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CA Lyon, 1re ch. civ. b, 11 mars 2025, n° 21/01112

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 21/01112

11 mars 2025

N° RG 21/01112 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NM4J

Décision du

Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE SUR SAONE

Au fond

du 14 juin 2018

RG : 17/00176

[Y] [C] [X]

C/

[I] [H]

[R] [L] [N]

S.C.I. [17]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 11 Mars 2025

APPELANTE :

Mme [Z] [Y] [C] [X]

née le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 26] (69)

[Adresse 18]

[Localité 14]

Représentée par Me Guillaume ANGELI, avocat au barreau de l'AIN

INTIMES :

M. [S] [I] [H]

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 23] (Suisse)

[Adresse 21]

[Localité 13] (SUISSE)

Mme [M] [N] épouse [R]

née le [Date naissance 6] 1956

[Adresse 27]

[Localité 8] (SUISSE)

La SCI [17]

[Adresse 7]

[Localité 28]

Représentés par Me Eric LAVIROTTE de la SELARL SELARL ASCALONE AVOCATS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE, toque : T 572

PARTIES INTERVENANTES :

M. [B] [K]

Foyer [24]

[Adresse 16]

[Localité 28]

M. [F] [K]

[Adresse 11]

[Adresse 19]

[Localité 1]

Mme [W] [K]

[Adresse 10]

[Localité 15]

L'association [22], en sa qualité de curateur renforcé de Monsieur [B] [A] [E] [K]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 26]

tous représentés par Me Guillaume ANGELI, avocat au barreau de l'AIN

Le service du domaine, Pôle de gestion des Patrimoines Privés de [Localité 20] à la direction régionale des finances publiques de la région Bourgogne-Franche-Comté et du Département de la Côte d'Or (DRFIP21) agissant ès-qualités de curateur de la succession vacante de [V] [K]

[Adresse 5]

[Localité 20]

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 04 Juillet 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Décembre 2024

Date de mise à disposition : 25 Février 2025 prorogée au 11 Mars 2025, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

La société [17] a été créée le [Date décès 12] 1990 pour la construction et la gestion d'un immeuble nommé [25] sis à [Localité 28]. Cette société a été transformée en SCI suivant décision de l'assemblée générale des actionnaires du 3 juin 1997 et aux termes des statuts datés du même jour, sont associés de cette SCI :

- Mme [Z] [Y] [C] [X] (Mme [C]) à concurrence de 50 parts,

- M. [V] [K] à concurrence de 140 parts,

- M. [J] [R] à concurrence de 190 parts,

- M. [S] [I] à concurrence de 190 parts.

Par actes introductifs d'instance des 6 et 20 février 2017, M. [H] et [R] et la société [17] ont fait assigner M. [K] et Mme [C] devant le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône en remboursement de leurs comptes courants d'associés.

Reconventionnellement, [V] [K] a sollicité la fixation de sa rémunération en tant que gérant de 2007 à 2014, à hauteur de 691.425 euros.

Par jugement contradictoire du 14 juin 2018, le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a :

- condamné M. [K] à payer à la société [17] la somme de 302.207,46 euros en remboursement de son compte courant d'associé, outre intérêts au taux légal à compter du 6 février 2017,

- condamné Mme [C] à payer à la société [17] la somme de 79.068,58 euros en remboursement de son compte courant d'associé, outre intérêts au taux légal à compter du 29 février 2016,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,

- condamné in solidum M. [K] et Mme [C] à payer à la société [17] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes,

- condamné in solidum [V] [K] et Mme [C] aux dépens.

Par déclaration du 23 juillet 2018, [V] [K] et Mme [C] ont interjeté appel.

[J] [R] est décédé le [Date décès 12] 2018.

Par conclusions du 12 février 2021, Mme [M] [R], son épouse, est intervenue volontairement à l'instance en qualité d'héritière.

[V] [K] est décédé le [Date décès 4] 2019 ce qui a interrompu l'instance.

Par actes des 10, 14 et 16 juin 2021, M. [I] [H], Mme [R] et la SCI [17] ont fait assigner M. [B] [K], l'association [22] ès-qualités, M. [F] [K] et Mme [W] [K], héritiers de [V] [K] en intervention forcée.

Par conclusions notifiées le 15 juin 2021, M. [B] [K], l'association [22] ès-qualités, M. [F] [K] et Mme [W] [K] ont annoncé qu'ils avaient renoncé à la succession de [V] [K] les 20 mai et 22 et 26 juin 2020.

