CA Paris, Pôle 6 - ch. 4, 12 mars 2025, n° 21/07476
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 12 MARS 2025
(n° /2025, 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07476 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHZ2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/01764
APPELANT
Monsieur [K] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Patrice BACQUEROT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1017
INTIMEE
Société ECOLE SUPERIEURE [7] ([6])
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Carine KOKORIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0039
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre
Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice
Mme MARQUES Florence, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par un contrat de travail à durée déterminée du 25 octobre 2006, M. [K] [I] a été embauché par l'Ecole supérieure [7] (ci-après [6]), entreprise de plus de onze salariés spécialisée dans le secteur d'activité de la formation et de l'enseignement, en qualité de directeur de la recherche et professeur associé du groupe [6] pour la période du 6 novembre 2006 au 31 juillet 2007 moyennant une rémunération nette mensuelle de 2 500 euros par mois.
Par contrat à durée indéterminée du 6 juillet 2007, M. [I] a bénéficié d'une embauche par l'[6] à effet du 1er août 2007 moyennant une rémunération mensuelle nette de 3 000 euros.
Par avenant au contrat de travail du 17 octobre 2016, la société a convenu de la reprise d'ancienneté de M. [I] et d'une rémunération mensuelle brute de 4 125,75 euros.
La relation contractuelle était soumise à la convention collective de l'enseignement privé indépendant.
Le 7 juin 2019, par l'intermédiaire de son conseil, M. [I] a transmis un courrier à son employeur en se plaignant de son traitement au sein de l'école.
M. [I] a été placé en arrêt maladie pour une période allant du 15 mai 2019 au 10 septembre 2019. M. [I] a bénéficié d'une visite de reprise le 17 septembre 2019.
Par lettre du 15 octobre 2019, M. [I] s'est vu convoquer à un entretien préalable fixé au 28 octobre 2019.
Pour régulariser la procédure, l'[6] lui a transmis une nouvelle lettre de convocation en date du 25 octobre 2019 pour un entretien fixé au 6 novembre 2019.
Par courrier du 19 novembre 2019, M. [I] s'est vu notifier un licenciement pour faute.
Par courrier du 4 décembre 2019, M. [I] a contesté son licenciement.
Par acte du 27 février 2020, M. [I] a assigné l'[6] devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir, notamment, juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, fixer son salaire à la somme de 4 125,75 euros et condamner son employeur à lui verser diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture de la relation contractuelle.
Par jugement du 9 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a statué en ces termes :
- Déboute M. [K] [I] de l'ensemble de ses demandes.
- Déboute la société [6] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamne M. [K] [I] au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 23 août 2021, M. [I] a interjeté appel de ce jugement, intimant la société [6].
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 décembre 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2024, M. [I] demande à la cour de :
- Fixer le salaire moyen à la somme de 4 125,75 euros,
- Infirmer et réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et faire droit aux demandes de M. [I].
En conséquence,
Condamner la société [6] à payer à M. [I] les sommes suivantes :
47 446 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse représentant pour plus de 13 ans d'ancienneté 11, 5 mois d'indemnité selon le plafond en vigueur,
24 750 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et atteinte à la sécurité du salarié,
8 250 euros de dommages et intérêts en réparation de la mesure de licenciement vexatoire subie par M. [I],
Faire interdiction à l'[6] de laisser sur ses sites le nom de M. [I] en qualité de salarié Directeur de Recherche et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
6 000 euros de dommages et intérêts pour maintien après le licenciement de la mention du nom et des qualités de M. [I] sur le site internet de l'établissement,
4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
Assortir l'intégralité de ces condamnations de l'intérêt légal qui porteront intérêts à compter de la saisine de la juridiction avec capitalisation en application de l'article 551 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2024, la société [6] demande à la cour de :
- Confirmer en intégralité le jugement entrepris,
- Condamner M. [I] à payer à l'[6] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [I] aux dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur l'exécution du contrat de travail :
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et de l'atteinte à la sécurité du salarié :
L'appelant soutient qu'il a subi une pression constante et permanente durant l'exécution de son contrat de travail ayant entrainé un arrêt de travail conséquent de plus de cinq mois de mai à septembre 2019. Il indique qu'à sa reprise, son employeur a méconnu les préconisations du médecin du travail. Il ajoute que la mesure de licenciement était au surplus programmée dès le mois de mai 2019.
L'intimée réplique qu'aucune indemnisation n'est due à ce titre au salarié, qui ne démontre aucun préjudice.
Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail incombe à la partie qui s'en prévaut.
L'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a pris toutes les mesures de prévention nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des salariés et respecter son obligation de sécurité.
En l'espèce, il ressort du courriel du 12 avril 2019 produit par le salarié que celui-ci a à cette date fait part à son employeur de son état d'épuisement, précisant avoir travaillé 4/5è de son temps pour l'établissement au cours de la semaine, dormir assez mal et devoir veiller à sa santé.
Le salarié a peu de temps après ce signalement été placé en arrêt de travail, renouvelé, pour « symptomatologie anxieuse ».
En se bornant à soutenir qu'aucun préjudice n'est démontré, l'employeur ne justifie pas du respect de son obligation de sécurité.
