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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 11 mars 2025, n° 23/00039

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

LM-AN Ouest (EURL)

Défendeur :

Lm-an Ouest (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Vice-président :

M. Pothier

Conseiller :

Mme Pichon

Avocats :

Me Nadreau, Me Baron

TJ Saint-Brieuc, du 23 janv. 2020, n° 20…

23 janvier 2020

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant bon de commande du 19 avril 2018 et facture du 5 mai 2018, Mme [G] [O] a, moyennant le prix de 10 990 euros TTC, acquis auprès de l'EURL LM-AN Ouest un véhicule d'occasion de marque BMW modèle X5 (E53), mis en circulation en juin 2004, et affichant un kilométrage garanti de 142 157 km.

Se plaignant principalement de dysfonctionnements affectant la boîte de vitesses, Mme [O] a fait réaliser les 17 décembre 2018 et 14 novembre 2019 deux expertises extrajudiciaires au contradictoire de l'EURL LM-AN Ouest relevant un certain nombre de désordres, en particulier la boîte de vitesses qui se mettait en défaut.

Puis elle a, par acte du 3 juin 2020, fait assigner l'EURL LM-AN Ouest devant le tribunal judiciaire de Saint-Malo en résolution de la vente sur le fondement de la garantie légale de conformité des articles L. 217-1 et suivants du code de la consommation, restitution du prix et paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 5 décembre 2022, le tribunal judiciaire a :

prononcé la résolution du contrat de vente du véhicule BMW X5 (E53) immatriculé [Immatriculation 3], intervenue le 5 mai 2018, entre la société LM-AN Ouest et Mme [G] [O],

condamné la société LM-AN Ouest à verser à Mme [G] [O] la somme en principal de 10 990 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2020,

condamné Mme [G] [O] à restituer à la société LM-AN Ouest le véhicule BMW X5 (E53) immatriculé [Immatriculation 3],

condamné la société LM-AN Ouest à verser à Mme [G] [O] la somme de 195,08 euros à titre de dommages et intérêts,

débouté Mme [G] [O] de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice de jouissance,

débouté la société LM-AN Ouest de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société LM-AN Ouest à verser à Mme [G] [O] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société LM-AN Ouest aux dépens,

constaté que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

L'EURL LM-AN Ouest a relevé appel de ce jugement le 3 janvier 2023.

Par ordonnance du 14 mars 2023, le premier président a :

rejeté les demandes d'arrêt de l'exécution provisoire et de consignation présentées par la société LM-AN Ouest,

condamné la société LM-AN Ouest aux dépens,

condamné la société LM-AN Ouest à payer à Mme [G] [O] une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions du 27 février 2024, l'EURL LM-AN Ouest demande à la cour de réformer le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a débouté Mme [O] sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice de jouissance, et de :

juger non fondée Mme [O] en sa demande en résolution de la vente du véhicule BMW immatriculé [Immatriculation 3], tant du chef de la garantie légale de conformité que du chef de la garantie des vices cachés,

En conséquence,

la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

réduire la demande indemnitaire à de plus justes proportions,

condamner Mme [O] à payer à la société LM-AN Ouest la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

En l'état de ses dernières conclusions du 14 juin 2023, Mme [G] [O] conclut à la confirmation du jugement attaqué, et demande à la cour de condamner la société LM-AN Ouest à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 décembre 2024.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

L'EURL LM-AN Ouest fait grief au jugement d'avoir appliqué la présomption de l'article L. 217-7 du code de la consommation, alors que Mme [O] n'aurait pas revendiqué le bénéfice de cette présomption, puisqu'elle n'établirait pas avoir été confrontée à un défaut de conformité dans les six mois de la vente, soit entre le 5 mai et 5 novembre 2018, n'étant produit à l'intérieur de ce délai aucun élément, sinon deux factures, dont les constatations ne sont pas contradictoires, de sorte qu'il ne serait pas établi de façon certaine qu'aux deux dates considérées, les 17 mai et 2 août 2018, les défauts justifiant les devis établis par les concessionnaires seraient effectivement survenus.

Elle soutient, qu'à supposer même que les défauts allégués puissent être présumés comme survenus dans le délai d'épreuve de six mois, Mme [O] ne rapporterait pas la preuve, dont elle a la charge, de la réalité des défauts en l'absence de toute expertise contradictoire, dans les six mois de son acquisition.

