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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 11 mars 2025, n° 23/02062

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 23/02062

11 mars 2025

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/03/2025

Me Christiane DIOP

Me Jean-Michel LICOINE

ARRÊT du : 11 MARS 2025

N° : - 25

N° RG 23/02062 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G3DO

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 06 Juillet 2023

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: Exonération

Madame [S] [C]

née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 11]

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Christiane DIOP, avocat au barreau D'ORLEANS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-003435 du 11/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ORLEANS)

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265295133426172

Maître [F] [G]

[Adresse 4]

[Localité 7]

ayant pour avocat postulant Me Jean-Michel LICOINE, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Denis DELCOURT POUDENX de la SELEURL DDP AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,

S.A. [14] société anonyme inscrite au RCS du Mans sous le n° [N° SIREN/SIRET 5] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité à son siège.

[Adresse 3]

[Localité 6]

ayant pour avocat postulant Me Jean-Michel LICOINE, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Denis DELCOURT POUDENX de la SELEURL DDP AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,

Société [15] société d'assurances mutuelles inscrite au RCS du Mans sous le n° [N° SIREN/SIRET 9] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité à son siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

ayant pour avocat postulant Me Jean-Michel LICOINE, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Denis DELCOURT POUDENX de la SELEURL DDP AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 07 Août 2023.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 6 janvier 2025

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 20 Janvier 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseille, en charge du rapport, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 11 mars 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [S] [C] exerce la profession d'avocate, inscrite au Barreau de Paris.

Suivant convocation délivrée par officier de police judiciaire le 20 juillet 2017, Mme [C] a été poursuivie devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir :

- entre le 1er avril 2014 et le 4 avril 2016, par quelque moyen que ce soit, altéré frauduleusement la vérité d'un écrit destiné à établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce en falsifiant des certificats médicaux et en rédigeant de faux arrêts de travail à l'en-tête du cabinet médical du docteur [H] ;

- entre le 1er avril 2014 et le 4 avril 2017, en employant des man'uvres frauduleuses, caractérisées par la falsification de certificats médicaux et la rédaction de faux arrêts de travail, obtenu le versement indu d'indemnités journalières par la [13] et l'exonération indue de charges sociales de la part de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF).

Par jugement du tribunal correctionnel du 18 décembre 2017, Mme [C], assistée par Maître [G], a été relaxée. Les demandes indemnitaires formulées M. [H], la société [12] et la CNBF, parties civiles, ont été déclarées recevables mais ont été rejetées.

Par arrêt prononcé le 16 novembre 2020 sur appel des parties civiles, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris a, par arrêt contradictoire à l'égard de Mme [C] :

- confirmé le jugement du 18 décembre 2017 en ce qu'il déclare recevable les constitutions de partie civile de la CNBF et de la société [12] ;

- constaté le désistement de la société [12] ;

- infirmé le jugement en ce qu'il déboute la CNBF de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

- condamné Mme [C] à payer à la CNBF les sommes de :

29 442,85 euros au titre d'indemnités journalières perçues entre le 21 mai 2015 et le 24 août 2016 ;

2 846 euros au titre d'exonération de cotisations sociales dont Mme [C] a indûment bénéficié ;

2 500 euros d'indemnité représentative des frais et honoraires exposés par la CNBF en première instance et en cause d'appel, par application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Estimant avoir perdu une chance de ne pas être condamnée au paiement au profit de la CNBF par l'effet d'une faute commise par Maître [G], Mme [C] a, par actes d'huissier en date des 30 et 31 mars 2023, fait assigner à jour fixe devant le tribunal judiciaire d'Orléans, M. [G] et ses assureurs, les sociétés [15] et [14].

Par jugement en date du 6 juillet 2023, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- rejeté les demandes indemnitaires formulées par Mme [C] à l'encontre de Maître [F] [G], de la société [15] et la compagnie d'assurance [14], au titré de la responsabilité civile professionnelle de Maître [G] ;

- rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [C] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Licoine pour ceux dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Par déclaration en date du 7 août 2023, Mme [C] a interjeté appel de tous les chefs du jugement.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2025, Mme [C] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer le jugement du Tribunal judiciaire d'Orléans du 6 juillet 2023, et statuant à nouveau :

À titre liminaire :

- prendre acte de la décision du tribunal judiciaire d'Orléans confirmant que Maître [G] a commis une faute dans l'exécution de son mandat de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle ;

- prendre acte de la décision du tribunal judiciaire d'Orléans relevant que ses pièces médicales étaient utiles devant la cour d'appel de Paris pour l'appréciation de l'existence d'une faute civile :

- prendre acte de la reconnaissance explicite par la compagnie [14] de l'existence d'une « responsabilité contractuelle pour faute prouvée » ;