S'agissant, en revanche, du non-respect allégué des préconisations du médecin du travail, au sujet duquel l'argumentaire des parties est développé dans les écritures relatives au licenciement, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de son arrêt de travail pour maladie non professionnelle pour la période du 28 juin au 10 septembre 2019, une visite de reprise a été organisée le 17 septembre 2019 avec le médecin du travail, qui a déclaré le salarié apte sans restriction avec la seule mention « Peut reprendre son travail sans contrainte de temps » et que le salarié a ensuite été reçu en entretien le 23 septembre par sa hiérarchie afin de discuter des modalités de sa reprise.
Il a été convenu que M. [I], qui était jusqu'alors tenu de se présenter sur site à raison de deux jours par semaine, soit présent à hauteur d'un jour par semaine.
Contrairement à ce qu'indique l'appelant, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce jour de présence hebdomadaire aurait été contraire aux recommandations du médecin du travail et notamment à la mention relative à l'absence de « contrainte de temps ».
En outre, il ne ressort pas des échanges de courriels produits que le salarié aurait fait l'objet de pressions de nature à le contraindre à accepter une modification de son contrat de travail.
Le manquement allégué à l'obligation de loyauté de l'employeur à cet égard n'est donc pas établi.
Compte tenu de ces considérations et au regard des pièces produites, il y a lieu d'allouer au salarié une indemnité de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice découlant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le jugement étant infirmé sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail :
Sur le bien-fondé du licenciement :
En application de l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, comporte six griefs à l'encontre du salarié, relatifs au non-respect de ses obligations contractuelles s'agissant de son temps de présence, au dénigrement de la direction, à la non-conformité de son autorisation de cumul, à son attitude et son comportement non-conforme à ses obligations contractuelles s'agissant de son omission systématique de citer l'[6] dans le cadre de ses activités publiques, à l'absence de remise des documents nécessaires pour le crédit d'impôts recherche, et à l'absence de respect de ses obligations contractuelles s'agissant du montage d'un séminaire international, d'un programme doctoral et de synthèses et comptes-rendus suite à sa participation aux réunions pour les dossiers d'habilitation et de reconnaissance.
M. [I] conteste la réalité de ces griefs, faisant valoir que son licenciement est en réalité motivé par son refus d'accepter l'ultimatum et le chantage de son employeur, attesté par le courriel du 15 mai 2019 qui avait pour objectif de modifier ses conditions de collaboration, et à son état de faiblesse du salarié lors de son arrêt de travail entre le 15 mai et le 10 septembre 2019, en lien direct avec ses conditions de travail.
Il soutient que cette lettre n'évoque aucun fait précis et procède par de simples affirmations qui ne sont étayées par aucune pièce.
Par application des dispositions précitées de l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient à la Cour d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.
En ce qui concerne le grief relatif au non-respect de ses obligations contractuelles s'agissant du temps de présence du salarié :
Aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur indique qu'à la suite de la visite de reprise médicale de reprise organisée le 17 septembre 2019 au terme de laquelle le médecin du travail a déclaré le salarié apte sans restriction, M. [I] a été reçu en entretien le 23 septembre, au cours duquel il a souhaité renégocier ses obligations contractuelles en portant à un jour par semaine au lieu de deux son temps de présence, et que dès la semaine suivante, alors même que le salarié ne respectait pas précédemment son temps de présence de deux jours, ne respectait pas davantage les nouveaux termes renégociés à hauteur d'un jour de présence par semaine.
M. [I] soutient que contrairement à ce qui est indiqué, la reprise du travail par la médecine du travail n'était pas sans restriction.
Compte tenu des développements qui précèdent, et contrairement à ce qu'allègue l'appelant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le jour de présence hebdomadaire convenu à la suite de la visite de reprise de l'intéressé aurait été contraire aux recommandations du médecin du travail et notamment à la mention relative à l'absence de « contrainte de temps ».
Il résulte de l'échange de courriels produits par l'employeur que le lundi 7 octobre 2019, M. [I] a indiqué à la directrice pédagogique qu'il avait eu un empêchement pour se présenter sur son lieu de travail à cette date et qu'il avait anticipé cette difficulté en s'y rendre deux jours au cours de la semaine précédente.
En revanche, il n'est pas établi que le salarié aurait méconnu à d'autres reprises ses obligations en matière de présence sur son lieu de travail.
Au regard des pièces produites, seule est ainsi établie la circonstance que le salarié ne s'est pas présenté sur son lieu de travail le lundi 7 octobre 2019.
En ce qui concerne le grief relatif au dénigrement de la direction :
Ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, le grief tiré du dénigrement de la direction n'est établi par aucun élément probant. L'employeur n'est donc pas fondé à s'en prévaloir.
En ce qui concerne les griefs relatifs aux autorisations de cumul :
La lettre de licenciement formule ce grief dans les termes suivants : « nous nous sommes plongés dans vos autorisations de cumul, puisque vous exercez en parallèle une activité salariée auprès de la CNAM et nous nous sommes aperçus que celles-ci étaient non-conformes depuis 2 ans (') En outre, nous avons relevé que vous remettrez systématiquement tardivement vos autorisations de cumul, et que celle pour la période 2019/2020 n'était toujours pas en notre possession (') à la date de votre reprise le 10 septembre 2019, vous auriez dû nous adresser votre autorisation de cumul (') ».