Il est apparu que l'ensemble des successibles en ligne directe de [V] [K] ont renoncé à sa succession.

Par ordonnance sur requête du président du tribunal judiciaire de Mâcon du 7 juillet 2023, M. le directeur régional des finances publiques de la région Bourgogne Franche-Comté et du département de la Côte d'Or, service du domaine, pôle de gestion des patrimoines privés de Dijon (et ci-après le Service du domaine) a été désigné en qualité de curateur à la succession vacante de [V] [K].

Le Service du domaine a été appelé en intervention forcée par assignation délivrée le 16 février 2024.

***

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 juillet 2021, Mme [C] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône le 14

juin 2018, en ce qu'il l'a condamnée à payer à la SCI [17] la somme de 79.068,58 euros, outre in solidum à la somme de 1.200 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- constater que ne sont pas produits aux débats les bilans des années 2018, 2019 et 2020, ni les procès-verbaux d'assemblées générales ayant statué sur ces comptes,

En conséquence,

- dire la demande présentée par la SCI [17] à son encontre irrecevable et mal fondée, et la rejeter,

- condamner encore M. [S] [I], [J] [R] et la SCI [17] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers frais et dépens.

***

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 15 juin 2021, M. [B] [K], l'association [22] ès-qualités, M. [F] [K] et Mme [W] [K] demandent à la cour de :

- constater qu'ils ont renoncé à la succession de [V] [K],

- en conséquence, rejeter toute demande présentée à leur encontre par les consorts [I]-[R] et la SCI [17].

- condamner encore MM [I], [J] [R] et la SCI [17] à leur payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers frais et dépens.

***

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 14 mai 2024, M. [I] [H], Mme [M] [R] et la SCI [17] (la SCI) demandent à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône le 14 juin 2018 en toutes ses dispositions,

- condamner le Service du domaine à payer à la SCI la somme de 302.207,46 euros représentant le solde débiteur du compte courant de M. [K],

- à tout le moins, fixer cette somme au passif de la succession vacante de M. [K],

- le condamner à payer à la SCI les intérêts au taux légal sur le compte courant d'associé de M. [K] à compter du 6 février 2017 et jusqu'à complet paiement, avec capitalisation,

- à tout le moins, fixer cette somme au passif de la succession vacante de M. [K],

Dans l'hypothèse où la présente cour ne confirmerait pas le jugement déféré en ce qu'il a mis à la charge de [V] [K] les intérêts au taux légal à compter du 6 février 2017 sur la somme de 302.207,46 euros, avec capitalisation,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de préjudice complémentaire formée par la SCI à l'encontre de [V] [K],

Et, statuant à nouveau,

- condamner le Service du domaine à payer à la SCI les intérêts au taux légal ayant couru sur la somme de 302.207,46 euros à compter du 6 février 2017 et jusqu'à complet règlement en réparation du préjudice à elle causé par le fait d'avoir été privée de cette somme,

- à tout le moins, fixer cette somme au passif de la succession vacante de [V] [K],

- condamner Mme [C] à payer à la SCI la somme de 79.068,58 euros en remboursement de son compte courant d'associée, outre intérêts au taux légal à compter du 29 février 2016, outre capitalisation desdits intérêts,

Dans l'hypothèse où la présente cour ne confirmerait pas le jugement déféré en ce qu'il a mis à la charge de Mme [C] les intérêts au taux légal à compter du 29 février 2016 avec capitalisation sur la somme de 79.068,58 euros,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de préjudice complémentaire formée par la SCI [17] à l'encontre de Mme [C],

Et, statuant à nouveau,

- condamner Mme [C] à payer à la SCI les intérêts au taux légal ayant couru sur la somme de 79.068,58 euros à compter du 29 février 2016 jusqu'à complet paiement, en réparation de son préjudice de perte de jouissance des sommes dues,

En toute hypothèse,

- ordonner la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,

- condamner le Service du domaine à payer à la SCI la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à tout le moins, fixer cette somme au passif de la succession vacante de [V] [K],

- condamner Mme [C] à payer à la SCI la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [B] [K], assisté de son curateur l'association [22], M. [F] [K] et Mme [W] [K] à payer à la SCI la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter toute autre demande plus ample ou contraire,

- condamner qui de mieux le devra du Service du domaine et de Mme [C] aux entiers dépens de l'instance, avec droit de recouvrement,

- à tout le moins, fixer cette somme au passif de la succession vacante de [V] [K].