- écarter les pièces adverses n° 1 et n° 13 en raison de leur violation flagrante du secret professionnel protégeant les correspondances entre avocats et les échanges entre l'avocat et son client ;

À titre principal :

- condamner Maître [F] [G] à lui payer les sommes suivantes :

40 548,85 € au titre de son préjudice matériel

50 000 € au titre de la perte de chance d'obtenir devant la cour d'appel de Paris des dommages et intérêts contre la CNBF pour abus de constitution de partie civile ;

80 000 € au titre de son préjudice moral ;

8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner l'exclusion de la pièce 13 produite par Maître [G], constituée d'un échange confidentiel entre avocats, en raison de la violation du secret professionnel entre avocats ;

- le condamner aux dépens ;

À titre subsidiaire,

- condamner les compagnies d'assurance [14] et [15] à lui payer :

40 548,85 € au titre de son préjudice matériel ;

50 000 € au titre de la perte de chance d'obtenir devant la cour d'appel de Paris des dommages et intérêts contre la CNBF pour abus de constitution de partie civile ;

80 000 € au titre de son préjudice moral ;

8 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- les condamner aux dépens ;

À titre très subsidiaire :

- condamner Maître [F] [G] et la compagnie d'assurance [14] et [15] à lui payer solidairement les sommes suivantes :

40 548,85 € au titre de son préjudice matériel ;

50 000 € au titre de la perte de chance d'obtenir devant la cour d'appel de Paris des dommages et intérêts contre la CNBF pour abus de constitution de partie civile ;

80 000 € au titre de son préjudice moral ;

8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 30 décembre 2024, M. [G] et les sociétés [15] et [14] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Orléans en date du 6 juillet 2023 ;

Par conséquent,

- débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Maître [G] et des sociétés [14] et [15] ;

- condamner Mme [C] à verser aux sociétés [14] et [15] la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [C] aux entiers dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Licoine conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

I- Sur la faute de l'avocat

Moyens des parties

L'appelante soutient qu'elle était effectivement représentée par Me [G] lors de l'instance d'appel devant la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris ; que Me [G] a négligé de déposer les écritures dont elle lui avait pourtant préparé la trame, de les plaider, et de produire les pièces appropriées au soutien des moyens qu'il aurait dû développer ; que Me [G] n'apporte aucun élément démontrant l'avoir informée de son refus de poursuivre la procédure, et ce, en temps utile ; que surtout, Me [G] avait le devoir impérieux de l'informer des risques évidents d'infirmation du jugement du tribunal correctionnel de Paris sur les intérêts civils, en raison de sa propre intention de ne pas produire les arguments nécessaires ni l'ensemble des pièces indispensables à la défense ; que les fautes de Me [G] résultent de l'absence de conseil et de la défaillance dans l'accomplissement de la communication des actes de procédure ; que la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du tribunal correctionnel en ses dispositions civiles en cherchant un moyen de la sanctionner malgré sa relaxe définitive, en faisant droit à la demande civile de la CNBF, pourtant sans lien direct avec les délits poursuivis ; que la demande présentée par conclusions écrites par la CNBF aurait mérité une réponse également écrite et que soient soulevés deux séries de moyens ; que la première série de moyens devait avoir trait à la recevabilité de la demande de la partie civile qui ne peut profiter de l'existence d'une procédure pénale réduite aux intérêts civils pour présenter une demande de restitution de sommes indûment perçues sur un fondement sans rapport avec les délits objets des poursuites ni même avec les faits concernés ; que la seconde série de moyens aurait consisté à démontrer que les sommes perçues par elle ne l'avaient pas été indûment, puisque les arrêts pour maladie qui les justifiaient étaient réels, de l'aveu même du médecin en cause et selon d'autres sources concordantes, comme l'expertise contradictoire en date du 9 août 2016 confiée au docteur [Y] ; qu'enfin, à supposer l'existence d'une faute ayant consisté à remplir certains formulaires sous la dictée des professionnels prescrivant les arrêts de travail et en leur présence, celle- ci ne pouvait être que morale et non une faute au sens juridique et surtout imputable au Dr [H] et non sa patiente ; que si un patient rédige un document médical en accord avec le médecin et sous sa supervision, cela peut ne pas constituer une faute civile ou intention frauduleuse, à condition que l'autorisation soit explicite et que le médecin vérifie et signe le document ; que l'autorisation du docteur [H] a été définitivement confirmée par le jugement du tribunal correctionnel de Paris qui avait constaté que le celui-ci avait bien prescrit tous les arrêts de travail pour sa patiente et ce, grâce à l'ensemble des pièces produites par Me [G] en première instance ; qu'en appel, Me [G] a évoqué un seul argument à