S'agissant, en premier lieu, du grief relatif à la non-conformité des autorisations de cumul, l'appelant fait que ce reproche au demeurant infondé avait déjà fait l'objet d'un débat en mai 2019, auquel il avait répondu par courrier du 9 juin 2019, et que des faits connus en mai 2019 ne pouvaient être sanctionnés que dans un délai de deux mois soit au plus tard au mois de juillet 2019.
Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Il résulte de ces dispositions et de celles de l'article 1315 du code civil que dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, c'est à l'employeur qu'il appartient d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.
Les poursuites disciplinaires à l'encontre du salarié ont été engagées le 15 octobre 2019, alors que les faits concernent une période allant jusqu'au mois de novembre 2018, date de la délivrance de la dernière autorisation pour 2018/2019, et que l'employeur, qui a évoqué ces faits au mois de mai 2019, ne démontre pas qu'il n'en aurait eu pleinement connaissance dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.
Dès lors, M. [I] est fondé à soutenir que ces faits se heurtent à la prescription et ne pouvaient, par suite, être retenus à son encontre pour justifier la rupture de son contrat de travail.
S'agissant, en second lieu, du grief relatif à l'absence de transmission d'une autorisation de cumul pour la période 2019/2020 au moment de sa reprise le 10 septembre 2019, le salarié justifie d'une demande d'autorisation du 1er septembre 2019, peu important la circonstance par l'employeur qu'il se trouvait encore à cette date en arrêt maladie.
En l'absence de tout élément permettant de démontrer qu'une faute serait imputable au salarié à cet égard, ce grief ne pouvait être retenu par l'employeur au titre des motifs de licenciement.
En ce qui concerne le grief relatif à l'omission systématique de citer l'[6] dans le cadre des activités publiques du salarié :
La lettre de licenciement relève à cet égard : « Nous avons relevé que dans le cadre de vos activités publiques extérieures, vous omettiez systématiquement de citer l'[6], en violation de l'article 6 de votre contrat de travail ».
Si l'employeur verse aux débats, au soutien de son argumentation relative à la matérialité de ce grief, des éléments montrant que le nom du salarié n'était pas associé, à l'occasion de certaines interventions publiques, au nom de l'école mais notamment à celui de la CNAM où il exerçait par ailleurs, les pièces produites par le salarié montrent que son nom était associé à de très nombreuses reprises à celui de l'établissement au cours d'interventions publiques ou de publications.
Le grief tiré d'une omission systématique n'est donc pas fondé.
En ce qui concerne le grief relatif à l'absence de remise des documents nécessaires pour le crédit d'impôts recherche :
La lettre de licenciement mentionne à cet égard que le salarié n'a « pas remis les documents nécessaires permettant de bénéficier du crédit d'impôt recherche ».
Le salarié soutient qu'il s'est en réalité toujours conformé aux demandes de son employeur mais que la prise en compte d'une dépense pour un crédit d'impôt recherche nécessite que l'établissement soit à l'origine de la recherche réalisée, ce qui n'était pas le cas, et qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir effectué aucune démarche contraire à la réglementation fiscale en vigueur.
L'employeur réplique que pour être éligibles au crédit d'impôt recherche, les dépenses doivent correspondre à des activités de recherche et de développement telles que la recherche fondamentale, la recherche appliquée ou le développement expérimental, et que l'argumentaire développé par l'appelant est donc inexact.
Au regard des éléments produits, il n'est pas établi que l'absence de bénéfice par l'employeur du crédit d'impôt recherche serait imputable à une inertie fautive du salarié.
Ce grief ne peut donc davantage être retenu.
En ce qui concerne le grief relatif au non-respect d'autres obligations contractuelles :
La lettre de licenciement formule à cet égard le grief suivant : « Nous avons également relevé que vous ne respectiez pas vos obligations contractuelles dans les domaines suivants :
- montage du séminaire international executive in strategic intelligence,
- montage d'un programme doctoral habilité en coopération avec une université,
- synthèses et comptes-rendus suite à votre participation aux réunions pour les dossiers d'habilitation et de reconnaissance ».
S'agissant du montage d'un séminaire international, si le salarié soutient que cette mission lui avait été confiée aux termes de son contrat initial de 2006 mais n'a pas été poursuivie, il ressort cependant de son contrat à durée indéterminée du 6 juillet 2007 que cette mission figurait bien dans la description de ses fonctions.
Il est constant que le salarié n'a pas procédé à la création d'un tel séminaire.
En outre, s'il soutient avoir apporté davantage à l'entreprise qu'un simple séminaire dès lors qu'il est à l'initiative de la création du programme d'intelligence économique créé au sein de l'école, une telle circonstance, au demeurant non établie par l'extrait du site de l'école qu'il produit, n'est pas de nature à justifier l'absence de création de ce séminaire.
Toutefois, ainsi que le fait valoir le salarié, il est constant que ce fait a perduré depuis 2006 sans qu'il ne se voie adresser aucune observation de son employeur à cet égard avant le mois d'octobre 2019 et l'engagement de la procédure disciplinaire.
