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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 5, 12 mars 2025, n° 24/19122

PARIS

Ordonnance

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lagemi

T. com. Meaux, du 8 oct. 2024, n° 202401…

8 octobre 2024

Par jugement réputé contradictoire du 8 octobre 2024, le tribunal de commerce de Meaux a, notamment, condamné la société Alliance Immobilière du Val d'Europe à payer à M. [T] les sommes de :

- 1.128,04 euros au titre des intérêts de retard sur les commissions ;

- 142.503,56 euros à titre d'indemnité légale de cession de contrat en application de l'article L.134-12 du code de commerce ;

- 21.375,53 euros TTC à titre d'indemnité compensatrice du préavis non respecté en application de l'article L.134-11 du code de commerce ;

- 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par déclaration du 5 novembre 2024, la société Alliance Immobilière du Val d'Europe a relevé appel de ce jugement.

Par acte du 22 janvier 2025, elle a assigné en référé, devant le premier président de cette cour, M. [T] aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement entrepris et condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

A l'audience, la société Alliance Immobilière du Val d'Europe a soutenu les moyens développés dans l'acte introductif d'instance et maintenu ses demandes.

Aux termes de conclusions déposées et développées à l'audience, M. [T] s'oppose aux prétentions de la demanderesse et sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ainsi, c'est seulement si ces deux conditions sont cumulativement réunies que l'exécution provisoire peut être arrêtée.

Au titre des moyens sérieux de réformation du jugement entrepris, la société Alliance Immobilière du Val d'Europe, qui fait observer que l'assignation ne lui ayant pas été signifiée à personne, son dirigeant n'en a pas eu connaissance à temps de sorte qu'elle n'a pu se présenter à l'audience, soutient que la rupture du contrat d'agent commercial conclu avec M. [T], intervenue le 28 avril 2023, avait pour cause les fautes graves commises par ce dernier.

Elle explique que son assistante commerciale, qui était alors la compagne de M. [T], avait pris l'initiative d'orienter majoritairement les prospects vers ce dernier au mépris des règles internes, rompant ainsi l'égalité entre les agents commerciaux dans l'attribution des prospects, ce qui a conduit au licenciement de cette salariée et à une dégradation des relations avec M. [T] ; qu'au cours du mois de mai 2023, ce dernier a subtilisé tous les classeurs de l'agence contenant les fichiers clients et estimations des biens, pris en photographie le répertoire légal des mandats, obtenu des entretiens avec des agences concurrentes et restitué tardivement la clé de l'agence, cette restitution ayant été faite le 16 mai 2023.

Elle considère en conséquence que la rupture du contrat était fondée sur les fautes graves commises consistant dans un détournement de prospects des agents commerciaux des autres secteurs de l'agence avec l'aide de sa compagne, une subtilisation des fichiers clients et biens et une résistance à la restitution des clés.

Il sera relevé à titre liminaire que l'acte introductif d'instance a été délivré à la société Alliance Immobilière du Val d'Europe le 25 juin 2024 pour l'audience devant se tenir devant les premiers juges le 10 septembre 2024 ; que cet acte a été remis à l'étude du commissaire de justice après constat par celui-ci de la réalité du siège social auprès du registre du commerce et des sociétés et d'un voisin le lui ayant confirmé, du nom du destinataire sur la boîte aux lettres et, par suite, de l'impossibilité de le remettre à personne du fait de l'absence momentanée de toute personne habilitée à le recevoir ; qu'aucune irrégularité, au demeurant, non soutenue n'affecte l'acte de signification.

Selon l'article L.134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

En application de l'article L.134-13 du même code, cette réparation n'est pas due, notamment, lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

La faute grave se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.

Il incombe donc au mandant de démontrer l'existence d'une faute grave afin de lui permettre de rompre le contrat d'agence commerciale et de s'exonérer du paiement de l'indemnité de fin de contrat.

Or, en l'espèce, il ne résulte pas des pièces produites par la demanderesse que celle-ci rapporte la preuve d'une faute grave, qui doit nécessairement être antérieure à la rupture, puisque l'ayant provoquée.

En effet, les entretiens avec des agences immobilières concurrentes, la restitution tardive de la clé et, à la supposer établie, la subtilisation de fichiers clients et de biens et mandats de l'agence, ne sont pas préalables à la rupture du contrat et n'ont donc pu la causer.

En outre, le détournement de prospects au détriment des autres agents commerciaux de la société Alliance Immobilière du Val d'Europe n'est pas caractérisé dès lors qu'il n'est justifié ni de sa matérialité ni des règles internes relatives à l'attribution de ces derniers.

Il apparaît des explications des parties que M. [T] a été convoqué par SMS du 27 avril 2023 pour le lendemain et que la rupture du contrat a été actée le 28 avril 2023. Aucun grief n'est explicité dans ce message, qui est extrêmement succinct et se limite à fixer une heure de rendez-vous. Aucune lettre de rupture préalable à ce rendez-vous mentionnant une faute grave de nature à rendre impossible le maintien du contrat n'a été produite.

Dans ces conditions, il n'est pas justifié de moyens sérieux de réformation de la décision entreprise.

La demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire sera rejetée donc sans qu'il y ait lieu d'examiner les conséquences manifestement excessives que pourrait entraîner l'exécution provisoire du jugement.

La société Alliance Immobilière du Val d'Europe supportera les dépens et sera tenue de régler à M. [T], contraint d'exposer des frais irrépétibles pour assurer sa défense, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejetons la demande de la société Alliance Immobilière du Val d'Europe tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement en date du 8 octobre 2024 prononcé par le tribunal de commerce de Meaux ;

Condamnons la société Alliance Immobilière du Val d'Europe aux dépens et à payer à M. [T] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

ORDONNANCE rendue par Mme Florence LAGEMI, Présidente de chambre, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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