savoir l'absence de préjudice de la CNBF sans même apporter la preuve des réels préjudices d'ordre médicaux confirmés par deux rapports d'expertise ; que la cour ne manquera pas de s'interroger sur le fait, que la plupart des moyens contenus dans les éléments préparatoires de Mme [C] et les pièces, aient été plaidés oralement devant le tribunal correctionnel de Paris tandis qu'en appel, aucune initiative n'a été prise, malgré la totalité des éléments préparatoires et pièces en la possession de Me [G] déjà 9 mois avant l'audience devant la cour d'appel de Paris, étant précisé que celui-ci avait conscience de l'importance de modifier les conclusions « à sa sauce » ; qu'il est de jurisprudence constante que lorsque le tribunal correctionnel a relaxé définitivement un prévenu, cette décision bénéficie de l'autorité de la chose jugée sur l'action publique ; qu'en l'absence d'appel du ministère public, la culpabilité pénale du prévenu ne peut plus être remise en cause par la cour d'appel, notamment lorsque l'appel est formé par la seule partie civile ; qu'en l'espèce, le tribunal correctionnel de Paris a définitivement tranché en reconnaissant que le docteur [H] avait régulièrement prescrit les arrêts de travail et que l'ensemble des arrêts avait été validé par expertise diligentée par la compagnie [10], qui était partie civile et Me [G] a manqué à son devoir de conseil et de diligence en n'invoquant pas ce principe fondamental, et sans strictement rien produire laissant ainsi la cour d'appel de Paris statuer à tort sur des faits définitivement jugés ; qu'il n'était plus possible pour la cour d'appel de Paris de revenir sur ces faits pour retenir une faute civile à son encontre en s'appuyant sur sa prétendue reconnaissance de rédaction de certains certificats en présence du docteur ou de son homologue ; que la faute de Me [G] lui a fait perdre une chance d'obtenir la confirmation du jugement du fait du défaut de production des pièces démontrant le défaut de préjudice de la CNBF et par voie de conséquence l'absence de faute civile ; que l'absence de souffrance personnelle et directe de la CNBF au titre de l'article 2 du code de procédure pénale justifiait l'irrecevabilité de sa demande ; qu'elle a également perdu une chance quant au rejet de la demande de la CNBF tendant au remboursement des sommes liées à l'exonération des cotisations en raison d'une appréciation erronée du préjudice allégué par la CNBF ; que les éléments préparatoires à la disposition de Me [G] lui ont également fait perdre la chance d'obtenir un dédommagement contre la CNBF pour abus de constitution de partie civile ; que l'action publique avait bien été mise en mouvement du fait notamment de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la CNBF, et le tribunal correctionnel de Paris l'ayant relaxée, seule la cour d'appel était compétente pour se prononcer sur l'abus de constitution de partie civile et procéder à son indemnisation sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale.

Les intimés répliquent que Me [G] n'a commis aucune faute ; que les premiers juges ont en premier lieu parfaitement relevé que Me [G] n'était pas mandaté pour assister Mme [C] lors de l'audience du 22 janvier 2020 ; que la production d'une pièce couverte par le secret professionnel

peut être admise dès lors que c'est nécessaire aux droits de la défense ; qu'en l'espèce, la défense de Me [G], dont il est prétendu qu'il était mandaté pour l'audience du 22 janvier 2020, exige qu'il puisse produire le mail que lui a adressé le conseil de la CNBF établissant la représentation de Mme [C] par un autre avocat ; que le désaccord relatif à l'intervention de Me [G], ne portait pas uniquement sur la question des honoraires, mais avant tout sur la stratégie procédurale, laquelle avait - faute d'accord des parties - motivé la désignation d'un nouvel avocat par Mme [C] ; que le 22 janvier 2020, Me [G] n'était pas saisi des intérêts de Mme [C] ; qu'en ce qui concerne l'audience de renvoi du 5 octobre 2020, le tribunal a jugé que Mme [C] avait bien mandaté Me [G] afin d'assurer sa défense devant la chambre des appels correctionnels ; que le tribunal a déclaré Me [G] fautif, de n'avoir pas versé aux débats les pièces communiquées en première instance, mais la cour constatera toutefois que l'absence de remise des pièces de première instance à la chambre des appels correctionnels, n'est pas constitutif d'une faute en l'espèce ; qu'il a été saisi en urgence, dans des circonstances qui justifiaient qu'il n'ait pas pris d'écritures ; que compte-tenu de l'urgence, il n'a pas disposé du temps nécessaire pour prendre des conclusions écrites, lesquelles restent totalement facultatives devant la juridiction pénale, même saisie des intérêts civils ; qu'il aurait d'autre part été contraire aux intérêts de sa cliente, de signer et de déposer le projet de conclusions à la rédaction délirante, et dépourvu de dispositif, qu'elle lui avait elle-même soumis le matin même de l'audience ; que dans le cadre de cette procédure purement orale, Me [G] n'a pas manqué d'invoquer devant la cour, notamment la pathologie mentale avérée de sa cliente entre 2014 et 2016, les liens d'amitiés de celle-ci avec le docteur [H], et l'absence de tout préjudice subi par la CNBF en observant qu'un autre médecin aurait certainement validé les arrêts de maladie de l'intéressée, qui était réelle et non contestée ; que ces mêmes arguments avaient convaincu les premiers juges de prononcer la relaxe, et permis le débouté des parties civiles ; que la juridiction de deuxième degré, placée au même niveau d'information que le tribunal correctionnel, et en possession de l'intégralité du dossier pénal (y compris les justificatifs médicaux produits par la défense en première instance), a cependant porté une appréciation différente sur le comportement de l'ex-prévenue ; que les pièces que Mme [C] présente comme essentielles, et comme n'ayant pas été produites, ont bien été débattues par la CNBF devant la cour ; que la maladie de l'intéressée au moment des faits de la cause, ressortait également et surtout du dossier pénal détenu par la cour, et notamment du certificat médical du 24 octobre 2014, que les parties n'avaient donc pas à produire elles-mêmes ; que la cour a estimé que, là où le « doute profitait à la prévenue » sur le terrain pénal de l'intention, la pathologie mentale invoquée par Mme [C] ne l'exonérait pas sur le terrain civil ; qu'aucune autre pièce attestant de son trouble pathologique au moment des faits, n'aurait donc influé sur la nature de la condamnation civile ; que Mme [C] ne caractérise aucune faute de l'avocat lors de l'audience ; que Mme [C]