* * *

Par conclusions déposées au greffe le 11 mars 2024, le Service du domaine demande à la cour de :

- infirmer le jugement querellé en reconnaissant le bien fondé de la demande de [V] [K] en ce qu'il peut prétendre à être rémunéré en qualité de gérant et en fixer le montant dont la SCI serait redevable,

- déterminer le montant de la créance restant due à la SCI par [V] [K] au moment de son décès, à inscrire au passif de la succession,

- dire et juger que la succession ne pourra être tenue de payer sa créance que dans la limite de l'actif disponible et ce, après avoir désintéressé les créanciers de premier rang,

- débouter les appelants de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 juillet 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le remboursement du compte courant d'associé

Mme [C] soutient que :

- si le compte courant d'associé doit être remboursé ad nutum, la demande ne saurait aboutir en l'état, ce n'est que tardivement que les bilans 2015 et 2016 ont été produits, jusqu'au bilan arrêté le 31 décembre 2017 et l'action engagée ne peut l'être que sur le fondement du dernier exercice, approuvé par l' assemblée générale des associés,

- depuis les années 2005 et 2006, date des premières ventes immobilières des biens appartenant à la société, le produit des ventes a été réparti entre les associés, au moyen de comptes courants dits « de répartition », et il s'agissait alors, dans l'esprit des associés, d'éviter des distributions de dividendes, soumis à la fiscalité et aux prélèvements sociaux, mais il s'agissait effectivement d'une vue « à court terme »,

- à cet effet, la pièce adverse numéro 12, soit les comptes non approuvés par l'assemblée générale, établit que MM. [I] [H] et [R] étaient tous deux titulaires d'un compte courant débiteur, à hauteur de plus de 115 000 euros, par ces techniques, le compte courant débiteur de chacun était donc artificiellement gonflé',

- une vente récente, non prise en compte dans les bilans, s'est faite au profit de la SCI, qui a encaissé la somme de 480.000 euros et qui selon l'assignation aurait eu lieu mais dans les derniers écrits déposés pour le compte de la SCI, il n'est pas donné d'explications sur l'issue de cette vente, ni sur le produit qui en est résulté,

- sur ce montant, elle aura des droits, qui pourront venir se compenser avec le montant de son compte-courant, et la cour ne pourra statuer qu'au vu de documents actualisés, puisque ne peut être pris en compte que le montant actualisé au jour la plus proche de la décision judiciaire à intervenir, et il incombe à la SCI de produire les bilans des exercices 2018, 2019 et 2020, ainsi que les procès-verbaux d'assemblée générale ayant approuvé ses comptes, à défaut, la demande présentée n'est pas fondée.

Les consorts [K] font valoir :

- qu'ils ont renoncé:

- pour [B] [K] : le 22 juin 2020,

- pour [W] [K] : le 26 juin 2020,

- Pour [F] [K] : le 20 mai 2020.

- que du fait de la demande de prorogation, le délai d'option a été suspendu, qu'à la date de l'assignation délivrée le 14 janvier 2020, il restait à courir 5 jours jusqu'au 19 janvier 2020, que ces 5 jours ont repris leur cours à compter de la décision rendue le 17 juin, 2020, et le délai d'option expirait donc le 22 juin 2020, sans préjudice par ailleurs des dispositions relatives à la suspension des délais de procédure du fait de l'état d'urgence alors en vigueur, qui repoussait jusqu'au 18 août 2020 l'expiration de tous les délais de procédure.

M.[I] [H], Mme [R] et la SCI rétorquent que :

- si les comptes courants d'associés sont des instruments par lesquels des fonds sont mis à la disposition des entreprises, les éventuels découverts consentis aux associés constituent un détournement de la finalité de ces outils de financement de l'entreprise, pour satisfaire des besoins personnels, à l'encontre de l'intérêt social,

- [V] [K] a financé des projets personnels au moyen de son compte courant d'associé débiteur, (dont une somme de 169.000 euros) sans en infirmer ses associés, et il a fait de même sur le compte courant de son ex-épouse,

- la situation de la société est devenue délicate, et les parties ont signé le 27 février 2012 une convention de prêt de 200.000 euros à [V] [K] pour lé rénovation de son habitation, mais aucun paiement n'est intervenu et les prélèvements du gérant ont continué, d'où le débit du compte d'associé,

- le remboursement est devenu une absolue nécessité, la société a été mise en péril, sauf en 2017 avec la dernière vente immobilière, les autres associés ont tenté de pallier aux difficultés avec des apports financiers importants et des ventes, l'actif disponible doit être récupéré avant clôture,

