 2 novembre 2023 en toutes ses dispositions attaquées,

Y ajoutant,

DÉBOUTE Mme [T] [C] de sa demande de condamnation de la compagnie d'assurance Groupama Méditerranée à payer la somme fixée à dire d'expert au titre des réparations du véhicule,

CONDAMNE la compagnie d'assurance Groupama Méditerranée aux entiers dépens d'appel,

CONDAMNE la compagnie d'assurance Groupama Méditerranée à verser à Mme [T] [C] la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles prévus par l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE

LA PRÉSIDENTE

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