Mme [O] qui sollicite la résolution de la vente, ainsi que le paiement de dommages-intérêts, exerce l'action régie par les articles L. 217-1 à L. 217-23 anciens du code de la consommation applicables à la cause, relative à la garantie légale de conformité.

Il n'est à cet égard pas discuté que l'EUR LM-AN Ouest est un vendeur professionnel et que Mme [O] a la qualité de consommatrice, de sorte que ces dispositions ont vocation à s'appliquer.

Or, en application des articles L. 217-4 et suivants, dans leur rédaction en vigueur au moment du contrat, le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance, le bien vendu devant, pour être conforme, être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable.

En outre, l'article L. 217-7 dans sa rédaction applicable à la cause édicte une présomption d'antériorité du défaut apparu à la vente, dès lors que celui-ci est apparu dans les six mois de la délivrance du bien, cette présomption simple pouvant être renversée par la preuve contraire.

Il incombe donc à l'acheteur qui demande l'application des dispositions des articles L. 217-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause, de rapporter la preuve de l'existence d'un défaut de conformité du bien, et, si ce défaut de conformité est révélé dans les six mois de la délivrance du bien, il est présumé avoir existé au jour de celle-ci.

En l'occurrence, Mme [O] produit au soutien de ses prétentions des factures établies suite à la réalisation d'un test et diagnostic sur le véhicule par le garage Le Cunff automobiles, concessionnaire BMW, les 17 mai et 2 août 2018, justifiant d'un contrôle de la liste des mémoires de défauts faisant état notamment de :

DSC : boîte de transfert : température,

commande de BV : défaut de communication : PT-CAN,

message de la boîte de transfert (VTG) absent, destinataire ESG, émetteur VTG.

Elle produit également un devis établi par ce même garage, le 24 août 2018, de remplacement de la boîte de vitesses pour un montant de 7 439,68 euros TTC.

Pour combattre la présomption d'antériorité du vice de l'article L. 217-7, l'EURL LM-AN Ouest se borne à soutenir que les constatations opérées ne seraient pas contradictoires et qu'il ne serait pas établi de façon certaine qu'aux deux dates considérées, les 17 mai et 2 août 2018, les défauts justifiant les devis établis par les concessionnaires seraient effectivement survenus.

Ce moyen est cependant inopérant, dès lors que les défauts de la boîte de vitesses, qui rendaient le véhicule impropre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable, étant apparus dans un délai de six mois à partir de la délivrance du véhicule, il en résulte que, en l'absence de preuve contraire, le défaut constaté était présumé exister au moment de la délivrance.

L 'EURL LM-AN Ouest, en sa qualité de vendeur professionnel, ne produit en effet aucun élément technique permettant de combattre cette présomption.

D'autre part, il est de principe que la présomption édictée par l'article L. 217-7 ancien porte uniquement sur la date de survenance du défaut de conformité, et non sur l'existence du défaut lui-même.

En l'occurrence, Mme [O] produit au soutien de ses prétentions deux procès-verbaux d'expertise extrajudiciaires réalisés les 17 décembre 2018 et 14 novembre 2019 par l'expert d'assurance de Mme [O] au contradictoire de l'EURL LM-AN Ouest, laquelle était représentée par son propre expert M. [B].

Il est cependant de principe que cette seule expertise extrajudiciaire produite par Mme [O] ne saurait suffire à prouver le bien fondé de ses prétentions si l'avis de cet expert n'est pas corroboré par d'autres éléments de preuve.

Si le procès-verbal établi à l'issue de la réunion d'expertise du 17 décembre 2018 mentionne l'absence de 'défaut constaté sur la boîte de vitesses (chaude) sur tous les modes' après un essai sur 15 kilomètres, il a néanmoins été convenu d'un rendez-vous pour procéder à un essai à froid sur la boîte de vitesses, et l'expert a conclu le 14 novembre 2019, après un essai réalisé à froid sur le véhicule le 21 janvier 2019, à un défaut de la boîte de vitesses en relevant les éléments suivants :

'- Après essai au bout de 5 kms, allumage alerte PROG.SECUR.BTE.VIT et voyant frein et ABS s'allume, rapport reste bloqué sur son rapport,

- impossible de descendre une vitesse même en mode séquentiel,

- après reprise contact, plus de défaut,

- nouvel essai et allumage à nouveau du voyant,

- après roulage et mise en température après deuxième barre, et contact éteint puis rallumé, plus de défaut.'