affirme qu'elle avait 100 % de chance de gagner cette affaire, si Me [G] avait invoqué les moyens pertinents, autrement dit, s'il avait accepté de signer et de déposer les conclusions qu'elle avait établies ; que toutefois, les conclusions de Mme [C] auraient produit l'effet inverse de celui qu'elle

revendique, de sorte que la perte de chance alléguée est totalement nulle ;

que la demande reconventionnelle de 50 000 € au titre d'une « constitution abusive de partie civile », outrancière et envisagée sans vergogne par la fraudeuse, était vouée à l'échec ; que si Me [G] avait accepté d'introduire cette demande fantaisiste, il aurait engagé sa responsabilité, et en refusant, il a préservé les droits de Mme [C] ; qu'en elle-même, l'introduction d'une telle demande émanant de l'auteure avérée des faux certificats, risquait fortement de décrédibiliser la défense mise en 'uvre par Me [G] et d'indisposer la cour, raison pour laquelle Me [G] a toujours refusé de régulariser cette demande ; qu'en outre, pour qu'un abus puisse être caractérisé dans la constitution de partie civile, il faut que l'action publique ait été mise en mouvement par citation directe de la partie civile ; que l'action publique n'ayant pas été mise en 'uvre par la partie civile, Mme [C] n'avait absolument aucune chance de voir sa demande reconventionnelle accueillie ; que le « mouvement d'humeur de la cour », tel que Mme [C] le qualifie n'est aucunement imputable à Me [G], mais s'explique par le comportement inapproprié de l'ex prévenue à l'audience, puisque celle-ci est intervenue de façon arrogante et vindicative, coupant à maintes reprises, de façon intempestive, la plaidoirie de son avocat en lui intimant de produire des pièces, déjà présentes au dossier qu'elle brandissait avec véhémence ; que la perception de sa personnalité par la cour n'en a pas été améliorée ; qu'aucun des manquements reprochés n'est constitué.

Réponse de la cour

L'avocat est responsable à l'égard de son client des fautes commises dans l'exercice de sa mission, en application de l'article 1231-1 du code civil.

Il incombe à celui qui sollicite la mise en 'uvre de la responsabilité de l'avocat d'établir la preuve d'une faute de celui-ci, d'un préjudice, et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En l'espèce, il résulte du jugement prononcé par le tribunal correctionnel de Paris du 18 décembre 2017 que Mme [C] a été poursuivie pour les faits suivants :

- avoir à [Localité 16], entre le 1er avril 2014 et le 4 avril 2016, par quelque moyen que ce soit altéré frauduleusement la vérité d'un écrit ou de tout autre support de la pensée destiné a établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce en falsi'ant des certificats médicaux et en rédigeant de faux arrêts de travail à l'en-tête du cabinet médical du docteur [H] [T] [U] ;

- avoir à Paris, entre le 1er avril 2014 et le 4 avril 2017, en employant des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en falsi'ant des certificats médicaux, en rédigeant de faux arrêts de travail, puis en transmettant lesdits faux documents afin de percevoir indûment des indemnités journalières au préjudice de la [13] à hauteur de 10 685,64 euros et de bénéficier également d'exonération de charges sociales indues de la part de la caisse nationale du barreau français à hauteur de 24 762,83 euros.