L'absence de montage d'un séminaire international « executive in strategic intelligence » a ainsi été connue et tolérée par l'employeur durant près de treize ans.
S'agissant du montage d'un programme doctoral habilité en coopération avec une université, le salarié soutient sans que l'employeur ne réponde sur ce point que deux tentatives avaient été menées auprès de deux universités, [5] et [8], mais n'ont pu aboutir compte tenu du faible nombre d'enseignants doctorants.
En outre, ainsi qu'il le soutient, le salarié ne s'est vu adresser aucune demande à ce titre depuis 2006 par son employeur, qui lui a reproché ce fait au mois d'octobre 2019 à l'occasion l'engagement de la procédure disciplinaire.
S'agissant de l'absence de synthèses et comptes-rendus suite à la participation de M. [I] aux réunions pour les dossiers d'habilitation et de reconnaissance, il est constant que la transmission de tels documents relevait des missions du salarié, chargé aux termes de son contrat de travail de la préparation des dossiers d'habilitation et de reconnaissance des diplômes.
Si le salarié soutient avoir transmis des synthèses par courriels à sa hiérarchie, il ne produit aucun élément au soutien de cette allégation.
En outre, contrairement à ce qu'il indique, il ne ressort pas du courrier du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 13 juillet 2015 qu'il produit que son travail a fait l'objet de remarques positives de la part de l'administration, ce courrier relevant au contraire que les informations communiquées sont lacunaires.
Toutefois, ainsi qu'il le soutient, l'appelant ne s'est vu adresser aucune demande à ce titre depuis 2006 par son employeur, qui lui a reproché ce fait au mois d'octobre 2019 à l'occasion l'engagement de la procédure disciplinaire.
Il résulte de ce qui précède qu'au regard des éléments du dossier, seuls sont caractérisés et non prescrits le premier grief visé par l'employeur, mais uniquement s'agissant de l'absence du salarié sur son lieu de travail le lundi 7 octobre 2019, ainsi que deux des trois faits regroupés au titre du sixième grief, qui a toutefois donné lieu à une tolérance de l'employeur durant près de treize années.
Compte tenu de la faible gravité du premier grief et de la tolérance prolongée de l'employeur s'agissant des faits concernant le sixième grief, ces faits ne caractérisaient à la date de la rupture aucune cause réelle et sérieuse de licenciement et ne pouvaient donc justifier le prononcé de la sanction litigieuse.
Le jugement sera donc infirmé.
Sur les suites financières du licenciement :
Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié qui, comme en l'espèce, dispose d'une ancienneté de 13 années, peut prétendre à une indemnité comprise, compte tenu de l'effectif de la société, entre 3 et 11,5 mois de salaire brut.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [I], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces et des explications fournies et notamment des avis d'imposition fournis, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du code du travail une somme de 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire :
En l'absence de tout élément de nature à démontrer l'existence de circonstances vexatoires entourant le licenciement, cette demande, sur laquelle la juridiction prud'homale ne s'est pas prononcée, sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour maintien du nom du salarié pendant 11 mois sur le site internet :
L'appelant sollicite une somme de 6 000 euros de dommages et intérêts pour maintien de son nom pendant 11 mois sur le site internet, et fait valoir qu'il a sollicité le retrait de son nom dès le 4 décembre 2019.
Toutefois, d'une part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, son contrat de travail n'a pris fin que le 19 février 2020, à l'issue de la période de préavis à laquelle il était soumis, de sorte qu'aucun manquement n'est imputable à l'employeur jusqu'à cette date.
D'autre part, l'absence de mise à jour du site internet de la société, qui ne concerne pas uniquement l'appelant, a été retardée du fait de la pandémie de covid-19.
Enfin, en tout état de cause, le salarié ne justifie d'aucun préjudice à cet égard.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur la demande relative au retrait du site internet :
Si le salarié demande d'interdire à l'intimée de laisser son nom figurer sur ses sites, il ressort des motifs non contestés du jugement que son nom n'y figure plus.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur les intérêts :
Il sera rappelé que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement et les créances indemnitaires portent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne.
En application des dispositions de l'article 1343-2 du code du travail, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière.
Sur les frais du procès :
Au regard de ce qui précède, le jugement sera infirmé sur les dépens mais confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de l'employeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'[6] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a :
- rejeté les demandes de dommages et intérêts de M. [K] [I] au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et du maintien de son nom sur le site internet de l'établissement ;
- rejeté la demande de M. [K] [I] tendant à l'interdiction de maintenir son nom sur le site internet de l'établissement ;
- rejeté la demande de l'Ecole supérieure [7] au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
CONDAMNE l'Ecole supérieure [7] à payer à M. [K] [I] les sommes de :
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice découlant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
- 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
REJETTE la demande de M. [K] [I] de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;
RAPPELLE que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement et que les créances indemnitaires portent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts ;
CONDAMNE l'Ecole supérieure [7] aux dépens de première instance et d'appel ;
CONDAMNE l'Ecole supérieure [7] à payer à M. [K] [I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE le surplus des demandes.