- le compte courant débiteur n'a jamais été contesté, et la société a par ailleurs déclaré sa créance auprès du Service du Domaine,

- le compte courant [C] a été crédité de 25.000 euros mais aucune explication n'a été donnée sur cette opération,

- sur les droits de distribution des associés suite à la vente immobilière de 2017, les bilans 2018 à 2023 et procès-verbaux d'approbation des comptes sont produits et sont tous déficitaires, et il n'y a pas de dividendes à distribuer, seule une partie des dettes a été remboursée,

- les héritiers malgré renonciation à succession sont propriétaires de parts sociales, le décès de leur père ayant mis fin à l'usufruit,

- sur la compensation avec une rémunération de gérance, celle ci était gratuite jusqu'au 31 décembre 2006 et postérieurement, la rémunération devait être de droit commun, mais aucune rémunération n'est prévue dans les statuts ni n'a été décidée par l' assemblée générale, il y a eu renonciation tacite et non équivoque à un droit, en l'absence de demande, et le tribunal a retenu à tort le contraire,

- la somme de 400.000 CHF constituant les apports en numéraire des associés suisses ne peut donc être pris en considération comme base de rémunération future du gérant.

Le Service du domaine fait valoir que :

- le compte courant d'associé doit être remboursé ad nutum mais les demandes contre [V] [K] ne sont pas recevables pour deux raisons essentielles, soit l'absence de reconnaissance au profit des associés et en particulier de [V] [K] des droits de distribution liés au produit de la vente d'une partie du patrimoine de la SCI (480.000 euros) et le non-paiement de la rémunération de l'ancien gérant du 1er janvier 2007 au 19 août 2014, sa rémunération étant estimée à 691.425 euros inscrite dans la convention du 21 mai 2012,

- le TGI de Villefranche sur Saône a pris acte que tous les comptes-courants étaient débiteurs jusqu'en 2014, ce qui constituait le mode de gestion de la société connu de tous et ne peut constituer une faute du gérant,

- le fait que [V] [K] n'ait pas demandé de rémunération de sa gérance avant la présente instance n'établit pas sa renonciation tacite à ce droit,

- la valorisation de son apport en industrie qu'il n'est pas en mesure d'estimer pourrait être reconnue et venir en déduction du montant de la créance non contesté et il s'en rapporte à justice pour la fixation du montant dû au jour du décès,

- sa mission relève de l'article 810-4 du code civil et comprend notamment le paiement des dettes jusqu'à concurrence de l'actif, et après la vente des biens immobiliers, l'imputation des frais et le paiement des créanciers, la succession devrait être créditrice d'un montant bien inférieur aux sommes réclamées en l'espèce, et il convient de dire qu'il ne pourra qu'être tenu d'inscrire la créance au passif de la succession, laquelle sera réglée en application de l'article 810-5.

Réponse de la cour

L'article 1843-5 du Code Civil dispose que « Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société.

Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action. Aucune décision de l'assemblée des associés ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l'accomplissement de leur mandat. »

L'article 1848 du Code Civil prévoit que « Dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société. »

En l'espèce, c'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que le premier juge a retenu que :

- le compte courant d'associé qui présente un solde débiteur constate un emprunt de l'associé contre la société, à défaut de clause spécifique dans les statuts ou dans une autre convention liant la société, celle-ci peut à tout moment en exiger le remboursement à l'associé,

- il n'est pas contesté en l'espèce que le compte-courant de [V] [K] présentait depuis 2014 et jusqu'au jour du jugement un solde débiteur de 302.207,46 euros,

- cette somme comprend d'une part le montant d'un prêt consenti à la SCI de 200.000 euros suivant convention du 27 février 2012 pour une durée courant jusqu'au 31 décembre 2016 outre différents prélèvements réalisés au cours de la vie sociale,

- l'échéance de remboursement étant dépassée et les statuts ne prévoyant aucune règle spécifique concernant les comptes courants d'associé débiteurs, la SCI était fondée à demander le remboursement de la somme de 302.207,46 euros à son associé outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- le compte de Mme [C] comportait également un solde débiteur de 79.069 euros correspondant à divers prélèvements réalisés au cours d ela vie sociale et que la SCI était fondée à en solliciter le remboursement à son associé outre intérêts légaux à compter de la première mise en demeure.