Le jugement a notamment relaté les éléments de l'enquête suivants :

- le docteur [H] qui s'était lié d'amitié avec Mme [C], affirmait qu'il n'avait jamais émis d'arrêt de travail au bénéfice de celle-ci ; il affirmait que Mme [C] lui avait avoué avoir falsi'é les documents à l'en-tête de son cabinet et supposait qu'elle les avait volés dans son bureau où ces documents se trouvaient déjà signés ;

- Mme [C] avait expliqué que le docteur [H] lui avait prescrit ses arrêts de travail par téléphone de sorte qu'elle avait complété les feuille de maladie comportant la signature de son médecin que celui-ci lui avait remis ou avait fait remettre lors de ses nombreuses absences de [Localité 16] et estimait qu'il ne s'agissait pas de faux.

Sur l'action publique, le tribunal correctionnel a relaxé Mme [C] des faits reprochés pour les motifs suivants :

« Il est constant que le faux défini par l'article 441-1 du code pénal nécessite que la falsification concerne la substance même de l'acte (') : dès lors que la falsification ne remet pas en cause l'effet probatoire de l'écrit, l'infraction de faux n'est pas constituée.

Or, en l'espèce

1- Madame [C] a reconnu avoir libellé elle-même les formulaires d'arrêt de travail pré-signés par son médecin, le docteur [H].

2- Cependant, elle a affirmé avoir utilisé ces avis d'arrêt de travail sur instruction du docteur [H] qui lui avait remis des arrêts de travail pré-signés par lui-même, car il se trouvait souvent en Province ou au Vietnam ; elle affirmait également que, pour parer aux conséquences de ses absences, le docteur [H] déléguait à un homonyme de son cabinet le soin de constater les affections de ses clients et de leur remettre les documents pré-signés qu'il revêtait alors du cachet du docteur [H].

3- Pendant toute la durée de la prévention, et aujourd'hui encore, Madame [C] a souffert d'une affection qui justifie des arrêts de travail.

Certes, le docteur [H] a dénié avoir agi tel que Madame [C] l'affirme mais les relations amicales qu'il avait rapidement entretenues de son propre aveu avec cette patiente devenue son amie comme leurs échanges de messages en témoignent, le fait d'organiser son cabinet en constituant des stocks d'ordonnances et d'avis d'arrêts de travail pré-signés comme le démontrent les pièces qu'il a apportées aux enquêtes (cote 5) et le fait qu'il a le 12 août 2016 signé et apposé son cachet en récapitulant les arrêts de travail alloués à sa cliente de janvier à juin 2016 après avoir le 24 octobre 2014 sur un certificat sur son papier à entête signé et tamponné de son cachet également, certifié avoir donné des soins suite à un état dépressif

réactionnel pendant la période du mois d'avril jusqu'au 30 septembre 2014, ce qui démontre qu'il les a bien prescrits, fait douter de la sincérité de son témoignage et accrédite les déclarations de Madame [C].

En conséquence, le doute devant profiter à la prévenue, le tribunal renvoie Madame [C] des fins de la poursuite ».

Sur l'action civile, le tribunal correctionnel a notamment déclaré recevable la constitution de partie civile de la caisse nationale des barreaux français et l'a déboutée de sa demande. Cette partie civile a interjeté appel du jugement en

ses dispositions civiles, étant précisé que le ministère public n'a pas fait appel de la décision de relaxe de Mme [C].

Statuant sur le seul appel de la caisse nationale des barreaux français, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 16 novembre 2020 :

- infirmé le jugement en ce qu'il déboute la Caisse nationale des barreaux français de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

- condamné Mme [C] à payer à la caisse nationale des barreaux français les sommes de :

. 29 442,85 euros d'indemnités journalières indûment perçues par Mme [C] entre le 21 mai 2015 et le 24 août 2016 ;

. 2 846 euros d'exonération de cotisations sociales dont Mme [C] a bénéficié ;

. 2 500 euros d'indemnité représentative des frais et honoraires exposés par la caisse nationale des barreaux français en première instance et en cause d'appel en application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

La cour d'appel de Paris a statué ainsi pour les motifs suivants :

« L'article 1240 du code civil (article 1382 au début des faits de la cause du 1er avril 2014 au 4 avril 2017) dispose que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »

En l'espèce, même si, comme le tribunal l'a retenu, il résulte de son expertise psychiatrique par un praticien hospitalier et du certificat médical de son nouveau médecin traitant, que [S] [C] présentait au moment des faits de la cause une pathologie mentale pouvant parfois justifier des arrêts de travail pour cette maladie, en renseignant elle-même de sa propre main et selon son bon vouloir entre le 1er avril 2014 et le 4 avril 2017 des imprimés déjà signés par le docteur [T] [U] [H] afin de les produire ensuite aux organismes sociaux et notamment à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) des certificats et des arrêts de travail pour cause de maladie qui lui ont permis de percevoir des indemnités journalières ainsi que de bénéficier d'exonérations de contributions sociales tout en continuant par ailleurs à être rémunérée par son activité professionnelle, Mme [S] [C] a commis une faute civile en ce sens que de tels documents médicaux ne peuvent être signés que par un médecin après avoir été renseignés par lui ou à sa demande expresse, et surtout après examen clinique spécifique du sujet.