La greffière La présidente de chambre
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 12 MARS 2025
(n° /2025, 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07476 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHZ2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/01764
APPELANT
Monsieur [K] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Patrice BACQUEROT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1017
INTIMEE
Société ECOLE SUPERIEURE [7] ([6])
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Carine KOKORIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0039
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre
Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice
Mme MARQUES Florence, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par un contrat de travail à durée déterminée du 25 octobre 2006, M. [K] [I] a été embauché par l'Ecole supérieure [7] (ci-après [6]), entreprise de plus de onze salariés spécialisée dans le secteur d'activité de la formation et de l'enseignement, en qualité de directeur de la recherche et professeur associé du groupe [6] pour la période du 6 novembre 2006 au 31 juillet 2007 moyennant une rémunération nette mensuelle de 2 500 euros par mois.
Par contrat à durée indéterminée du 6 juillet 2007, M. [I] a bénéficié d'une embauche par l'[6] à effet du 1er août 2007 moyennant une rémunération mensuelle nette de 3 000 euros.
Par avenant au contrat de travail du 17 octobre 2016, la société a convenu de la reprise d'ancienneté de M. [I] et d'une rémunération mensuelle brute de 4 125,75 euros.
La relation contractuelle était soumise à la convention collective de l'enseignement privé indépendant.
Le 7 juin 2019, par l'intermédiaire de son conseil, M. [I] a transmis un courrier à son employeur en se plaignant de son traitement au sein de l'école.
M. [I] a été placé en arrêt maladie pour une période allant du 15 mai 2019 au 10 septembre 2019. M. [I] a bénéficié d'une visite de reprise le 17 septembre 2019.
Par lettre du 15 octobre 2019, M. [I] s'est vu convoquer à un entretien préalable fixé au 28 octobre 2019.
Pour régulariser la procédure, l'[6] lui a transmis une nouvelle lettre de convocation en date du 25 octobre 2019 pour un entretien fixé au 6 novembre 2019.
Par courrier du 19 novembre 2019, M. [I] s'est vu notifier un licenciement pour faute.
Par courrier du 4 décembre 2019, M. [I] a contesté son licenciement.
Par acte du 27 février 2020, M. [I] a assigné l'[6] devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir, notamment, juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, fixer son salaire à la somme de 4 125,75 euros et condamner son employeur à lui verser diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture de la relation contractuelle.
Par jugement du 9 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a statué en ces termes :
- Déboute M. [K] [I] de l'ensemble de ses demandes.
- Déboute la société [6] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamne M. [K] [I] au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 23 août 2021, M. [I] a interjeté appel de ce jugement, intimant la société [6].
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 décembre 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2024, M. [I] demande à la cour de :
- Fixer le salaire moyen à la somme de 4 125,75 euros,
- Infirmer et réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et faire droit aux demandes de M. [I].
En conséquence,
Condamner la société [6] à payer à M. [I] les sommes suivantes :
47 446 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse représentant pour plus de 13 ans d'ancienneté 11, 5 mois d'indemnité selon le plafond en vigueur,
24 750 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et atteinte à la sécurité du salarié,
8 250 euros de dommages et intérêts en réparation de la mesure de licenciement vexatoire subie par M. [I],
Faire interdiction à l'[6] de laisser sur ses sites le nom de M. [I] en qualité de salarié Directeur de Recherche et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
6 000 euros de dommages et intérêts pour maintien après le licenciement de la mention du nom et des qualités de M. [I] sur le site internet de l'établissement,
4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
Assortir l'intégralité de ces condamnations de l'intérêt légal qui porteront intérêts à compter de la saisine de la juridiction avec capitalisation en application de l'article 551 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2024, la société [6] demande à la cour de :
- Confirmer en intégralité le jugement entrepris,
- Condamner M. [I] à payer à l'[6] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [I] aux dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur l'exécution du contrat de travail :
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et de l'atteinte à la sécurité du salarié :
L'appelant soutient qu'il a subi une pression constante et permanente durant l'exécution de son contrat de travail ayant entrainé un arrêt de travail conséquent de plus de cinq mois de mai à septembre 2019. Il indique qu'à sa reprise, son employeur a méconnu les préconisations du médecin du travail. Il ajoute que la mesure de licenciement était au surplus programmée dès le mois de mai 2019.
L'intimée réplique qu'aucune indemnisation n'est due à ce titre au salarié, qui ne démontre aucun préjudice.
Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail incombe à la partie qui s'en prévaut.
L'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a pris toutes les mesures de prévention nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des salariés et respecter son obligation de sécurité.
En l'espèce, il ressort du courriel du 12 avril 2019 produit par le salarié que celui-ci a à cette date fait part à son employeur de son état d'épuisement, précisant avoir travaillé 4/5è de son temps pour l'établissement au cours de la semaine, dormir assez mal et devoir veiller à sa santé.
Le salarié a peu de temps après ce signalement été placé en arrêt de travail, renouvelé, pour « symptomatologie anxieuse ».
En se bornant à soutenir qu'aucun préjudice n'est démontré, l'employeur ne justifie pas du respect de son obligation de sécurité.
