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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 11 mars 2025, n° 24/04537

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 24/04537

11 mars 2025

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°101

N° RG 24/04537 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VB2A

(Réf 1ère instance : 2024F00444)

M. [C] [H] [E] [K]

C/

Société [6] - [G] SELAS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me LHERMITTE

Parquet Général

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à :

M. [K]

selas [6] [G]

TC Lorient

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 MARS 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

MINISTÈRE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée. (avis écrit en date du 28 novembre 2024). M. Laurent FICHOT, avocat général, entendu en ses observations à l'audience du 09 janvier 2025.

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Janvier 2025 devant Madame Sophie RAMIN, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Réputée contradictoire, prononcé publiquement le 11 Mars 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [C] [H] [E] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Julien FANEN, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

[6] - [G] SELAS

prise en la personne de Maître [F] [G] en qualité de liquidateur de la société [8]

[Adresse 9]

[Localité 3]

N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assignée par acte de commissaire de Justice en date du 03 octobre 2024 remis à personne morale

M. [K] est le président et unique associé de la SASU [8] ayant pour objet l'intermédiaire et le négoce dans la commercialisation du vin et objets dérivés.

Le 2 juin 2023, la liquidation judiciaire de la société [8] a été prononcée et la société [6]-[G], prise en la personne de Mme [G], a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 29 mars 2024, la société [6]-[G] a assigné M. [K] devant le tribunal de commerce de Lorient aux fins d'extension à son encontre de la procédure de liquidation judiciaire de la société [8].

Par jugement du 19 juillet 2024, le tribunal de commerce de Lorient a :

- constaté la confusion des patrimoines de M. [C] [K] et de la société [8],

- étendu à :

[C] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de :

[8] (SAS)

[Adresse 1]

[Localité 5]

- dit que les opérations se poursuivront sous patrimoine commun,

- fixé la date de cessation des paiements au 02/12/2021, conformément à celle initialement fixée pour la procédure de la société [8],

- débouté M. [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- maintenu les organes suivants :

- M. Claude Guillaume, en qualité de juge commissaire titulaire,

- M. Jean-Baptiste Bardinet, en qualité de juge commissaire suppléant,

- la SELAS [6]-[G], en qualité de liquidateur,

- désigné la SELARL [7], aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus par les articles L. 641-1 II et L. 622-6 du code de commerce,

- dit que l'inventaire devra être déposé au greffe dans le délai de 30 jours à compter de la présente décision et qu'il devra en être référé au juge commissaire en cas de difficultés,

- dit que le débiteur devra remettre au liquidateur dans les huit jours suivant le prononcé du présent jugement, la liste de ses créanciers comportant les nom ou dénomination, siège ou domicile de chacun avec l'indication du montant des sommes dues, des sommes à échoir et de leur date d'échéance, de la nature de la créance, et des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie,

- dit que le liquidateur devra déposer au greffe la liste des créances avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi dans le délai de dix-huit mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances,

- fixé à vingt quatre mois à compter du jugement d'ouverture de la procédure de la société [8] le délai au terme duquel l'affaire sera examinée en vue de la clôture de la procédure,

- ordonné les mesures de publicités conformément au Livre VI du code de commerce,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure,

- constaté que le présent jugement est exécutoire de plein droit.

Par déclaration du 30 juillet 2024, M. [K] a interjeté appel.

Les dernières conclusions de M. [K] sont du 4 décembre 2024.

L'avis du ministère public est du 28 novembre 2024.

La société [6]-[G], ès qualités, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

M. [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lorient du 19 juillet 2024 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- débouter la société [6]-[G] en qualité de liquidateur judiciaire de la société [8] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

Le ministère public est d'avis de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lorient.

Il est renvoyé aux dernières écritures de M. [K] et du Ministère public visées supra pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

DISCUSSION

En application de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, la société [6]-[G] qui n'a pas constitué avocat est réputée s'approprier les motifs du jugement.

Pour contester la confusion des patrimoines, M. [K] fait valoir, en substance, que l'existence d'un compte courant d'associé débiteur est insuffisante à établir le caractère anormal des relations financières, qu'il n'est pas rapporté la preuve de l'absence de contrepartie économique alors qu'il ne percevait pas de rémunération, qu'il n'est pas plus démontré une volonté de créer la confusion.