Par ces nombreuses fautes maintes fois renouvelées selon son bon vouloir entre le 1er avril 2014 et le 4 avril 2017, Mme [S] [C] a causé à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) un préjudice consistant en, d'une part, les indemnités journalières pour cause de maladie indûment versées et, d'autre part, les cotisations sociales dont elle a été injustement exonérée ».

Mme [C] a formé un pourvoi devant la Cour de cassation à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris. Suivant arrêt du 17 novembre 2021, la Cour de cassation a déclaré ce pourvoi non admis et a condamné Mme [C] à payer à la caisse nationale des barreaux français la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

L'appelante souhaite voir engager la responsabilité de son conseil pour avoir commis, devant la chambre des appels correctionnels, des fautes ayant conduit à l'infirmation du jugement du tribunal correctionnel en ses dispositions civiles et à sa condamnation au paiement de sommes au profit de la caisse nationale des barreaux français.

Si Me [G] a communiqué des pièces comportant des échanges avec Mme [C], ou avec la caisse nationale des barreaux français, il y a lieu de constater que la nature du litige mettant en cause sa responsabilité professionnelle le contraignait à produire de telles pièces de nature à éclairer la juridiction sur l'appréciation d'une faute éventuelle. Il n'y a donc pas lieu d'écarter les pièces n° 1 et n° 13 des intimés au titre d'une prétendue violation du secret professionnel.

L'audience devant la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris s'étant déroulée le 5 octobre 2020, les moyens et pièces des parties portant sur l'audience du 22 janvier 2020, à l'issue de laquelle l'affaire a été renvoyée pour cause de grève des avocats sont inopérants. Devant la cour, M. [G] ne conteste pas avoir assisté Mme [C] lors de l'audience du 5 octobre 2020, ainsi qu'il résulte des mentions de l'arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris. Aucune faute de M. [G] en lien avec l'infirmation du jugement du tribunal correctionnel ne peut être retenue au titre de l'audience du 22 janvier 2020.

S'agissant du devoir d'information et de conseil, il convient de constater que Mme [C], exerçant la profession d'avocate, avait connaissance que l'appel formé par la caisse nationale des barreaux français pouvait conduire à l'infirmation du jugement en ses dispositions civiles, de sorte qu'elle avait mandaté Me [G] pour faire rejeter les demandes de la partie civile. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que Me [G] aurait manqué à son devoir d'information et de conseil quant au risque d'infirmation du jugement.

L'appelante reproche à son conseil de ne pas avoir déposé de conclusions écrites devant la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris. Cependant, l'article 459 du code de procédure pénale énonce que le prévenu, les autres parties et leurs avocats peuvent déposer des conclusions, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une obligation. Aucune faute ne peut donc être retenue à l'encontre de Me [G] à ce titre. Pour l'appréciation de la faute commise par l'avocat, il ne s'agit donc pas de s'intéresser à la forme des moyens développés devant la cour d'appel de Paris, mais de déterminer s'il s'est abstenu de soulever des moyens ou de déposer des pièces qui auraient pu permettre à ladite juridiction d'avoir une autre appréciation sur l'existence d'une faute civile de Mme [C].

Mme [C] avait établi un projet de conclusions qu'elle avait remis à Me [G] en vue de l'audience du 5 octobre 2020. Si son conseil était libre, dans le cadre de l'indépendance caractérisant sa profession, de ne pas reprendre à son compte les conclusions établies par sa cliente, il convient d'examiner si ce document préparatoire ne comportait pas des moyens pertinents qui auraient pu permettre à la cour d'appel de Paris de confirmer le jugement en ses dispositions civiles.

Dans son projet de conclusions, Mme [C] invoquait l'absence d'élément matériel et intentionnel de l'infraction et il résulte des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel de Paris que le conseil de Mme [C] avait sollicité le rejet des demandes de la partie civile en raison de sa relaxe.

Ainsi qu'il a été précédemment exposé, la cour d'appel de Paris ne pouvait pas remettre en cause les dispositions pénales, mais devait s'attacher, comme elle l'a fait, à vérifier l'existence d'une faute civile résultant des faits objets des poursuites. L'absence de caractérisation des éléments matériel et intentionnel des infractions de faux et d'escroquerie n'impliquait pas l'absence de faute civile qui s'appréciait à partir des faits objets de la poursuite, indépendamment des éléments constitutifs des infractions pénales pour lesquelles Mme [C] était poursuivie et a été relaxée. Mme [C] reproche donc vainement à son avocat de n'avoir pas fait valoir devant la cour l'absence de faux et l'absence d'intention frauduleuse, ces moyens étant inopérants. Seuls étaient en effet pertinents, pour voir confirmer le jugement en ses dispositions civiles, les moyens relatifs à la caractérisation d'une faute civile. Aucune faute ne peut donc être reprochée à Me [G] à ce titre.