S'agissant, en revanche, du non-respect allégué des préconisations du médecin du travail, au sujet duquel l'argumentaire des parties est développé dans les écritures relatives au licenciement, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de son arrêt de travail pour maladie non professionnelle pour la période du 28 juin au 10 septembre 2019, une visite de reprise a été organisée le 17 septembre 2019 avec le médecin du travail, qui a déclaré le salarié apte sans restriction avec la seule mention « Peut reprendre son travail sans contrainte de temps » et que le salarié a ensuite été reçu en entretien le 23 septembre par sa hiérarchie afin de discuter des modalités de sa reprise.
Il a été convenu que M. [I], qui était jusqu'alors tenu de se présenter sur site à raison de deux jours par semaine, soit présent à hauteur d'un jour par semaine.
Contrairement à ce qu'indique l'appelant, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce jour de présence hebdomadaire aurait été contraire aux recommandations du médecin du travail et notamment à la mention relative à l'absence de « contrainte de temps ».
En outre, il ne ressort pas des échanges de courriels produits que le salarié aurait fait l'objet de pressions de nature à le contraindre à accepter une modification de son contrat de travail.
Le manquement allégué à l'obligation de loyauté de l'employeur à cet égard n'est donc pas établi.
Compte tenu de ces considérations et au regard des pièces produites, il y a lieu d'allouer au salarié une indemnité de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice découlant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le jugement étant infirmé sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail :
Sur le bien-fondé du licenciement :
En application de l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, comporte six griefs à l'encontre du salarié, relatifs au non-respect de ses obligations contractuelles s'agissant de son temps de présence, au dénigrement de la direction, à la non-conformité de son autorisation de cumul, à son attitude et son comportement non-conforme à ses obligations contractuelles s'agissant de son omission systématique de citer l'[6] dans le cadre de ses activités publiques, à l'absence de remise des documents nécessaires pour le crédit d'impôts recherche, et à l'absence de respect de ses obligations contractuelles s'agissant du montage d'un séminaire international, d'un programme doctoral et de synthèses et comptes-rendus suite à sa participation aux réunions pour les dossiers d'habilitation et de reconnaissance.
M. [I] conteste la réalité de ces griefs, faisant valoir que son licenciement est en réalité motivé par son refus d'accepter l'ultimatum et le chantage de son employeur, attesté par le courriel du 15 mai 2019 qui avait pour objectif de modifier ses conditions de collaboration, et à son état de faiblesse du salarié lors de son arrêt de travail entre le 15 mai et le 10 septembre 2019, en lien direct avec ses conditions de travail.
Il soutient que cette lettre n'évoque aucun fait précis et procède par de simples affirmations qui ne sont étayées par aucune pièce.
Par application des dispositions précitées de l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient à la Cour d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.
En ce qui concerne le grief relatif au non-respect de ses obligations contractuelles s'agissant du temps de présence du salarié :
Aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur indique qu'à la suite de la visite de reprise médicale de reprise organisée le 17 septembre 2019 au terme de laquelle le médecin du travail a déclaré le salarié apte sans restriction, M. [I] a été reçu en entretien le 23 septembre, au cours duquel il a souhaité renégocier ses obligations contractuelles en portant à un jour par semaine au lieu de deux son temps de présence, et que dès la semaine suivante, alors même que le salarié ne respectait pas précédemment son temps de présence de deux jours, ne respectait pas davantage les nouveaux termes renégociés à hauteur d'un jour de présence par semaine.
M. [I] soutient que contrairement à ce qui est indiqué, la reprise du travail par la médecine du travail n'était pas sans restriction.
Compte tenu des développements qui précèdent, et contrairement à ce qu'allègue l'appelant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le jour de présence hebdomadaire convenu à la suite de la visite de reprise de l'intéressé aurait été contraire aux recommandations du médecin du travail et notamment à la mention relative à l'absence de « contrainte de temps ».
Il résulte de l'échange de courriels produits par l'employeur que le lundi 7 octobre 2019, M. [I] a indiqué à la directrice pédagogique qu'il avait eu un empêchement pour se présenter sur son lieu de travail à cette date et qu'il avait anticipé cette difficulté en s'y rendre deux jours au cours de la semaine précédente.
En revanche, il n'est pas établi que le salarié aurait méconnu à d'autres reprises ses obligations en matière de présence sur son lieu de travail.
Au regard des pièces produites, seule est ainsi établie la circonstance que le salarié ne s'est pas présenté sur son lieu de travail le lundi 7 octobre 2019.
En ce qui concerne le grief relatif au dénigrement de la direction :
Ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, le grief tiré du dénigrement de la direction n'est établi par aucun élément probant. L'employeur n'est donc pas fondé à s'en prévaloir.
En ce qui concerne les griefs relatifs aux autorisations de cumul :
La lettre de licenciement formule ce grief dans les termes suivants : « nous nous sommes plongés dans vos autorisations de cumul, puisque vous exercez en parallèle une activité salariée auprès de la CNAM et nous nous sommes aperçus que celles-ci étaient non-conformes depuis 2 ans (') En outre, nous avons relevé que vous remettrez systématiquement tardivement vos autorisations de cumul, et que celle pour la période 2019/2020 n'était toujours pas en notre possession (') à la date de votre reprise le 10 septembre 2019, vous auriez dû nous adresser votre autorisation de cumul (') ».