Selon l'article L. 621-2 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-1 dudit code, une procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard d'un débiteur peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leurs patrimoines avec celui du débiteur.

La confusion des patrimoines peut être révélée par l'imbrication des comptes ou un mélange tel des éléments d'actif et/ou de passif qu'il n'est pas possible de les rattacher à l'un ou l'autre des patrimoines. Elle peut également être caractérisée par l'existence de relations financières anormales.

C'est au demandeur à l'action de démontrer que les conditions de la confusion des patrimoines sont réunies.

M. [K] a admis devant le liquidateur judiciaire qu'il utilisait le compte bancaire de la société à des fins personnelles.

Les dépenses non catégorisées réalisées par M. [K] à compter du 1er mai 2020 ont été imputées sur son compte courant d'associé débiteur.

M. [K] fait valoir que les dépenses inscrites sur le compte courant d'associé n'ont pas été retraitées intégralement par l'expert comptable et qu'une grande part correspond à des dépenses pour la société (essence, frais de représentation, etc) et que le surplus, affecté à ses besoins personnels, était la contrepartie de son absence de rémunération.

Selon les comptes annuels pour l'exercice déficitaire arrêté au 30/04/2021, le compte courant d'associé était débiteur à hauteur de 42 967 euros.

L'expert comptable qui a noté que « l'organisation administrative et comptable interne est défaillante. Un certain nombre de dépenses ne sont pas appuyées par des pièces justificatives », avait déjà inscrit en dépenses de la société des sommes justifiées notamment au titre du carburant (6 630 euros), des frais de déplacement (14 525 euros), des repas et invitation clients (10 712 euros) pour des montants supérieurs à l'exercice précédent et ce, malgré la période de la crise sanitaire du Covid-19.

Il s'en évince que l'expert comptable n'a pu faire le tri pour la somme restante de 42 967 euros entre les dépenses pour le compte de la société et celles pour le compte de M. [K], de sorte que l'ensemble a été inscrit à son compte courant débiteur.

Il n'est pas possible d'affecter les dépenses ressortant des diverses factures et tickets de caisse produits par M. [K] (pièce 2), qui correspondent pour l'essentiel à des frais de bouche ou des achats de gasoil, à la société plutôt qu'à lui-même. Le tableau explicatif de répartition entre les deux patrimoines, présenté par M. [K] pour l'exercice clos le 30/04/2021, n'est pas corroboré par d'autres éléments de preuve.

Par la suite, pour l'exercice courant du 1er/05/2021 jusqu'au 31/12/2022 selon décision de l'assemblée générale, le bilan comptable n'a pas été établi. Sur le Grand livre général produit en première instance par le liquidateur judiciaire, le compte courant débiteur a atteint la somme de 105 056,21 euros correspondant pour l'essentiel à des retraits d'argent liquide aux distributeurs automatiques de sorte qu'il n'est pas possible d'en retracer l'usage.

Outre que la part de dépenses personnelles de M. [K] n'est pas déterminable, la rémunération qui en serait la contrepartie ne pourrait être considérée que comme excessive compte tenu de l'état gravement déficitaire de la société lors de la déclaration de l'état de cessation des paiements du 15 mai 2023 (passif déclaré par M. [K] lors de sa déclaration de l'état de cessation des paiements 493 715 euros, passif déclaré postérieurement : 644 206 euros).

Il est ainsi établi tant l'imbrication des comptes que l'existence de relations financières anormales comme étant sans contrepartie, caractérisant la confusion des patrimoines de M. [K] et de la société en procédure collective.

M. [K] a, de façon continue et habituelle depuis le 1er mai 2020 et jusqu'à sa déclaration de cessation des paiements, volontairement favorisé cette confusion.

Dès lors, il y a lieu d'étendre à M. [K] la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la société [8].

Le jugement est confirmé.

Dépens et frais irrépétibles

Les dépens de l'instance d'appel seront pris en frais de procédure collective.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Rennes en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Dit que les dépens de l'instance d'appel seront pris en frais de procédure collective.

Le Greffier, Le Président,

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