L'appelante reproche encore à son conseil de ne pas avoir soulevé l'irrecevabilité de la demande de la partie civile, motif pris de ce qu'elle ne pouvait pas présenter une demande de restitution de sommes indûment perçues sur un fondement sans rapport avec les délits objet des poursuites ni même avec les faits concernés.

Il convient de rappeler que s'il est établi que, saisi du seul appel d'un jugement de relaxe formé par la partie civile, le juge répressif ne peut rechercher si les faits qui lui sont déférés constituent une infraction pénale sans méconnaître le principe de la présomption d'innocence, l'autorité de la chose jugée attachée aux dispositions relatives à l'action publique ne fait pas

obstacle au droit pour la partie civile, seule appelante d'une décision de relaxe, d'obtenir réparation de son préjudice résultant directement d'une faute civile démontrée, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (Crim., 5 février 2014, pourvoi n° 12-80.154, Bull. crim. 2014, n° 35 ; Crim., 7 mars 2017, pourvoi n° 15-85.971).

Il s'ensuit que Mme [C] est mal-fondée à invoquer le fait que l'autorité de chose jugée attachée aux dispositions pénales du jugement aurait dû conduire à la confirmation de ses dispositions civiles. Il ne résulte d'ailleurs pas de la motivation de l'arrêt de la chambre des appels correctionnels qu'elle ait entendu remettre en cause la relaxe prononcée sur les dispositions pénales, qui étaient devenues irrévocables en l'absence d'appel du ministère public, la juridiction s'étant uniquement prononcée, ainsi qu'il lui appartenait de le faire, sur l'existence d'une faute civile à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite.

L'appelante considère également que son conseil n'a pas suffisamment appuyé sur l'absence de faute civile et de préjudice de la caisse nationale des barreaux français. Toutefois, il convient de constater que l'arrêt de la chambre des appels correctionnels mentionne que Mme [C] s'est prévalue de l'absence de faute civile de sa part et de l'absence de préjudice pour les parties civiles. Mme [C] était en effet comparante devant la cour d'appel de sorte qu'elle a également pu faire valoir les éléments qu'elle souhaitait pour convaincre la cour de l'absence de faute civile commise par elle et de l'absence de préjudice de la partie civile.

Sur l'existence de la faute civile, Mme [C] considère que son conseil n'a pas justifié devant la cour d'appel de Paris du fait qu'elle avait effectivement souffert d'une affection durant toute la durée des arrêts de travail. Or, la chambre des appels correctionnels a bien examiné cette affirmation, et a donc consulté les pièces afférentes, car elle a retenu l'existence d'une faute civile en précisant « même si, comme le tribunal l'a retenu, il résulte de son expertise psychiatrique par un praticien hospitalier et du certificat médical de son nouveau médecin traitant, que [S] [C] présentait au moment des faits de la cause une pathologie mentale pouvant parfois justifier des arrêts de travail pour de cette maladie ».

Ainsi, le fait qu'elle ait été effectivement malade n'est pas de nature à enlever aux faits qu'elle a commis leur caractère de faute civile, laquelle consiste dans le fait d'avoir elle-même rempli en ce compris les informations d'ordre médical, Aucune faute ne peut donc être reprochée à Me [G] à ce titre.

Si Mme [C] soutient que la demande de restitution de sommes indûment perçues a été formée sur un fondement sans rapport avec les délits objet des poursuites ni même avec les faits concernés, cette allégation n'est pas établie. En effet, la cour d'appel de Paris s'est fondée sur les propres déclarations de Mme [C] au cours de l'enquête, aux termes desquelles elle a reconnu avoir rempli elle-même les arrêts de travail qui avaient été préalablement signés par le docteur [H], et c'est ce comportement qui avait été visé par la prévention des faits sous la qualification de faux et d'escroquerie. La demande de la partie civile était donc fondée sur une faute civile fondée sur les faits qui faisaient l' objet de la prévention pénale.

L'appelante critique également son conseil en ce qu'il n'a pas développé le fait que les documents médicaux en cause ont été établis en accord avec le médecin et sous sa supervision. Toutefois, ll résulte de la motivation de l'arrêt de la chambre des appels correctionnels que la cour d'appel de Paris a répondu à ce moyen en considérant que « Mme [S] [C] a commis une faute civile en ce sens que de tels documents médicaux ne peuvent être signés que par un médecin après avoir été renseignés par lui ou à sa demande expresse, et surtout après examen clinique spécifique du sujet ».