Il est précisé, s'agissant du coût de remise en état 'à voir après essai de reprogrammation et vidange BV et mise à jour logiciel mais certainement BV HS'.

Ces constatations matérielles n'ont du reste pas été discutées par M. [B], expert mandaté par l'EURL LM-AN Ouest, qui a signé les procès-verbaux et n'a rédigé aucun avis postérieur contraire.

Ces constatations sont en outre corroborées par les factures émises suite à la réalisation d'un test et diagnostic sur le véhicule par le garage Le Cunff automobiles, concessionnaire BMW, les 17 mai et 2 août 2018, justifiant d'un contrôle de la liste des mémoires de défauts faisant état notamment de :

DSC : boîte de transfert : température,

commande de BV : défaut de communication : PT-CAN,

message de la boîte de transfert (VTG) absent, destinataire ESG, émetteur VTG.

Il est à cet égard pas anodin de constater que les courriers transmis par Mme [O] à la société LM-AN Ouest en juillet 2018, soit moins de trois mois après la vente, décrivent précisément les mêmes défaut que celui qui sera constaté en novembre 2019 par les experts, à savoir les voyants qui s'allument après peu de temps de route et la nécessité pour le conducteur d'éteindre le moteur et de patienter avant de pouvoir reprendre la route.

En outre, la défaillance de la boîte de vitesses, quand bien même il s'agit d'un véhicule d'occasion, ne peut être assimilée comme étant la conséquence d'un phénomène normal d'usure, alors qu'il s'agit d'un élément essentiel à l'usage d'un véhicule, qui a fait du reste l'objet d'une garantie contractuelle de trois mois par le vendeur, au même titre que les autres éléments que constituent le moteur et le pont.

C'est donc à juste titre que le premier juge a estimé qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, que l'existence d'un défaut lié à la boîte de vitesses était démontrée, ce défaut, comme l'a révélé l'essai réalisé à froid lors de la seconde réunion d'expertise rendant le véhicule impropre à l'usage habituellement attendu d'un tel bien, en ce qu'il nécessite, au minimum, à froid, d'éteindre le moteur et de le rallumer pour que le véhicule puisse fonctionner.

S'agissant de l'éventuelle connaissance par l'acheteur de ce défaut de conformité, c'est par d'exacts motifs que le premier juge a estimé que l'évocation de ce défaut majeur au cours de l'essai du véhicule, est insuffisante pour démontrer que l'acquéreur, profane en matière de vente automobile, avait connaissance au jour de la vente, que ce défaut perdurerait et surtout qu'il n'y avait pas été remédié avant la livraison du véhicule.

C'est donc à juste titre que le premier juge a prononcé la résolution de la vente et ordonné en conséquence les restitutions réciproques du véhicule et de son prix en application de l'article L. 217-10 ancien du code de la consommation, le vendeur n'ayant en tout état de cause pas proposé la possibilité d'une réparation ou d'un remplacement du véhicule.

L'appelante demande à titre subsidiaire la réduction de la demande indemnitaire, mais cette demande est inopérante dès lors que la résolution de la vente emporte pour conséquence la remise des parties en leur état antérieur, à savoir la restitution du véhicule et de son prix, et qu'en vertu des dispositions de l'article L. 217-11 ancien, l'application des dispositions des articles L. 217-9 et L. 217-10 a lieu sans aucun frais pour l'acheteur.

Par ailleurs, le consommateur a droit à des dommages-intérêts s'il subit un préjudice et ne doit supporter aucun frais.

C'est dès lors à juste titre que le premier juge a condamné l'EURL LM-AN Ouest à verser à Mme [O] la somme de 195,08 euros, à titre de dommages-intérêts en remboursement des frais de diagnostic, en lien direct avec l'inexécution du contrat.

En revanche, Mme [O] ne demande pas la réformation du jugement l'ayant débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance, ce dont la cour prend acte.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles étaient justifiées et seront maintenues.

Il convient donc de confirmer en tous points le jugement attaqué.

L'EURL LM-AN Ouest, qui succombe en appel, supportera les dépens exposés devant la cour.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de Mme [O] l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 5 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Saint-Malo ;

Condamne l'EURL LM-AN Ouest à payer à Mme [G] [O] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'EURL LM-AN Ouest aux dépens d'appel ;

Accorde à l'avocat de Mme [G] [O] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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