La cour ajoute que Mme [C] n'est pas fondée à se prévaloir de l'absence de pièces permettant de confirmer sa dette alors que les comptes annuels ont bien été produits, que le résultats des exercices comptables des années 2013 à 2023 sont déficitaires hormis l'année 2017 en raison de la vente d'un actif cette année là et qu'elle ne fait valoir concrètement aucun montant venant en déduction de sa dette. Mme [C] ne justifie par ailleurs d'aucune vente immobilière dont le produit aurait dû venir en crédit de son compte d'associé débiteur alors que la société a dû utiliser le produit de ventes pour résorber ses dettes.

Ensuite, si une pratique de comptes courants débiteurs a pu momentanément s'instaurer, aucun acte n'en a confirmé le principe de sorte que l'appelante n'est pas fondée à s'en prévaloir pour refuser le remboursement du compte courant d'associé, notamment lorsque la société connaît des difficultés financières, ayant entraîné des ventes de biens immobiliers et des apports financiers de nouveaux dirigeants.

Mme [C] et le Service des domaines ne sont donc pas fondés à se prévaloir de ventes immobilières qui auraient diminué le montant des comptes débiteurs.

Toutefois, il doit nécessairement être tenu compte en cause d'appel du décès de [V] [K] et la cour relève qu'aucune des autres parties ne conteste en appel que les consorts [K] ont renoncé à la succession de [V] [K] ni ne présente de demande en paiement au fond à leur encontre.

Le Service des Domaines, pour sa part, fait valoir à juste titre que la créance doit être fixée à son encontre et qu'aucune condamnation à paiement ne peut intervenir, en application de l'article 810-5 du code civil.

Ce service n'est par contre pas fondé à faire valoir que [V] [K] disposait d'un droit à paiement de sa rémunération d'ancien gérant du 1er janvier 2007 au 19 août 2014 à hauteur d'une somme de 691.425 euros.

Il est rappelé que les statuts d'une société civile fixent le mode d'organisation de la gérance selon l'article 1846 du code civil et que la rémunération de la gérance n'est pas prévue . Dès lors, la rémunération du garant doit être soit initialement prévue dans les statuts, soit être décidée ensuite par les associés réunis en assemblée générale.

Le Tribunal a à juste titre retenu que, s'il était bien prévu, aux termes de la convention du 21 mai 2002, que « les époux [K] seront rémunérés aux mêmes conditions que le serait un tiers », et que s'il n'est pas justifié une renonciation tacite à un droit de rémunération, les modalités de calcul de cette rémunération n'avaient pas été fixées et que [V] [K] ne justifiait pas avoir soumis à l'Assemblée Générale des associés une quelconque demande à ce titre, pas plus qu'il n'apportait d'élément objectif permettant de fixer sa rémunération.

Force est de constater que le Service des domaines qui se contente de renvoyer au juge le soin de déterminer la créance du gérant ne rapporte pas plus d'éléments justifiant une telle créance.

Le jugement a donc à juste titre rejeté la demande de rémunération.

Par contre, les créances de la SCI doivent être fixées au passif de la succession vacante, aucune condamnation en paiement ne pouvant être prononcée, et le jugement est réformé sur ce point.

Sur le préjudice complémentaire

La SCI et les consorts [I] [H] [R] ont présenté cette demande à titre subsidiaire s'il n'était pas fait droit à la demande en paiement des intérêts.

Cette prétention est sans objet dès lors que la cour confirme la condamnation aux intérêts légaux ou prononce leur fixation à l'encontre de la succession.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement étant confirmé, les dépens d'appel sont mis à la charge de Mme [C].

L'équité commande en outre de condamner cette dernière à payer à la SCI la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Il est équitable de ne pas faire droit aux autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentées en cause d'appel dans le cadre du présent litige.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné [V] [K] à payer à la société [17] la somme de 302.207,46 euros outre intérêts au taux légal à compter du 6 février 2017, les intérêts capitalisés, 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens in solidum.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe au passif de la succession vacante de [V] [K] :

- la somme de 302.207,46 euros au titre du compte courant d'associé débiteur, outre les intérêts au taux légal à compter du 29 février 2016 et les intérêts capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que le paiement doit intervenir dans les conditions de l'article 810-5 du code civil et que la succession ne peut être tenue de payer la créance que dans les limites de l'actif disponible après avoir désintéressé les créanciers de premier rang.

Condamne Mme [Z] [Y] [C] [X] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement et à payer à la SCI [17] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Rejette les autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La Présidente,

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