Il est en effet établi que la cour d'appel disposait des procès-verbaux d'enquête qui faisaient état des déclarations de Mme [C] sur le fait qu'elle avait rempli les arrêts de travail en accord et sous la supervision d'un médecin, et du jugement du tribunal correctionnel devant lequel ce moyen avait été débattu. Le fait que Me [G] n'ait pas repris ces éléments devant la juridictin d'appel est dès lors sans incidence sur la décision rendue par la cour d'appel, qui en avait connaissance, puisque ce moyen n'était pas de nature à modifier l'appréciation de la cour, d'autant plus qu'il résulte expressément des formulaires Cerfa d'arrêt de travail joints à l'enquête pénale que les renseignements médicaux doivent être constatés, remplis et attestés par le praticien de santé et non par l'assuré.

Le formulaire Cerfa est en effet ainsi rédigé, dans sa partie relative aux éléments médicaux :

« Je, soussigné(e) certifie avoir examiné (nom et prénom) :

et prescrit un arrêt de travail jusqu'au (en toutes lettres) :

[']

sorties autorisées de '' heures à '.. heures à partir du

reprise à temps partiel pour raison médicale à partir du

date

signature du praticien

identification du praticien et le cas échéant de l'établissement »

Mme [C] ayant rempli elle-même les renseignements médicaux en lieu et place du médecin, elle a commis une faute civile dont elle ne pouvait s'exonérer en invoquant l'accord du médecin qui n'a pas pu procéder à l'examen de l'intéressée, ni même vérifier les données inscrites à sa place par l'assurée. Il s'ensuit que Me [G] n'a commis aucune faute en n'invoquant pas à nouveau devant la cour l'accord du docteur [H] pour l'établissement des formulaires d'arrêt de travail litigieux, dans la mesure où ce moyen était inopérant pour convaincre la cour d'appel de Paris de l'absence d'une faute civile de sa Mme [C].

La faute civile étant établie indépendamment du fait que Mme [C] aurait perçu des honoraires pendant les arrêts de travail, que la cour d'appel de Paris a interprété comme étant l'exercice de l'activité professionnelle durant les arrêts de travail, le fait que Me [G] n'ai pas soulevé de moyen sur cette question n'est pas constitutif d'une faute puisque ce moyen était sans incidence sur la caractérisation d'une faute civile.

L'appelante invoque pour les mêmes motifs le fait que n'aurait pas été soulevée devant la cour l'absence de préjudice de la caisse nationale des barreaux français. Or, il résulte au contraire des énonciations des arrêts de la chambre des appels correctionnels que l'absence de préjudice de la partie civile a été soulevé devant la cour. Surtout, il est établi que Mme [C] a bénéficié de prestations et d'exonérations de cotisations de la part de la caisse nationale des barreaux français sur le fondement de renseignements médicaux qu'elle a elle-même remplis au lieu et place d'un praticien de santé, de sorte que le fait générateur des prestations procède bien d'une faute civile commise par Mme [C], quand bien même elle était affectée d'une maladie susceptible de justifier des arrêts de travail qu'il lui appartenait de faire prescrire de manière régulière et personnelle par un médecin après un examen effectif. Les pièces médicales établies a posteriori afin de démontrer qu'elle souffrait d'une affection pendant la période d'arrêt de travail ne sont pas de nature à enlever aux faits qu'elle a commis leur caractère de faute civile, en ce qu'ils ont conduit au versement des prestations sur la foi d'un document non renseigné par un médecin et d'informations médicales non fournies par un médecin. La caisse nationale des barreaux français a donc souffert d'un préjudice direct et personnel découlant des faits de la poursuite, de sorte que Me [G] ne pouvait pas développer de moyens supplémentaires propres à contredire l'existence de ce dommage.

La caisse nationale des barreaux français était donc fondée à solliciter la restitution des prestations versées sur le fondement des formulaires d'arrêt de travail remplis par Mme [C], ainsi que des exonérations de cotisation accordées. Mme [C] n'est en effet pas fondée à arguer du caractère définitif des exonérations accordées par la commission de la caisse nationale des barreaux français dont la décision favorable reposait sur les arrêts de travail remplis fautivement par l'assurée.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Me [G] n'a pas commis de fautes qui auraient fait perdre à Mme [C] une chance de voir le jugement du tribunal correctionnel confirmé en ses dispositions civiles ou de voir déclarer absusive la constitution de partie civile de la caisse nationale des barreaux.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes.

II- Sur les frais de procédure

Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

Mme [C] sera condamnée aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Il y a également lieu de la condamner à verser aux sociétés [14] et [15] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT :

CONDAMNE Mme [C] aux entiers dépens d'appel ;

AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE Mme [C] à payer aux sociétés [14] et [15] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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