S'agissant, en premier lieu, du grief relatif à la non-conformité des autorisations de cumul, l'appelant fait que ce reproche au demeurant infondé avait déjà fait l'objet d'un débat en mai 2019, auquel il avait répondu par courrier du 9 juin 2019, et que des faits connus en mai 2019 ne pouvaient être sanctionnés que dans un délai de deux mois soit au plus tard au mois de juillet 2019.
Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Il résulte de ces dispositions et de celles de l'article 1315 du code civil que dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, c'est à l'employeur qu'il appartient d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.
Les poursuites disciplinaires à l'encontre du salarié ont été engagées le 15 octobre 2019, alors que les faits concernent une période allant jusqu'au mois de novembre 2018, date de la délivrance de la dernière autorisation pour 2018/2019, et que l'employeur, qui a évoqué ces faits au mois de mai 2019, ne démontre pas qu'il n'en aurait eu pleinement connaissance dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.
Dès lors, M. [I] est fondé à soutenir que ces faits se heurtent à la prescription et ne pouvaient, par suite, être retenus à son encontre pour justifier la rupture de son contrat de travail.
S'agissant, en second lieu, du grief relatif à l'absence de transmission d'une autorisation de cumul pour la période 2019/2020 au moment de sa reprise le 10 septembre 2019, le salarié justifie d'une demande d'autorisation du 1er septembre 2019, peu important la circonstance par l'employeur qu'il se trouvait encore à cette date en arrêt maladie.
En l'absence de tout élément permettant de démontrer qu'une faute serait imputable au salarié à cet égard, ce grief ne pouvait être retenu par l'employeur au titre des motifs de licenciement.
En ce qui concerne le grief relatif à l'omission systématique de citer l'[6] dans le cadre des activités publiques du salarié :
La lettre de licenciement relève à cet égard : « Nous avons relevé que dans le cadre de vos activités publiques extérieures, vous omettiez systématiquement de citer l'[6], en violation de l'article 6 de votre contrat de travail ».
Si l'employeur verse aux débats, au soutien de son argumentation relative à la matérialité de ce grief, des éléments montrant que le nom du salarié n'était pas associé, à l'occasion de certaines interventions publiques, au nom de l'école mais notamment à celui de la CNAM où il exerçait par ailleurs, les pièces produites par le salarié montrent que son nom était associé à de très nombreuses reprises à celui de l'établissement au cours d'interventions publiques ou de publications.
Le grief tiré d'une omission systématique n'est donc pas fondé.
En ce qui concerne le grief relatif à l'absence de remise des documents nécessaires pour le crédit d'impôts recherche :
La lettre de licenciement mentionne à cet égard que le salarié n'a « pas remis les documents nécessaires permettant de bénéficier du crédit d'impôt recherche ».
Le salarié soutient qu'il s'est en réalité toujours conformé aux demandes de son employeur mais que la prise en compte d'une dépense pour un crédit d'impôt recherche nécessite que l'établissement soit à l'origine de la recherche réalisée, ce qui n'était pas le cas, et qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir effectué aucune démarche contraire à la réglementation fiscale en vigueur.
L'employeur réplique que pour être éligibles au crédit d'impôt recherche, les dépenses doivent correspondre à des activités de recherche et de développement telles que la recherche fondamentale, la recherche appliquée ou le développement expérimental, et que l'argumentaire développé par l'appelant est donc inexact.
Au regard des éléments produits, il n'est pas établi que l'absence de bénéfice par l'employeur du crédit d'impôt recherche serait imputable à une inertie fautive du salarié.
Ce grief ne peut donc davantage être retenu.
En ce qui concerne le grief relatif au non-respect d'autres obligations contractuelles :
La lettre de licenciement formule à cet égard le grief suivant : « Nous avons également relevé que vous ne respectiez pas vos obligations contractuelles dans les domaines suivants :
- montage du séminaire international executive in strategic intelligence,
- montage d'un programme doctoral habilité en coopération avec une université,
- synthèses et comptes-rendus suite à votre participation aux réunions pour les dossiers d'habilitation et de reconnaissance ».
S'agissant du montage d'un séminaire international, si le salarié soutient que cette mission lui avait été confiée aux termes de son contrat initial de 2006 mais n'a pas été poursuivie, il ressort cependant de son contrat à durée indéterminée du 6 juillet 2007 que cette mission figurait bien dans la description de ses fonctions.
Il est constant que le salarié n'a pas procédé à la création d'un tel séminaire.
En outre, s'il soutient avoir apporté davantage à l'entreprise qu'un simple séminaire dès lors qu'il est à l'initiative de la création du programme d'intelligence économique créé au sein de l'école, une telle circonstance, au demeurant non établie par l'extrait du site de l'école qu'il produit, n'est pas de nature à justifier l'absence de création de ce séminaire.
Toutefois, ainsi que le fait valoir le salarié, il est constant que ce fait a perduré depuis 2006 sans qu'il ne se voie adresser aucune observation de son employeur à cet égard avant le mois d'octobre 2019 et l'engagement de la procédure disciplinaire.
L'absence de montage d'un séminaire international « executive in strategic intelligence » a ainsi été connue et tolérée par l'employeur durant près de treize ans.
S'agissant du montage d'un programme doctoral habilité en coopération avec une université, le salarié soutient sans que l'employeur ne réponde sur ce point que deux tentatives avaient été menées auprès de deux universités, [5] et [8], mais n'ont pu aboutir compte tenu du faible nombre d'enseignants doctorants.
En outre, ainsi qu'il le soutient, le salarié ne s'est vu adresser aucune demande à ce titre depuis 2006 par son employeur, qui lui a reproché ce fait au mois d'octobre 2019 à l'occasion l'engagement de la procédure disciplinaire.
S'agissant de l'absence de synthèses et comptes-rendus suite à la participation de M. [I] aux réunions pour les dossiers d'habilitation et de reconnaissance, il est constant que la transmission de tels documents relevait des missions du salarié, chargé aux termes de son contrat de travail de la préparation des dossiers d'habilitation et de reconnaissance des diplômes.
Si le salarié soutient avoir transmis des synthèses par courriels à sa hiérarchie, il ne produit aucun élément au soutien de cette allégation.
En outre, contrairement à ce qu'il indique, il ne ressort pas du courrier du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 13 juillet 2015 qu'il produit que son travail a fait l'objet de remarques positives de la part de l'administration, ce courrier relevant au contraire que les informations communiquées sont lacunaires.
Toutefois, ainsi qu'il le soutient, l'appelant ne s'est vu adresser aucune demande à ce titre depuis 2006 par son employeur, qui lui a reproché ce fait au mois d'octobre 2019 à l'occasion l'engagement de la procédure disciplinaire.
Il résulte de ce qui précède qu'au regard des éléments du dossier, seuls sont caractérisés et non prescrits le premier grief visé par l'employeur, mais uniquement s'agissant de l'absence du salarié sur son lieu de travail le lundi 7 octobre 2019, ainsi que deux des trois faits regroupés au titre du sixième grief, qui a toutefois donné lieu à une tolérance de l'employeur durant près de treize années.
Compte tenu de la faible gravité du premier grief et de la tolérance prolongée de l'employeur s'agissant des faits concernant le sixième grief, ces faits ne caractérisaient à la date de la rupture aucune cause réelle et sérieuse de licenciement et ne pouvaient donc justifier le prononcé de la sanction litigieuse.
Le jugement sera donc infirmé.
Sur les suites financières du licenciement :
Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié qui, comme en l'espèce, dispose d'une ancienneté de 13 années, peut prétendre à une indemnité comprise, compte tenu de l'effectif de la société, entre 3 et 11,5 mois de salaire brut.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [I], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces et des explications fournies et notamment des avis d'imposition fournis, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du code du travail une somme de 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire :
En l'absence de tout élément de nature à démontrer l'existence de circonstances vexatoires entourant le licenciement, cette demande, sur laquelle la juridiction prud'homale ne s'est pas prononcée, sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour maintien du nom du salarié pendant 11 mois sur le site internet :
L'appelant sollicite une somme de 6 000 euros de dommages et intérêts pour maintien de son nom pendant 11 mois sur le site internet, et fait valoir qu'il a sollicité le retrait de son nom dès le 4 décembre 2019.
Toutefois, d'une part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, son contrat de travail n'a pris fin que le 19 février 2020, à l'issue de la période de préavis à laquelle il était soumis, de sorte qu'aucun manquement n'est imputable à l'employeur jusqu'à cette date.
D'autre part, l'absence de mise à jour du site internet de la société, qui ne concerne pas uniquement l'appelant, a été retardée du fait de la pandémie de covid-19.
Enfin, en tout état de cause, le salarié ne justifie d'aucun préjudice à cet égard.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur la demande relative au retrait du site internet :
Si le salarié demande d'interdire à l'intimée de laisser son nom figurer sur ses sites, il ressort des motifs non contestés du jugement que son nom n'y figure plus.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur les intérêts :
Il sera rappelé que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement et les créances indemnitaires portent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne.
En application des dispositions de l'article 1343-2 du code du travail, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière.
Sur les frais du procès :
Au regard de ce qui précède, le jugement sera infirmé sur les dépens mais confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de l'employeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'[6] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a :
- rejeté les demandes de dommages et intérêts de M. [K] [I] au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et du maintien de son nom sur le site internet de l'établissement ;
- rejeté la demande de M. [K] [I] tendant à l'interdiction de maintenir son nom sur le site internet de l'établissement ;
- rejeté la demande de l'Ecole supérieure [7] au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
CONDAMNE l'Ecole supérieure [7] à payer à M. [K] [I] les sommes de :
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice découlant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
- 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
REJETTE la demande de M. [K] [I] de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;
RAPPELLE que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement et que les créances indemnitaires portent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts ;
CONDAMNE l'Ecole supérieure [7] aux dépens de première instance et d'appel ;
CONDAMNE l'Ecole supérieure [7] à payer à M. [K] [I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE le surplus des demandes.
La greffière La présidente de chambre